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Georges Antoine Keman, La Dernière Cène (XIXe siècle)

Il y a plus longtemps que je ne voudrais l'admettre, je parlais à une amie protestante du collège au sujet des enseignements de saint Paul sur l'Eucharistie dans 1 Corinthiens. Je lui lis le passage où Paul nous prévient de ne profaner l'Eucharistie en le recevant indignement (1 Corinthiens 11, 23-29) :

Car, pour moi, j'ai reçu du Seigneur, ce que je vous ai aussi transmis, à savoir, que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, le rompit et dit : " [Prenez et mangez]; ceci est mon corps, [qui sera livré] pour vous; faites ceci en mémoire de moi. " De même, après avoir soupé, il prit le calice et dit : " Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. " Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. 
C'est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice; car celui qui mange et boit [indignement], sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit son propre jugement.

J'avais été bouleversé par la clarté du passage. Si l'Eucharistie n’était qu’un simple symbole, pourquoi nous mettrait-il en garde contre le risque de profaner le « corps et le sang » du Seigneur? Mon amie, en lisant ce même passage, est arrivée à une conclusion opposée: « si l'Eucharistie est vraiment le Corps du Christ, pourquoi saint Paul continue-t-il de le désigner comme étant du « pain »? Ce qui me semblait être vraisemblablement une référence à Jésus, le Pain de Vie, a semblé pour elle se référer littéralement au pain.

Alors, comment pouvons-nous savoir comment interpréter ce passage? Une réponse pourrait être de regarder comment l'Église primitive le comprenait. Si personne dans les premiers siècles de l'Église n'a compris l’enseignement biblique sur l'Eucharistie de la manière dont vous le comprenez, quelle est la probabilité que vous ayez raison et qu’ils aient tous tort? Quel mauvais travail les Apôtres auraient-ils dû faire pour nous laisser une Église dans laquelle personne ne comprenaient les enseignements fondamentaux du christianisme?

Mais, il y a une autre façon d'aborder cette question et qui est de laisser les Écritures interpréter l'Écriture. Peu de temps avant ce passage de 1 Corinthiens, saint Paul dit dans 1 Corinthiens 10, 16-17:

Le calice de bénédiction, que nous bénissons, n'est-il pas une communion au sang du Christ? Et le pain, que nous rompons, n'est-il pas une communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs; car nous participons tous à un même pain.

J'ai déjà mentionné une triple comparaison fascinante que saint Paul fait entre:


  1. Les païens, qui deviennent en « communion avec les démons » en offrant de la nourriture et des boissons aux idoles, puis en mangeant et en buvant cet aliment et cette boisson sacrificielle (« le calice de démons »), pris de l'autel qu'il appelle « la table des démons » (1 Corinthiens 10, 19-21);
  2. Les juifs, qui « participent à l'autel » lorsqu'ils « mangent les sacrifices » offerts au Temple (1 Corinthiens 10, 18); et
  3. Les chrétiens qui « communient » au Corps et au Sang du Christ en consommant l'Eucharistie, pris sur l'autel eucharistique, qu'il appelle la « table du Seigneur ». Il se réfère au calice comme étant « la coupe du Seigneur » et une communion à Son Sang. (1 Corinthiens 10, 16-21)


Cette analogie ne fonctionne seulement si, comme dans les exemples juifs et païens, l'Eucharistie chrétienne est un repas rituel et sacrificiel. Sinon, qu'est-ce que Paul pourrait bien vouloir prouver avec ces exemples?

Mais il y a une autre dimension à ce passage que je n'avais jamais remarqué jusqu'à récemment où je suis tombé sur un commentaire au sujet de ce passage. L'auteur (le cardinal Ratzinger si ma mémoire est bonne) demande ce que nous devrions faire du passage : « nous participons tous à un même pain ». Comme le passage de 1 Corinthiens 11, la question d'interprétation est de savoir si « le même pain » se réfère à Jésus ou littéralement au pain. Ou, pour le dire autrement, Paul veut-il dire « le même pain » ou « le même Pain »?

Le commentaire affirmait que Paul ne peut pas signifier que lui, les Corinthiens et le reste de l'Église sont tous un seul Corps parce qu'ils partagent tous un seul morceau de pain. Ce serait évidemment faux. Ce n'est pas comme si un boulanger chrétien préparait des pains gigantesques pour partager entre tous les chrétiens de la terre. En d'autres termes, Paul ne peut pas dire ce que mon amie avait compris, parce que cette lecture n'est pas vraie. Plutôt, il signifie clairement que les chrétiens sont un, parce qu'ils sont tous participant en Christ (voir Hébreux 3, 14) et qu’ils participent à travers l'Eucharistie.

Le « même pain » dans 1 Corinthiens 10-11 est le pain unique, le Pain de Vie, Jésus-Christ. Lu dans cet optique, le passage enseigne clairement la Présence Réelle, c'est pourquoi « quiconque mange et boit indignement, sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit son propre jugement » (1 Corinthiens 11, 29).


Cet article est une traduction personnelle de l’article « Does St. Paul Think the Eucharist is Just Bread? » de Joe Heschmeyer.

Il y a quelques jours, un lecteur m’a posé la question suivante :

Hier, je suis tombé sur un livre dans lequel on disait que la Vierge Marie pourrait avoir eu des tentations. Je trouve cela un peu étrange, car l’Église enseigne que la Vierge Marie est Immaculée Conception et qu’elle n’avait pas souffert de concupiscence. Est-ce vraiment possible qu’elle ait alors pu être tentée?

La Vierge Marie est en effet Immaculée Conception, c’est-à-dire qu’elle a été conçue sans le péché originel, que nous avons tous depuis le péché d’Adam et Ève :

La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel

Comme vous le dites, la Vierge Marie n’aurait pas non plus souffert de concupiscence, c.-à-d. d’un mouvement de l'appétit sensible contraire au fonctionnement de la raison humaine, comme l’explique le catéchisme de l’Église catholique au # 2515 :

Au sens étymologique, la " concupiscence " peut désigner toute forme véhémente de désir humain. La théologie chrétienne lui a donné le sens particulier du mouvement de l’appétit sensible qui contrarie l’oeuvre de la raison humaine. L’Apôtre S. Paul l’identifie à la révolte que la " chair " mène contre l’ "esprit ". Elle vient de la désobéissance du premier péché. Elle dérègle les facultés morales de l’homme et, sans être une faute en elle-même, incline ce dernier à commettre des péchés.

Cependant, l’Immaculée Conception et l’absence de concupiscence ne signifient pas qu’on soit alors absolument protégé de toutes tentations. Par exemple, Notre Seigneur Jésus-Christ, étant lui-même sans la souillure du péché originel et n’ayant lui aussi pas souffert de la concupiscence, a tout de même été tenté au désert par Satan (Mt 4, 1-11; Mc 1, 12-13; Lc 4, 1-13).

S'il était possible pour Dieu le Fils, qui était aussi sans péché et sans concupiscence, d'expérimenter des tentations, alors nous pouvons conclure qu'il était au moins dans le domaine du possible pour la Vierge Marie d’avoir expérimenté des tentations. Ce livre que vous avez trouvé me semble donc exact… à moins bien sûr qu’il irait jusqu’à insinuer par là que la Vierge Marie ait succombé à l’une de ses tentations… ce qui alors serait faux.