L’agneau de Dieu, livre de prières de Waldburg (1486)

Dans Apocalypse 5, 1-10, Saint Jean décrit un rouleau scellé de sept sceaux que personne ne pouvait ouvrir:

Puis je vis dans la main droite de Celui qui était assis sur le trône un livre écrit en dedans et en dehors, et scellé de sept sceaux. Et je vis un ange puissant qui criait d'une voix forte " Qui est digne d'ouvrir le livre et de rompre les sceaux? " Et personne ni dans le ciel, ni sur la terre, ne pouvait ouvrir le livre ni le regarder (Apocalypse 5, 1-3).


Alors un des vieillards me dit : " Ne pleure point; voici que le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu, de manière à pouvoir ouvrir le livre et ses sept sceaux". c'est là que Jean vis le Christ, " au milieu du trône et des quatre animaux, parmis les vieillards. " Le contexte ici est profondément liturgique : les quatre animaux représentent les quatre évangiles (Apocalypse 4, 6-7) et le Christ est entouré par les anciens (presbytes ou prêtres). Jésus-Christ est présenté d'une manière eucharistique presque paradoxale: « je vis un Agneau qui était debout : il semblait avoir été immolé ». Le Christ, présenté de cette manière, est la clé pour ouvrir les sept sceaux et révéler le sens du livre. Cela est vrai pour pratiquement chaque aspect de la vie chrétienne. Voici sept autres domaines où l'Eucharistie est la « clé » pour l'ouverture d'une meilleure compréhension.

1. La clé de la Nouvelle Alliance

Dans les cercles théologiques, beaucoup est dit à propos de la « théologie de l’alliance » et le christianisme est souvent désigné comme « la Nouvelle Alliance ». Compte tenu de cela, il est frappant de remarquer que le Christ mentionne spécifiquement la Nouvelle Alliance une seule fois dans le Nouveau Testament et c’est à la Cène. Comme il consacrait le vin en Son Sang, il dit: «Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi » (1 Corinthiens 11, 25; Matthieu 26, 28; Marc 14, 24; Luc 22, 20). Ainsi, le Christ nous dit : si vous voulez comprendre la Nouvelle Alliance, vous devez regarder ici:

Antoni Estruch, La Cène

Si vous avez une théologie de l’alliance qui n’est pas centrée sur l'Eucharistie, vous n’avez alors pas la vision d’ensemble de l’alliance.

2. La clé de l'Ancienne Alliance

L'Ancienne Alliance peut être un peu déroutante pour les lecteurs modernes : pourquoi tous ces sacrifices d'animaux et ce sang? Hébreux 9, 18-22 explique:

Voilà pourquoi même la première alliance n'a pas été inaugurée sans effusion de sang. Moïse, après avoir proclamé devant tout le peuple tous les commandements selon la teneur de la Loi, prit le sang des taureaux et des boucs, avec de l'eau, de la laine écarlate et de l'hysope, et il fit l'aspersion sur le Livre lui-même et sur tout le peuple, en disant : " Voici le sang de l'alliance que Dieu a contractée avec vous. " II aspergea de même avec le sang le tabernacle et tous les ustensiles du culte. Et d'après la Loi, presque tout se purifie avec du sang; et sans effusion de sang il n'y a pas de rémission (Hébreux 9, 18-22).

Écoutez comment les paroles du Christ font écho à Moïse à travers le temps et l'espace. Si vous revenez au passage de l'Ancien Testament auquel Hébreux fait référence, cette connexion est encore plus profonde :

Ayant pris le livre de l'alliance, il le lut en présence du peuple, qui répondit : "Tout ce qu'a dit Yahweh, nous le ferons et nous y obéirons." Moïse prit le sang et en aspergea le peuple, en disant : "Voici le sang de l'alliance que Yahweh a conclue avec vous sur toutes ces paroles." Moïse monta avec Aaron, Nadab et Abiu et soixante-dix des anciens d'Israël; et ils virent le Dieu d'Israël : sous ses pieds était comme un ouvrage de brillants saphirs, pur comme le ciel même. Et il n'étendit pas sa main sur les élus des enfants d'Israël : ils virent Dieu, et ils mangèrent et burent (Exode 24, 7-11).

Le passage entier procède liturgiquement. Il commence par des lectures bibliques, provenant du livre de l'alliance. Les gens répondent alors avec une forme de Credo : leur profession de foi. Alors Moïse déclare le sang de l'alliance, parallèlement à la consécration de l'Eucharistie. Puis, il est temps pour une communion céleste: Moïse et les anciens virent Dieu, ils mangèrent et ils burent.

Il y a ici un principe à garder à l'esprit : les préfigurations de l’Ancienne Alliance sont toujours inférieures aux accomplissements de la Nouvelle Alliance. La préfiguration n’est jamais aussi impressionnante que la chose qui est préfigurée. Donc, la liturgie que préfigurait Exode 24 sera plus étonnante que de manger et de boire tout en voyant le Dieu d'Israël.

Il se trouve que cela est un des nombreux endroits où l'Ancien Testament pointe vers l'Eucharistie. J’ai déjà écrit à ce sujet avant, je vais donc seulement signaler les endroits les plus évidents.


  • La manne dans le désert (Exode 16) pointe vers le Corps du Christ. Jésus fait cette connexion dans Jean 6, dans lequel il prétend être supérieur à la manne (Jean 6, 49-50) et dit : «Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel; si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai pour la vie du monde est ma chair ». Le Notre Père, en appelant à notre « pain quotidien », fait référence au Christ dans cette capacité, comme étant notre manne « sur-essentiel », tombée du ciel.
  • L'eau du rocher (Exode 17) pointe vers le Sang du Christ : Saint-Paul relie la manne et l'eau dans 1 Corinthiens, se référant à eux comme étant l'aliments et la boisson spirituels des Juifs (1 Corinthiens 10, 3-4).
  • La Pâque (Exode 12) pointe vers l'Eucharistie dans la façon qui est probablement la plus évidente. 1 Corinthiens 5, 7 décrit le Christ comme étant « notre agneau pascal », qui « a été immolé ». Ce sacrifice est inséparable du Sacrifice de la Messe, institué à la dernière Cène - qui, non pas par hasard, se déroule pendant la Pâque (Luc 22, 15). Aussi, vous vous rappelez le discours eucharistique de Jean 6 qui a été référencé ci-dessus? Il se déroule aussi au temps de la Pâque (Jean 6, 4).


Il y a plusieurs autres exemples, mais comme je l'ai dit, j’ai déjà écrit sur cela auparavant. Pour l'instant, il suffit de dire que vous ne pouvez pas comprendre pleinement aucun des passages de l'Ancien Testament, ou le but du système sacrificiel sanglant au sens large, sans comprendre le sacrifice eucharistique.

Israhel van Meckenem, Messe de saint Grégoire (15e siècle)
3. La clé de la Messe

Dans 1 Corinthiens 10, Saint-Paul trace un triple parallèle, entre les systèmes sacrificiels des païens, des juifs et des chrétiens :

Le calice de bénédiction, que nous bénissons, n'est-il pas une communion au sang du Christ? Et le pain, que nous rompons, n'est-il pas une communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs; car nous participons tous à un même pain. Voyez Israël selon la chair : ceux qui mangent les victimes ne participent-ils pas à l'autel? Qu'est-ce à dire? Que la viande sacrifiée aux idoles soit quelque chose, ou qu'une idole soit quelque chose? Nullement; je dis que ce que les païens offrent en sacrifice, ils l'immolent à des démons et non à Dieu; or je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons. Vous ne pouvez boire à la fois au calice du Seigneur et au calice des démons; vous ne pouvez prendre part à la table du Seigneur et à la table des démons. Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur? Sommes-nous plus forts que lui? (1 Corinthiens 10, 16-22)


Commençons avec les païens. Ils offrent des sacrifices aux démons, à l'autel, que Paul décrit comme étant « la table des démons ». Ils mangent et boivent ensuite ces sacrifices. Paul décrit leur libation sacrificielle comme étant « la coupe des démons ». En mangeant le sacrifice, ils deviennent ainsi « partenaires avec les démons ».

