Après avoir examiné les deux impasses du rationalisme et du fidéisme, on peut aussi remarquer qu’autant historiquement que personnellement, on peut passer facilement d’un extrême à l’autre. Par exemple, je connais des personnes qui avait une approche plutôt rationnelles et qui, après quelques études théologiques, se sont réfugiées dans le fidéisme parce qu’elles ne parvenaient pas à rationnaliser tous le contenue proposé. À l’inverse, il arrive aussi qu’un croyant qui, souvent suite à une confrontation au sujet de sa foi, se mette à la recherche de ses raisons de croire et sombre dans le rationaliste en essayant de tout vouloir comprendre et résoudre tous les mystères divins.

En guise de solution, nous devons alors admettre que la foi n’est ni rationnelle ni irrationnel, mais qu’elle est plutôt transrationnelle (pour emprunter l’expression de Mgr Léonard). Une foi transrationnelle, c’est une foi qui, tout en gardant un lien avec la raison, sait aussi faire confiance en la Révélation. Comme le disant le Cardinal Barbarin au JMJ de 2005 : "Nous ne croyons pas pour des raisons, mais nous avons nos raisons de croire". La foi transrationnelle s’appuie donc sur la raison mais sans pour autant l’écraser.

Voici deux citations qui proposent un rapport saint entre foi et raison :
Lorsque la raison, éclairée par la foi, cherche avec soin, piété et modération, elle arrive par le don de Dieu à une certaine intelligence très fructueuse des mystères, soit grâce à l’analogie avec les choses qu’elle connaît naturellement, soit grâce aux liens qui relient les mystères entre eux et avec la fin dernière de l’homme ; jamais toutefois elle n’est rendue capable de les pénétrer de la même manière que les vérités qui constituent son objet propre. Car les mystères divins, par leur nature même, dépassent tellement l’intelligence créée que, même transmis par la révélation et reçus par la foi, ils demeurent encore recouverts du voile de la foi, et comme enveloppés dans une certaine obscurité, aussi longtemps que, dans cette vie mortelle, nous cheminons loin du Seigneur, car c’est dans la foi que nous marchons et non dans la vision. Mais, bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre la foi et la raison, étant donné que c’est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, et qui a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison : Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai. Cette vaine apparence de contradiction vient surtout de ce que les dogmes de la foi n’ont pas été compris et exposés selon l’esprit de l’Église, ou bien lorsque l’on prend des opinions fausses pour des conclusions de la raison. Nous définissons donc que toute affirmation contraire à la Vérité attestée par la foi éclairée est absolument fausse. (Concile du Vatican I, Dei Filius)
Cela n'enlève rien au fait que le rapport actuel entre foi et raison demande un effort attentif de discernement, parce que la raison et la foi se sont toutes deux appauvries et se sont affaiblies l'une en face de l'autre. La raison, privée de l'apport de la Révélation, a pris des sentiers latéraux qui risquent de lui faire perdre de vue son but final. La foi, privée de la raison, a mis l'accent sur le sentiment et l'expérience, en courant le risque de ne plus être une proposition universelle. Il est illusoire de penser que la foi, face à une raison faible, puisse avoir une force plus grande; au contraire, elle tombe dans le grand danger d'être réduite à un mythe ou à une superstition. De la même manière, une raison qui n'a plus une foi adulte en face d'elle n'est pas incitée à s'intéresser à la nouveauté et à la radicalité de l'être. (Jean-Paul II, Fides et Ratio)
On peut voir que l’approche  qui est enseignée par l’Église se situe au centre des deux impasses du rationalisme et du fidéisme. Il revient aussi à chaque croyant d’y trouver un certain équilibre qui lui sera propre tout en sachant éviter ces impasses. Certain vont avoir besoin de plus de substance rationnelle tandis que d’autre trouveront que tout cet intellectualisme les éloigne de l’expérience réelle de Dieu qui nous dépasse.

Lorsque je regarde les gens de ma génération qui m’entourent et leur attitude en rapport avec la foi (sans nécessairement être croyant eux-mêmes), il y a une chose que j’ai souvent remarquée. Ils passent successivement dans ces deux impasses du rationalisme et du fidéisme et ils ont de la difficulté à demeurer équilibrés. Je crois que cette réaction vient surtout d’une certaine ignorance religieuse surtout au niveau des raisons de croire (ou apologétique). Étant ignorant qu’il existe des raisons de croire, ils sont alors condamnés au fidéisme. Un peu plus tard, lorsqu’ils vont tenter d’interroger leur foi avec leur raison, s’ils n’ont toujours pas reçu d’enseignement solide en ce qui concerne les raisons de croire, ils vont tenter de le faire en utilisant la vision souvent rationaliste et naturaliste reçue par leur éducation et opter pour une vision rationaliste. Finalement, on peut se rendre compte qu’une partie importante d’entre eux, devant la précarité spirituelle de ses deux positions, vont tout simplement devenir agnostique ou athée.

Si vous avez trouvé dans votre vie un certain équilibre sur cette question, vous êtes invité à partager votre solution avec les autres via commentaire.

Pour définir le fidéisme, on pourrait dire que c’est l’opposé du rationalisme. C’est le refus de confronter les données de la foi à la raison, comme si la foi ne reposait sur rien de rationnel et n’aurait rien à se faire justifier par la raison. La foi devient simplement une conviction personnelle que j’adopte parce que je veux bien l’adopter. Elle relèverait donc plus d’un volontarisme que d’une réalité à laquelle je devrais me plier. Une personne fidéiste refusera souvent de discuter des raisons pour laquelle elle croit, car elle a volontairement amputée la dimension rationnelle de sa foi. Elle se contentera de vous répondre une petite maxime du genre « Je crois parce que j’y crois », « la foi est une affaire personnelle », « vous n’avez pas vécu ce que j’ai vécu », etc.

Pour donner un exemple d’une vision fidéiste, je vais citer Martin Luther, une figure importante de la réforme protestante : «La raison, c'est la plus grande putain du diable ... qu'on devrait fouler aux pieds et détruire, elle et sa sagesse. Jette-lui de l'ordure au visage pour la rendre laide. Elle est et doit être noyée dans le baptême. Elle mériterait, l'abominable, qu'on la relègue dans le plus dégoûtant lieu de la maison, aux cabinets»*. Je ne veux pas dire par là que tous les chrétiens protestants ont nécessairement une approche fidéiste, mais je crois que cette phrase, malgré son langage vulgaire, représente bien cette position.

Pourquoi le fidéisme est-il aussi une impasse ? Parce que la foi n’a alors aucune base solide pour s’appuyer. La foi est considérée alors comme une affaire d’expérience et de sentiment personnelle. Comme la foi ne s’appuie sur rien de raisonnable, elle a de la difficulté à se communiquer à d’autres personnes et, devant cette absence de raisons, peut ensuite pousser les autres au relativisme ou à l’indifférence religieuse. Pour la personne elle-même, lorsque les bons sentiments ne sont plus ressentis et que les confrontations arrivent (croyez-moi elles arriveront tôt ou tard), on peut alors être tenté de les fuir et de se replier ou même de laisser tomber la révélation du Christ. Ce n’est pas pour rien qu’on peut lire dans la première lettre de Pierre : «Au contraire, sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous».

Selon notre personnalité, certaines personnes sont plus naturellement portées vers l’une ou l’autre des ces impasses. Dans le prochain article, je vais tenter de d’expliquer comment on peut éviter ces deux extrêmes.

* La philosophie du droit de Martin Luther, Tome IV, p. 142

Commençons d’abord par définir ce qu’est le rationalisme. Le rationalisme se défini par une attitude qui, à priori, établi que Dieu ne peut pas exister, se révéler ou agir de la façon présenté par la religion. Dans sa forme la plus radicale, le rationalisme refusera tout élément surnaturel ou toute vérité qui ne se pliera pas à la raison humaine. Par exemple, une personne rationaliste pourrait lire les évangiles en tentant d’y expliquer tous les miracles opérés par Jésus de façon purement naturelle ou psychologique. Elle pourrait même tenter de lire la Bible en ignorant les passages qui contiennent des miracles. Ce que je viens de décrire doit rappeler à certains la démarche de plusieurs penseurs de l’époque des «Lumières». Comme par exemple, qui n’a pas entendu des exégètes expliquer le miracle de la multiplication des pains et des poissons par le fait que la foule aurait tout simplement partagé leur nourriture entre eux. Vous savez, cette miche de pain et ce poisson que l’on traine toujours dans sa poche, au cas ou…

Dans une approche un peu plus modérée le rationaliste sera plus intéressé à réutiliser des notions contenues dans les Évangiles, mais en les interprétants dans le champ de la raison. Ce qui les réduiront à une idéologie ou comme on aurait dit dans les temps plus ancien, à une certaine gnose (connaissance supérieure). Par exemple, plutôt que d’interpréter  ce contenu dans la règle ecclésiale (Écritures, Tradition et magistère), il va plutôt tenter de récupérer ce qui « fonctionne » avec son idéologie (que ce soit le marxisme, le syndicalisme, le pacifisme…) et tout simplement ignorer le reste qui lui plait moins ou s’oppose à son idéologie.

On peut retrouver bien des exemples de principes rationalistes qui ont été condamnés dans le syllabus du pape Pie IX en 1864:
  • §I, III : La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l'unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal : elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à procurer le bien des hommes et des peuples.
  • §I, IV : Toutes les vérités de la religion découlent de la force native de la raison humaine ; d'où il suit que la raison est la règle souveraine d'après laquelle l'homme peut et doit acquérir la connaissance de toutes les vérités de toute espèce.
  • §I, V : La révélation divine est imparfaite, et par conséquent sujette à un progrès continuel et indéfini correspondant au développement de la raison humaine.
  • §I, VI : La foi du Christ est en opposition avec la raison humaine, et la révélation divine non seulement ne sert de rien, mais encore elle nuit à la perfection de l'homme.
  • §I, VII : Les prophéties et les miracles racontés dans les saintes Écritures sont des fictions poétiques, et les mystères de la foi chrétienne sont le résumé d'investigations philosophiques ; dans les livres des deux Testaments sont contenues des inventions mythiques, et Jésus-Christ lui-même est un mythe.
Quel est le problème du rationalisme qui mérite que je le définisse comme une impasse ? Le problème du rationalisme est, si seulement il permet à la divinité d’exister (déisme), qu’il l’enferme dans une mesure purement humaine et souvent naturelle. Dieu alors ne peut même plus être Dieu, il devient humain ou en est réduit à se confondre avec la nature. Ce qui résulte qu'au bout du compte, en ramenant Dieu à la mesure de l'homme, l'homme devient Dieu.

