Nous avons constaté qu’une preuve valide de l’existence de Dieu dont nous sommes capables naturellement était nécessairement une preuve par connaissance indirecte, car une preuve par connaissance directe est naturellement impossible. Cependant, une connaissance indirecte ne veut pas dire une connaissance incertaine. On peut avoir la certitude de quelque chose même si cela s’appuie sur une connaissance indirecte. Par exemple, lorsque je vois passer une voiture dans la rue, je peux savoir avec certitude que cette voiture a un moteur qui est la cause de son mouvement en voyant ses roues tourner, même si je ne vois pas le moteur sous le capot. Je connais donc indirectement l’existence du moteur par l’intermédiaire des roues de la voiture qui tournent. On peut donc conclure que : si un effet visible qui nous est connu directement ne peut pas exister sans avoir pour cause quelque chose d’invisible, alors la cause invisible nous est connu indirectement, mais de manière absolument certaine, par l’intermédiaire de son effet visible qui sans elle n’existerait pas.

La démonstration de l’existence de Dieu sera donc un raisonnement par causalité qui, en partant des effets visibles, conduira à la cause invisible sans laquelle ses effets visibles n’existeraient pas. D’ailleurs, toute démonstration de l’existence de Dieu qui ne ferait pas intervenir la causalité serait très suspecte. C’est pourquoi le concile de Vatican I (1870) avait bien spécifié que l’existence de Dieu peut être connue sans la foi par le moyen naturel du raisonnement comme une cause est connue par ses effets.

Maintenant que vous savez à quoi vous attendre comme raisonnement, je vais maintenant vous exposer cette démonstration de l’existence de Dieu. Afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur ou de faille dans la démonstration, nous allons la démonter complètement. Nous allons étudier chaque prémisses du raisonnement une à une et vérifier que la conclusion logique résulte vraiment des prémisses. Il est primordial que les prémisses soit tous absolument vrai, car même en raisonnant correctement, on peut arriver à une conclusion fausse si une seule des prémisses est fausse.

Tout d’abord, il faut spécifier que Dieu est un être spirituel et non pas un être matériel. Il y a une conséquence importante qui découle de ce fait. Comme il est un être spirituel, il ne peut donc pas être un objet d’expérience qu’on peut directement tester dans un laboratoire. De plus, Dieu est l’être infini et parfait, il est donc impossible pour notre intelligence limitée de s’en faire une idée parfaitement claire. Il résulte de tout cela une chose très importante à saisir : on ne peut pas avoir une connaissance directe de Dieu.

Avant d’aller plus loin, je voudrais vous présenter très brièvement trois tentatives erronées de prouver l’existence de Dieu par connaissance directe. Peut-être trouverez-vous que de présenter des preuves erronées de l’existence de Dieu dans un article qui prétend donner une démonstration de l’existence de Dieu est une perte de temps. Je crois que vous comprendrez le but de cette démarche qui sera d’examiner les failles de ces « dites » preuves par connaissance directe et que cela nous sera utile afin de ne pas tomber dans le même panneau pour les énoncés futurs.

1) L’ontologisme : L’ontologisme prétend que Dieu est l’objet direct et premier de l’intelligence. Que la nature de l’intelligence humaine serait de connaître Dieu et que c’est en connaissant Dieu que l’on connaîtrait tout le reste. Cela est faux parce que l’objet formel qui détermine la nature de l’intelligence humaine est l’être analogue commun à tout ce qui est et non l’être divin. C’est pourquoi l’Église a condamné cet ontologisme en 1861.

2) L’immanentisme : L’immanentisme prétend que la présence de Dieu en nous pourrait nous être perceptible par l’expérience grâce à un certain sens du divin. Cela ne tient pas car Dieu étant un être purement spirituel, il ne peut donc pas être pour nous objet d’expérience. Certains auteurs immanentistes font souvent appel aux témoignages de mystiques qui nous décrivent leur expérience d’une présence divine pour soutenir leur théorie. Cette expérience bien réelle des mystiques est cependant une expérience du domaine de la foi qui est dû à une grâce que Dieu leur accorde et qui est donc surnaturelle. Cela revient à confondre ce que nous pouvons atteindre naturellement de ce nous pouvons atteindre surnaturellement. L’immanentisme a été condamné par l’Église dans les encycliques Pascendi de Pie X et Humani Generis de Pie XII.