Comparez cela avec les Juifs d'Israël. Leurs prêtres sacrifient aussi à l'autel, mais à Dieu, plutôt qu’aux démons. Comme le note Paul, les gens participent au sacrifice en mangeant : « ceux qui mangent les victimes ne participent-ils pas à l'autel? »

Maintenant, regardez le christianisme. Nos prêtres sacrifient aussi à l'autel, que Paul décrit comme étant « la table du Seigneur ». Nous mangeons et buvons ensuite ces sacrifices. Paul décrit le Sang du Christ, notre libation sacrificielle, comme étant « la Coupe du Seigneur» et,  dans un clin d'œil à la Pâque, comme étant « la Coupe de Bénédiction ».  C’est en mangeant et en buvant ce Sacrifice eucharistique, que nous participons au Corps et au Sang du Christ et dans Son Sacrifice. Si vous ne disposez pas de ces éléments sacrificiels et eucharistiques dans votre compréhension du christianisme, tous ces parallèles s’effondrent. Voilà pourquoi le Catéchisme peut dire que l'Eucharistie est

" source et sommet de toute la vie chrétienne ". " Les autres sacrements ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle. Car la sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église, c’est-à-dire le Christ lui-même, notre Pâque " (CEC #1324).

Ceci est essentiel pour comprendre la Messe, la Divine Liturgie et toutes les liturgies chrétiennes anciennes. Par exemple, la Liturgie de saint Jacques est considérée comme étant la plus ancienne Liturgie couramment utilisée. L'Hymne des Chérubins, une partie de la Liturgie qui était probablement présente depuis le début des années 300, exprime admirablement cette centralité de l'Eucharistie:

Que toute chair mortelle se taise, se tienne avec crainte et tremblement et ne médite rien de terrestre en lui-même: - Car le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le Christ notre Dieu, se présente pour être sacrifié et être donné en nourriture aux fidèles; et des bandes d'anges vont devant Lui avec tout pouvoir et toute domination, les Chérubins aux yeux innombrables et les séraphins aux six ailes, couvrant leurs visages et criant tout haut l'hymne : Alleluia Alleluia Alleluia.

Cela dépeint un tableau de la Divine Liturgie en tant que manifestation terrestre de la Liturgie Céleste que nous voyons relatée dans le Livre de l'Apocalypse. Au cœur de cette liturgie est l'offrande du Christ, qui nous est donnée dans l'Eucharistie. Il est ce qui explique le paradoxe de l'Agneau debout, bien que tué. Nous ne nous attendons pas à ce qu’un agneau immolé puisse être debout: nous nous attendons à ce qu’Il soit couché, mort et vaincu. Mais l'auto-sacrifice du Christ est Sa victoire, pas sa défaite : « Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12, 32). Il est non seulement la victime : Il est aussi le prêtre. Au Banquet Céleste, Il est à la fois l’hôte et l’hostie. Saint Jean Chrysostome saisit cette dimension céleste, dans Sur le Sacerdoce (an 387):

Quand tu vois le Seigneur immolé et étendu sur l’autel, le prêtre qui se penche sur la victime et qui prie, et tous les fidèles empourprés de ce sang précieux, crois-tu encore être parmi les hommes, et même sur la terre? N’es-tu pas plutôt transporté dans les cieux, et, toute pensée charnelle bannie, comme si tu étais un pur esprit, dépouillé de la chair, ne contemples-tu pas les merveilles d’un monde supérieur? O prodige! ô bonté de Dieu! Celui qui est assis là-haut, à la droite du Père, en ce moment même se laisse prendre par les mains de tous, il se donne à qui veut le recevoir et le presser sur son coeur; voilà ce qui se passe aux regards de la foi. Ces choses le paraissent-elles mériter le mépris? Sont-elles de nature à ce que l’on puisse les regarder comme au-dessous de soi? (Saint Jean Chrysostome, Sur le Sacerdoce, livre 3, chapitre 4)
Maître de Jacques de Besançon, la Messe de saint Grégoire (1500)

4. La clé du christianisme primitif

L'Eucharistie était non seulement la clé de la Liturgie des premiers chrétiens, elle était la clé de toute leur vie et de leur Église. Nous voyons cela très tôt. Saint Ignace d'Antioche, un étudiant de l'apôtre Jean qui a écrit autour de l’an 107, utilise le refus de la présence réelle des gnostiques comme preuve qu'ils ne faisaient pas partie de l'Église:

Ils [les gnostiques] s'abstiennent de l'eucharistie et de la prière, parce qu'ils ne confessent pas que l'eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, chair qui a souffert pour nos péchés, et que dans sa bonté le Père a ressuscitée. Ainsi ceux qui refusent le don de Dieu meurent dans leurs disputes. Il leur serait utile de pratiquer la charité pour ressusciter eux aussi. Il convient de vous tenir à l'écart de ces gens-là, et de ne parler d'eux ni en privé ni en public, mais de vous attacher aux prophètes, et spécialement à l'Évangile, dans lequel la passion nous est montrée et la résurrection accomplie. Et les divisions, fuyez-les comme le principe de tous les maux. (Saint Ignace d’Antioche, Épître aux Smyrniotes, chapitre 7).

Ignace ne cherche pas à convaincre ses lecteurs que l'Eucharistie est vraiment la chair et le sang de Jésus-Christ. Il sait qu'ils le savent. Au lieu de cela, il dit l’Église que, parce que les gnostiques ne confessent pas cette croyance, nous ne pouvons pas être en communion avec eux. Il décrit aussi leur refus de l'Eucharistie comme étant la cause de leur mort spirituelle et dit que ce serait mieux s’ils se repentaient, car ils pourraient alors revivre de nouveau.

En 180 de notre ère, nous voyons saint Irénée de Lyon présenter un argument très similaire (à titre de référence, la première utilisation du mot « Trinité » pour décrire la divinité est en l’an 181, donc nous parlons toujours d’une période assez tôt dans l'histoire chrétienne). Irénée répond à ceux qui nient la résurrection corporelle des chrétiens à la fin des temps. Il réfute leur point de vue en montrant qu'il n’est pas compatible avec la présence réelle de l'Eucharistie:

Comment encore peuvent-ils dire que la chair s'en va à la corruption et n'a point part à la vie, alors qu'elle est nourrie du corps du Seigneur et de son sang ? Qu'ils changent donc leur façon de penser, ou qu'ils s'abstiennent d'offrir ce que nous venons de dire ! Pour nous, notre façon de penser s'accorde avec l'eucharistie et l'eucharistie en retour confirme notre façon de penser. Car nous lui offrons ce qui est sien, proclamant d'une façon harmonieuse la communion et l'union de la chair et de l'Esprit : car de même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu l'invocation de Dieu, n'est plus du pain ordinaire, mais eucharistie, constituée de deux choses, l'une terrestre et l'autre céleste, de même nos corps qui participent à l'eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu'ils ont l'espérance de la résurrection (Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, livre IV, chapitre 18).

En d'autres termes, l'Eucharistie est une communion avec Jésus-Christ, Corps, Sang, Âme et Divinité. Nous communions avec lui à la fois spirituellement et physiquement. Parce que nos corps reçoivent l'Homme-Dieu Jésus-Christ, nous pouvons être assurés que nos corps ne seront pas tout simplement jetés à la fin de nos vies. Au contraire, comme le dit le Christ : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6, 54). Ce qui est frappant est que la croyance d’Irénée en la Résurrection générale est, de son propre aveu, enracinée dans sa foi en la présence réelle. Elle est au cœur de sa théologie et c’est la clé pour comprendre les croyances des premiers chrétiens.

Pour voir ce qui se passe quand quelqu'un n'a pas cette clé, regardez l’Octavius de Minucius Felix (écrit entre l’an 150 et 270). Ici, nous retrouvons une objection romaine au christianisme, enraciné dans un malentendu étrange de l'Eucharistie:

D'ailleurs, les cérémonies qu'ils observent quand ils admettent quelqu'un à leurs mystères ne sont pas moins publiques qu'horribles. On met devant ce nouveau venu un enfant couvert de pâte, afin de cacher le meurtre qu'on veut faire commettre : c'est là-dedans qu'il donne, par leur commandement, plusieurs coups de couteau; le sang coule de toutes parts, ils le sucent avidement, et ce crime commun est le gage commun du silence et du secret. (Minucius Felix, Octavius, chapitre 9)

Les Romains sont bien conscients que l'enfant Christ est centrale au christianisme et qu'il y a quelque chose à propos de manger de la chair et du sang sous les apparences du pain. Mais ils l’ont mal compris (intentionnellement ou par erreur) de la façon la plus barbare et cannibale imaginable. Si votre christianisme n’est pas capable d'être mal compris de cette manière, il n’est pas la même foi pratiquée par les premiers chrétiens.