Est-ce que cela veut dire que le chrétien ne doit pas faire aucune place à la raison ? Absolument pas. Avant de tenter de définir une place convenable à la raison, j’aimerais, dans le prochain article, parler de l’autre impasse qui se trouve à son opposé : le fidéisme.

Le rapport entre la foi et la raison a toujours été présent dans l’histoire du christianisme. Tout chrétien sérieux arrive à des moments où il se remet en question et se demande la place qu’il devrait accorder à la raison et à la foi. Est-ce que la foi doit se placer au dessus de la raison ? Le contenu de la foi doit-il absolument être raisonnable ? Ou alors doit-on cesser de raisonner et se contenter de croire ? Y a-t-il un moyen de croire tout en demeurant raisonnable ?

Je ne vais pas prétendre pourvoir répondre de manière absolue à toutes ces questions dans les prochains articles. Je crois qu’il revient à chaque personne de trouver dans sa vie le point où il juge qu’il est arrivé à une saine relation entre la foi et sa raison. Certaines personnes font plus facilement confiance et d’autre ont besoin de plus de raisons pour croire.

Ce que je veux présenter dans les prochains articles, ce sont les deux impasses à éviter en ce qui concerne le rapport entre la foi et la raison. Je les appelle des impasses, parce je ne crois pas qu’elles sont des positions saines pour une vie chrétienne enrichissante et épanouissante. De plus, chacune à leur façon, elles privent l'être humain d'une des facettes importantes de son être.

Voici les deux impasses :
-         Le rationalisme
-         Le fidéisme

Dans le prochain article, nous débuterons avec une réflexion sur le rationalisme.
Luc  2, 1-14


En ces jours-là, parut un édit de l'empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre - Ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. - Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d'origine. Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. 

On peut faire un beau parallèle du nom de Bethléem, qui signifie « la maison du pain », avec le discours du pain de vie de Jean chapitre 6. Jésus vient donc au monde dans la ville du pain, déposé dans une mangeoire (où l’on place la nourriture) et nous fait ce beau discours sur le pain de vie. Comment peut-on donc ne pas y voir une grande fresque du mystère eucharistique ? Saint Grégoire le grand avait déjà fait un commentaire semblable dans une homélie :
Bethléem signifie « la maison du pain. » C'est lui qui a dit : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. » A l’avance, le lieu où le Sauveur devait naître s'appelait « la maison du pain », parce que c'était là que devait apparaître dans la chair celui qui venait nourrir les âmes de ses élus (saint Grégoire le grand : homélie VIII sur les péricopes évangéliques)

Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu'ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune.

Concernant la polémique qui entoure à l’occasion l’expression « premier-né » de ce verset, voici un commentaire intéressant de saint Jérôme :
Helvidius s'efforce de prouver par ce passage qu'on ne peut donner le nom de premier né qu'à celui qui a des frères; de même qu'on appelle fils unique celui qui est le seul enfant de ses parents. Pour nous, voici notre explication: Tout fils unique est premier né, mais tout premier né n'est pas fils unique. Nous appelons premier né, non pas celui après lequel naissent d'autres enfants, mais celui qui est né le premier de tous (cf. Nb 18, 15). En effet, si on n'est le premier né qu'autant qu'on aura des frères après soi, les prêtres n'auront aucun droit sur les premiers nés, avant la naissance d'autres enfants; car alors au défaut de ces autres enfants, il y aurait un fils unique, il n'y aurait point de premier né. (Saint Jérôme : contre Helvidius).

Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L'Ange du Seigneur s'approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte, mais l'ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »  Et soudain il y eut avec l'ange  une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »
Je veux souhaiter un joyeux Noël 2010 à tous ceux qui ont visité, aidé, encouragé ou qui ont laissé des commentaires sur ce blogue au cours de l’année. Profitons aussi de cette période pour nous rappeler le plus beau cadeau que nous avons reçu qui est la vie éternelle par Jésus-Christ.

Vous avez aussi les meilleurs souhaits de mon fils Olivier, ma femme Valérie et de la petite Arianne qui devait naître dans quelques semaines.


Joyeux Noël à tous
Matthieu 1, 18-24


Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils eussent habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret.

Que peut-on voir dans la sainte Vierge de supérieur aux autres femmes? Si elle n'est pas la mère de Dieu, comme le soutient Nestorius, mais seulement la mère du Christ ou du Seigneur, qu'y aurait-il d'absurde à donner le nom de mère du Christ à toutes les mères de ceux qui ont reçu l'onction sainte du baptême. Cependant la sainte Vierge seule entre toutes les femmes est reconnue et proclamée à la fois vierge et mère du Christ, parce qu'elle n'a pas enfanté un homme ordinaire, mais le Verbe engendré de Dieu le Père, qui s'est incarné et s'est fait homme. Peut-être m'objectera-t-on: Dites-moi, pensez-vous que la Vierge soit devenue la mère de la divinité: Voici notre réponse: Le Verbe est né de la substance de Dieu, il a toujours existé égal à son Père sans jamais avoir eu de commencement. Il s'est fait chair dans ces derniers temps, c'est-à-dire qu'il s'est uni un corps vivifié par une âme raisonnable, et c'est pour cela que nous disons qu'il est né aussi de la femme selon la chair. Notre naissance présente quelqu'analogie avec ce mystère. Nos mères fournissent à la nature un peu de chair coagulée qui doit recevoir la forme humaine, et c'est Dieu qui envoie une âme dans cette matière. Cependant, bien que nos mères ne soient que les mères de nos corps, elles sont regardées comme ayant enfanté l'homme tout entier, et non pas seulement la chair. Quelque chose de semblable s'est passé dans la naissance de l'Emmanuel. Le Verbe de Dieu est né de la substance du Père; cependant comme il a pris une chair humaine et se l'est rendue propre, il faut reconnaître qu'il est véritablement né d'une femme selon la chair, et comme il est réellement Dieu, comment hésiter à proclamer la sainte Vierge mère de Dieu?  (Saint Cyrille : aux moines d'Égypte).

Il avait formé ce projet, lorsque l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : Dieu-avec-nous. »

Ces paroles sont du prophète Isaïe 7, 14-16 : C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. Il mangera du lait caillé et du miel jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien. Car avant que l'enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te jettent dans l'épouvante.

Voici ce que nous dit Saint Jérôme, traducteur de la célèbre Vulgate, sur ce passage d'Isaïe :
Le prophète fait précéder sa prédiction de cet exorde: «Dieu lui-même vous donnera un signe»; il s'agit donc de quelque chose de nouveau et de merveilleux. Mais s'il n'est question que d'une jeune fille ou d'une jeune femme qui doit enfanter, et non d'une vierge, où est le miracle? Puisque ce nom n'indique plus que l'âge et non la virginité. Il est vrai qu'en hébreu c'est le mot Bethula qui signifie vierge, mot qui ne se trouve pas dans cette prophétie; il est remplacé par le mot halma, que tous les interprètes, à l'exception des Septante, ont traduit par jeune fille. - Or, le mot halma en hébreu a un double sens, car il signifie jeune fille, et qui est cachée. Ainsi il désigne non seulement une jeune fille ou une vierge, mais une vierge cachée qui n'a jamais paru aux regards des hommes, et sur laquelle ses parents veillent avec le plus grand soin. La langue phénicienne, qui tire son origine de l'hébreu, donne aussi au mot halma le sens de vierge; dans la nôtre, halma signifie sainte. Les Hébreux se servent de mots que l'on retrouve dans presque toutes les langues, et autant que je puis consulter mes souvenirs, je ne me rappelle pas que le mot halma ait été employé une seule fois pour exprimer une femme mariée; il sert toujours à désigner une vierge, et non pas une vierge quelconque, mais une vierge encore jeune, car il en est d'un âge avancé. Or, celle-ci était encore dans l'âge de l'adolescence, ou bien elle était vierge, tout en ayant dépassé cet âge où l'on n'est pas en état d'être marié. (Catena Aurea 3122)

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.

Ce midi, je dinais avec des amis et l’un d’eux a posé la question suivante : « Est-ce que Dieu peut créer une pierre qu’il ne peut pas soulever? » Sous cette question, se dissimule le raisonnement suivant qui semble mettre en doute l’omnipotence (toute-puissance) de Dieu. D’un coté, s’il peut créer une pierre qu’il ne peut pas porter, il n’est pas tout-puissant car il ne pourra pas la soulever. De l’autre, s’il ne peut pas créer cette pierre, il n’est donc pas tout-puissant car voilà quelque chose qu’il ne peut pas créer. Comment résoudre ce dilemme ? Un peu comme le dilemme d'Euthyphron, ce dilemme a une solution.

Premièrement je vais tenter de démontrer que, sous ce faux dilemme, se cache principalement une erreur sur ce que Dieu est. Dieu est un pur esprit et il ne peut donc pas littéralement soulever par lui-même des objets matériels comme nous l’imaginons avec notre corps où la force de nos muscles ou d’une machinerie devrait être suffisante. La toute-puissance de Dieu doit être en accord avec son être. On peut résumer cela par : Dieu peut faire tout ce qu’il est. Il ne faut pas confondre ce qui est impossible pour des créatures (nous), et ce qui est impossible en soi car relevant du non-être, du néant. Prenons par exemple les énoncés suivants qui ne limitent pas sa toute-puissance mais au contraire la démontre :
- Dieu est Amour, il ne peut donc pas haïr
- Dieu est Vérité, il ne peut donc pas mentir
- Dieu est Juste, il ne peut donc pas être injuste
Cela se comprend car si Dieu venait qu’à être injuste, il ne serait plus Dieu.

Deuxièmement, Saint Thomas d’Aquin, dans sa somme théologique, avait déjà donné l’explication que Dieu pouvait faire que ce qui était logique et qui ne contient donc pas de contradiction. Ce qui veut dire que si ce qu’on tente de faire exécuter à Dieu est illogique, l’énoncé est invalide et cela ne nie pas la toute-puissance de Dieu en autant que l’être en question soit absolument et non seulement accidentellement tout-puissant. Dieu peut tout ce qui est possible dans le domaine de l'être. Par exemple, Dieu ne pourrait pas créer un cercle-carré car cela est impossible.