3) La preuve ontologique de Descartes : Descartes a prétendu démontrer l’existence de Dieu par le raisonnement suivant : « Par définition, j’appelle Dieu l’être parfait. Or s’il n’existait pas, il lui manquerait l’existence, donc il ne serait pas parfait. » Cette preuve ne peut pas être acceptée parce qu’on ne peut pas procéder à priori (comme en géométrie) dans ce cas-ci, c’est-à-dire en posant une définition et tenter ensuite d’en déduire les conséquences. Cela ne peut donc pas prouver que la chose existe réellement. Vous remarquerez que les philosophes modernes de Kant à Jean-Paul Sarte, qui prétendent avoir réfuté les preuves de l’existence de Dieu, se sont surtout attaqués à cette preuve ontologique de Descartes. Il n’y a d’ailleurs aucun mal à s’y attaquer car elle est effectivement défectueuse. Cependant, ils auraient tous pu éviter de perdre leur temps sur cette preuve invalide s’ils avaient pris la peine de lire les ouvrages de Saint Thomas d’Aquin qui avait déjà déclaré invalide ce type de preuve environ 4 siècles avant Descartes tout en proposant lui-même 5 preuves valides de l’existence de Dieu.
L’existence de Dieu peut être démontrée à l’aide de la raison. C’est pour cela que l’Église a affirmé, au concile de Vatican I (1870), que l’existence de Dieu peut être connue sans la foi par le moyen naturel du raisonnement. La foi consiste à croire ce que Dieu nous dit. Il est donc tout à fait primordial que nous puissions arriver à la certitude que Dieu existe par la raison seule, car on ne peut pas croire quelqu’un qui n’existe pas. C’est d’ailleurs pour cela que l’Église a aussi, lors du même concile, condamné le fidéisme qui affirmait qu’on pouvait connaître Dieu seulement par la foi. C’est aussi pourquoi il est souvent inutile d’aborder un athée en brandissant une Bible, de lui dire que cela est la Parole de Dieu, de lui lire quelques versets en espérant qu’il se convertisse sur-le-champ. Il est bien évident que de son point de vue, si Dieu n’existe pas, il n’a certainement pas pu inspirer un livre ou faire quelque miracle que ce soit.

D’ailleurs, la Bible aussi nous enseigne que Dieu est connaissable par la raison quand Saint-Paul nous dit dans sa lettre aux Romains : Ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu'ils sont inexcusables (Rm 1,20).

Une preuve que l’existence de Dieu peut être connue uniquement par la raison est que dans l’Antiquité, de grands philosophes comme Socrate, Platon et Aristote, qui pourtant ne connaissaient pas la révélation biblique, étaient eux-aussi arrivé à démontrer l’existence de Dieu uniquement par le raisonnement. Même Voltaire, pourtant hostile à la religion chrétienne, affirmait l’existence de Dieu comme une certitude de la raison humaine et croyait que l’athéisme était une sottise.

Je vais donc de faire de mon mieux pour tenter de vous présenter une démonstration de l’existence de Dieu qui n’utilisera que le raisonnement pour y parvenir.

Afin de vérifier et approfondir vos connaissances théologiques, j’ai pensé faire à l’occasion des petits quiz. Cette question est une traduction d’une question qui a parue dans un ancien magazine de «This Rock» publié par «Catholic Answers». Voyons voir si vous pouvez trouver l’énoncé vrai.

À la crucifixion :

  • a) La nature humaine de Jésus est morte sur la croix
  • b) Seulement la personne humaine de Jésus est morte sur la croix, la personne divine n’est pas morte
  • c) Dieu est mort sur la croix
  • d) La nature humaine et divine de Jésus sont mortes sur la croix et l’univers a été maintenu par le Père et le Saint-Esprit jusqu’à la résurrection de Jésus.
  • e) Aucune des ces réponses


Réponse et explication :

