Avant d’aller plus loin, vous remarquerez que nous allons faire un bond de plus d’un millénaire dans le temps. La raison de cela est que les conciles sont souvent des réactions à des problèmes qui surviennent dans l’Église. Donc, pas de problème concernant le Canon, pas de concile traitant du Canon. Vous avez pu constater par vous-même que dans les dernières dates mentionnées, on semble tourner en rond et toujours réaffirmer la même chose.  Cependant, cela va changer au 16e siècle, car nous assisterons à cette malheureuse déchirure dans le christianisme que fut la « Réforme » protestante.

1451 : Concile de Florence
Ce concile plein de péripétie dura pendant plus de 10 ans. Il débuta à Bâle, puis fut transféré à Ferrare et puis ensuite à Florence. Il réaffirmera aussi la liste des 73 livres du pape Damase de nos Bibles catholiques actuelles.

1534 : Martin Luther et la « Réforme » protestante
Martin Luther, un personnage clé de la Réforme protestante, avait certain doute sur les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament : les livres de Judith, Tobie, Sagesse, Ecclésiastique, Baruch, 1 et 2 Maccabées et des parties d’Esther et de Daniel. Dans sa traduction, il a relégué ces livres en appendice avec une mention apocryphe (non-inspiré). Cet usage de laisser ces livres en appendice  a demeuré dans plusieurs Bibles protestantes dans les siècles suivants, mais elle a cessé pour la majeure partie d’entre elles à partir du 19e siècle. Luther avait aussi certains doute sur les deutérocanonique du Nouveau Testament (ceux mentionnés dans cette chronologie d’Origène en 200), mais suivant l’avis de ses collègues, il les a quand même laissés dans sa traduction de la Bible. Il a cependant tenté de minimiser la pertinence de certain d’entre eux dans ses commentaires, comme par exemple la lettre de Jacques qu’il traitait d’ « épître de paille » et la lettre de Jude et l’apocalypse dont il disait qu’elles n’avaient pas de contenu évangélique.

1546 : Le Concile de Trente
Pour faire face à la « Réforme », l’Église catholique a tenu le Concile de Trente. Ce concile est un des plus importants de l’Église. Plusieurs doctrines ont été définies de façon précise dont la question du Canon. L’Église a réaffirmé le même Canon de 73 livres qu’elle affirmait déjà plus de 1000 ans plus tôt. Ce concile étant œcuménique, il engageait toute l’autorité et s’appliquait à toute l’Église.

Observations personnelles
Si vous fouillez sur internet, vous verrez plusieurs sites protestants qui affirment que le concile de Trente a ajouté des livres dans l’Ancien Testament. La confusion vient sans doute du fait que le premier concile vraiment œcuménique qui a tranché la question était le Concile de Trente. Cependant, on peut constater que le Canon catholique actuel a existé pendant plus de 1000 ans avant ce concile. Par exemple, lorsque l’on examine les plus anciens codex bibliques, ils contiennent les livres deutérocanoniques. Il est vrai que certains membres de l’Église ont eux aussi eu des doutes sur les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, comme par exemple Saint Jérôme, mais ceux-ci ce sont toujours conformé à l’autorité de l’Église lorsqu’ils y étaient confrontés. C’est ainsi que Saint Jérôme traduisit les deutérocanoniques et les plaça quand même dans la Vulgate à la demande du pape. De plus, il ne faut pas oublier qu’avant la « Réforme », la question du Canon n’était pas un point aussi important puisque l’autorité du Canon était basé sur celle de l’Église. Lorsque Luther a écarté l’autorité de l’Église, il devait donc reconstruire le Canon biblique sur de nouvelles assises et il a choisi d’imiter le Canon dont s’était fixé le judaïsme autour du 1er siècle. Il faut cependant comprendre que ce canon de Luther, de 66 livres, n’avait jamais été proposé dans aucun concile en tant que Canon biblique chrétien. Luther et les autres réformateurs se sont quand même donné l’autorité de le modifier pour leurs communautés chrétiennes.
313 : Édit de Milan
L’Édit de Milan est un édit de l’empereur Constantin qui met fin aux persécutions contre les chrétiens. Contrairement à la croyance populaire, il ne fait pas du christianisme la religion officielle de l’empire. Cet événement n’a rien à voir directement avec le canon, mais il va permettre aux évêques d’avoir de grands rassemblements sans craindre les autorités. Ce sera le début des grands conciles œcuméniques et des conciles régionaux qui vont permettre à l’Église d’avoir une Foi plus universelle. La question du canon de la Bible va elle aussi se développer dans ces conciles.

367 : La lettre d’Athanase
Dans sa lettre de Pâques 367, Athanase, alors évêque d’Alexandrie, dressa une liste des 27 livres du Nouveau Testament semblable à la liste actuelle. En plus, il a utilisé le terme « canonique » (kanonizomena) pour les décrire.