À la lumière de ces deux explications, je crois donc que cet énoncé est un sophisme et non un réel paradoxe qui contredirait la toute-puissance de Dieu. Si quelqu’un connait une meilleure explication ou veut tenter de mettre au défi cette conclusion, vous pouvez toujours le faire via commentaire.
Matthieu 11, 2-11

Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya de ses disciples pour lui dire : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

Ce passage de Jean nous semble à première vue un peu étrange. Comme Jean le Baptiste a entendu la voix du Ciel lorsqu’il a baptisé Jésus (Jean 1, 32-34), il est difficile de croire que Jean, pendant qu’il est en prison, doute de l’identité ou de la mission de Jésus. Un des commentaires des plus intéressants pour bien comprendre ce passage est un commentaire de saint Jean Chrysostome :

Il est impossible d'admettre que le courage ou la foi de Jean aient subi dans sa prison une défaillance. II ne craignait pas la mort, lui qui s'était exposé à la mort en reprenant Hérode avec tant de courage ; il n'attendait pas sa délivrance. La question qu'il pose à Jésus ne peut venir du doute ou de l'ignorance. Il avait remarqué que ses disciples, cédant à l'envie, se tournaient contre Jésus. Ils ne savaient pas ce qu'était Jésus ; ils croyaient que ce n'était qu'un homme, tandis qu'ils croyaient Jean plus qu'un homme. Se sentant au moment de mourir, il voulait donc les rattacher à Jésus. S'il leur avait dit : "Allez à lui, il est plus que moi ", ils auraient attribué cette parole à son humilité. Il veut que les faits parlent et disent la différence qu'il existe entre lui et Jésus. Il envoie donc les deux disciples qu'il croit les plus aptes à comprendre. (Saint Jean Chrysostome : XXXVIe homélie sur l'Évangile selon Saint Matthieu)

Jésus leur répondit : "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi !"

Ces paroles de Jésus sont tirées du livre d’Isaïe :
Isaïe 35, 5-6 : Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds s'ouvriront. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la langue du muet criera sa joie
Isaïe 61, 1 : L'esprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé m'a donné l'onction; il m'a envoyé porter la nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance

Pour ce qui est de la dernière partie où Jésus dit « et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi », cela fait référence à sa mort en croix qui pourrait à prime à bord en égarer plus d’un. Comme le dit Saint-Paul : « nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Corinthiens 1, 23). Comme l’explique Saint Ambroise :

Ce qui fonde la plénitude de la foi, c'est la croix du Seigneur, sa mort, son ensevelissement. C'est pourquoi il dit encore : « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! » En effet, la croix pourrait provoquer la chute des élus eux-mêmes, mais il n'y a pas de témoignage plus grand d'une personne divine, rien qui paraisse davantage dépasser les forces humaines que cette offrande d'un seul pour tous : par cela seul, le Seigneur se révèle pleinement. Et enfin c'est ainsi que Jean l'a désigné : « Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, V 109)

Tandis que ceux-là s'en allaient, Jésus se mit à dire aux foules au sujet de Jean : « Qu'êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ? Alors qu'êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu de façon délicate ? Mais ceux qui portent des habits délicats se trouvent dans les demeures des rois. Alors qu'êtes-vous allés faire ? Voir un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète. C'est celui dont il est écrit : Voici que moi j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route devant toi. En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n'en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui. »

Cet article est un résumé de l’article intitulé «Théologie spirituelle*» qui est paru dans le dictionnaire de la vie spirituelle écrit par Giovanni Moioli, prêtre et théologien catholique. Il a obtenu son diplôme en théologie en 1958 et a été nommé directeur spirituel du séminaire de Milan en 1956. Il a fait la promotion de la théologie spirituelle qui, selon lui, devrait être considérée comme l'enseignement authentique de la vie chrétienne.

I. L'histoire de la théologie comme base nécessaire pour comprendre le véritable problème de la théologie spirituelle
Pour bien comprendre cette nouvelle branche de la théologie, il est utile de comprendre le fond historique sur laquelle elle a fait irruption. Jusqu’au XIIe siècle, la théologie ne comportait pas vraiment de disciplines distinctes car elle était basée principalement sur les quatre sens de l'Écriture qui leur procuraient une certaine unité. Par la suite, on a vu émerger un certain questionnement sur la nature même du savoir de la foi qui peut se résumer en ces termes : «Jusqu'à quel point le savoir de la foi peut être intelligible par la raison sous forme de critique ou de recherche ?»

Ce rapport tendu entre la foi et l'intelligence de la foi poussera certains théologiens vers la dialectique et ils limiteront la théologie au contenu objectif de la foi. Au fil du temps, cela contribuera à assécher la théologie. D'autre part, d’autres critiqueront cette approche en se tenant volontairement en dehors de ce courant intellectuel et mettront plus d'emphase sur l'appropriation personnelle de la foi. Plus le temps avançait, on a dû accepter que la séparation entre le savoir et le vécu était déjà réalisée car même lorsque la théologie prétendait laisser une place à la foi vécue, cela était bien souvent que pour la réduire à valider ou à discerner les donnés dogmatiques de l’intelligence de la foi. De plus, ce premier courant plus spirituel n'avait pas tout à fait compris que sa valeur propre se trouvait dans la nature même de la foi.

II. La théologie spirituelle dans ses récents développements
C’est dans ce cadre historique qu’émergera vers la fin du XIXe siècle un mouvement mystique qui était caractérisé par l’exigence de retrouver les notions dogmatiques (grâce, sacrements, liturgie), pour ensuite se tourner vers l’expérience mystico-contemplative vécue ou à atteindre.

L'Église institutionnelle a aussi participé à cet essor tel qu'en témoigne la création d'une chaire spécialisée dans les facultés de théologie par le pape Pie XI. Cette tentative qui devait enseigner l'ascèse et la mystique n'a malheureusement pas eu toute la valeur et la portée escomptées. Cependant, cela a eu le mérite de contribuer à la production de matériel scolastique et cela a ainsi poussé plus loin la réflexion relative au discours et à la méthodologie propre à cette nouvelle théologie

III. Problèmes et contenus fondamentaux du «nouvel» enseignement et du «nouveau» manuel
a) Le premier problème de cette théologie était qu'il fallait d'abord déterminer si la mystique n'était que la progression normale de l'ascèse ou si elles étaient séparées par un réel fossé qualitatif. Comme on ne voulait pas créer deux chaires de théologie, on a opté pour un terme biblique qui pouvait réunir ces deux réalités sous la désignation «spirituelle». D'autre part, il fallait aussi déterminer en quoi ce discours se distinguerait du discours dogmatique de l'anthropologie théologique et du discours moral de la perfection
.
b) Il fallait aussi tenir compte de différentes positions qui étaient déjà exprimées par deux revues importantes autour des années 1920. Le premier point de vue, exprimé par les dominicains et présenté dans leur revue «La Vie spirituelle» avait une orientation plus spéculative et déductive. Le deuxième point de vue, exprimé dans la «Revue d'ascétique et de mystique», se voulait une sorte de méthode composite cohabitant avec les sciences historico-empiriques.

c) Cette nouvelle discipline voulait se situer dans l’aspect pratique de la théologie, ce qui la plaçait dans la même catégorie que la morale. Malgré qu’il était assez facile de la distinguer par rapport à la morale casuistique, il lui était plus difficile de délimiter son champ d’étude en rapport au discours moral de la perfection. Une première tentative avait été élaborée par Vermeersch qui la présentait comme un art de la perfection chrétienne et il y a eu aussi une tentative de J. Maritain qui voulait mettre en évidence une approche plus spéculative du savoir pratique en incluant la casuistique des moralistes.

d) Il y eu aussi le théologien A. Stolz qui demandait une plus grande rigueur à ceux qui étudiaient la théologie spirituelle. Il les questionnait à savoir s'il était possible de développer un discours et une méthodologie basés à la fois sur le phénomène et la psychologie tout en résistant toutefois à le rendre totalement objectif. Une réponse à ces questions a été esquissée par Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine qui proposait des critères de discernement et des caractéristiques obtenus par des réflexions faites à postériori de l'expérience spirituelle.

e) Deux théologiens ont proposé des réponses qui allaient dans cette direction. Tout d'abord J. Mouroux qui a démontré que l'étude de l'expérience religieuse chrétienne était légitime et avait une typologie propre. Ensuite, H.U. Von Balthasar, qui proposera une phénoménologie théologique concrète de la sainteté considérée comme le lieu de la foi vécue et assumée. Malgré qu'aucune de ces  approches n'ont été représentés dans les manuels officiels de théologie spirituelle, le questionnement de ces deux théologiens ne se limitait pas à la théologie spirituelle mais il remettait en cause aussi la théologie dogmatique telle qu'on la pensait depuis des siècles.

IV. Conclusion : la «théologie spirituelle» comme problème de la théologie
À la lumière de l'étude de l'histoire et des rebondissements de la théologie et du manuel, nous voyons se clarifier la direction de la théologie spirituelle. Elle devra pouvoir composer autant avec la complémentarité que les tensions entre la fides quae et fides qua. Il est aussi intéressant d'entrevoir la perspective qu'en développant la théologie spirituelle, nous sommes aussi sur le point de faire une synthèse complète de l'opération théologie.

Giovanni Moioli, « Théologie spirituelle », Dictionnaire de la vie spirituelle, Paris, Cerf, 1983, p. 1120-1127.
Si vous avez regardez les nouvelles en fin de semaine, c’était le genre de titre que nous offrait la plupart des journaux et des sites web. Je n’irai pas par quatre chemins, ce titre est, au mieux, une tentative de confusion.

Voici le passage en question, tiré d’une interview du Pape, réalisée entre le 26 et le 31 juillet par le journaliste Castel Gandalfo. Ces interviews seront bientôt publiées sous forme de livre sous le titre « Lumière du monde ».

Question du journaliste : «l'Église catholique n'est pas fondamentalement contre l'utilisation de préservatifs?»,
Le pape répond, selon la version originale allemande dont dispose l'AFP: «dans certains cas, quand l'intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement».
Le pape donne un seul exemple, celui d'un «homme prostitué», considérant que «cela peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité permettant de prendre à nouveau conscience que tout n'est pas permis et que l'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut »
Il ajoute ensuite :
«Se polariser sur le préservatif signifie une banalisation du sexe et c'est exactement le danger que beaucoup de gens considèrent le sexe non plus comme une expression de leur amour, mais comme une sorte de drogue, qu'ils s'administrent eux-mêmes»

Si vous avez déjà traité d’une question morale, voici ce que vous devriez comprendre. Il n’est aucunement ici question d’accepter comme moralement bon l’usage du préservatif comme moyen de contraception. Il n’est ici question que du principe du moindre mal, où un acte moralement illicite a été décidé d’être commis et où on tente malgré tout de faire moins de dommage. C’est cela qui, selon ce que décrit le Pape, est un premier pas vers une vie moralement bonne.

Je vais volontairement m’écarter du sujet de la contraception pour faire un exemple, car la contraception est un sujet où il est souvent plus difficile d’y voir clair. D’une part parce que c’est un sujet chaud et aussi parce que beaucoup de catholiques y sont déjà « mouillés ».

Si je prends par exemple l’exemple d’un voleur qui a décidé de voler une banque. Il est préférable qu’il n’utilise pas d’arme pour le faire afin d’éviter des pertes de vie humaines. Ce refus d’utiliser une arme peut être, de sa part, un premier pas vers une moralisation au fait qu’à partir de cette décision de ne pas utiliser d’arme, il a au moins franchit un premier pas dans la conscience morale qui lui fait réaliser que la vie humaine vaut plus que des billets de banque.