5. La clé de l'Église

Revenons à 1 Corinthiens 10, pour nous rappeler comment saint Paul dit « Puisqu'il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs; car nous participons tous à un même pain.» (1 Corinthiens 10, 17). L'ordre de la causalité est important ici. Parfois, les gens pensent que nous avons la Communion pour célébrer le fait que nous sommes un. Que parce que nous sommes un, nous partageons la même Eucharistie. Mais non, saint Paul dit le contraire : c’est parce que nous partageons la même Eucharistie, nous sommes un seul corps. Dans cette perspective, notre union comme Église est non seulement célébré par l'Eucharistie; dans une manière très réelle, elle est causée par l'Eucharistie.

Notre communion ecclésiale est enracinée dans la Communion Sacramentelle. Le Corps mystique du Christ, l'Église (Éphésiens 5, 23), est fondée sur le corps sacramentel du Christ, l'Eucharistie. En fait, ceci est la raison pour laquelle l'Église est appelée le Corps Mystique du Christ: il est enraciné dans le grand Mystère sacramentel. Gardez cela à l'esprit lorsque vous rencontrez des Écritures comme « le Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée dans l'eau baptismale, avec la parole, pour la faire paraître, devant lui, cette Église, glorieuse, sans tache, sans ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée » (Éphésiens 5, 25-27). L'Église au cœur du mystère du salut est enracinée dans l'Eucharistie.

Alexandre Falguière, Tarcisius, martyr chrétien (1868)

6. La clé de la vie des saints

Il y a plusieurs sens dans lesquels nous pouvons voir la centralité de l'Eucharistie pour la vie des Saints. Les exemples les plus évidents sont les chrétiens qui ont mis leur vie en jeu pour préserver le Saint-Sacrement. Saint Ambroise (340-397) raconte l'histoire de son défunt frère Satyre, qui a risqué la noyade pour protéger l'Eucharistie après un naufrage:

Avant d'être initié dans les mystères les plus parfaits, il [Satyre] était en danger de naufrage, lorsque le navire qui le portait heurta les bas-fonds rocheux et était brisé par les vagues. Ne craignant pas la mort, mais de peur qu'il ne quitte cette vie sans ce mystère, il a demandé à ceux qu'il savait être initié au divin Sacrement des fidèles; pas qu'il voulait contempler les choses secrètes avec des yeux curieux, mais pour obtenir de l'aide pour sa foi. Alors il l'a fait lier dans une serviette et plaça la serviette autour de son cou et se jeta ainsi dans la mer, ne cherchant pas une planche qui se serait détachée du cadre du navire pour flotter et sur lequel il aurait pu être sauvé, car il cherchait les moyens de la foi seule. Croyant ainsi qu'il était suffisamment protégé et défendu par cela, il n’a cherché aucune autre aide  (saint Ambroise, sur la mort de Satyre, livre I, chapitre 43).

On pourrait prendre aussi l'exemple de Tarcisius, un garçon de douze ans du troisième siècle. Il était un acolyte et il portait l'Eucharistie aux malades, quand il a été harcelé par un groupe de garçons païens. Quand il a refusé de leur donner le Sacrement, ils l'ont battu à mort. Un poème le commémorant, écrit par le Pape Damase, nous rappelle que « Quand une bande fous menaça saint Tarsicius qui portait les sacrements du Christ, pour les montrer aux profanes, il a préféré être tué et renoncer à son existence plutôt que de trahir aux chiens enragés le corps céleste ».

Il y a d'autres saints, qui sont peut-être moins évidents, dont leur vie est devenue très eucharistique, ce qui les ont conduits à se donner pour les autres. Vous avez saint Paul qui dit: « même dût mon sang servir de libation dans le sacrifice et dans le service de votre foi, je m'en réjouis et vous en félicite » (Philippiens 2, 17), et « quant à moi, je suis déjà offert en sacrifice, et le moment de mon départ approche » (2 Timothée 4, 6). Littéralement, ce second passage se lit : « je suis déjà sur le point d'être versé en sacrifice ». Comparer ces déclarations à la parole de Jésus-Christ à la dernière Cène, « Ceci est mon sang de la Nouvelle Alliance, qui est répandue pour la multitude » (Marc 14, 24). De même, saint Ignace écrivant aux Romains en route pour y être martyrisé, disait: « Je suis le froment de Dieu. Laissez-moi être broyés par les dents des bêtes sauvages, que je sois trouvé le pain pur du Christ ».

Saint Augustin voyait saint Laurent de la même façon:

L'Église romaine nous recommande cette journée comme étant le jour de triomphe du bienheureux Laurent, qui a foulé ce monde comme celui-ci a rugi et ragé contre lui; rejeté comme lui a flatté et cajolé; et dans chaque cas, il a conquis le diable, comme il l'a persécuté. Car dans cette église, vous voyez, comme il vous a régulièrement été dit, il a occupé la fonction de diacre; c’est là qu'il a administré le calice sacré du sang de Christ; c’est là qu'il a versé son propre sang pour le nom du Christ. Jean, le bienheureux apôtre, a clairement expliqué le mystère de la Cène du Seigneur, quand il dit même que le Christ a donné sa vie pour nous, donc nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères. Saint Laurent a compris cela, mes frères, et il l'a fait; il prépare sans doute des choses semblables à ceux qu'il a reçus à cette table. Il aimait le Christ dans sa vie et il l'imita dans sa mort.

7. La clé de notre propre vie spirituelle 

Chacun des saints eucharistiques que j’ai mentionnés dans la dernière section ont risqué leur vie pour le Saint-Sacrement. Mais dans son sermon sur saint Laurent, Augustin est prompt à souligner que « non seulement les roses de martyrs, mais aussi les lys des vierges,  les lierres des personnes mariées et les violettes des veuves. Il n'y a absolument aucune espèce d'êtres humains, mes bien-aimés, qui ont besoin de désespérer de leur vocation; le Christ a souffert pour tous ».

Les conseils de Mère Teresa à des prêtres sont applicables, dans un sens plus large, à nous tous:

Par votre vie tissée serrée avec l'Eucharistie, l'amour de Dieu en Jésus, caché sous les humbles apparences du pain et du vin, peut être vécu dans toute sa grandeur et sa beauté dans les humbles événements de la vie quotidienne. Vous devez continuer votre messe après sa célébration quotidienne au cours de la liturgie, par votre fidélité sincère pour les petits instants de la vie. Comme les gouttes d'huile, qui nourrissent la lampe du sanctuaire et qui brûle en permanence près de Jésus vivant dans le tabernacle, votre vie doit être le prolongement de l'Eucharistie que vous offrez. Avec ce pain, vous devez être brisé pour beaucoup, avec cette Coupe votre vie doit être versée. La charité est l'amour en action.

Saint Josemaría donne quelques conseils concrets pour garder l'Eucharistie au centre de nos vies: de passer du temps, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur de la Messe, devant le Saint-Sacrement:

Je ne vois pas comment on pourrait vivre comme un chrétien et ne pas sentir la nécessité de la constante amitié de Jésus dans la parole et dans le pain, dans la prière et dans l'Eucharistie. Je comprends facilement la façon dont des générations successives de fidèles ont exprimé leur amour pour l'Eucharistie, à la fois par des dévotions publiques en faisant des professions de foi et silencieuses, des pratiques simples dans la paix d'une église ou dans l'intimité de leur cœur. 
Nous devons aimer la Sainte Messe qui doit être le centre de notre journée. Si nous vivons bien la Messe, comment ne pas nous trouver le reste de la journée à penser au Seigneur, démangé par l’envie de ne pas nous éloigner de sa présence, à travailler comme il travaillait et à aimer comme Il aimait ? Et si nous apprenons à remercier notre Seigneur pour sa bonté à ne pas limiter sa présence à l'heure du sacrifice de l'autel. Il a décidé de rester avec nous dans l’hostie qui est en réserve dans le tabernacle. 
Je vous dirais que le Tabernacle a toujours été pour moi Béthanie, ce lieu calme et paisible où se trouve le Christ, où nous pouvons lui parler de nos soucis, nos souffrances, nos espoirs et nos joies, avec la simplicité et le naturel de ses amis, Marthe, Marie et Lazare. C’est pourquoi, quand je parcours les rues d’une ville ou d’un village, je me réjouis de découvrir, même de loin, la silhouette d’une église; c’est un nouveau Tabernacle, une occasion de plus de laisser l’âme s’échapper, pour être, par le désir, aux côtés du Seigneur dans le saint Sacrement.