382 : Le Concile de Rome
Dans le Decretum Gelasianum, le pape Damase a donné une liste des 73 livres (Ancien et Nouveau Testament) canoniques identiques à celle de nos Bibles catholiques actuelles. Depuis cette date, le Canon de la Bible catholique ne subira aucune modification et les prochains conciles ne feront que réaffirmer ce Canon. Ce décret contient aussi une grande liste d’écrits à considérer comme apocryphes. Le concile de Rome n’étant pas un concile œcuménique (universel) mais régional, les discussions sur le canon vont se poursuivre dans les siècles suivant.

393 : Le synode d’Hippone
Le synode d’Hippone a eu lieu à Carthage au nord de l’Afrique et a été présidé par Saint Augustin. Il  a réaffirmé la liste du pape Damase.

397 : Le Concile de Carthage
Ce Concile réaffirme encore la liste du pape Damase, mais il exige aussi qu’en dehors des Écritures canoniques, rien ne doit être lu dans l’église sous le nom d’Écritures divines.

405 : La Vulgate
Saint Jérôme complète sa célèbre traduction de la Bible en latin appelée Vulgate. Cette Bible va demeurer la référence biblique de l’occident pendants plusieurs siècles. Bien qu’il semblait personnellement avoir certaines réservations sur certains livres présents dans la Septante (grec), qui ne sont pas dans la Bible hébraïque, tous les livres de la liste du pape Damasse ont été traduis dans sa Vulgate.

405 : Le pape Innocent I
Dans une lettre à un évêque gaulois, le pape Innocent I confirme un fois de plus la liste du pape Damase.

419 : Concile de Carthage
Un autre Concile (ou peut-être un synode) de Carthage (il y en eu plusieurs dan cette ville) réaffirme toujours la liste du pape Damase.
La définition du Canon de la Bible a été un processus par lequel l’Église a reconnu les livres inspirés et qui s’est réalisé sous l’assistance du Saint-Esprit. Voici un résumé des dates importantes de cette réflexion dans le christianisme. Certaines des dates proposés pour les événements (surtout les plus anciens) sont approximatives et peuvent variés selon les sources. Ne soyez donc pas surpris si vous trouvez d’autre datation en fouillant sur le web au sujet de ces événements.

160 : Saint Irénée de Lyon réfère au 4 Évangiles et aux Actes des Apôtres
Le témoignage de Saint Irénée de Lyon est probablement la référence la plus ancienne au fait que le canon devrait contenir 4 évangiles. Voici son témoignage :
« Par ailleurs, il ne peut y avoir ni un plus grand ni un plus petit nombre d'Évangiles (que quatre). En effet, puisqu'il existe quatre régions du monde dans lequel nous sommes et quatre vents principaux, et puisque, d'autre part, l'Église est répandue sur toute la terre et qu'elle a pour colonne et pour soutien l'Évangile et l'Esprit de vie, il est naturel qu'elle ait quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l'incorruptibilité et rendent la vie aux hommes. D'où il appert que le Verbe, Artisan de l'univers, qui siège sur les Chérubins et maintient toutes choses, lorsqu'il s'est manifesté aux hommes, nous a donné un Évangile à quadruple forme, encore que maintenu par un unique Esprit. » (Contre les hérésies 3.11.8)
Saint Irénée a aussi été en faveur d’ajouter les Actes des Apôtres au canon car ce livre avait été écrit par le même auteur que l’évangile de Luc.

170 : Le Canon Muratonien
Le Canon Muratonien est l’exemple connu le plus ancien où est donné une liste des écrits inspirés. Ce document, qui est habituellement daté vers la fin du 2e siècle, nous est parvenu endommagé et dans une traduction latine pauvre d’un orignal probablement grec. Il considérait comme inspirés 22 des 27 livres du Nouveau Testament, mais il mentionne aussi d’autres livres qui n’ont pas été retenus plus tard.  Malheureusement, le début du document qui mentionne les deux premiers Évangiles est manquant, mais il est généralement considéré qu’il s’agissait des Évangiles de Matthieu et de Marc comme dans nos Bible actuelle.

175 : Le Diatessaron de Tatien
Le Diatessaron de Tatien est un document qui tente de faire une harmonie des quatre Évangiles en le regroupant en un seul. Ce document essayait de régler ce que certains appelle le « problème » synoptique. Le point significatif pour cette chronologie est qu’il utilisait les quatre Évangiles que nous retrouvons dans nos Bible actuelle, pas un de plus, pas un de moins.

200 : Origène
Au début du 3e siècle, Origène aurait utilisé les même 27 livres de notre Nouveau Testament actuel. Cependant, il y avait à cette époque des opinions divergentes au sujet des livres suivants : lettre aux Hébreux, Jacques, 2e lettre de Pierre, 2e et 3e lettre de Jean et l’Apocalypse.
Voici une belle réflexion sur le sens du Carême par l'abbé Pierre Amar du site Padreblog.fr

Dans les discussions entre catholiques et protestants, un des sujets le plus importants est probablement la question de la Bible. Comme vous le savez, la Bible catholique (73 livres) contient un peu plus de livres pour l’Ancien Testament que la Bible protestante (66 livres). Bien évidemment, chacun croit avoir le « bon » canon (liste des livres inspirés constituant la Bible). Je voudrais vous partagez deux remarques que j’entends souvent de part et d’autre lors de discussions.

