Il y a un passage classique dans le dernier chapitre de l'Évangile de Marc, où nous lisons:
Puis il leur dit : « Allez par tout le monde et prêchez l'Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné ». (Marc 16, 15-16)Les chrétiens à travers les âges ont vu dans ce passage une déclaration puissante de l'importance du baptême. Pris aux mots, il indique que le baptême est instrumental pour le salut.
Ou est-ce vraiment le cas?
Certains (mais pas tous) dans la communauté protestante affirment que ce passage ne fait pas cela. Examinons quelques-uns de leurs arguments.
La déclaration de Jésus et la logique
Le premier argument est fondé sur la structure logique de ce que dit Jésus. Ce sera plus clair si nous reformulons ses propos plus formellement, en utilisant quelques conventions de la logique propositionnelle.
Dans l'exemple qui suit, nous utilisons les conventions suivantes:
F = « Jean croit / Jean a la foi. »
B = « Jean est baptisé. »
S = « Jean sera sauvé. »
Avec ces conventions en place, nous pouvons reformuler les propositions pertinentes de Marc sous la forme suivante:
1) Si F et B alors S
2) Si non-F alors non-S
L'argument
Bien que de nombreux de nos frères protestants, comprenant les anglicans, les luthériens, les méthodistes, les membres de l’Église du Christ et de nombreux presbytériens, sont prêts à reconnaître que le baptême a un rôle dans la transmission du salut, d'autres ne le sont pas. Ce point de vue se trouve principalement dans les groupes populaires de l'évangélisme américain, y compris les baptistes et beaucoup de chrétiens non confessionnels.
Quand ils considèrent les déclarations ci-dessus qui sont basées sur Marc 16, 15-16, ils pourraient alors argumenter de cette façon:
- La proposition (1) ne prouve pas que le baptême a un rôle dans le salut. Logiquement parlant, elle présente deux conditions (F et B) et dit que si ces deux conditions sont remplies dans le cas d'une personne en particulier, alors cette personne sera sauvé (S). Cependant, cela ne signifie pas que les deux conditions sont à la fois nécessaires.
- Il se pourrait que l'une de ces conditions ne soit pas nécessaire. Dans la logique propositionnelle, vous pouvez nommer des conditions non nécessaires sans affecter la véracité d'une déclaration.
- Par exemple, ajoutons une proposition B qui représente « Jean cuit un gâteau au chocolat ». La cuisson du gâteau au chocolat n’est d’aucune manière pertinente au salut, mais l'énoncé « Si (Jean a la foi) et (Jean cuit un gâteau au chocolat) alors (Jean sera sauvé) » est tout de même vrai. Peut-être que le baptême est dans la même catégorie que la cuisson du gâteau au chocolat par rapport au salut.
- En fait, la proposition (2) indique que d'avoir la foi (F) est une condition nécessaire, parce que Jésus dit que de ne pas avoir la foi se traduira par ne pas être sauvé. Il ne dit pas la même chose au sujet du baptême. Par conséquent, le baptême n’est pas nécessaire pour le salut.
Comment hors sujet pouvons-nous être?
Il est vrai que dans la logique propositionnelle, vous pouvez nommer des conditions non nécessaires, qui sont même complètement hors sujet, et ne pas affecter la valeur de vérité d'une proposition. En fait, vous pouvez nommer n’importe quoi, excepté des conditions pertinentes, et vous avez encore un énoncé vrai. Par exemple:
Si (il est jeudi à 14h00) et (il pleut dehors) alors (2 + 2 = 4).
Cette proposition est tout à fait vraie, mais les conditions qu’ « il est jeudi à 14h00 » et qu’ « il pleut dehors » n’ont rien avoir à voir avec le fait que 2 + 2 = 4.
Ce que cela nous montre est qu’alors que la logique propositionnelle peut être un outil utile, il ne modélise pas toujours bien le discours humain. Voilà une des raisons pourquoi les philosophes ont exploré des idées comme la logique de la pertinence.
La loi de la pertinence
Un aspect clé du discours humain est l'implication, souvent implicite, mais presque universelle, que ce que vous dites est pertinent pour le sujet duquel vous parlez.
Voilà pourquoi des déclarations comme celle ci-dessus à propos de 2 + 2 = 4 nous semblent bizarres. Si quelqu'un vous fait une déclaration qui commence en faisant référence à la journée et à l'heure, puis à la météo, vous vous attendez à ce que la conclusion qu'il en tire soit pertinente pour le temps et la météo. S’il conclut soudainement que 2 + 2 = 4, alors vous serez confus, parce que ce n’est pas la façon dont le discours humain fonctionne normalement.