Cependant, si on traduit cela par on peut voler une banque sans arme "dans certain cas" cela n’est pas exact car il n’est jamais permis de voler une banque. Le titre peut donc porter à confusion et faire croire aux catholiques qu’ils peuvent utiliser le condom à des fins contraceptives et faire un acte moralement bon et cela est faux. Si, en tant que chrétien, votre vie morale ne se limite qu’à ce principe de moindre mal, je vous invite à progresser davantage dans la moralité afin que vos action soit moralement bonne et non seulement une action moralement mauvaise moins dommageable. Un autre problème de cette sortie hâtive des médias est que le livre n’est pas encore sorti et on ne peut pas vérifier tout le contexte de cette citation.

S’il y a une chose que je déplore avant tout dans ce genre de manœuvre, c’est la confusion que cela engendre. C’est une chose de recevoir un enseignement et d’avoir de la difficulté à y conformer sa vie, mais c’en est une autre de tenter de malmener un enseignement pour confondre et de décevoir les autres en et ainsi priver les autres de la vérité.
De nos jour, le culte des chrétiens est très varié. Du rituel bien encadré aux homélies improvisées, on peut se demander comment les premiers chrétiens célébraient. Une des descriptions la plus primitive du culte chrétien nous vient de Justin le martyre, un philosophe converti au christianisme qui a écrit dans sa première apologie une défense en faveur des chrétiens. Je voulais donc partager avec vous une description du culte qu'il vivait avec sa communauté. Tout cela autour de l'an 150, il y a plus de 1850 ans.

Extrait de la première apologie de Justin:


65. Revenons à nous. Quand celui qui s'est associé à notre foi et à notre croyance a reçu
l'ablution dont nous avons parlé plus haut, nous le conduisons dans le lieu où sont rassemblés
ceux que nous nommons nos frères. Là commencent les prières ardentes que nous faisons
pour l'illuminé, pour nous-mêmes et pour tous les autres, dans l'espoir d'obtenir, avec la
connaissance que nous avons de la vérité, la grâce de vivre dans la droiture des œuvres et
dans l'observance des préceptes, et de mériter ainsi le salut éternel. Quand la prière est
terminée, nous nous saluons tous d'un baiser de paix; ensuite on apporte à celui qui est le chef
des frères; du pain, de l'eau et du vin. Il les prend et célèbre la gloire et chante les louanges du
Père de l'univers, par le nom du Fils et du Saint-Esprit, et fait une longue action de grâces,
pour tous les biens que nous avons reçus de lui. Les prières et l'action de grâces terminées,
tout le peuple s'écrie: Amen! Amen, en langue hébraïque, signifie, ainsi soit-il. Quand le chef
des frères a fini les prières et l'action de grâces, que tout le peuple y a répondu, ceux que nous
appelons diacres distribuent à chacun des assistants le pain, le vin et l'eau, sur lesquels les
actions de grâces ont été dites, et ils en portent aux absents.


66. Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y prendre part, s'il ne croit la
vérité de notre doctrine, s'il n'a reçu l'ablution pour la rémission de ses péchés et sa
régénération, et s'il ne vit selon les enseignements du Christ. Car nous ne prenons pas cet
aliment comme un pain ordinaire et une boisson commune. Mais de même que, par la parole
de Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, ayant été fait chair, a pris sang et chair pour notre salut;
de même aussi cet aliment, qui par l'assimilation doit nourrir nos chairs et notre sang, est
devenu, par la vertu de l'action de grâces, contenant les paroles de Jésus-Christ lui-même, le
propre sang et la propre chair de Jésus incarné: telle est notre foi. Les apôtres, dans leurs
écrits, que l'on nomme Évangiles, nous ont appris que Jésus-Christ leur avait recommandé
d'en agir de la sorte, lorsque ayant pris du pain, il dit: "Faites ceci en mémoire de moi: ceci est
mon corps; "et semblablement ayant pris le calice, et ayant rendu grâces: "Ceci est mon sang,
"ajouta-t- il; et il le leur distribua à eux seuls. Les démons n'ont pas manqué d'imiter cette
institution dans les mystères de Mithra; car on apporte à l'initié du pain et du vin, sur lesquels
on prononce certaines paroles que vous savez, ou que vous êtes à même de savoir.


67. Après l'assemblée, nous nous entretenons les uns les autres dans le souvenir de ce qui s'y
est passé. Si nous avons du bien, nous soulageons les pauvres et nous nous aidons toujours; et
dans toutes nos offrandes, nous louons le Créateur de l'univers par Jésus-Christ son Fils et par
le Saint-Esprit. Le jour du soleil, comme on l'appelle, tous ceux qui habitent les villes ou les
campagnes se réunissent dans un même lieu, et on lit les récits des apôtres ou les écrits des
prophètes, selon le temps dont on peut disposer. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait
un discours pour exhorter à l'imitation de ces sublimes enseignements. Ensuite nous nous
levons tous et nous prions; et, comme nous l'avons dit, la prière terminée, on apporte du pain,
du vin et de l'eau, et celui qui préside fait les prières et les actions de grâces avec la plus
grande ferveur. Le peuple répond: Amen, et la distribution et la communion générale des
choses consacrées se fait à toute l'assistance; la part des absents leur est portée par les diacres.
Ceux qui sont dans l'abondance et veulent donner, font leurs largesses, et ce qui est recueilli
est remis à celui qui préside, et il assiste les veuves, les orphelins, les malades, les indigents,
les prisonniers et les étrangers: en un mot, il prend soin de soulager tous les besoins. Si nous
nous rassemblons le jour du soleil, c'est parce que ce jour est celui où Dieu, tirant la matière
des ténèbres, commença à créer le monde, et aussi celui où Jésus-Christ notre Sauveur
ressuscita d'entre les morts; car les Juifs le crucifièrent la veille du jour de Saturne, et le
lendemain de ce jour, c'est-à-dire le jour du soleil, il apparut à ses disciples, et leur enseigna
ce que nous avons livré à vos méditations.

Si on regarde attentivement ce témoignage, il ne fait aucun doute que Justin allait à une culte qui ressemble de très près à la Messe catholique. Les prière d'action de grâce, le rôle des ministres, le pain et le vin qui deviennent Corps et du Sang du Christ, les paroles de la consécration, les chants de gloire et de louange à la Trinité, se réunir le jour du soleil (dimanche), la communion. Cet homme allait vraiment à la même Messe que celle que je suis allé dimanche dernier.

Si vous aimez consulter les manuscrits anciens que nous possédons du Nouveau Testament, j'ai un site à vous suggérer qui en contient plusieurs. Le site n'est disponible qu'en anglais, mais ce n'est pas si important puisque, comme vous le savez surement, la plupart des manuscrits anciens sont écrits en grec. 

Ce qui est particulier sur ce site, c'est qu'en plus de faire la liste des manuscrits, plusieurs images scannées de ces manuscrits sont disponibles en ligne

Cette lettre date autour de l'an 110 et a été écrite lorsque Saint Ignace été sous escorte  romaine jusqu'à Rome pour y subir son martyr.

Ignace, dit aussi Théophore, à l'Église de Dieu le Père du Seigneur Jésus-Christ qui est à Philadelphie d'Asie, objet de la miséricorde, affermie dans la concorde qui vient  de Dieu, et pleine d'une inébranlable allégresse dans la passion de notre Seigneur, et pleinement convaincue, en toute miséricorde, de sa résurrection; je la salue dans le sang de Jésus-Christ. Elle est ma joie éternelle et durable, surtout s'ils restent unis avec l'évêque et avec les prêtres et les diacres qui sont avec lui, établis selon la pensée de Jésus-Christ, qui selon sa propre volonté les a fortifiés et affermis par son Saint-Esprit.


1 Cet évêque, je sais que ce n'est pas de lui-même, ni par les hommes (Ga 1, 1), qu'il a obtenu ce ministère qui est au service de la communauté, ni par vaine gloire, mais par la charité de Dieu le Père et du Seigneur Jésus-Christ. Je suis frappé de sa bonté: par son silence, il peut plus que les vains discoureurs. 2 Il est accordé aux commandements, comme la cithare à ses cordes. C'est pourquoi mon âme le félicite de ses sentiments envers Dieu –je sais qu'ils sont vertueux et parfaits– de son caractère inébranlable et sans colère, selon toute la bonté du Dieu vivant.


2 Ainsi, enfants de la lumière de vérité, fuyez les divisions et les mauvaises doctrines; là où est votre berger, suivez-le comme des brebis. 2 Car beaucoup de loups apparemment dignes de foi captivent par des plaisirs mauvais ceux qui courent de Dieu; mais ils n'auront pas place dans votre unité.


3 Abstenez-vous des plantes mauvaises que Jésus-Christ ne cultive pas, parce qu'elles ne sont pas une plantation du Père (cf. Mt 15, 13; Jn 15, 1; 1Co 3, 9). 2 Ce n'est pas que j'aie trouvé chez vous des divisions, mais une purification. Car tous ceux qui sont à Dieu et à Jésus-Christ, ceux-là sont avec l'évêque; et tous ceux qui se repentiront et viendront à l'unité de l'Église, ceux-là aussi seront à Dieu, pour qu'ils soient vivants selon Jésus-Christ. 3 ” Ne vous y trompez pas “, mes frères: si quelqu'un suit un fauteur de schisme, ” il n'aura pas l'héritage du royaume de Dieu ” (1Co 6, 9, 10); si quelqu'un marche selon une pensée étrangère, celui-là ne s'accorde pas avec la passion du Christ.


4 Ayez donc soin de ne participer qu'à une seule eucharistie; car il n'y a qu'une seule chair de notre Seigneur Jésus-Christ, et un seul calice pour nous unir en son sang, un seul autel, comme un seul évêque avec le presbyterium et les diacres, mes compagnons de service: ainsi, tout ce que vous ferez, vous le ferez selon Dieu.


5 Mes frères, je déborde d'amour pour vous, et c'est dans la joie la plus grande que je cherche à vous affermir, non pas moi, mais Jésus-Christ; étant enchaîné pour lui, je crains davantage, dans la pensée que je suis encore imparfait; mais votre prière me rendra parfait pour Dieu, afin que j'obtienne l'héritage dont j'ai reçu la miséricorde, me réfugiant dans l'Évangile comme dans la chair de Jésus-Christ, et dans les Apôtres comme au presbyterium de l'Église. 2 Et aimons aussi les prophètes, car eux aussi ont annoncé l'Évangile, ils ont espéré en lui, le Christ, et l'ont attendu; croyant en lui, ils ont été sauvés, et demeurant dans l'unité de Jésus-Christ, saints dignes d'amour et d'admiration, ils ont reçu le témoignage de Jésus-Christ et ont été admis dans l'Évangile de notre commune espérance.