  • a) Faux : Les natures ne peuvent pas mourir, seul les personnes le peuvent. Quand quelqu’un meurt, ce n’est sa nature qui meurt mais sa personne distincte.
  • b) Faux : Il n’y a pas de personne humaine en Jésus-Christ. Il est une seule personne divine, qui a donc par définition une nature divine et qui a aussi assumé la nature humaine.
  • c) Vrai : Comme c’est la personne de Jésus-Christ qui est morte sur la croix et qu’il est une personne divine (le Fils de Dieu), il est correct de dire que Dieu est mort sur la croix. Il ne faut cependant pas en faire une conclusion hâtive et en venir à penser que Dieu a cessé d’exister entre la mort et la résurrection de Jésus, ce qui n’est absolument pas le cas.
  • d) Faux : Comme pour l’énoncé A, seulement les personnes peuvent mourir et non les natures. En plus, cet énoncé semble insinuer que Jésus n’était plus Dieu, parce qu’il ne pouvait plus maintenir l’univers entre sa mort et sa résurrection, ce qui est aussi faux.
  • e) Faux : Parce que l’énoncé C est vrai.


Ne vous en faites pas si vous n’avez pas réussi car cette question avait suscitée beaucoup d'étonnement lors de sa publication. Plusieurs personnes s’y étaient fourvoyées en grande partie parce que l’énoncé correct (C) nous semble un peu étrange à prime abord.
Il y a quelques temps, je vous avait parlé du site du «Center for the Study of New Testament Manuscripts» (Centre pour les Études des Manuscrits du Nouveau Testament), où on pouvait retrouver plusieurs reproductions de manuscrits du Nouveau Testament. Si les études des manuscrits du Nouveau Testament vous intéressent, vous pouvez depuis le 1er juillet avoir accès à des vidéos (en anglais seulement) qui expliquent certaines notions de l’étude de ces manuscrits.

Les vidéos se trouve sur iTunes-U, via le lien suivant (il faut bien sur avoir préalablement téléchargé iTunes (c'est gratuit)  :
http://itunes.apple.com/us/institution/center-for-study-new-testament/id416966041

ou via le site du CSNTM :
http://www.csntm.org/
Dans un précédent article, j’avais fait allusion au fait que la notion d’auteur dans l’antiquité était un peu différente de la notion moderne. La notion d’auteur avant un sens plus large dans l’antiquité. Cette différence est très importante surtout lorsqu’on traite de la rédaction des textes de la Bible.

Prenons tout d’abord de la notion moderne d’auteur. Dans cette perspective, par exemple pour la rédaction d’un livre, l’auteur est considéré comme celui qui écrit le livre. Il existe même des lois, comme les lois du droit d’auteur, qui protègent le contenu des livres contre les copies illicites ou le plagiat. Même si un auteur écrit un livre de philosophie en se basant sur une certaine école de pensé et résume la pensé des travaux de certains de ses collègues, il sera quand même considéré comme l’auteur du livre même en leur redonnant tout le crédit qui leur revient.

Au temps de l’antiquité (même jusqu’à la Renaissance), la notion d’auteur était plus large. Par exemple, le disciple d’une école de pensée pouvait écrire un traité et l’attribuer à son maître et cela même s’il était mort. Cela n’était pas fait dans le but de flouer les lecteurs, mais plutôt par respect pour la pensé de son maître qui lui avait enseigné le contenu de son traité. Pour les gens vivant à cette période, il était légitime qu’un disciple qui avait reçu une tradition écrive en attribuant le livre à son maître, même si celui-ci n’était pas celui qui avait littéralement écrit les mots sur le papier.

Prenons par exemple la théorie traditionnelle du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible), qui a été attribué à Moïse depuis le tout début de la tradition biblique, mais qui plus récemment, a été critiqué par certains exégètes. Il faut comprendre que pour les gens de l’antiquité, cela ne contredit pas nécessairement leur conception d’auteur si des scribes avaient ultérieurement adapté ou complété les textes du Pentateuque, en autant que ceux-ci transmettent fidèlement la pensé et les enseignements reçus de Moïse. Même si cela nous semble un peu étrange aujourd’hui, il ne faut pas tenter d’imposer nos notions modernes à une époque où certains concepts n’étaient pas équivalents.

C’est un peu le même principe que les écrits de l’Église comme les encycliques. Bien évidemment, ces textes sont écrits par un pape mais qui, légitimement, expriment la pensé et les enseignements de l’Église au nom de l’Église. Cela se rapproche un peu de l’antique notion d’auteur. Bien sûr, cela ne serait pas légitime si par exemple un scribe quelconque aurait écrit une lettre au 2e siècle pour promouvoir sa propre théologie pour ensuite y placer le nom de Saint-Paul pour lui donner une certaine renommé. C’est d’ailleurs à cause de ce type de document que l’Église a dû, au cours des premiers siècles, définir la liste des livres qui allaient composer la Bible.