Vous pouvez vous demander s’il vous fait une blague, en brisant la règle de la pertinence dans le discours, ou vous pouvez vous demander s’il adhère à des notions très excentriques sur les mathématiques, mais de toute façon, vous avez en vous une attente que ce qu'il dit soit pertinent pour la conclusion qu'il en tire.
L'exemple de Jean qui cuit un gâteau au chocolat est similaire. Il est le genre d'exemple que l'on pourrait faire dans une discussion abstraite sur la logique propositionnelle, mais de faire appel à ce genre de raisonnement quand on regarde le discours humain normal serait considérée à juste titre comme logiquement couper les cheveux en quatre.
Jésus ne nommerait pas des conditions non pertinentes en expliquant aux gens comment être sauvé. Surtout pas dans une déclaration solennelle comme celle de la Grande Commission. En cela, de tous les lieux, on pouvait s'attendre à ce que la règle de la pertinence soit respectée.
En fait, si Marc avait écrit que Jésus avait dit: « Celui qui a la foi et qui cuit un gâteau au chocolat sera sauvé », alors cela nous donnerait raison de penser que la cuisson du gâteau au chocolat est pertinente pour le salut, et les chrétiens à travers les âges l’auraient compris en conséquence.
Aucune mention du baptême dans la deuxième proposition?
Qu'en est-il de la déclaration de Jésus qui dit que celui qui ne croira pas sera condamné? Est-ce que ce cela nous montre que le baptême n’est pas pertinent pour le salut?
Strictement parlant, non. Toute la proposition établie est que la foi est une condition nécessaire pour le salut. Cela ne signifie pas que le baptême n’est pas aussi une condition nécessaire.
Par exemple, considérez cette paire de propositions:
- Si (vous avez des œufs) et (vous cassez les œufs) alors (vous pouvez faire une omelette).
- Mais si (vous n’avez pas d’œufs) alors (vous ne pouvez pas faire une omelette).
Autant ne pas avoir d’œufs que de ne pas casser les œufs empêcherait quelqu’un de faire une omelette. Ils sont tous deux des conditions nécessaires et le simple fait qu'un seul soit mentionné dans la deuxième proposition ne signifie pas pour autant que l'autre ne l’est pas également.
En effet, il est proverbial que vous ne pouvez pas faire une omelette sans casser des œufs.
Pourquoi alors que le texte ne dit pas quelque chose comme « Celui qui ne croit pas ou qui n’est pas baptisé sera condamné? »
Probablement pour deux raisons: d'abord, la pertinence de baptême pour le salut a déjà été soulignée dans la proposition précédente. Deuxièmement, dans un contexte d'évangélisation, la foi vient naturellement avant le baptême.
Au premier siècle, les apôtres et les autres évangélistes sortaient et prêchaient l'évangile pour la première fois et ainsi, la grande majorité des convertis étaient des adultes. En conséquence, ils sont arrivés à la foi et ont ensuite été baptisés sur la base de leur foi. De la même façon dont les premiers adultes convertis au judaïsme sont venus en premier à la foi dans le Dieu d'Israël, puis ont été circoncis.
Le fait de ne pas avoir la foi étant cependant un empêchement à la conversion. Si quelqu'un ne venait pas à la foi, alors il ne se faisait pas baptiser (ou circoncire). Il n'est donc pas nécessaire d'entrer dans la deuxième condition, si la première n'était pas respectée.
La situation est comme dans notre exemple de l’omelette. Vous devez d'abord avoir des œufs afin de pouvoir les casser et si vous ne disposez pas d’œufs, cela signifie que vous ne pouvez pas faire une omelette. Il est inutile de mentionner le fait que de ne pas les casser se traduira également par l’impossibilité de faire une omelette, parce que l'importance de les casser a déjà été établie dans la première proposition.
Marc 16 et la logique du baptême
Le passage sur le baptême dans Marc 16 soutient l'idée que le baptême est pertinent pour le salut:
Premièrement, étant donné l'implication de la pertinence qui est présente dans le discours humain normal, la première déclaration de Jésus indique que le baptême est pertinent pour le salut.
Deuxièmement, étant donné la présence de la première déclaration et le fait que la foi précède logiquement le baptême dans ce contexte, le fait que seule la foi est mentionnée dans la deuxième déclaration de Jésus ne signifie pas que le baptême n’est pas pertinent.