Telle est la foi eucharistique proclamée par le Christ, par l'Ancien et le Nouveau Testament, par les saints, par la Divine Liturgie et par l'Église à travers les âges. Tirer le meilleur du christianisme exige une compréhension profonde de ce Mystère.


Cet article est une traduction personnelle de l’article «7 Mysteries of the Faith Unlocked by the Eucharist» de Joe Heschmeyer. Vous pouvez consulter l’article original en anglais ici.

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La religion pure

L'Évangile d'aujourd'hui place Jésus dans une lumière prophétique, comme ayant autorité pour interpréter la loi de Dieu.

La citation de Jésus du livre d'Isaïe est ironique (voir Isaïe 29, 13). En observant la loi, les pharisiens honorent Dieu en veillant à ce que rien de souillé ne passe leurs lèvres. En cela, cependant, ils ont tourné la loi à l’envers, en en faisant seulement une question d’effectuer certaines actions extérieures.

Le don de la loi, que Dieu donne à Israël dans la Première Lecture d'aujourd'hui, est accompli dans l'évangile de Jésus, qui nous montre le vrai sens et le but de la loi (voir Matthieu 5, 17).

La loi accomplie dans l'évangile est destinée à former nos cœurs, pour nous rendre purs, capables de vivre dans la présence du Seigneur. La loi a été donnée afin que nous vivions et que nous entrions dans l'héritage promis : le royaume de Dieu, la vie éternelle.

Israël, par son respect de la loi, devait être un exemple pour les nations environnantes. Comme le dit Jacques dans l'Épître d'aujourd'hui, l'Évangile nous a été donné pour que nous puissions avoir une nouvelle naissance par la Parole de vérité. En vivant la Parole que nous avons reçu, nous sommes comme des exemples de la sagesse de Dieu pour ceux qui nous entourent, les « prémices » d'une nouvelle humanité.

Cela signifie que nous devons être des « acteurs » de la Parole et non pas seulement des auditeurs. Comme nous le chantons dans le Psaume et nous l’entendons à nouveau dans l'Épître d'aujourd'hui, nous devons travailler pour la justice, en prenant soin de nos frères et sœurs, et vivre par la vérité que Dieu a mise dans nos cœurs.

La Parole qui nous est donnée est un cadeau parfait. Nous ne devrions pas lui ajouter des dévotions vaines et inutiles. Ni ne rien lui soustraire en choisissant ici et là lesquelles de Ses lois nous honorerons.

« Écoutez-moi », dit Jésus dans l'Évangile d'aujourd'hui. Aujourd'hui, nous sommes appelés à examiner notre rapport à la loi de Dieu.

Est-ce que la pratique de notre religion est une écoute pure de Jésus, un humble accueil de la Parole plantée en nous et en mesure de sauver nos âmes? Ou la professons-nous seulement du bout des lèvres?

Cet article est une traduction personnelle de l'infolettre "Sunday Bible Reflections" du Dr Scott Hahn. Vous pouvez consulter le texte original en anglais ici.
Quatre questions se posent régulièrement sur la position de l'Église au sujet de la possibilité du salut pour ceux qui sont à l'extérieur de ses rangs:

  1. Le baptême est-il nécessaire pour le salut?
  2. Est-ce que tous les non baptisés sont damnés?
  3. Si les non baptisés peuvent être sauvés, pourquoi partager l'Évangile?
  4. L'Église catholique a-t-elle changé ses réponses aux trois questions précédentes?

Pour comprendre comment l'Église peut enseigner simultanément que le baptême est nécessaire au salut et que ceux qui n’ont jamais été baptisés peuvent être sauvés, nous avons à examiner deux choses : comment aller au Ciel et comment aller en Enfer.

Gyula Benczúr, Le Baptême du Vajk (1875)
1. La nécessité du baptême

L’Écriture est étonnamment claire sur le rôle du baptême pour le salut. Je dis « étonnamment », parce que son témoignage est contredit par un grand nombre de chrétiens, en particulier chez les évangéliques.

L’évangélisme soutient que la foi seule est nécessaire pour le salut, mais ils soutiennent cela d'une manière qui peut être résumée comme suit: « Celui qui croit sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné ». En revanche, Jésus-Christ donne explicitement deux conditions pour le salut : la foi et le baptême. « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; mais celui qui ne croira pas sera condamné » (Marc 16, 16). Il y pas moyen de contourner ces trois mots supplémentaires et le fait que la position évangélique ignore cette condition explicite pour le salut montre qu'elle est dans l'erreur.

Ce n’est pas le seul exemple dans l'Écriture où est mentionné le rôle du baptême dans la réalisation du salut. Au contraire, il est mentionné à plusieurs reprises. Voilà pourquoi, après avoir décrit l'Arche de Noé, saint Pierre dit:

C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant : il n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience; il vous sauve par la résurrection de Jésus-Christ. Après être monté au ciel, il est maintenant à la droite de Dieu; à lui sont soumis les anges, les principautés et les puissances (1 Pierre 3, 21-22).

Cela est aussi la raison pour laquelle, après avoir imposé les mains sur Saint-Paul et l’avoir guéri (voir Actes 9, 17-19), Ananie lui dit encore, « Et maintenant pourquoi tarder? Lève-toi, fais-toi baptiser et purifies-toi de tes péchés en invoquant son nom. (Actes 22:16) ». Rappelons-nous que Paul croit déjà à ce stade, mais Ananie décrit tout de même le baptême comme étant nécessaire pour purifier ses péchés.

Saint-Paul a compris à ce moment pourquoi il est enseigné que le Christ nous sauve « par le bain de la régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit, qu'il a répandu sur nous largement par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers de la vie éternelle selon notre espérance » (Tite 3, 5-7). Plutôt que d’opposer le salut par la grâce contre le salut par le baptême, Paul décrit le salut par la grâce par le baptême.

Faisons ici une petite parenthèse à propos de la position des évangéliques. Les catholiques sont souvent déconcertés par l'obsession des baptistes avec la forme précise du Baptême. Par exemple, vous avez des gens comme John Piper défendant (lien en anglais) pourquoi « notre église et notre dénomination font du baptême par immersion, un élément déterminant de l'appartenance à la communauté de l'alliance locale (mais pas dans le corps universel du Christ) ». Il explique: « Devrions-nous appeler une méthode de baptême inventé par les hommes « baptême », si nous croyons sur de bonnes preuves qu'il s’écarte de la forme que le Christ a inaugurée? Ne serait-ce pas courir le risque de minimiser l'importance que le Christ lui-même avait investie dans l'ordonnance? » En apparence, cela semble bizarre. Il pense que le baptême n’accomplit rien, et pourtant lui et son église refusent d'accepter des chrétiens dans leur église qui ont été baptisés par aspersion, mais qui n'ont pas eu la totalité de leur corps plongé sous l'eau. Ceci, malgré le fait que les chrétiens du premier siècle autorisaient le baptême par aspersion, comme nous le lisons dans le chapitre 7 de la Didachè.

