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Beaucoup d'athées pensent que la foi et la raison se mélangent aussi bien que l’eau et l'huile et certains citent les premiers écrits chrétiens afin de faire valoir leurs arguments. Un écrivain qu'ils aiment souvent citer est Tertullien, qui aurait dit croire en l'Évangile parce que c'est absurde.

Tertullien a vécu en Afrique du Nord au troisième siècle et est souvent considéré comme le père du christianisme latin ou occidental. Bien qu'il soit devenu hérétique à la fin de sa vie et qu'il soit mort hors de la communion avec l'Église (ce qui explique pourquoi il n'est pas un saint, même s'il est considéré comme un Père de l'Église), ses écrits orthodoxes sont un témoignage important de la foi de l'Antiquité. Les gens qui affirment que Tertullien est un témoin de la déraison du christianisme citent généralement deux de ses écrits.

La foi contre la philosophie?

Le premier est la question de Tertullien : « Qu'a de commun Athènes avec Jérusalem? », de son « Traité de la prescription contre les hérétiques ». Les critiques disent que ce que Tertullien veut dire, c'est que la foi (Jérusalem) et la raison (Athènes) n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Cependant, Tertullien parlait dans le contexte de l'avertissement de saint Paul de ne pas être captivé « par la philosophie et par des enseignements trompeurs » (Colossiens 2, 8), caractérisés par des philosophes à Athènes qui prétendaient connaître la vérité, mais la corrompaient. Il ne voulait pas condamner par là toute la philosophie ou le raisonnement en général.

Le monde académique moderne en est aussi venu à reconnaître cela. Selon l'Histoire de la critique littéraire de Cambridge, « L’ancienne vision qui faisait de Tertullien un porte-parole pour la séparation complète du christianisme et de la culture classique a fait place ces dernières années à la découverte d’une synthèse de la doctrine chrétienne comprenant les traditions philosophiques dans ses écrits » (337).

Croire parce que c'est absurde?

Dans son livre « L’Aumônier du Diable », l'athée Richard Dawkins compare la foi à un virus malveillant qu'il est difficile de guérir parce que ses victimes ignorent ses supposées absurdités. Quand une victime est confrontée à des parties de sa foi qui sont plus difficiles à comprendre, il les appelle simplement des  « mystères » et ne leur prête plus attention. Dawkins écrit: « Un symptôme extrême du « le mystère est une vertu » est le « Certum est quia impossibile est » (c’est certain parce que c’est impossible) [et], « il faut certainement y croire parce que c'est absurde » de Tertullien ».

Dawkins fait référence à un passage de « De Carne Christi » (Sur la chair du Christ) de Tertullien, qui était une réponse à l'hérésie du docétisme. Les docétistes croyaient que le Fils incarné, Jésus-Christ, ne possédait pas un véritable corps humain. Au lieu de cela, il possédait selon eux ce qui semblait être un corps humain, mais n’était en fait qu’une illusion ou une forme angélique. Tertullien critiquait les docétistes en disant que si le Christ n'avait pas eu un corps vraiment humain et vraiment physique, alors il ne pouvait pas mourir sur la croix et expier les péchés de l'humanité. L'Histoire de la critique littéraire de Cambridge note:

Les écrits de Tertullien ne contiennent pas l’expression « je crois parce que c'est absurde » et son origine est inconnue. L’extrait le plus proche de cela dans ses œuvres est la déclaration: « Le Fils de Dieu a été crucifié: il n'y a pas de honte, parce que c'est honteux. Et le Fils de Dieu est mort: cela est croyable parce que c'est une folie. Et une fois enseveli, il se releva à nouveau; c'est certain parce que c'est impossible » (De carne Christi, 5, 4). C'est aussi un aussi bon exemple du style pointu de Tertullien (337).

