Le latin: la langue de l'Église (5/5)

Pour terminer cette série d'articles sur le latin dans l'Église, j'aimerais vous montrer quelques manières concrètes de mettre à profit le latin et je vous offrirai des pistes pour l'apprendre.

Comment apprécier le latin dans la liturgie

D'abord, il est important de savoir qu'il n'est pas strictement nécessaire de comprendre le latin pour en profiter, aussi étrange que cela puisse paraître. Dans la liturgie, le latin élève la prière de l'Église à un niveau qui transcende notre prière personnelle, puisque le latin est une langue sacrée qui transcende notre langue maternelle. La prière collective de l'Église a une autre valeur que la prière des individus qui la composent. En assistant à des offices en langue latine, on prend conscience du caractère extra-temporel de la prière de l'Église faite en communion avec tous les saints de tous les temps.

Mais comment profiter d'une prière dont on ne comprend rien ? D'abord, la prière est quelque chose de plus que les paroles qui la composent. Si on ne comprend pas cela, on ne comprend rien à la prière. La définition de la prière, selon le thomiste Jean Daujat, est la suivante : « un regard intérieur de connaissance et d'amour dirigé vers Dieu ». On peut prier sans parler, de même qu'on peut parler sans prier. Un danger de la prière en langue vernaculaire est de parler sans prier, de se borner aux simples paroles sans élever notre âme vers Dieu.

Mon missel latin-français
D'autre part, l'obstacle de la compréhension est facile à surmonter lorsqu'on dispose d'un missel bilingue. Les prières de l'Église, lorsqu'elles sont récitées en latin, sont toutes définies d'avance, donc il n'y a rien que l'on ne puisse connaître par l'entremise d'une traduction. Comme on n'emploie pas le latin pour les prières spontanées, il n'est pas strictement nécessaire de comprendre la langue oralement.

Le chant grégorien

L'une des richesses incomparables de l'Église est le chant grégorien. Le chant grégorien n'est rien d'autre que les textes de la messe ou du bréviaire chantés. C'est la façon la plus parfaite de prier la liturgie: bis orat qui bene cantat, qui chante bien prie deux fois (Augustin).

Le livre de chant de mon grand-père
(je l'utilise encore à la messe)
À première vue, ce type de musique peut paraître intimidant pour celui qui souhaiterait l'employer. Ce n'est qu'une illusion, car il n'y a rien de plus simple. Si des fermiers sans instruction comme mon grand-père ont pu chanter dans une chorale grégorienne, vous le pouvez aussi. Le chant grégorien est monophonique, c'est-à-dire que la chorale chante à l’unisson, une seule note à la fois, ce qui simplifie grandement les choses. On peut chanter avec ou sans l'orgue, en chorale ou seul. La notation grégorienne est semblable à la notation moderne (qui provient de la notation grégorienne), seulement elle comporte certains symboles différents qu'on apprend très rapidement.

Si votre paroisse n'emploie pas le chant grégorien, demandez au curé que l'on apprenne aux fidèles à chanter une partie de l'ordinaire de la messe en latin, par exemple le Kyrie ou le Sanctus. Il existe un petit recueil de chants essentiels publié par le Saint Siège qui s'appelle Jubilate Deo et qu'on peut télécharger ici pour l'imprimer en livret. Ces chants ont été choisis spécialement pour leur facilité afin d'aider les paroisses à intégrer le chant grégorien dans liturgie.

Les Saintes Écritures et les Pères

La version officielle des Saintes Écritures est la Vulgate, écrite en latin. Tout catholique aura avantage à lire la Bible dans la version officielle de l'Église. Il existe en fait deux versions de la Vulgate qui ont une valeur officielle.

La version plus ancienne est celle de Saint Jérôme, que l'on possède dans la version définitive promulguée par le pape Clément VIII en 1598, appelée communément la Vulgate clémentine. Il s'agit de la seule version de la Bible qui a été déclarée par l'Église comme étant « absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi et les mœurs » (Pie XII, Divino Afflante Spiritu, par. 26). 

L'autre version officielle de la Bible est la Néo-Vulgate. C'est une traduction nouvelle faite à la suite du concile Vatican II sur des éditions critiques des manuscrits originaux. C'est la version qui est employée dans la plupart des textes liturgiques réformés et qui sert de point de référence aux nouvelles traductions en langue vernaculaire.

Les Pères de l'Église ont écrit en grec et en latin. Pour des raisons évidentes, l'influence des Pères latins a été plus marquée dans l'église latine, en particulier Saint Augustin et Saint Jérôme. De nombreux autres docteurs et saints ont écrit en latin, dont l'incontournable Saint Thomas d'Aquin. Si on souhaite comprendre l'enseignement de ces saints, il est fort utile de connaître leur langue.

L'apprentissage du latin

Sachez d'abord que l'Église n'a jamais exigé que les fidèles apprennent le latin. Pour certaines personnes, c'est un objectif irréaliste compte tenu de leurs devoirs et de leurs capacités. 

Toutefois, pour beaucoup d'entre nous, peut-être pour la majorité, apprendre le latin n'est pas hors de portée. Au contraire, c'est une langue qui s'apparente beaucoup à la nôtre et qui comporte un vocabulaire assez limité et facile à acquérir pour un francophone. À une époque où pratiquement tout le monde est bilingue, voire trilingue, est-il trop fantaisiste de présumer que l'on puisse apprendre aussi notre langue sacrée ?

Il faut d'abord savoir qu'il existe différentes formes de latin, selon l'époque de l'histoire de la langue. Le latin par excellence est le latin classique employé par les auteurs Cicéron et César. Une connaissance du latin classique suffit pour lire le latin de toutes les autres époques, y compris le latin ecclésiastique. On pourrait qualifier le latin ecclésiastique de version simplifiée du latin classique avec des influences médiévales et patristiques.

De même, pour la prononciation, il a existé au cours de l'histoire de nombreuses variations. La prononciation dite restituée est la norme dans les écoles et les universités, alors que l'Église emploie la prononciation italienne. Les deux prononciations sont assez semblables et on peut les apprendre l'une et l'autre sans difficulté.

Voici donc des pistes pour mettre la main à la pâte :
  • Suivre un cours de latin. C'est le moyen le plus efficace. Toutes les universités offrent des cours d'initiation au latin. Le cours de base se divise habituellement sur deux ou trois sessions. Cela demandera un investissement d'environ une dizaine d'heures par semaine pendant une année pour atteindre un niveau intermédiaire.
  • Apprendre de façon autodidacte. Pour certaines personnes, il n'est pas possible de suivre un cours, mais on peut acquérir les bases avec un bon manuel si on est assez motivé. Attention, ce ne sont pas tous les manuels qui conviennent à l'apprentissage en solo. Il faut qu'il soit complet et qu'il comporte des exercices et un corrigé, ce qui exclut d'emblée la plupart des manuels scolaires.

    Il existe une nouvelle ressources pour les personnes qui souhaitent apprendre le latin:
    Le Cercle latin de la Nouvelle-France propose des manuels, grammaires, dictionnaires et d'autre matériel didactique pour vous aider à apprendre le latin, en plus d'un forum pour obtenir de l'aide et échanger. On y trouve entre autres une méthode particulièrement intéressante pour les catholiques, conçue par un théologien très connu, l'abbé William Most, et traduite en français par un prêtre Québécois, le père Victor Coulombe. Elle s'appelle le Latin vivant par la méthode naturelle. C'est un très bon point de départ pour apprendre le latin.


MISE À JOUR (2016-06-16) : Mention du Cercle latin de la Nouvelle-France, changements concernant les manuels recommandés.

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