La position de Piper n’est pas si étrange après un examen plus approfondi. En traitant le baptême, non pas comme un sacrement par lequel Dieu nous sauve, mais comme une ordonnance que nous faisons pour Dieu, ils finissent par le traiter de façon légaliste. Le site « Baptist Distinctives » (lien en anglais) reconnaît que « Parce que le baptême et la Cène du Seigneur sont symboliques, l'utilisation des symboles appropriés est importante. » C’est exactement cela: parce qu'ils pensent qu'il est seulement symbolique, et qu’ils ne peuvent pas envisager d’autres rôles que le baptême pourrait jouer pour le christianisme, ils finissent par développer une obsession légaliste à avoir le juste symbole. Ils se rendent bien compte que le Christ et les apôtres passent beaucoup de temps à parler du baptême, mais leur théologie ne laisse pas une place importante au baptême. Leurs obsessions des détails ritualistes sert à combler ce vide, mais de la pire façon possible. Dans Tite 3, 5-7, Paul propose la bonne solution à ce problème: le Christ nous sauve par la grâce, mais Il le fait par le baptême.

La nécessité du baptême pour le salut explique aussi la fin dramatique du sermon de la Pentecôte de Saint-Pierre, dans laquelle ses auditeurs demandent comment être sauvé et il leur répond que c’est par la foi et le baptême :

Or, en entendant (cela), ils eurent le cœur transpercé, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : " Frères, que ferons-nous? " Pierre leur dit : " Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit, car la promesse est pour vous, et pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, autant qu'en appellera le Seigneur notre Dieu. " Et avec force autres paroles il donna son témoignage; et il les exhortait en disant : " Sauvez-vous de cette génération perverse ! " Eux donc, ayant accueilli sa parole, furent baptisés; et ce jour-là s'adjoignirent environ trois mille personnes (Actes 2, 37-41).

Ok, alors l'Écriture enseigne clairement (et à plusieurs reprises) que le baptême est nécessaire au salut. Mais que faisons-nous de ceux qui ne sont pas baptisés? Par exemple, que dire des païens qui ont vécus avant Jésus-Christ, ou les Amérindiens après, mais qui n’avaient pas de baptême et qui ne connaissaient pas le nom de Jésus? À ce sujet, qu'en est-il des fidèles de l'Ancien Testament? Ils avaient les Écritures, ils avaient l'alliance mosaïque, mais ils n’avaient pas le baptême, et ils ne connaissaient pas le nom de Jésus. Ou qu'en est-il du bon larron sur la croix, qui connaissait le nom de Jésus, mais qui ne connaissait pas le baptême (et qui était incapable de la recevoir) ?

De la Danse Macabre du cimetière dominicain de Berne, Allemagne
2. Les trois éléments du péché mortel

En plus de nous fournir une feuille de route vers le ciel, le Catéchisme de l'Église catholique nous dit comment aller en enfer (CEC #1857) : « Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine connaissance et de propos délibéré ». Donc, pour aller en enfer, vous devez avoir fait (ou omis) quelque chose de grave, l’avoir fait sciemment et l’avoir fait intentionnellement. Est-ce l'enseignement biblique? Oui ça l’est. Qui plus est, c’est également tout à fait raisonnable.

De nos jours, il est fréquent d'entendre des gens, en particulier des protestants évangéliques, dire que tous les péchés sont aussi mauvais aux yeux de Dieu. Cela est un non-sens non biblique, et je suis heureux de voir que beaucoup de protestants repoussent (lien en anglais) cette idée. Habituellement, les personnes qui prétendent cela basent cette idée sur la première moitié de Romains 6, 23, « le salaire du péché, c’est la mort ». De ce passage, on a tiré l'idée que (1) tout péché est mortel, donc un seul péché (peu importe si c’est un pieux mensonge ou un génocide) conduit à la damnation, que (2) tous les péchés sont punis de manière égale, et (3) donc tous les péchés sont tout aussi mauvais aux yeux de Dieu. Aucune de ces conclusions ne découle logiquement de Romains 6, 23, ni l’une de l'autre. Le premier d'entre eux est en fait explicitement démenti par 1 Jean 5, 16-17, dans lequel saint Jean précise que ce ne sont pas tous les péchés qui sont mortels (menant à la mort):

Si quelqu'un voit son frère commettre un péché qui ne va pas à la mort, qu'il prie, et Dieu donnera la vie à ce frère, [à tous ceux dont ce péché ne va pas à la mort]. Il y a tel péché qui va à la mort; ce n'est point pour ce péché-là que je dis de prier (1 Jean 5, 16-17).

Cette dernière ligne - qu'il y a un type d'actes répréhensibles qui sont des péchés, mais pas un péché mortel - est une réfutation directe de l'hypothèse que Romains 6,23 appelle chaque péché mortel. Ou pour expliquer cela d'une autre manière: pour qu'un péché soit le type de péché qui vous envoie en enfer, il doit y avoir matière grave. Le catéchisme de l’Église catholique #1855 décrit cette distinction de cette façon:

Le péché mortel détruit la charité dans le cœur de l’homme par une infraction grave à la loi de Dieu ; il détourne l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur. Le péché véniel laisse subsister la charité, même s’il l’offense et la blesse. (CEC #1885)

Mais il ne suffit pas pour l'acte en question soit grave. Vous devez également le savoir. Si vous n’êtes pas au courant, sans culpabilité de votre part, d’un devoir moral ou d’une interdiction, vous n'êtes pas puni, ou au moins puni plus légèrement, pour l’avoir violé. Voilà pourquoi la prière du Christ en croix est « Père, pardonne-leur; car ils ne savent ce qu'ils font (Luc 23, 34) ». C’est également pourquoi saint Paul est doux en réprimandant les Grecs pour leur idolâtrie :

Ainsi donc, étant de la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l'or ou à de l'argent, ou à de la pierre, sculptés par l'art et l'imagination de l'homme. Dieu, ne tenant pas compte de ces temps d'ignorance, annonce maintenant aux hommes qu'ils aient tous, en tous lieux, à se repentir, parce qu'il a fixé un jour où il doit juger le monde avec justice, par un homme qu'il (y) a destiné, fournissant à tous une garantie en le ressuscitant d'entre les morts (Actes 17, 29-31).

Et c’est pourquoi le Christ conclut une de ses paraboles en disant que ceux dont le péché est enraciné dans l'ignorance seront punis moins sévèrement que ceux qui sciemment désobéit :

Ce serviteur qui, ayant connu la volonté de son maître, n'a rien préparé ni agi selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups. quant à celui qui, ne l'ayant pas connue, aura agi de façon à mériter des coups, il n'en recevra qu'un petit nombre. On exigera beaucoup de toux ceux à qui l'on a beaucoup donné; et de celui à qui on a confié beaucoup, on demandera davantage. (Luc 12, 47-48).

Tout cela réfute complètement que « tous les péchés sont également punis », mais cela montre aussi que la connaissance est un élément important dans la gravité d'un péché. Bien sûr, cela a bien du sens. Si vous donnez un sandwich au beurre d'arachide à un enfant qui a une allergie aux arachides, il important de savoir si oui ou non vous saviez qu'il avait une allergie aux arachides.

Et finalement, vous devez agir avec consentement. La loi mosaïque a reconnu cela dès le début, pour faire la distinction entre les femmes adultères et les victimes de viol :

Mais si c'est dans les champs que cet homme rencontre la jeune fille fiancée, et qu'il lui fasse violence et couche avec elle, l'homme qui aura couché avec elle mourra seul. Tu ne feras rien à la jeune fille; il n'y a pas en elle de crime digne de mort, car c'est comme lorsqu'un homme se jette sur son prochain et le tue; le cas est le même. L'homme l'a rencontrée dans les champs, la jeune fille fiancée a crié, mais il n'y avait personne pour la secourir (Deutéronome 22, 25-27).

La jeune fille n’est pas punie du tout, parce qu'elle n'a rien fait de mal. Elle a eu connaissance de la gravité de l'infraction faite contre elle, mais elle n'y a pas consenti. Voilà un cas extrême et évident. D'autres facteurs peuvent aussi comprendre des choses allant du sommeil, à la maladie mentale, jusqu’à la torture.

Parmi les trois facteurs que nous avons discutés, un seul d'entre eux (la gravité de l'acte) peut être connu par nous. La mesure dans laquelle une autre personne savait et a consenti à leurs actes mauvais est connue de Dieu seul :

Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour. Cependant si nous pouvons juger qu’un acte est en soi une faute grave, nous devons confier le jugement sur les personnes à la justice et à la miséricorde de Dieu (CEC #1861).