Donc, Tertullien ne dit jamais: « Je crois parce que c'est absurde » (Latin: credo quia absurdum). Cela semble être en fait une paraphrase d'une phrase que beaucoup de traducteurs traduisent par « il faut y croire, parce que c'est absurde" (latin original: prorsus credibile est, quia ineptum est). Puisque le mot latin absurdum n'est pas dans ce passage, une meilleure traduction de ce passage serait: « C'est crédible, parce que c'est idiot ». Cependant, Tertullien ne prétend pas que les choses stupides en elles-mêmes sont croyables ou crédibles uniquement parce qu'elles sont idiotes.

Absurde de ne pas croire

Au contraire, son affirmation est que les premiers chrétiens n'auraient pas cru que Dieu est mort sur une croix, puis est ressuscité d'entre les morts à moins que cela ne se soit vraiment produit. Si Jésus n'était pas ce qu'il prétendait être, alors ces premiers croyants potentiels auraient pensé qu'il était juste un autre faux messie et ils auraient rejeté l'histoire « absurde » que Jésus est ressuscité des morts. La raison pour laquelle les premiers chrétiens n'ont pas fait cela, c'est précisément parce qu'ils ont vu et vécu l'impossible de leurs propres yeux quand Jésus leur est apparu après sa crucifixion. Saint Luc tient à dire à ses lecteurs que Jésus « se montra vivant, avec force preuves, leur apparaissant pendant quarante jours et parlant des choses du royaume de Dieu » (Actes 1, 3).

Tertullien ne pensait pas qu’un Dieu devenant homme et mourant pour nos péchés était impossible parce que dans ce même ouvrage il écrivait: « Avec Dieu, rien n'est impossible sauf ce qu'il ne veut pas. Considérons, alors, s'il a voulu naître (car s'il en avait la volonté, il en avait aussi le pouvoir et il est né) ». Il reconnaît seulement, et à juste titre, à quel point cela est fantastique.

Ainsi, la déclaration de Tertullien, « il faut y croire, parce que c'est absurde » ne devrait donc pas être comprise comme signifiant que le christianisme est irrationnel, mais plutôt que l'histoire de la vie, de la mort et de la résurrection du Dieu-homme est trop ridicule pour que quelqu'un l'ait inventé.


Cet article est une traduction personnelle de l’article « Did the early christians pit faith against reason » de Trent Horn pour Catholic Answers.


Quel autre nom aurait-il pu avoir le fils premier-né d'un père nommé François et d'une mère nommée Françoise? Le bébé, né en 1567 dans une famille éduquée et noble de l'est de la France, prendra le nom de baptême de François Bonaventure.

Cet enfant devint saint François de Sales, évêque de Genève. Les lecteurs qui le connaissent savent qu'il a été à l'origine de la conversion de dizaines de milliers de calvinistes français et autrichiens, ce qui en fait l'un des apologètes catholiques les plus influents et les plus efficaces de tous les temps.

Alors que nous nous efforçons continuellement de nous améliorer et de devenir des saints et de meilleurs imitateurs du Christ, permettez-moi de vous suggérer trois leçons sur la façon de faire de l’apologétique que nous pouvons apprendre de ce grand saint.

Pour une vraie conversion : l’amitié

Chaque fois que saint François de Sales entrait dans un débat, il entrait tout d’abord en relation avec son adversaire. Son but n'était pas de gagner l'argument pour la gloire de ses réalisations personnelles, mais pour convertir les âmes au Christ. Cela a parfois causé certaines discussions de foi de se poursuivre pendant des années. Au fur et à mesure que la relation se développait par l'écriture de lettres, de visites occasionnelles et d'envoyés diplomatiques pour des objectifs communs, François finissait par conquérir ses adversaires avec un succès étonnant. Au fur et à mesure que la confiance grandissait, la confiance en son enseignement grandissait et touchait ainsi le cœur de ceux qui recherchaient sérieusement le Christ et son Église.

