L’une des plus belles choses du catholicisme est qu'il donne un sens à la souffrance d'une manière qu'aucun autre système ne le peut. Aucun système n’explique la souffrance comme la religion le peut, aucune des grandes religions ne l’explique aussi bien que le christianisme et aucune confession chrétienne ne l’explique aussi bien que l'Église catholique le fait.

Au sein d'une vision athée du monde, la souffrance n'a pas de sens et n’est que regrettable. Dans un certain sens, sans Créateur, c’est tout dans l'univers qui se retrouve dépourvu de sens. Les religions non chrétiennes font peut-être un pas de plus pour retrouver un peu de sens à la souffrance, mais elles considèrent encore la souffrance comme quelque chose à éviter, dont on doit s’échapper ou qu’on doit nier. La révélation chrétienne est nécessaire pour bien comprendre le sens de la souffrance, et plus précisément la Croix et l'Église.

La Croix et la souffrance

La réponse chrétienne à la souffrance est profondément enracinée dans la Croix. Jésus-Christ ne cherche pas à expliquer, à nier ou à fuir la souffrance. Il l’embrasse complètement. En dépit d'être lui-même sans péché, Il prend volontairement sur lui nos souffrances. Cela se produit tout au long de sa vie, mais surtout sur la Croix. Grâce à ses souffrances et sa mort, il nous apporte notre salut, ce qui donne un sens à la souffrance d'une façon radicale et sans précédent. L'Église répond similairement : le symbole le plus distinctif dans le christianisme est la Croix ou le Crucifix et l'Église semble s’être attachée à cette image particulière du Christ dès le tout début du christianisme (voir Galates 3, 1).

chemin-croix-station-4-jesus-mereDonc, tous les chrétiens voient un lien entre la Croix et la souffrance. Cependant, sur la relation précise entre les deux, les catholiques et les protestants ont tendance à diverger (un fait qui ressort plus claire
ment dans les débats entourant le Purgatoire). Les protestants ont tendance à se concentrer sur les souffrances du Christ sur la Croix comme une substitution: Il est allé sur la Croix à notre place. Cela est vrai, mais ce n’est pas toute l'histoire. Christ ne va pas simplement à la Croix à notre place: Il nous appelle à le rejoindre là-bas. Voilà le sens de l'appel radical du Christ à ceux qui veulent être de ses disciples: « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive»  (Matthieu 16, 24)

Je soupçonne que la différence dans la façon dont les catholiques et les protestants voient la croix et la souffrance provient d'une différence dans la façon dont nous comprenons la relation du Christ avec l'Église. Le protestantisme a tendance à se concentrer sur l'altérité radicale du Christ: la distance entre notre nature déchue et sa nature est infinie. Encore une fois, cela est vrai, mais ce n’est pas toute l'histoire. Oui, l'écart entre nous et Dieu est infiniment grand. Mais Dieu, qui est infini, est capable de le combler, et Il l’a fait. Le Christ a fait deux choses radicales. Tout d'abord, Il prend notre humanité dans l'Incarnation. Deuxièmement, il nous invite à partager sa divinité, que divers passages dans l'Écriture nous montrent clairement (comme 2 Pierre 1, 4 et 1 Jean 3, 2). Donc, il existe un écart infini de nature, mais le Christ comble cette lacune.

La manière spécifique dont le Christ nous invite à partager sa divinité est à travers son Église. Les chrétiens baptisés sont incorporés dans son Corps mystique (Romains 12, 5; 1 Corinthiens 12, 27). Ainsi, le « Christ total » (Christus totus) est Jésus, la Tête (et l’ « Unique Christ ») en union avec son Corps, l'Église (CEC 795; CEC 793). Comme le dit saint Paul dans Éphésiens 1, 22-23 : « Dieu a tout mis sous ses pieds et il l'a donné pour chef suprême à l'Église, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous. » C'est une revendication radicale: Jésus-Christ, plus l'Église, est « la plénitude » du Christ. Mais elle est là, venant de saint Paul lui-même. C’est pour cette raison que ce que Jésus commence dans Sa Personne, Il le continue dans l'Église. Dans un sens, l'Église continue le Mystère de l'Incarnation à travers l'histoire.