6 Si quelqu'un vous interprète selon le judaïsme, ne l'écoutez pas. Car il est meilleur d'entendre le christianisme de la part d'un homme circoncis, que le judaïsme de la part d'un incirconcis. Si l'un et l'autre ne vous parlent pas de Jésus-Christ, ils sont pour moi des stèles et des tombeaux de morts, sur lesquels ne sont écrits que des noms d'hommes.  2 Fuyez donc les méchants artifices et les embûches du prince de ce monde, pour que ses calculs ne réussissent pas à vous accabler et à vous affaiblir dans la charité. Mais tous, rassemblez-vous dans un cœur sans partage. 3 Je rends grâces à mon Dieu de ce que j'ai une bonne conscience à votre sujet, et que personne ne peut se vanter, ni en secret ni ouvertement, de ce que j'ai été pour lui à charge en peu ou en beaucoup de choses (cf. 1Th 2, 7; 2Co 11, 9; 12, 13-16; Ac 20, 33-35). Et à tous ceux à qui j'ai parlé, je souhaite qu'ils ne l'aient pas reçu en témoignage contre eux.


7 Certains ont voulu me tromper selon la chair, mais on ne trompe pas l'Esprit, qui vient de Dieu. Car parce que je prévoyais la division de quelques-uns, il m'est témoin celui pour qui je suis enchaîné que je ne le savais pas d'une chair d'homme. 2 C'est l'Esprit qui me l'annonçait en disant: ” Ne faîtes rien sans l'évêque, gardez votre chair comme le temple de Dieu (cf. 1Co 3, 16; 6, 19), aimez l'union, fuyez les divisions, soyez les imitateurs de Jésus-Christ, comme lui aussi l'est de son Père ” (cf. 1Co 11,1).


8 1 J'ai donc fait tout ce qui est en moi, comme un homme fait pour l'union. Là où il y a division et colère, Dieu n'habite pas. Mais à tous ceux qui se repentent, le Seigneur pardonne, si ce repentir les amène à l'unité avec Dieu, et au sénat de l'évêque. J'ai foi en la grâce de Jésus-Christ qui vous délivrera de tout lien. 2 Je vous exhorte à ne rien faire par esprit de querelle, mais selon l'enseignement du Christ. J'en ai entendu qui disaient: ” Si je ne le trouve pas dans les archives, je ne le crois pas dans l'Évangile. ” Et quand je leur disais: ” C'est écrit “, ils me répondirent: ” C'est là la question. ” Pour moi, mes archives, c'est Jésus-Christ; mes archives inviolables, c'est sa croix, et sa mort, et sa résurrection et la foi qui vient de lui; c'est en cela que je désire, par vos prières, être justifié.


9 Les prêtres, eux aussi, étaient honorables, mais chose meilleure est le grand prêtre, à qui a été confié le Saint des saints, à qui seul ont été confiés les secrets de Dieu. Il est la porte du Père (cf. Jn 10, 7; 10, 9), par laquelle entrent Abraham, Isaac et Jacob, et les prophètes, et les Apôtres, et l'Église. Tout cela à l'unité avec Dieu. 2 Mais l'Évangile a quelque chose de spécial: la venue du Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ, sa passion et sa résurrection. Car les bien-aimés prophètes l'avaient annoncé, mais l'Évangile est la consommation de l'immortalité. Tout est également bon, si vous croyez dans la charité.


10 On m'a annoncé que grâce à votre prière et à la miséricorde que vous avez dans le Christ Jésus, l'Église d'Antioche de Syrie est en paix; il convient donc que vous, en tant qu'Église de Dieu, vous élisiez un diacre, pour qu'il y aille en messager de Dieu, pour se réjouir avec ceux qui sont rassemblés, et glorifier le Nom. 2 Heureux en Jésus-Christ celui qui sera jugé digne d'un tel ministère, et vous aussi vous serez glorifiés. Si vous le voulez bien, il n'est pas impossible de le faire pour le nom de Dieu, comme les Églises les plus proches qui ont envoyé les unes leurs évêques, d'autres des prêtres et des diacres.


11 Quant à Philon, le diacre de Cilicie, homme de bon renom, qui me seconde maintenant dans le ministère de la parole de Dieu avec Rhéos Agathopous, homme d'élite qui a renoncé à ce qui faisait sa vie pour m'accompagner depuis la Syrie, ils vous rendent témoignage, –et moi j'en rends grâce à Dieu pour vous,- - que vous les avez reçu comme le Seigneur vous a reçus vous- mêmes. Et ceux qui leur ont manqué de respect, puissent-ils être pardonnés par la grâce de Jésus-Christ ! 2 La Charité des frères qui sont à Troas vous salue. C'est de là que je vous écris par l'intermédiaire de Burrhus, qui a été envoyé avec moi par les Éphésiens et les Smyrniotes pour me faire honneur. Ils seront eux aussi honorés par le Seigneur Jésus-Christ, en qui ils espèrent de chair, d'âme et d'esprit, dans la foi, la charité, la concorde. Portez-vous bien en Jésus-Christ, notre commune espérance.

Comme vous pouvez voir, j'ai souligné en jaune les passages où l'on parle de l'Église et de l'importance de se garder en communion avec l'évêque et les autres positions d'autorité dans l'Église. Il y a aussi en bleu un passage sur l'eucharistie qui est intéressant puisqu'il fait mention d'un autel.  Cela inclut nécessairement l'idée que le repas eucharistique est un sacrifice, ce qui est toujours la doctrine catholique aujourd'hui.

Je n'ai pas l'intention de faire le tour de toutes les lettres de Saint Ignace car je risque de me répéter. Ses lettres parle souvent des mêmes sujets qui sont : la fidélité à l'évêque et au presbyterium, l'eucharistie, la réfutation du docétisme (doctrine selon laquelle Jésus n'avait pas de corps physique) et des principes de morale chrétienne. Je vous invite cependant à les lire car elles sont très instructives.
Les écrits des Pères apostoliques
Cette lettre date autour de l'an 110 et a été écrite lorsque Saint Ignace été sous escorte  romaine jusqu'à Rome pour y subir son martyr.