Mark Antokolski, Mort de Socrate (1875)

3. Le péché mortel et les non baptisés

Il est temps maintenant de lier cette discussion des éléments du péché mortel avec celle du salut des non baptisés. L'hérésie et l'apostasie sont des matières graves. Mais comme saint Paul l’avait reconnu aux Grecs dans Actes 17, la gravité de ces péchés est diminuée (ou peut-être même éliminé) quand il y a un manque de connaissances non coupable. Il y a un monde de différence entre la personne qui ne fait pas appel à Jésus par orgueil et celui qui ne le fait pas parce qu'il ne connaît pas ce doux Nom.

Ainsi, les premiers chrétiens étaient prompts à revendiquer ceux qui auraient été baptisés s’ils en avaient eu la chance. Par exemple, Saint Justin le Martyr dans la Première Apologie, en l’an 160, explique comment la fois les juifs fidèles de l'Ancien Testament et les Grecs préchrétiens pouvaient être sauvé par le Christ:

Socrate, jugeant ces choses à la lumière de la raison et de la vérité, essaya d’éclairer les hommes et de les détourner du culte des démons ; mais les démons, par l’organe des méchants, le firent condamner comme athée et impie, sous prétexte qu’il introduisait des divinités nouvelles. Ils en usent de même envers nous. Car ce n’est pas seulement chez les Grecs et par la bouche de Socrate que le Verbe a fait entendre ainsi la vérité ; mais les barbares aussi ont été éclairés par le même Verbe, revêtu d’une forme sensible, devenu homme et appelé Jésus-Christ, et nous qui croyons en lui, nous disons que les démons qui se sont manifestés ne sont pas les bons génies, mais les génies du mal et de l’impiété, puisqu’ils n’agissent même pas comme les hommes qui aiment la vertu.

Notez la distinction que Justin fait en parlant de ces Gentils qui « vivaient sans raison ». La clé est : Comment répondez-vous à la révélation que vous avez reçue? Les gens demandent souvent quoi faire de ceux qui n’ont jamais entendu l'Évangile. Dans Romains 10, 18, Saint Paul nie que de telles personnes existent. La position constante de l'Église a toujours été que (a) tout le monde reçoit une révélation - la loi naturelle, la conscience, la création, etc.; (b) il est possible d'être sauvé, même avec une très petite parcelle de la révélation, en raison du travail de la grâce; et (c) plus vous avez à travailler avec la grâce, plus vous êtes susceptible d'y répondre et d’être effectivement sauvé. Voilà pourquoi nous évangélisons. Nous voulons donner aux gens les outils nécessaires pour être sauvés et ouvrir autant de canaux possibles par lesquels le Saint-Esprit peut travailler. Supposer que parce qu'une personne est ignorante d'une partie de l'Évangile et qu'elle pourrait alors s'en porter mieux est une insulte à l'Évangile.

Alors oui, le baptême est nécessaire au salut, mais le refus de se faire baptiser est seulement un péché mortel si le refus est en connaissance de cause et fait de façon délibérée. Ceux qui ne sont pas baptisés sans aucune faute de leur part - que ce soit par ignorance non coupable, ou par l'incapacité à être baptisé, comme dans le cas de la mort de catéchumènes, etc. - ne sont pas damnés pour quelque chose qui est en dehors de leur contrôle. Et ce ne sont pas là de nouvelles intuitions de Vatican II, mais tout cela peut être trouvé au sein des premiers Pères de l'Église.

Cet article est une traduction personnelle de l’article «Can Non-Christians Be Saved?» de Joe Heschmeyer. Vous pouvez consulter l’article original en anglais ici.

Cliquez ici pour lire les lectures de la liturgie

Un choix à faire


Les lectures de la Messe de ce dimanche concluent une méditation de quatre semaines sur l'Eucharistie.

Les 12 apôtres dans l'Évangile d'aujourd'hui sont invités à faire un choix : soit de croire et d'accepter la nouvelle alliance qu’Il propose dans Son corps et Son sang, ou retourner à leurs anciens modes de vie.

Leur choix est préfiguré par la décision que Josué demande aux 12 tribus de prendre dans la Première Lecture d'aujourd'hui.

Josué les rassemble à Sichem, où Dieu apparut d'abord à leur père Abraham, promettant de faire de ses descendants une grande nation dans un nouveau pays (voir Genèse 12, 1-9). Il leur lance un défi-choc : soit renouveler leur alliance avec Dieu ou servir les dieux exotiques des nations environnantes.

Aujourd’hui, on nous demande aussi de décider qui nous voulons servir. Pendant quatre semaines, on nous a présenté dans la liturgie le mystère de l'Eucharistie. Un miracle quotidien beaucoup plus grand que ceux effectués par Dieu pour amener les Israélites hors de la terre d'Égypte.

Il nous a promis une nouvelle patrie, la vie éternelle et Il nous a offert le pain du ciel pour nous renforcer sur notre voyage. Il nous a dit que si nous ne mangeons pas sa chair et si nous ne buvons Son sang, nous n’aurons pas la vie en nous.

C’est une parole dure, comme beaucoup murmure dans l'Évangile d'aujourd'hui. Pourtant, il nous a donné les paroles de la vie éternelle.

Nous devons croire, comme Pierre le dit aujourd'hui, qu'il est le Saint de Dieu, qu’Il s’est donné pour nous, en donnant Sa chair pour la vie du monde.

Comme nous l'entendons dans l’Épître d'aujourd'hui, Jésus a fait cela pour que nous soyons sanctifiés, rendus saints, à travers l'eau et le baptême par lequel nous entrons dans Sa nouvelle alliance. Par l'Eucharistie, Il nous nourrit et nous chérit, nous faisant Sa propre chair et Son sang, comme mari et femme deviennent une seule chair.

Renouvelons notre alliance aujourd'hui, en approchant de l'autel avec confiance que, comme nous le chantons dans le Psaume d'aujourd'hui, le Seigneur va racheter les vies de Ses serviteurs.


Cet article est une traduction personnelle de l'infolettre "Sunday Bible Reflections" du Dr Scott Hahn. Vous pouvez consulter le texte original en anglais ici.
Image du livre de prières de Waldburg (1476), montrant le couronnement de la Vierge et le sacrifice de la Messe
Stat crux dum volvitur orbis est la devise de l'ordre religieux des Chartreux. En latin, cela signifie « La Croix est stable tandis que le monde change ». Elle est une reconnaissance du fait que l'Évangile est intemporel et éternel. Mais l'Évangile est aussi historique. L'Évangile est une partie de l'histoire, parce que le Christ entré dans l'histoire par son Incarnation. Ainsi, nous voyons à chaque époque l'Église présenter les vérités éternelles de l'Évangile d'une manière dont le monde qui l'entoure puisse le comprendre. Elle a utilisé des méthodes différentes, mais en présentant toujours le même message.

Cette compréhension de l'Évangile est contestée des deux côtés. D'un côté, vous avez ceux qui prétendent que l'Église a besoin d’ « être de son temps » en abandonnant ses enseignements. Il est malheureusement fréquent que les gens quittent l'Église en raison de désaccords sur des questions politiques. Ils sont devenus tellement convaincus de leurs propres opinions politiques, qu'ils traitent les vues de l'Église comme dépassées et fausses. Ceci est un rejet de la pérennité de l'Évangile.

D'un autre côté, vous avez ceux qui traitent le christianisme comme un projet « faites-le vous-même », comme si la façon de découvrir la vérité du christianisme est de prendre la Bible et de reconstituer ce que vous imaginez qu’elle signifie. Ceci est un rejet de l'Évangile comme étant une réalité historique. Ce serait un peu comme démarrer votre propre pays, en fonction de votre interprétation de la Constitution des États-Unis. Peu importe à quel point vous avez à l'esprit une interprétation authentique de la Constitution, le résultat final ne serait pas l'Amérique. La même chose est vraie dans la relation entre l’Église et l'Évangile.

Ces deux erreurs – de rejeter soit l'intemporalité ou l'historicité de l'Évangile – trouvent leur réponse dans la Bible.

Cinq promesses de l'Écriture pour l'Église post-apostolique

Plusieurs promesses sont faites pour nous assurer que les vérités de l'Évangile resteront à jamais incorruptibles, cela signifie qu’elles ne doivent pas être « mise à jour » pour être de leur temps, ou « redécouverte », comme si elles pourraient être perdues. Examinons cinq occasions spécifiques où l'Écriture pointe vers l'avenir pour nous dire de quoi aura l'air l'Église post-apostolique.