D’un côté, le catholique est toujours prompt à dire que le canon a été déterminé par les évêques de l’Église catholique vers la fin du quatrième siècle au cours de plusieurs conciles. Ce raisonnement contient un principe sous-entendu qui n’est pas exprimé et qui présuppose que l’Église catholique avait l’autorité de déterminer le canon. S’il est questionné au sujet de cette autorité, le catholique averti vous citera surement des passages bibliques qui supporteront ce principe (par exemple Mt 16, 18-19). Il faut remarquer que cette méthode (même si elle pourrait être vrai, car ce n’est pas parce que la démonstration est fausse que la conclusion ne peut être vrai) est basée sur un argument circulaire qui ne peut pas constituer une preuve à moins d’accepter à priori l’inspiration de la Bible. Voici l’argument une fois dépouillé :
A) L’inspiration de la Bible est prouvée par l’autorité de l’Église catholique
B) L’autorité de l’Église catholique est prouvée par la Bible
On voit donc la circularité du raisonnement dans A qui prouve B et ensuite B qui prouve A. Il ne faut donc pas s’étonner si le chrétien protestant n’est pas très convaincu par cette approche.
D’un autre côté, le chrétien protestant dira que c’est le Saint-Esprit seul qui a inspiré le canon biblique. Les catholiques sont d’accord sur le fait que c’est le Saint-Esprit qui a guidé le processus de la formation du canon, mais je crois que les protestants doivent au  minimum reconnaître que cela a historiquement et concrètement été réalisé par les conciles de l’Église catholique. Cependant, comme plusieurs d’entre eux ne veulent pas reconnaître cette autorité, certains vous donneront une preuve en citant un verset de la Bible comme : « Toute écriture est inspirée de Dieu » (2 Tm 3, 16). Ce raisonnement n’est guère mieux que le précédent, car il prouve l’inspiration de la Bible en citant cette même Bible. Il est encore moins significatif si vous discutez avec une personne qui ne reconnait pas aucune Bible comme écrit inspirée par exemple un musulman ou un athée.
Y’a-t-il alors un moyen de prouver la que la Bible et que le canon catholique de la Bible est celui inspiré par le Saint-Esprit sans avoir à accepter à priori l’autorité de l’Église ou l’inspiration de la Bible? Oui, il y en a un et il ne demandera qu’à celui avec qui on discute la simple condition de vouloir traiter les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) comme des écrits anciens et fiables. Pour se faire, on peut citer de nombreux ouvrages académiques, certains même faits par des athées, qui admettent que les textes du Nouveau Testament que nous avons actuellement sont fiables à plus de 99.5% à 99.97% selon les sources. Pour arriver à démontrer l’inspiration de la Bible, nous allons seulement avoir recours à ces 6 faits* que l’on retrouve dans les évangiles synoptiques :

1) Un homme appelé Jésus a existé
2) Il a affirmé être un messager** envoyé par Dieu
3) Il a fait suffisamment d’œuvres pour prouver qu’il était ce messager
4) Des foules suivaient Jésus, mais il avait un groupe de disciples qu’il enseignait plus intimement.
5) Il a demandé à ce groupe de disciples de continuer ses enseignements
6) Jésus a dit que Dieu protégerait ses enseignements

Je vous rappelle qu’on n’a pas besoin de traiter les évangiles synoptiques comme inspirés pour pouvoir dégager ces 6 faits des évangiles. Il suffit de traiter ces documents en y appliquant les règles de critiques habituelles utilisées pour les textes anciens.
Ces 6 faits nous démontrent de façon progressive l’autorité de l’Église catholique, successeurs historiques des Apôtres, sans avoir à imposer à priori aux textes bibliques son inspiration. Un verset de l’évangile démontre bien cette chaîne d’autorité qui part de Dieu, passe par Jésus et ensuite par ses disciples : « Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m'a envoyé. » (Luc 10, 16) Il  s’en suit alors que si Jésus a promis assistance, par l’Esprit-Saint à cette église, elle ne saurait faire d’erreur en dressant la liste du canon des livres inspirés constituant la Bible. « Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » (Jean 14, 26) Cette démarche nous sort alors du raisonnement circulaire que l’on avait au départ et on peut alors poursuivre la discussion un peu plus loin.


* Ces 6 faits sont issus des travaux du Père William G. Most
** Les catholiques croient en la divinité de Jésus. Cependant, il n’est pas nécessaire pour cette argumentation d’aller aussi loin. En se limitant au titre de messager, on peut alors mieux approcher certains groupes comme les Témoins de Jéhovah ou les musulmans qui ne professent pas la divinité de Jésus.