L'Église comme une continuation de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ

visite-des-magesCela peut sembler un peu abstrait, prenons donc un exemple concret. L'Épiphanie est prophétisé au moins deux fois dans l'Ancien Testament. Le Psaume 72, 8-10 dit que « Les rois de Tharsis et des îles paieront des tributs; les rois de Saba et de Méroé offriront des présents ». Dans Isaïe 60, 6, on promet à Jérusalem (qui préfigure l'Église) que « Des multitudes de chameaux te couvriront, les dromadaires de Madian et d'Epha; tous ceux de Baba viendront, ils apporteront de l'or et de l'encens, et publieront les louanges de Yahweh ».

Ces passages sont accomplis, dans un sens, quand les mages apportent des cadeaux au Christ à l’Épiphanie. Mais cet accomplissement n’est que le début. Les mages viennent « de l'Est » (Matthieu 2, 1), tandis que les prophéties de l'Ancien Testament comprennent des dons étant amenés de partout. Saba et Madian sont au sud d'Israël, tandis que Tharsis (qu’on croit être soit Carthage ou une partie de l’Espagne moderne) apporte des cadeaux par bateau (Isaïe 60, 9), presque certainement de la Méditerranée à l'ouest.

Ainsi, les mages commencent à accomplir la prophétie, mais ils ne le font pas complètement. L'Épiphanie a commencé avec les mages de l'est, mais elle ne sera pas vraiment terminée jusqu'à ce que l'Église ne parvienne à Sa Commission d’« aller faire des disciples de toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Matthieu 28, 20) » et que toutes « les nations marchent vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton lever (Isaïe 60, 3) ».

L'Église et la souffrance

quo-vadis-pierreL'Épiphanie n’est qu’un exemple. Le point important est que ce qui est commencé par le Christ dans son Incarnation se poursuit à travers son corps, l'Église, à travers l'histoire. Nous pouvons regarder l'histoire et regarder la suite des événements spécifiques de la vie du Christ : les joyeux, les tristes, les lumineux et les glorieux.

C’est dans ce sens que nous comprenons la déclaration audacieuse de Saint Paul dans Colossiens 1, 24 : « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous, et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ». Dans Sa chair, la souffrance du Christ est terminée. Dans Son Corps mystique, la souffrance continue et elle nous unit à Jésus dans sa Passion.

De cette façon, nous devenons plus comme le Christ (Philippiens 3, 21). Et comme le dit Paul dans Romains 8, 17, c'est la seule voie de la Résurrection: «si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, pour être glorifiés avec lui ».

Vous ne pouvez pas toujours être « heureux » lorsque vous souffrez, mais vous devriez vous efforcer d'avoir la joie que vous avez été trouvé digne de porter en vous-même le Christ crucifié, de manifester Sa belle Passion pour le monde, d'une manière réservée uniquement pour vous, de toute éternité.


Cet article est une traduction personnelle de l’article « The Cross, the Church, and the Mystery of Suffering » de Joe Heschmeyer.
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Dans un article précédent, nous avons abordé le sujet de la Révélation divine. Comme il en va du salut de tous les hommes de connaître cette révélation, elle ne devait pas être perdue une fois révélée. C’est pourquoi, après son retour à la droite du Père, le Seigneur Jésus a envoyé l’Esprit-Saint à son Église pour conserver cette révélation et la transmettre à toutes les générations. Cette révélation publique qui est transmise par l’Église et considérée objectivement, c’est ce que l’on appelle le dépôt de la foi.