1. L'Église aura toujours la plénitude de la vérité

À la dernière Cène, Jésus promet d'envoyer l'Esprit Saint afin de guider l'Église dans la plénitude de la vérité :

Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous. Mais le Consolateur, l'Esprit-Saint, que mon Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit (Jean 14, 25-26). 

Qui plus est, Il promet que cet Esprit de Vérité, le Saint-Esprit, restera avec nous pour toujours :

Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu'il demeure toujours avec vous; C'est l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point: mais vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure au milieu de vous; et il sera en vous (Jean 14, 16-17).

Un peu plus tard, dans le même discours, Jésus rappelle ce même point:

Quand le Consolateur, l'Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera dans toute la vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir (Jean 16, 13).

C’est vraiment une double promesse: que le Saint-Esprit restera avec l'Église pour toujours et que le Saint-Esprit fera préserver l'Église dans la plénitude de la vérité.

2. Nous serons appelés à demeurer dans l'Église pour toujours

En surface, ça ne semble pas être une promesse, mais une prière. C’est également dans le discours de la Dernière Cène de l'Évangile de Jean, où Jésus prie pour nous, les chrétiens post-apostolique :

Comme vous m'avez envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'eux aussi soient sanctifiés en vérité.
Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi, pour que tous ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous, pour que, eux aussi, ils soient un en nous, afin que le monde croie que vous m'avez envoyé. Et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient un, comme nous sommes un, moi en eux, et vous en moi, afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que vous m'avez envoyé, et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé. (Jean 17, 18-23).

Mais si vous regardez attentivement, il y a une promesse dans cette prière: que nous serons en mesure de préserver l'unité en raison de la gloire que le Christ a donnée à l'Église. Il a consacré l'Église dans la vérité. Et c’est seulement en raison de cela que nous pouvons demeurer dans l'Église pour toujours.

En fait, si tel était le contraire, nous serions forcés de faire un « catch-22 ». Si l'Église en quelque sorte perd la plénitude de la vérité et commence à enseigner l'hérésie, nous serions alors contraints d'accepter l'hérésie ou aller dans le schisme. Mais l'Écriture condamne à la fois ces deux choses, donc nous serions damnés si nous le faisions et damnés si nous ne le faisions pas. En nous demandant de rester avec l'Église jamais, le Christ nous fait savoir que nous n’aurons jamais à faire ce choix.

Josefa de Ayala , l'agneau sacrificiel de (1680)
3. Le sacrifice eucharistique sera offert en continu

La Pâque a été établie comme une célébration perpétuelle qui durera toujours :

Le sang sera un signe en votre faveur sur les maisons où vous êtes: je verrai le sang et je passerai par-dessus vous, et il n'y aura point pour vous de plaie meurtrière quand je frapperai le pays d'Égypte. Vous conserverez le souvenir de ce jour, et vous le célébrerez par une fête en l'honneur de Yahweh; vous le célébrerez de génération en génération comme une institution perpétuelle (Exode 12, 13-14).

Le Christ ne supprime pas la Pâque. Il l’accomplit et Il la perfectionne. Dans Sa Passion et Sa mort, « le Christ, notre agneau pascal, a été immolé » (1 Corinthiens 5, 7). Mais ce sacrifice pascal commence à la dernière Cène, qui, pas par hasard, est un repas pascal :

Quand l'heure fut venue, il se mit à table et les apôtres avec lui; et il leur dit : " J'ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir. Car, je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu " (Luc 22, 14-16).

La description de la Dernière Cène de Luc est remplie de sens, comme quand il dit que tout se passe « le jour des pains sans levain, où l'agneau pascal devait être sacrifié» (Luc 22, 7). Il a clairement deux agneaux à l'esprit: l'agneau de l'Ancienne Alliance, et l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde (Jean 1, 29).

Dans la Pâque juive, il y a deux actions distinctes, effectuées sur des jours distincts: (1) l'agneau est abattu, et (2) l'agneau est consommé. Ceux-ci correspondent au (1) Vendredi saint et à (2) la Cène et la Messe.

Le Vendredi saint, la mort de Jésus sur la Croix se produit « une fois pour toutes » (Romains 6, 10; Hébreux 7, 27). Mais la dernière Cène n’est pas conçue pour être « une fois pour toutes ». Au contraire, le Christ demande à ses apôtres « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22, 19). Le mémorial de la Pâque devient le mémorial de la Dernière Cène.

Saint Paul explique ce point de vue de la liturgie eucharistique comme étant un sacrifice en la comparant aux sacrifices juifs et païens (1 Corinthiens 10, 18): « ceux qui mangent les victimes ne participent-ils pas à l'autel » Par conséquent, le sacrifice eucharistique nous incorpore dans le Corps et le Sang du Christ :

Le calice de bénédiction, que nous bénissons, n'est-il pas une communion au sang du Christ? Et le pain, que nous rompons, n'est-il pas une communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs; car nous participons tous à un même pain (1 Corinthiens 10, 16-17).

En plus d’accomplir la promesse de l'Ancien Testament, que le sacrifice de la Pâque continuerait pour toutes les générations, le sacrifice eucharistique remplit également la prophétie de la Nouvelle Alliance  de Malachie 1, 11:

Car, du lever du soleil à son coucher, mon nom est grand parmi les nations, et en tout lieu on offre à mon nom de l'encens et une oblation pure, car mon nom est grand parmi les nations, dit Yahweh des armées (Malachie 1, 11).

Nous entendons cela dans la Didachè, un document datant du premier siècle qui décrit la messe du dimanche:

Réunissez-vous le jour dominical du Seigneur, rompez le pain et rendez grâces, après avoir d’abord confessé vos péchés, afin que votre sacrifice soit pur. Celui qui a un différend avec son compagnon ne doit pas se joindre à vous avant de s’être réconcilié, afin de ne pas profaner votre sacrifice, car voici ce qu’a dit le Seigneur : « Qu’en tout lieu et en tout temps, on m’offre un sacrifice pur ; car je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nom est admirable parmi les nations » (Didachè 14). 

Donc, nous pouvons être assurés que la messe se poursuivra, jour après jour, semaine après semaine, de l'époque du Christ jusqu'à la fin des temps. Et en fait, si vous lisez Luc 22, 14-16 attentivement, vous verrez que le Christ promet que l'accomplissement ultime de la Cène se produira « dans le royaume des Cieux ». Ceci est une référence au banquet eucharistique de Jésus l'Époux avec l'Église son Épouse, dans laquelle notre union sera parfaitement consommée (Apocalypse 19, 9).

Sandro Botticelli, la Vierge et l'Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste (1500)
4. Marie sera louée par toutes les générations

Dans la célèbre prière du Magnificat de Marie, elle proclame (Luc 1, 46b-49)

Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !

Marie prophétise à la fois ce qui va se passer - chaque génération de chrétiens lui rendra hommage - et nous fait savoir que ceci est ce qui doit arriver. Elle dit que cet éloge que l’on a pour elle est dû à la sainteté de Dieu. En d'autres mots, Marie nous dit que son honneur ne porte pas atteinte à la sainteté de Dieu, elle en découle.

Arrêtez-vous et pensez à ce que cela signifie. Marie ne parle pas seulement de la louange peu enthousiaste et tiède de chrétiens modernes qui ont peur que de louer Marie rendra en quelque sorte son Fils jaloux. Marie parle aussi de l'ensemble de ces générations qui la vénérait sans réserve.

Par exemple, la louange offerte par l'Église du troisième siècle inclut la prière de saint Grégoire le Thaumaturge :

Maintenant, il est approprié et convenable pour moi de demander à la manière de la Sainte Vierge, que celle qui semblait sage entre tous l'ange a salué ainsi: « Sois heureuse et réjouis-toi »; car avec elle sont vivifiés et vivants, tous les trésors de la grâce. Parmi toutes les nations, elle seule était à la fois vierge et mère sans avoir connu d'homme, sainte de corps et d'âme. Parmi toutes les nations, elle seule a été faite digne d'enfanter Dieu; elle seule portait dans son sein Celui qui emporte tout par sa parole.