C'est l'approche qu'il a utilisée lors de ses rencontres avec le fidèle et dévoué duc de Lesdiguières, qui était alors calviniste. François et le duc se sont rencontrés à quelques reprises et les deux sont devenus des correspondants réguliers. Au cours des années, alors que François lui montrait toujours son souci pour sa santé et son bien-être, les bons arguments qu'il lui avait donnés mijotaient dans l'esprit du noble. La confiance s'est construite, la communication s'est renforcée et, en temps voulu, le duc a montré de l'intérêt à devenir catholique. De cette façon simple, mais efficace, un disciple a été formé. Le duc a fait une confession et lui et plusieurs de ses hommes se sont réconciliés avec l'Église catholique.

Se préoccuper de l'âme

Avec ses dons étonnants de persuasion et de compréhension des sujets théologiques, François a surement dû publier de nombreux traités sur la foi catholique, n'est-ce pas? La vérité est qu’il a publié seulement un livre simple concernant la doctrine et les arguments théologiques. Le reste de ses œuvres sont une merveilleuse collection de direction spirituelle chrétienne dont deux sont des chefs-d'œuvre: le « Traité sur l'amour de Dieu » et l'un des livres chrétiens les plus populaires de tous les temps l’« Introduction à la vie dévote ». Ces œuvres reflètent son principal motif d'évêque et de prêtre : être un berger pour les âmes.

Avant de devenir cofondatrice de l'Ordre de la Visitation avec François de Sales, sainte Jane Frances de Chantal était la veuve d'un baron mort d'un accident de chasse. Pendant les années qui ont suivis, elle ne savait pas qui elle était, où elle allait, ou quoi faire. Elle est cependant restée vigilante à l'œuvre de Dieu dans sa vie et elle s'est approchée de François pour être devenir son disciple et profiter de sa direction spirituelle. Il aurait pu lui seulement accorder une petite rencontre et quelques instructions rapides pour pouvoir retourner s'acquitter de ses responsabilités administratives et pastorales, mais il s'est impliqué autant qu’il le fallait et autant qu'elle lui avait demandé. Il a fait la même chose pour tous ceux qui lui ont demandé de l'aide, peu importe la personne, peu importe le besoin. Il a dit: « Je ne demande rien et je ne refuse rien. »

Ne réinventez pas la roue de l’apologétique

Il écrit : « Pendant cinq ans dans le Chablais, je n'ai prêché aucun autre livre que la Bible et le grand Bellarmin ».

Bien qu'il ait certainement étudié la logique, la littérature et l’argumentation en tant qu'avocat, l'outil le plus efficace de François pour convaincre des milliers de protestants de revenir à la foi n'était pas d’inventer de nouveaux arguments, mais plutôt d’utiliser efficacement ceux des théologiens et apologètes de son temps.

Il a utilisé les textes de Saint Robert Bellarmin, parce que Bellarmin était largement connu pour être le meilleur théologien du seizième siècle et ses succès apologétiques ont été démontrés par ses rapports avec la République de Venise. Il a été le conseiller théologique principal de quatre papes, il a présidé la nouvelle école de théologie alors controversée à Rome et il a victorieusement démontré les failles logiques dans la théologie émergente de Jacques Ier d'Angleterre. Son succès était évident, mais le volume de son travail était également très précieux pour des évêques comme François. Le volumineux chef-d'œuvre de Bellarmin, les controverses, a repris chacune des idées protestantes de l'époque, en les expliquant et en les réfutant chacune avec une telle habileté et une telle articulation qu'aucun travail de l'époque n’a pu l’égaler.

François n'a pas donc pas eu à réinventer la roue de l’apologétique. Il a simplement utilisé ce qui avait fonctionné et l'a répandu aussi largement qu'il le pouvait. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est le patron de la presse et un puissant modèle et intercesseur pour tous ceux qui sont engagés dans la défense et l'explication de la foi.

Cet article est une traduction personnelle de l’article « Francis de Sales: Model of Apologists » de Shaun McAfee pour Catholic Answers