En conclusion, il faut être prudent lorsqu’on fait des recherches sur les auteurs des livres de la Bible et en particulier avant de rejeter les théories traditionnelles de rédaction, car ces théories sont basées sur la notion antique d’auteur. Quelqu’un pourrait quand même les rejeter parce qu’il refuse d’admettre leur conception antique d’auteur au profit de la notion plus moderne, mais il faut admettre qu’en faisant cela, il choisi de regarder la Bible avec une lentille moderne qui ne reflète pas la réalité antique qui l’a vue naître.

Si vous vous intéressez aux études sur l’authenticité des Évangiles, vous savez surement qu’il y a certains théologiens qui prétendent que les Évangiles ne sont pas authentiques. Pour eux, l’Évangile de Matthieu n’a pas été écrit par Matthieu, ni l’Évangile de Marc par Marc, etc. Selon eux, les Évangiles auraient circulés de façon anonymes pendant plusieurs années avant que des scribes (autour du 2e siècle) ne leurs attribuent un nom dans le but de leurs donner une certaine autorité. Bien que l’on constate que cette théorie a gagné des adeptes au cours du 20e siècle, il n’en demeure pas moins qu’il y a plusieurs problèmes avec cette théorie. C’est pourquoi je crois (et bien d’autres théologiens), que toute cette suspicion envers les Évangiles n’est pas vraiment fondée. Il y a plusieurs raisons de croire que les Évangiles ont vraiment été écrits par les auteurs* qui leurs sont attribués. Voici quelques unes de ces raisons :

Premièrement, les manuscrits des Évangiles que nous avons retrouvés, même les plus anciens, portent déjà le nom des auteurs que nous avons actuellement. La manière de nommer l’auteur peut varier, mais jamais le nom utilisé. Comme par exemple : Marc, Évangile selon Marc, Saint Évangile selon Marc, etc. La prétendue théorie selon laquelle les originaux des Évangiles étaient anonymes n’est qu’une spéculation qui n’est basée sur aucune évidence matérielle, car nous n’avons jamais retrouvé les écrits originaux. En plus des Évangiles eux-mêmes, nous avons aussi une tradition de témoignages provenant de chrétiens primitifs qui confirment les noms de ces auteurs. Maintenir la théorie des évangiles anonymes entraîne donc par le fait même un rejet de cette tradition au sujet des Évangiles.

Deuxièmement, essayez d’imaginer la probabilité que des Évangiles circulant pendants des dizaines d’années dans tout le vaste empire romain, se retrouvent tout à coup tous attribués au même auteur par différents scribes et cela de façon unanime. Je spécifie unanime, car ils n’avaient pas de dispute dans le christianisme primitif au sujet des auteurs des Évangiles même si l’on considère les groupes considérés comme hérétiques comme les gnostiques. Cela est très peu probable et dans le cas contraire, on aurait retrouvé des copies du même Évangile attribués à des auteurs différents et même des lettres d’oppositions entre les diverses communautés qui prétendraient avoir le bon auteur. Encore une fois, aucune trace de cela.

Troisièmement, si vous étiez un scribe du 2e siècle qui aurait voulu donné de l’autorité à vos Évangiles, auriez-vous choisit le nom de personnages peu connus comme Luc et Marc? Vous auriez sans doute utilisé le nom d’un Apôtre plus populaire comme Pierre ou Jacques. C’est d’ailleurs ce qu’on fait plusieurs Évangiles apocryphes (comme l’Évangile de Pierre, de Thomas, de Marie, de Judas, etc) qui ont été forgés plusieurs années après les Évangiles authentiques et qui n’ont jamais été acceptés par les communautés chrétiennes orthodoxes primitives.

À la lumières de ses informations, je crois qu’il est beaucoup plus probable que les Évangiles portent vraiment le nom de leur véritable auteur. Cependant, nous sommes très loin d’un consensus sur cette question dans le milieu des études bibliques.


* Dans cet article, le terme «auteur» est utilisé selon ce qu’il représentait dans l’antiquité. Il avait alors un sens plus large que le sens moderne. Nous reparlerons de ces différences dans un prochain article.