1. Ignace, dit aussi Théophore 
2. à l'Église qui a reçu miséricorde par la magnificence du Père très haut et de Jésus-Christ son Fils unique, bien-aimée et illuminée par la volonté de celui qui a voulu tout ce qui existe, selon la foi et l'amour pour Jésus-Christ notre Dieu ; < l'Église> qui préside dans la région des Romains, digne de Dieu, digne d'honneur, digne d'être appelée bienheureuse, digne de louange, digne de succès, digne de pureté, qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ, qui porte le nom du Père ; je la salue au nom de Jésus-Christ, le fils du Père ; aux qui, de chair et d'esprit, sont unis à tous ses commandements, remplis inébranlablement de la grâce de Dieu, purifiés de toute coloration étrangère, je leur souhaite en Jésus-Christ notre Dieu toute joie irréprochable. 
I
1. Par mes prières j'ai obtenu de Dieu de voir vos saints visages, car j'avais demandé avec insistance de recevoir cette faveur ; car, enchaîné dans le Christ Jésus, j'espère vous saluer, si du moins c'est la volonté de Dieu que je sois trouvé digne d'aller jusqu'au terme. 
2. Car le commencement est facile ; si du moins j'obtiens la grâce de recevoir sans empêchement la part . Mais je crains que votre charité ne me fasse tort. Car à vous il est facile de faire ce que vous voulez, mais à moi il est difficile d'atteindre Dieu, si vous ne m'épargnez pas.
Il
1. Car je ne veux pas que vous plaisiez aux hommes, mais que vous plaisiez à Dieu, comme, en fait, vous lui plaisez. Pour moi, jamais je n'aurai une telle occasion d'atteindre Dieu, et vous, si vous gardez le silence, vous ne pouvez souscrire à une œuvre meilleure. Si vous gardez le silence à mon sujet, je serai à Dieu ; mais si vous aimez ma chair, il me faudra de nouveau courir. 
2. Ne me procurez rien de plus que d'être offert en libation à Dieu (cf. Ph 2, 17; 2 Tm 4, 6), tandis que l'autel est encore prêt, afin que, réunis en chœur dans la charité, vous chantiez au Père dans le Christ Jésus, parce que Dieu a daigné faire que l'évêque de Syrie fût trouvé < en lui >, l'ayant fait venir du levant au couchant. Il est bon de se coucher loin du monde vers Dieu, pour se lever en lui.
III
1. Jamais vous n'avez jalousé personne, vous avez enseigné les autres. Je veux, moi, que ce que vous commandez aux autres par vos leçons garde sa force. 
2. Ne demandez pour moi que la force intérieure et extérieure, pour que non seulement je parle, mais que je veuille, pour que non seulement on me dise chrétien, mais que je le sois trouvé < de fait >. Si je le suis de fait, je pourrai me dire tel, et être un < vrai > croyant, quand je ne serai plus visible au monde. 
3. Rien de ce qui est visible n'est bon. Car notre Dieu, Jésus-Christ, étant en son Père, se fait voir davantage. Car ce n'est pas une œuvre de persuasion que le christianisme, mais une œuvre de puissance, quand il est haï par le monde. 
IV
1. Moi, j'écris à toutes les Églises, et je mande à tous que moi c'est de bon cœur que je vais mourir pour Dieu, si du moins vous vous ne m'en empêchez pas. Je vous en supplie, n'ayez pas pour moi une bienveillance inopportune. Laissez-moi être la pâture des bêtes, par lesquelles il me sera possible de trouver Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain du Christ. 
2. Flattez plutôt les bêtes, pour qu'elles soient mon tombeau, et qu'elles ne laissent rien de mon corps, pour que, dans mon dernier sommeil, je ne sois à charge à personne. C'est alors que je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra même plus mon corps. Implorez le Christ pour moi, pour que, par l'instrument , je sois une victime à Dieu. Je ne vous donne pas des ordres comme Pierre et Paul : eux, ils étaient libres, et moi jusqu'à présent un esclave (cf. 1 Co 9, 1). Mais si je souffre, je serai un affranchi de Jésus-Christ (1 Co 7, 22) et je renaîtrai en lui, libre. Maintenant enchaîné, j'apprends à ne rien désirer.
V
1. Depuis la Syrie jusqu'à Rome, je combats contre les bêtes (cf. 1 Co 15, 32), sur terre et sur mer, nuit et jour, enchaîné à dix léopards, c'est-à-dire à un détachement de soldats ; quand on leur fait du bien, ils en deviennent pires. Mais, par leurs mauvais traitements, je deviens davantage un disciple, mais " je n'en suis pas pour autant justifié " (1 Co 4,4). 
2. Puissé-je jouir des bêtes qui me sont préparées. Je souhaite qu'elles soient promptes pour moi. Et je les flatterai, pour qu'elles me dévorent promptement, non comme certains dont elles ont eu peur, et qu'elles n'ont pas touchés. Et, si par mauvaise volonté elles refusent, moi, je les forcerai. 
3. Pardonnez-moi ; ce qu'il me faut, je le sais, moi. C'est maintenant que je commence à être un disciple. Que rien, des êtres visibles et invisibles, ne m'empêche par jalousie, de trouver le Christ. Feu et croix, troupeaux de bêtes, lacérations, écartèlements, dislocation des os, mutilation des membres, mouture de tout le corps, que les pires fléaux du diable tombent sur moi, pourvu seulement que je trouve Jésus-Christ.
VI
1. Rien ne me servira des charmes du monde ni des royaumes de ce siècle. Il est bon pour moi de mourir (cf. 1 Co 9, 15) au Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la terre. C'est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche, 
2. Pardonnez-moi, frères ; ne m'empêchez pas de vivre, ne veuillez pas que je meure. Celui qui veut être à Dieu, ne le livrez pas au monde, ne le séduisez pas par la matière. Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai arrivé là, je serai un homme. 
3. Permettez-moi d'être un imitateur de la passion de mon Dieu. Si quelqu'un a Dieu en lui, qu'il comprenne ce que je veux, et qu'il ait compassion de moi, connaissant ce qui m'étreint (cf. Ph 1, 23)..
VII
1. Le prince de ce monde veut m'arracher, et corrompre les sentiments que j'ai pour Dieu. Que personne donc, parmi vous qui êtes là, ne lui porte secours ; plutôt soyez pour moi, c'est-à-dire pour Dieu. N'allez pas parler de Jésus-Christ, et désirer le monde. 
2. Que la jalousie n'habite pas en vous. Et si, quand je serai près de vous, je vous implore, ne me croyez pas. Croyez plutôt à ce que je vous écris. C'est bien vivant que je vous écris, désirant de mourir. Mon désir terrestre a été crucifié, et il n'y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une " eau vive " (cf. Jn 4, 10 ; 7, 38 ; Ap 14, 25) qui murmure et qui dit au-dedans de moi: " Viens vers le Père " (cf. Jn 14, 12, etc.). 
3. Je ne me plais plus à une nourriture de corruption ni aux plaisirs de cette vie ; c'est le pain de Dieu que je veux, qui est la chair de Jésus-Christ, de la race de David (Jn 7, 42 ; Rm 1, 3), et pour boisson je veux son sang, qui est l'amour incorruptible.
VIII
1.Je ne veux plus vivre selon les hommes. Cela sera, si vous le voulez. Veuillez-le, pour que vous aussi, vous obteniez le bon vouloir de Dieu. 
2. Je vous le demande en peu de mots : croyez-moi, Jésus-Christ vous fera voir que je dis vrai, il est la bouche sans mensonge par laquelle le Père a parlé en vérité. 
3. Demandez pour moi que je l'obtienne. Ce n'est pas selon la chair que je vous écris, mais selon la pensée de Dieu. Si je souffre, vous m'aurez montré de la bienveillance ; si je suis écarté, de la haine. 
IX
1. Souvenez-vous dans votre prière de l'Église de Syrie, qui, en ma place, a Dieu pour pasteur. Seul Jésus Christ sera son évêque, et votre charité. 
2. Pour moi, je rougis d'être compté parmi eux, car je n'en suis pas digne, étant le dernier d'entre eux, et un avorton (cf. 1. Co 14, 8, 9). Mais j'ai reçu la miséricorde d'être quelqu'un, si j'obtiens Dieu. 
3. Mon esprit vous salue, et la charité des Églises qui m'ont reçu, au nom de Jésus-Christ (cf. Mt 18, 40, 41), non comme un simple passant. Et celles-là mêmes qui n'étaient pas sur ma route selon la chair, allaient au-devant de moi de ville en ville.
X
1. Je vous écris ceci de Smyrne par l'intermédiaire d'Éphésiens dignes d'être appelés bienheureux. Il y a aussi avec moi, en même temps que beaucoup d'autres, Crocus, dont le nom m'est si cher. 
2. Quant à ceux qui m'ont précédé de Syrie jusqu'à Rome pour la gloire de Dieu, je crois que vous les connaissez maintenant : faites-leur savoir que je suis proche. Tous sont dignes de Dieu et de vous, et il convient que vous les soulagiez en toutes choses. 
3. Je vous écris ceci le neuf d'avant les calendes de septembre. Portez-vous bien jusqu'à la fin dans l'attente de Jésus-Christ.

Cette lettre aux romains, fait plusieurs fois mention de Jésus-Christ en équivalence avec Dieu (passages en jaune). Cela prouve bien que Jésus a été considéré comme Dieu dès le début du christianisme et cela n'est pas une invention du concile de Nicée ou d'un autre ajout doctrinal tardif. Rappelons-nous qu'Ignace est de la première génération de disciples après les Apôtres et a reçu de Jean ses enseignements.

Il y a aussi encore mention de l'Eucharistie, le pain de vie, qu'il décrit comme la chair de Jésus-Christ (passage en bleu) et aussi du sang du Christ comme réelle boisson.

Finalement, les passages en vert indique une certaine présidence de l'Église de Rome sur les autres églises. Ce qui est un des témoignages les plus primitifs du rôle de l'Évêque de Rome (le Pape) dans l'Église.
Cette lettre date autour de l'an 110 et a été écrite lorsque Saint Ignace était sous escorte  romaine jusqu'à Rome pour y subir son martyr.

Lettre d'Ignace d'Antioche aux Smyrniotes

Ignace, dit aussi Théophore, à l'Église de Dieu le Père et de son [fils] bien-aimé Jésus-Christ, qui a obtenu par miséricorde tous les dons, remplie de foi et de charité, qui n'est privée d'aucun don, divinement magnifique et porteuse des objets sacrés, qui est à Smyrne d'Asie, dans un esprit irréprochable et dans la parole de Dieu, toute sorte de joie.
I
1. Je rends grâces à Jésus-Christ Dieu, qui vous a rendus si sages. Je me suis aperçu, en effet, que vous êtes achevés dans une foi inébranlable, comme si vous étiez doués de chair et d'esprit à la croix de Jésus-Christ, et solidement établis dans la charité par le sang du Christ, fermement convaincus au sujet de notre Seigneur qui est véritablement de la race " de David selon la chair " (cf. Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu, véritablement né d'une vierge, baptisé par Jean " pour que ", par lui, " fût accomplie toute justice " (Mt 3, 15). 2. Il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous Ponce Pilate et Hérode le tétrarque, — c'est grâce au fruit de sa croix, et à sa passion divinement bienheureuse que nous, nous existons, — pour " lever son étendard " (Is 5, 26 s) dans les siècles par sa résurrection, et pour [rassembler] ses saints et ses fidèles, [ venus ] soit des Juifs soit des gentils, dans l'unique corps de son Église.
II.
Tout cela, il l'a souffert pour nous, pour que nous soyons sauvés. Et il a véritablement souffert, comme aussi il s'est véritablement ressuscité, non pas, comme disent certains incrédules, qu'il n'ait souffert qu'en apparence: eux-mêmes n'existent qu'en apparence, et il leur arrivera un sort conforme à leurs opinions, d'être sans corps et semblables aux démons.
III
 1. Pour moi, je sais et je crois que même après sa résurrection il était dans la chair. 2. Et quand il vint a Pierre et à ceux qui étaient avec lui, il leur dit : " Prenez, touchez-moi, et voyez que je ne suis pas un démon sans corps. " Et aussitôt ils le touchèrent, étroitement unis à sa chair et à son esprit. C'est pour cela qu'ils méprisèrent la mort, et qu'ils furent trouvés supérieurs à la mort. 3. Et après sa résurrection, Jésus mangea et but avec eux comme un être de chair, étant cependant spirituellement uni à son Père.
IV
 1. Voilà ce que je vous recommande, bien-aimés, sachant bien que vous aussi vous pensez ainsi. Mais je veux vous mettre en garde contre ces bêtes à face humaine : non seulement il vous faut ne pas les recevoir, mais s'il est possible ne pas même les rencontrer et seulement prier pour eux, si jamais ils pouvaient se convertir, ce qui est difficile. Mais Jésus-Christ en a le pouvoir, [lui] notre véritable vie. 2. Car si c'est en apparence que cela a été accompli par notre Seigneur, moi aussi, c'est en apparence que je suis enchaîné. Pourquoi donc, moi aussi, me suis-je livré à la mort, pour le feu, pour le glaive, pour les bêtes ? Mais près du glaive, près de Dieu : avec les bêtes, avec Dieu ; seulement [que ce soit] au nom de Jésus-Christ. C'est pour souffrir avec lui que je supporte tout, et c'est lui qui m'en donne la force, lui qui s'est fait homme parfait.
V
1. Certains, par ignorance, le renient, mais ils ont plutôt été reniés par lui, avocats de la mort plus que de la vérité, eux qui n'ont réussi à persuader ni les prophéties ni la Loi de Moïse, ni même jusqu'à présent l'Évangile, ni les souffrances de chacun de nous. 2. Car ils pensent la même chose de nous. 2. Car que me sert que quelqu'un me loue, s'il blasphème mon Seigneur, en ne confessant pas qu'il a pris chair ? Celui qui ne dit pas cela le renie absolument, étant lui-même un croque-mort. 3. Leurs noms, puisqu'ils sont infidèles, il ne m'a pas plu de les écrire. Mais puissé-je même ne pas me souvenir d'eux, jusqu'à ce qu'ils se repentent pour croire à la passion, qui est notre résurrection.
VI
1. Que personne ne se trompe : même les êtres célestes, et la gloire des anges, et les archontes visibles et invisibles, s'ils ne croient pas au sang du Christ, pour eux aussi il y a un jugement : " Que celui qui peut comprendre, comprenne " (Mt 19, 12). Que personne ne s'enorgueillisse de son rang, car l'essentiel, c'est la foi et la charité, auxquelles rien n'est préférable. 2. Considérez ceux qui ont une autre opinion sur la grâce de Jésus-Christ qui est venue sur nous : comme ils sont opposés à la pensée de Dieu ! De la charité, ils n'ont aucun souci, ni de la veuve, ni de l'orphelin, ni de l'opprimé, ni des prisonniers ou des libérés, ni de l'affamé ou de l'assoiffé.
VII
1. Ils s'abstiennent de l'eucharistie et de la prière, parce qu'ils ne confessent pas que l'eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, [chair] qui a souffert pour nos péchés, et que dans sa bonté le Père a ressuscitée. Ainsi ceux qui refusent le don de Dieu meurent dans leurs disputes. Il leur serait utile de pratiquer la charité pour ressusciter eux aussi. 2. Il convient de vous tenir à l'écart de ces gens-là, et de ne parler d'eux ni en privé ni en public, mais de vous attacher aux prophètes, et spécialement à l'Évangile, dans lequel la passion nous est montrée et la résurrection accomplie. Et les divisions, fuyez-les comme le principe de tous les maux.
VIII
1. Suivez tous l'évêque, comme Jésus-Christ suit son Père, et le presbyterium comme les Apôtres ; quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne ne fasse, en dehors de l'évêque, rien de ce qui regarde l'Église. Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l'évêque ou de celui qu'il en aura chargé. 2. Là où paraît l'évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique. Il n'est pas permis en dehors de l'évêque ni de baptiser, ni de faire l'agape, mais tout ce qu'il approuve, cela est agréable à Dieu aussi Ainsi tout ce qui se fait sera sûr et légitime.
IX
1. Il est raisonnable de retrouver désormais notre bon sens, et, pendant que nous en avons encore le temps, de nous repentir pour retourner à Dieu. Il est bon de reconnaître Dieu et l'évêque. Celui qui honore l'évêque est honoré de Dieu ; celui qui fait quelque chose à l'insu de l'évêque sert le diable. 
2. Que la grâce vous fasse abonder en toutes choses, car vous en êtes dignes vous m'avez réconforté en toutes manières et que Jésus en fasse autant pour vous. Absent et présent, vous m'avez aimé : que Dieu vous le rende. Si vous supportez tout pour lui, vous arriverez à le posséder.
X
1. Vous avez bien fait de recevoir comme des diacres du Christ de Dieu Philon et Rhéos Agathopous, qui m'ont accompagné pour l'amour de Dieu. Eux aussi rendent grâces au Seigneur à votre sujet, parce que vous les avez réconfortés de toutes manières. Rien de cela n'est perdu pour vous. 2. Mon esprit est votre rançon, et mes liens que vous n'avez pas méprisés, et dont vous n'avez pas rougi. Jésus-Christ, qui est la foi parfaite, ne rougira pas non plus de vous.
XI
1. Votre prière est allée vers l'Église qui est à Antioche de Syrie. C'est de là que je suis parti enchaîné de chaînes très précieuses à Dieu, et je vous salue tous. Je ne suis pas digne d'être de [ cette Église], étant le dernier d'entre eux. Mais selon la volonté [de Dieu], j'en ai été jugé digne, non d'après [le jugement de] ma conscience, mais par la grâce de Dieu ; je souhaite qu'elle me soit donnée entière, pour qu'avec votre prière je puisse obtenir Dieu. 2. Afin donc que votre œuvre soit parfaite et sur terre et dans le ciel, il convient que, à l'honneur de Dieu, votre Église élise un envoyé de Dieu pour aller jusqu'en Syrie se réjouir avec eux de ce qu'ils possèdent la paix et ont retrouvé leur grandeur, et de ce que leur corps a été rétabli. 3. Il m'a paru que ce serait une chose digne si vous envoyiez quelqu'un des vôtres avec une lettre pour célébrer avec eux le calme qui leur est revenu grâce à Dieu, et de ce que [leur Église] a atteint le port grâce à vos prières. Étant parfaits, ayez aussi des pensées parfaites. Car si vous désirez faire le bien, Dieu est prêt à vous l'accorder.
XII
1. La charité des frères qui sont à Troas vous salue ; c'est de là que je vous écris par l'intermédiaire de Burrhus qu'avec les Éphésiens vos frères vous m'avez envoyé pour être avec moi ; il m'a réconforté de toutes manières. Il faudrait que tous l'imitassent, car il est un modèle du service de Dieu. La grâce le récompensera de toute manière. 2. Je salue votre évêque digne de Dieu, votre presbyterium si respectable, les diacres mes compagnons de services, et tous individuellement et en commun, au nom de Jésus-Christ, et en sa chair et en son sang, en sa passion et sa résurrection, en unité de chair et d'esprit avec Dieu et entre vous. A vous grâce, miséricorde, paix et patience pour toujours.
XIII
Je salue les familles de mes frères avec leurs femmes et leurs enfants, et les vierges appelées veuves. Soyez forts par la vertu de l'Esprit. Philon qui est avec moi vous salue. Je salue la maison de Tavia, je souhaite qu'elle soit affermie dans la foi et dans la charité de chair et d'esprit. Je salue Alcé, nom qui m'est cher, et Daphnos l'incomparable, et Eutecnos, et tous par leur nom. Portez-vous bien dans la grâce de Dieu.