Il serait facile de dépeindre des textes comme ceux-ci comme étant issus de la dévotion excessive d'un ou deux individus et comme non représentatifs de leur génération. Cependant, cela ne fonctionne pas lorsqu'ils traitent de dévotion populaire ou de liturgie.

La liturgie occidentale et (surtout) orientale loue la Vierge Marie avec des termes forts. Par exemple, dans la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome, la liturgie eucharistique la plus courante pour les orthodoxes et les catholiques byzantins, les gens prient:

Il est vraiment bon de vous bénir, Theotokos [Mère de Dieu; littéralement Porteuse de Dieu], à jamais béni, la plus pure et mère de notre Dieu. Plus honorable que les chérubins et au-delà comparable plus glorieuse que les Séraphins, sans corruption vous avez donné naissance au Verbe de Dieu. Nous vous magnifions, véritable Mère de Dieu.

Voilà ce que signifie quand Marie dit que toutes les générations la diront bienheureuse. Et elle dit cela comme si cela est une bonne chose.

5. L'Église ne sera jamais abandonnée ou vaincue

Il y a une dernière promesse dans le récit de la Dernière Cène de Jean. En Jean 14, 18, Jésus promet: «Je ne vous laisserai point orphelins; je viendrai à vous ». Une des façons dont Il remplit cette promesse est d'envoyer l'Esprit Saint. Mais Il promet également de rester avec nous, comme à la dernière ligne de l'Évangile de Matthieu: « Je suis avec vous toujours jusqu'à la fin du monde (Matthieu 28, 20) ». Et dans sa célèbre promesse à l'Église, Jésus dit à Pierre :

Et moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.  (Matt. 16, 18-19).

Donc, nous pouvons toujours quitter l'Église (bien que le Christ prie pour que nous ne le fassions pas: voir promesse #2), mais l'Église elle-même va durer éternellement. Et pas seulement durer éternellement, mais elle va aussi rester dans la plénitude de la vérité (voir promesse #1).

Protestantisme, laïcité et les promesses de Dieu

Comparez ce que le Christ et Marie promettent dans l'Écriture avec ce que les réformateurs et les laïques modernes vous offrent. De manière générale, les réformateurs protestants nient chacune de ces promesses, en affirmant que:

  1. L'Église n’a plus la plénitude de la vérité
  2. Il était moralement juste (même nécessaire) de rompre avec l’Église
  3. La messe n’est pas un sacrifice réel et devrait être éliminée
  4. Le genre de dévotions à Marie qu’ont pratiqué les générations antérieures était offensantes pour la gloire de Dieu et doivent être abrogées
  5. L'Église tout entière est tombée dans l'apostasie à un certain moment dans le passé

Les laïques modernes nient également chacune de ces cinq promesses, mais pour des raisons différentes. Les réformateurs se sont intéressés à laisser de côté les enseignements présents pour essayer de récupérer ceux du passé, dans la conviction que la vraie foi avait été perdue. Les laïcs veulent abandonner les enseignements présents pour les enseignements de l'avenir, dans la conviction que la société et le christianisme se dirigent vers un système moral nouveau et meilleur.

Les deux parties ont tort. Le Dieu vivant nous a promis une Église, sanctifiée dans la vérité, dans laquelle nous pouvons demeurer au passé, au présent et au futur. L'Église, son orthodoxie, sa vénération mariale et son Saint Sacrifice de la Messe ne vont pas disparaître, ni non plus notre besoin s’appartenir à cette grande Église. La Croix est stable tandis que le monde change.

Cet article est une traduction personnelle de l’article «5 New Testament Promises for the Church Today, Tomorrow, and Forever» de Joe Heschmeyer. Vous pouvez consulter l’article original en anglais ici.

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Le festin de la sagesse

La Sagesse de Dieu a préparé un festin, entendons-nous dans la Première Lecture d'aujourd'hui.

Nous devons devenir comme des enfants (voir Matthieu 18, 3-4) pour entendre et accepter cette invitation, car dans chaque Eucharistie, c’est la folie de la croix qui est représentée et renouvelée.

Pour le monde, il est une folie de croire que Jésus crucifié est ressuscité des morts. Et pour beaucoup, comme pour les foules dans l'Évangile d'aujourd'hui, c’est de la folie, peut-être même de la démence, de croire que Jésus peut nous donner sa chair à manger.

Pourtant, Jésus lui-même se répète avec une grande intensité dans l'Évangile d'aujourd'hui. Notez la répétition des mots « manger » et « boisson », et « ma chair » et « mon sang ». Pour accroître le réalisme incroyable de ce que Jésus nous demande de croire, dans ces versets, Jean n’utilise pas le mot grec ordinaire pour manger, mais un terme plus grossier, autrefois réservé à décrire la « mastication » des animaux lorsqu’on les nourrit.

La folie de Dieu est plus sage que la sagesse humaine (voir 1 Corinthiens 1, 18-25). Dans son amour insensé, Il choisit de sauver ceux qui croient que Sa chair est la vraie nourriture et Son sang la vraie boisson.

La crainte du Seigneur, le désir de vivre selon Sa volonté, est le commencement de la vraie sagesse, Paul nous dit dans l'Épître d’aujourd’hui (voir Proverbes 9, 10). Et comme nous le chantons dans le Psaume d'aujourd'hui, ceux qui le craignent ne manquent à aucun bien.

Encore aujourd'hui dans la liturgie, nous sommes appelés à renouveler notre foi dans l'Eucharistie, à renoncer à cette folie de croire que ce que nous pouvons voir avec nos yeux.

Nous approchons donc non seulement d'un autel préparé avec du pain et du vin, mais du festin de la Sagesse, le banquet du ciel, dans laquelle Dieu notre Sauveur renouvelle son alliance éternelle et promet de détruire à jamais la mort (voir Isaïe 25, 6-9).

Faisons plus de nos jours, comme le dit Paul, toujours, dans l'Eucharistie, en rendant grâce à Dieu pour tout dans le nom de Jésus, le pain descendu du ciel.

Cet article est une traduction personnelle de l'infolettre "Sunday Bible Reflections" du Dr Scott Hahn. Vous pouvez consulter le texte original en anglais ici.

Si vous êtes un habitué de ce blogue, vous vous êtes surement rendu compte que le site a subi hier une petite cure de rafraîchissement. N’hésitez pas à nous donner vos impressions sur ce nouveau design.


Il y a un passage classique dans le dernier chapitre de l'Évangile de Marc, où nous lisons:
Puis il leur dit : « Allez par tout le monde et prêchez l'Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné ». (Marc 16, 15-16)
Les chrétiens à travers les âges ont vu dans ce passage une déclaration puissante de l'importance du baptême. Pris aux mots, il indique que le baptême est instrumental pour le salut.

Ou est-ce vraiment le cas?

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Prenez et mangez

Parfois, nous nous sentons comme Élie dans la Première Lecture d'aujourd'hui. Nous voulons nous coucher et mourir, si conscients de nos échecs, que nous ne semblons pas devenir meilleurs à faire ce que Dieu veut de nous.

Nous pouvons être tentés de désespérer, comme le prophète qui était à son quarantième jour de voyage dans le désert. Nous pouvons être tentés de « murmurer » contre Dieu, comme les Israélites l'ont fait au cours de leurs quarante ans dans le désert (voir Exode 16, 2.7.8; 1 Corinthiens 10, 10).

L'Évangile d'aujourd'hui utilise le même mot, « murmurer », pour décrire la foule qui nous rappelle la dureté de cœur d'Israël dans le désert.

L'autre jours, je suis tombé sur cette image en traînant sur Facebook. À première vue tout semble correct, en surface elle dit simplement de réfléchir avant de créer un débat qui en fait ne serait basé que sur de l'incompréhension et une mauvaise communication.

Ce qui est "vrai" est différent selon le point de vue

Par contre, quelque chose à propos de cette image me dérangeait. Après y avoir réfléchi un moment, c'est le contexte social actuel qui interprète cette image comme étant relativiste: "ma vérité est différente de la tienne mais nous avons tout les deux raisons". J'aimerais donc faire le point sur les bons et mauvais côtés de cette image.