Le dépôt de la foi est mentionné à plusieurs reprises dans les épîtres du Nouveau Testament. Voici deux exemples où Saint Paul instruit Saint Timothée :

O Timothée, garde le dépôt, en évitant les vains discours profanes et les antithèses de la gnose au nom menteur. (1 Timothée 6, 20) 
C'est pourquoi aussi j'endure ces souffrances, mais je n'(en) ai point honte, car je sais en qui j'ai mis ma confiance, et j'ai la conviction qu'il a le pouvoir de garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là. (2 Timothée 1, 12)

Le dépôt de la foi est la Révélation complète et définitive

La révélation que Jésus-Christ a fait du Père et de son dessein de salut pour l’humanité est complète, de sorte que rien ne pourrait y être ajouté par l’homme sans y introduire d’erreurs. Contrairement au temps de l’Ancien Testament, où la Révélation augmentait au moyen de Révélations divines successives, la Révélation faite par Jésus-Christ à ses Apôtres a été complète. Dans l’épitre au Galates, Saint Paul nous présente la Loi de l’Ancien Testament comme une préparation à la foi révélée qui nous sauve :

Avant que vînt la foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi la Loi a été notre pédagogue pour nous conduire au Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi (Galates 3, 24-25).

Le dépôt de la foi est définitif car il est ordonné à l’héritage éternel de Dieu. La Nouvelle Alliance que Jésus-Christ a fait avec nous est une Alliance éternelle. Nous pouvons voir cela dans plusieurs épitres du Nouveau Testament:

En effet, vous n'avez point reçu un Esprit de servitude, pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, en qui vous crions : Abba ! Père ! Cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, pour être glorifiés avec lui. Car j'estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous (Romains 8, 15-18). 
Que le Dieu de la paix, qui a ramené d'entre les morts celui qui, par le sang d'une alliance éternelle, est devenu le grand Pasteur des brebis, notre Seigneur Jésus (Hébreux 13, 20). 
Bien-aimés, comme je mettais tout mon zèle à vous écrire au sujet de notre salut commun, je me suis vu dans la nécessité de vous adresser cette lettre, pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes (Jude 1, 3)

Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres, auxquels Il a livré positivement et exclusivement toute la Révélation, afin que les Apôtres poursuivent Sa Mission.

Il leur dit une seconde fois: « Paix avec vous ! Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » Jean 20, 21). 
Et Jésus s'approchant leur parla ainsi : " Toutes puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous toujours jusqu'à la fin du monde (Matthieu 18,18-20)

Les conséquences d’un dépôt de la foi complet et définitif

C’est pourquoi nous affirmons que le dépôt de la foi s’est clos avec la mort du dernier Apôtre. Par la suite, comme l’Apôtre Paul le dit bien à Timothée, leurs successeurs ne doivent plus rien y ajouter ni y recevoir quelque chose de nouveau. On voit donc le rôle différent entre ce que les Apôtres ont enseignés et qui est constitutif du dépôt de la foi, de ce que leurs successeurs doivent seulement transmettre, ces derniers ayant comme mission la conservation et l’explicitation de ce dépôt.

Il n’y a donc plus à attendre de nouvelles Révélations publiques chez les chrétiens, puisque tout a déjà été révélé. C’est pourquoi le Nouveau Testament nous dit que tant bien même qu’ « un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème » (Galates 1, 8).

On pourrait alors se demander: si le dépôt de la foi était complet à la mort du dernier Apôtre, alors comment concevoir les dogmes et les vérités de foi, comme par exemple le crédo du concile de Nicée-Constantinople, que l’Église nous enseigne et qui n’aurait certainement pas été aussi précisément formulé au temps des Apôtres? C’est là que le développement homogène du dogme se présente comme une façon légitime de développer les vérités du dépôt de la foi, sans toutefois venir objectivement ajoutés de nouvelles révélations. Sur ce sujet, vous pouvez consulter les deux articles ici et ici.

Un dogme peut-il se développer ?

Développement ou corruption des dogmes?