On pourrait avancer des arguments supplémentaires contre ce passage et certains évangéliques le font.
L’argument des cas difficiles
Par exemple, on peut se demander à propos de cas difficiles, où quelqu'un a la foi, mais qu’il est incapable d'être baptisé (par exemple, s'il n'y a personne de disponible pour le faire, comme dans le cas d’une personne qui vie la foi chrétienne au milieu d'une société musulmane très ferme). Ces personnes seraient-elles automatiquement damnées?
Pas selon l'enseignement de l'Église catholique, qui reconnaît qu'il y a des cas d’exceptions.
Mais, la même chose pourrait être dite au sujet de la condition de la foi. Rares sont les évangéliques qui seraient prêts à dire que tous les nourrissons qui meurent sont damnés sur le motif qu'ils ne possèdent pas la foi en Jésus.
S’il est possible qu'il y ait des cas d’exceptions à l'égard de la foi, sans que cela ne fasse de la foi quelque chose de non pertinent pour le salut, la même chose peut donc être vraie du baptême.
L’argument canonique
Un argument que certains évangéliques pourraient trouver attrayant serait de souligner que les manuscrits les plus anciens suggèrent que la partie de Marc 16 où les déclarations au sujet du baptême sont décrites ne faisaient pas partie de la version originale de l'Évangile de Marc.
La majorité des érudits du Nouveau Testament, protestants et catholiques, conservateurs et libéraux, maintiennent que Marc 16, 9-20 a été écrit plus tard que le reste de l'Évangile, soit à la fin du premier siècle ou au début du second siècle.
Il y a de bonnes raisons pour ce point de vue, qui est soutenu par Benoît XVI dans son livre Jésus de Nazareth (voir volume 2, p. 296-297).
Si ce passage n'a pas été dans l'édition originale de Marc, alors on pourrait faire valoir qu'il n’appartient pas au canon et qu’il n’a pas ainsi l'autorité divine comme les Écritures.
Problèmes avec l'argument canonique
Il y a trois problèmes avec ce point de vue.
D'abord, simplement parce que le passage ne semble pas avoir fait partie de la version originale de Marc, cela ne veut pas dire qu'il n’est pas canonique. Cela est vrai indépendamment du fait que Marc ou que quelqu'un d'autre ait composé le passage.
Les auteurs peuvent préparer les éditions plus longues et plus courtes de leur propre travail. C’est ce qui est arrivé, par exemple, lorsque Jérémie a préparé une deuxième édition de son propre travail, après qu’une version antérieure plus courte ait été détruite par le roi Joakim (Jérémie 36, 28). De même, certains livres canoniques sont le produit de plus d'une main, ce qui est illustré par plusieurs des épîtres de Paul, qui ont eu la participation d'autres membres de son cercle (voir 1 Corinthiens 1, 1; 2 Corinthiens 1, 1; Philippiens 1, 1; Colossiens 1, 1; 1 Thessaloniciens 1, 1; 2 Thessaloniciens 1, 1).
D'un point de vue catholique, le Magistère de l'Église peut décréter la canonicité de la version plus longue de la fin de l’Évangile de Marc, mais cela n’aurait pas d’autorité pour les évangéliques, ce qui nous amène au deuxième problème.
Deuxièmement, même si l'on devait accorder que le passage est non canonique (quelque chose que je ne reconnais pas), il serait encore un témoignage extraordinairement ancien de ce que les premiers chrétiens pensaient au sujet du baptême.
Selon cette vision, il pourrait ne pas être divinement inspiré, mais ce serait un témoignage patristique très impressionnant, datant du premier ou du deuxième siècle, du fait que l'Église primitive a reconnu l'importance du baptême pour le salut. Ce qui devrait alors être pris en compte lors de l'interprétation de l'enseignement du Nouveau Testament sur le baptême, ce qui nous amène au troisième problème avec l'argument canonique.
Troisièmement, Marc 16, 15-16 est loin d'être le seul texte du Nouveau Testament qui montre l'importance du baptême pour le salut. En fait, il y a un trop grand nombre pour les présenter dans cet article, mais nous allons conclure en n’en citant qu’un seul, qui est aussi explicite que l'on peut le souhaiter à ce sujet:
C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant : il n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience; il vous sauve par la résurrection de Jésus-Christ (1 Pierre 3, 21, TOB 2010).
Cet article est une traduction personnelle de l’article «The logic of Baptism » de Jimmy Akin. Vous pouvez consulter l’article original en anglais ici.
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