Les chapitres VII à IX de cette lettre sont très significatifs dans notre recherche. Dans le chapitre VII, on peut voir qu'Ignace se plaint de certaines personnes qui s'abstiennent de l'eucharistie. Il faut comprendre qu'au départ, cette lettre commence par mettre en garde contre une hérésie appelée le docétisme. Cette hérésie, apparentée au gnosticisme, enseigne que Jésus n'a pas réellement souffert sa Passion car il n'avait pas réellement de corps mais seulement une apparence de corps. L'enseignement que donne Ignace sur l'eucharistie est assez précis et on peut y noter quatre caractéristiques importantes :

  1. L'eucharistie est déjà célébrée à son époque
  2. Il affirme que l'eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ
  3. Il affirme que l'eucharistie est un don de Dieu
  4. Il semble associer le refus de l'eucharistie aux disputes et aux divisions
Maintenant, pourquoi est-ce que la doctrine enseigné par Ignace sur l'eucharistie est si importante? Parce que pour les chrétiens Catholiques et Orthodoxes, le pain consacré devient réellement le corps du Christ lors de la consécration pendant la Messe. Nous croyons ainsi car, entre autre, nous interprétons le passage de Jean chapitre 6 de façon littérale. Les chrétiens protestants (issus de la Réforme) ne croient pas à cette réalité et interprètent généralement ce passage au sens figuré où le fait de « manger » le corps du Christ se limite à un acte de Foi donc plutôt à une forme d'absorption spirituelle. Maintenant, voilà pourquoi le témoignage d'Ignace est très important: il a été, selon la tradition, disciple directe de Saint-Jean qui a écrit l'Évangile de Jean. Croyez-vous réellement qu'il n'a jamais demandé à Jean comment on devait interpréter ce chapitre à la suite de la lecture de son Évangile? Croyez-vous qu'il n'a jamais vu Jean célébrer l'eucharistie? Puisque Jean était mort seulement depuis quelques années lorsqu'Ignace a écrit cette lettre, je crois qu'il est raisonnable d'affirmer que les enseignements d'Ignace sur l'eucharistie ont été reçus de Jean lui-même. Comme Jean était l'Apôtre sur la poitrine de Jésus (Jean 13,25 et Jean 21,20) pendant la dernière Cène, je crois qu'il était bien placé pour savoir les intentions de Jésus tant qu'à la signification de son dernier repas.

Le deuxième aspect important de cette lettre est l'enseignement en rapport avec la hiérarchie de l'Église aux chapitres VIII et IX. Nous voyons bien l'évêque, le presbyterium (les prêtres) et les diacres. Ces distinctions ne sont pas nouvelles car nous les remarquons déjà dans le Nouveau Testament (Philippiens, 1 Timothée, Romain). Ce qui est marquant dans ces chapitres, c'est la continuité d'autorité entre  Jésus-Christ, les Apôtres, les évêques et le presbyterium. «Que personne ne fasse, en dehors de l'évêque, rien de ce qui regarde l'Église ».  « Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l'évêque ou de celui qu'il en aura chargé ». Il est important de noter qu'à cette époque, généralement c'est l'évêque lui-même qui célèbre l'eucharistie. Cette liaison entre l'évêque et la volonté du Christ est très signifiante puisqu'il affirme aussi : « Celui qui honore l'évêque est honoré de Dieu ; celui qui fait quelque chose à l'insu de l'évêque sert le diable. » Je reviendrait sur la vision de l'autorité d'Ignace plus en profondeur dans les prochains articles. Nous avons aussi dans cette lettre, la première mention historique du terme « catholique » pour désigner l'Église : « Là où paraît l'évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique. » Il n'y a donc pas de doute, l'Église dont nous parle Ignace est véritablement une Église visible, tangible avec une hiérarchie et une autorité bien définie. Nous sommes là bien loin d'une église invisible et uniquement spirituelle.

Dans le prochain article, nous examinerons d'autre lettres de Saint Ignace.
Les lettres  des Pères de l'Église nous sont très utiles pour en découvrir davantage sur le christianisme primitif. Certains d'entre eux, que l'on appelle Pères Apostoliques, ont été en contact avec les Apôtres de Jésus-Christ et on laissé des écrits qui ont été rédigés seulement quelques années après ceux du Nouveau Testament. Leurs témoignages ont donc une grande valeur pour témoigner de la Foi des premiers chrétiens et de l'enseignement direct qu'on fait les Apôtres.

Dans les prochains articles, je vous propose d'examiner avec vous certaines lettres et d'en extraire quelques caractéristiques qui m'ont personnellement beaucoup éclairées dans ma recherche spirituelle. Je vais par cela pouvoir vous présenter certaines des raisons qui m'ont poussé à me tourner vers l'Église Catholique plutôt qu'à une autre église chrétienne.

Plusieurs des textes que je vais utiliser peuvent être trouvé sur le site de la bibliothèque du Cerf sous la section « Les Écrits des Pères apostoliques ».
La tradition orale a joué et continue de jouer un rôle primordial dans la transmission de la doctrine chrétienne. Avant la fixation par écrit de certaines parties de cette tradition dans la Bible ou d'autres documents d'Église, cette transmission a d'abord été sous forme d'enseignements oraux. Pour certaines personnes, le fait qu'il y est d'abord eu transmission orale pendant un certain nombre d'années avant une mise par écrit définitive sème un doute tant qu'à la fiabilité de ces enseignements. Par exemple, le premier document écrit dans le Nouveau Testament est la première lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens, écrite autour de l'an 50. Cela veut dire que pendant au moins presque 20 ans, les enseignements chrétiens ce sont fait de façon orale. Sachant cela, doit-on alors douter de ces enseignements ou pouvons-nous vraiment les tenir comme fiables?

Une culture orale
Pour l'homme de 21e siècle, il peut être difficile de se représenter une culture orale. Puisque nous vivons présentement beaucoup plus dans une culture de l'écrit et aussi dotée d'une panoplie de technologie pour communiquer. Les journaux, la télévision, internet, etc. Nos facultés de mémorisation sont pour cela beaucoup moins sollicitées et cela a pour conséquence que notre mémoire est généralement moins développée que celle de l'homme moyen du premier siècle qui vivait, à l'inverse, dans une culture orale. À cette époque, les supports pour l'écriture étaient dispendieux et peu de gens savaient lire et écrire. Aussi, une des habilité sur laquelle l'éducation misait beaucoup était cette capacité à mémoriser de grandes portions de textes. Par exemple, il était commun qu'un prêtre juif mémorise la Tora (les cinq premiers livres de la Bible) par cœur, ce qui correspond dans ma Bible a environ 200 pages. Je crois donc qu'on peut faire confiance en la capacité des Apôtres et à leur contemporains pour mémoriser fidèlement la tradition reçue de Jésus-Christ.

Le jeu du téléphone arabe
Vous rappelez-vous avoir déjà joué au jeu du téléphone arabe? S'il est joué à l'école, ce jeu consiste à ce l'enseignant choisisse d'abord une phrase. On place ensuite les élèves à la file et par la suite chaque élève redit la phrase en secret à l'élève suivant sans la répéter. Rendu au dernier élève de la file, on révèle à nouveau la phrase et cela aboutit souvent une phrase très différente de celle de départ et c'est ce qui rend le jeu amusant. C'est souvent à partir d'une analogie entre la tradition orale et ce type de jeu qu'origine la méfiance envers la tradition orale. Si par exemple, on prend la phrase de l'Évangile « Jésus marche sur l'eau », aurait-elle pu être seulement au départ « Jésus boit de l'eau » et, par un processus de transmission défectueux devenir un des miracles les plus populaires de Jésus? Je ne crois pas, car le processus de transmission de la tradition orale n'a rien à voir avec le jeu du téléphone arabe. Premièrement, le but du jeu du téléphone et ce qui le rends amusant, c'est précisément que la phrase devienne différente tout au long du parcours. Certains élèves vont même délibérément prononcer maladroitement et rapidement leur phrase de manière à rendre la compréhension de l'autre plus difficile.

Une analogie plus réaliste
Si on voulait rendre possible une analogie du jeu du téléphone avec la réalité de la transmission orale chrétienne de l'époque, on devrait y ajouter plusieurs éléments. Par exemple, il faudrait tout d'abord que l'enseignant qui choisi la phrase (qui représente le Christ) répète à tous les élèves plusieurs fois sa phrase publiquement, car c'est ce que Jésus a fait en premier lieu pendant environ 3 ans. Ensuite, l'enseignant devrait se choisir des représentants dans le groupe d'élèves, qui s'assureront de la fidélité de la transmission de la phrase (qui représentent les Apôtres choisis par Jésus). Ensuite, l'enseignant devrait quitter la pièce (Ascension). Par la suite, ses représentants feraient la transmission de la phrase sous forme de lectures publiques répétées (qui représente les célébrations chrétiennes où les textes du Nouveau Testament étaient lus) et se chargeraient de corriger les élèves qui tentent de falsifier la phrase. Par la suite, les élèves qui ont entendus les lectures pourraient les répétées à d'autre élèves qui pourraient eux-aussi avoir accès au lectures publiques des représentants (qui se poursuivrait toujours) et ainsi pourraient vérifier la précision de la phrase qu'ils ont reçue. Si vous ajoutez à cela que chaque représentants devraient être prêt à mourir à la fin du jeu plutôt que de falsifier la phrase qu'ils ont répétée, vous auriez une analogie semblable à la réalité des premiers chrétiens qui ont transmis cette tradition orale. Bien sûr, même cet exemple ne peut pas représenter parfaitement tous les facteurs de cette transmission, mais vous vous rendez bien compte qu'avec ce genre de conditions, il y a peu de chance que la phrase ne soit pas fidèlement transmisse, à tout le moins pour une très grande majorité des participants. Je crois donc que ce mode de transmission, choisi et commandé par Jésus-Christ, a réussit sa mission (Mt 28,19-20).

Pour terminer cet article, je termine par deux phrases tirées des lettres de Saint Paul :
Dès lors, frères, tenez bon, gardez fermement les traditions que vous avez apprises de nous, de vive voix ou par lettre. (2 Th 2, 15)
Je vous félicite de ce qu'en toutes choses vous vous souvenez de moi et gardez les traditions comme je vous les ai transmises. (1 Co 11, 2)
Les sacrements sont des signes visibles du don gratuit (la grâce) de Dieu, institués par le Christ et confiés à l'Église. Cela est la définition des sacrements que nous donne l'Église. Il est toujours intéressant de pouvoir constater qu'il y a plus de 1500 ans, Saint-Augustin donnait aussi un enseignement semblable à ses catéchumènes (personne qui s'instruit des vérités de la Foi désirant recevoir le baptême).

Voici un extrait tiré du Traité du Catéchisme de Saint-Augustin :

CHAPITRE XXVI. EXPLIQUER LA SIGNIFICATION DES SACREMENTS. 
50. Après ces paroles, on doit demander au postulant s’il croit ces vérités et s’il désire y conformer sa conduite. Sur sa réponse affirmative, on le marquera solennellement du sceau sacré, et on le traitera comme le fait l'Église. A propos du sacrement qui lui est conféré, on lui fera comprendre avec soin que si les signes des grâces divines sont visibles on honore dans ces signes d’invisibles réalités, et qu’une fois sanctifiée par la bénédiction cette matière ne peut plus servir comme une matière profane. On expliquera ensuite et le sens des paroles sacramentelles et les effets produits intérieurement et analogues à la matière du sacrement. 
Il m'est arrivé souvent de pouvoir lire sur des documents chrétiens issus de la Réforme que le concile Catholique de Trente au 16e siècle avait ajouté 7 livres ou parties de livres au canon des Écritures qui composent la Bible. Cet enseignement me semble faux. C'est surtout sous l'influence de Martin Luther, un personnage important de la Réforme au 16e siècle, que ces livres ou parties de livres ont été rangés parmi les apocryphes (non-inspirés) pour être par la suite souvent complètement retranchés de la Bible. Les sept livres en questions sont les livres complets de Judith, Tobie, Sagesse, Ecclésiastique (aussi appelé Siracide), Baruch, 1 Macchabées et 2 Macchabées. Il y a aussi les portions rédigées en grecs d'Esther et de Daniel.

En plus des nombreux conciles qui ont eu lieu au 4e et 5e siècles (Hippone, Carthage...), un des témoignage des plus significatif que nous avons de ce fait se situe dans un texte de Saint-Augustin qui a vécu lui aussi à cette période où il énumère les livres du canon et donnes aussi des pistes de la réflexion qui a mener à ce canon. Vous verrez que vous ne verrez pas le livre de Baruch dans cette liste car il était à l'époque souvent fusionné avec le livre de Jérémie (Baruch était son secrétaire).

Voici l'extrait de Saint-Augustin, datant d'environ mille ans avant la Réforme :

CHAPITRE VIII. LIVRES CANONIQUES. 
12. Revenons maintenant au troisième degré, dont nous nous sommes proposé de traiter spécialement, suivant les lumières qu'il plaira à Dieu de nous accorder. La règle la plus sage à suivre pour pénétrer dans les profondeurs des divines Écritures, est de commencer par les lire tout entières afin d'en acquérir au moins la connaissance que peut en donner cette lecture, si l'on n'arrive pas encore à les comprendre. On se bornera d'abord à celles qui sont réputées canoniques. Il y aura moins de danger à lire les autres, lorsqu'on sera instruit des vérités de la foi; il serait à craindre que, s'emparant d'un esprit encore faible, et le prévenant de leurs fables et de leurs dangereuses erreurs, elles ne lui inspirassent des préjugés contraires à une saine interprétation. 
Pour les Écritures canoniques, on suivra l'autorité du plus grand nombre des Églises catholiques, au premier rang desquelles on devra mettre celles qui ont eu le privilège d'être le siège des apôtres et d'en recevoir des lettres. On aura pour principe et pour règle en cette matière, de préférer celles que reçoivent toutes les Églises catholiques à celles qui sont rejetées de quelques-unes; et parmi celles que toutes les Églises n'admettent pas, on préférera celles que reçoivent des Églises plus nombreuses et plus considérables, à celles qui n'ont l'assentiment que de quelques Églises de moindre autorité. Si l'on rencontre certains livres admis par un plus grand nombre d'Églises, et d'autres par des Églises plus considérables, circonstance d'ailleurs difficile à se produire, je pense qu'on doit leur reconnaître le même degré d'autorité. 
13. Le canon entier des Écritures, auquel se rapportent les considérations que nous venons d'exposer, se compose des livres suivants : les cinq livres de Moïse : la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome; le livre de Josué, le livre des Juges, le petit livre de Ruth, qui semble plutôt faire partie du commencement de l'histoire des Rois, et les deux livres des Paralipomènes, qui sont, non une suite dés précédents, mais comme des suppléments qui en suivent l'ordre et la marche. Tels sont les Livres historiques, où les époques s'enchaînent les unes aux autres, et où se déroule la suite naturelle des évènements. Il en est d'autres dont les faits n'ont aucun lien qui les rattache à cet ordre naturel ni entre eux. Ce sont les livres de Job, de Tobie, d'Esther, de Judith, les deux livres des Macchabées, et les deux livres d'Esdras, qui semblent plutôt continuer l'histoire suivie des livres des Rois ou des Paralipomènes. Viennent ensuite parmi les prophètes, le livre des psaumes de David, les trois livres de Salomon : les Proverbes, le Cantique des Cantiques et l'Ecclésiaste. Une certaine ressemblance de forme et de style a fait attribuer à Salomon les deux livres de la Sagesse et de l’Ecclésiastique, mais une tradition constante leur donne pour auteur Jésus Sirach ; toutefois l'autorité qu'on leur a reconnue dans l'Église doit les faire ranger au nombre des livres prophétiques. Les autres livres sont ceux des prophètes proprement dits; les livres des douze prophètes qu'on n'a jamais séparés ne forment ensemble qu'un seul livre. Ces prophètes sont Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie. Ensuite les quatre livres des quatre grands prophètes, Isaïe, Jérémie, Daniel et Ezéchiel. Tels sont les quarante-quatre livres qui font autorité dans l’Ancien Testament. Le Nouveau comprend les quatre livres de l'Évangile selon Mathieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean; les quatorze épîtres de l'apôtre Paul une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux Éphésiens, une aux Philippiens, deux aux Thessaloniciens, une aux Colossiens, deux à Timothée, une à Tite, une à Philémon et une aux Hébreux; deux épîtres de saint Pierre, trois de saint Jean, une de saint Jacques, le livre des Actes des apôtres, le livre de l'Apocalypse de saint Jean. 

Source : De la doctrine chrétienne, Œuvres complètes de Saint-Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Raulx, Tome IV, p. 23-24. BAR-LE-DUC,1866.