Sermon pour la fête de Saint Jean-Baptiste prononcé à la basilique de N.-D. de Québec le 25 juin 1888


Saint Augustin, parlant un jour de l'Eglise à son peuple d'Hippone, résuma son histoire en trois mots qui révèlent son génie : « Credendo fundatur, sperando erigitur, deligendo perficitur : l'Eglise est fondée par la foi, soutenue par l'espérance et perfectionnée par l'amour ».

N'est-ce pas là l'histoire abrégée du peuple canadien ? Regardez-le à toutes les époques de sa vie ; il porte sur son front le triple cachet de la foi, de l'espérance et de l'amour. A lui aussi, la Providence a donné la foi pour appui, l'espérance pour soutien et la charité pour mobile : il est fondé par la foi en la Providence, soutenu par l'espérance en la Providence, perfectionné par l'amour de la Providence.

N.B. Ce texte est un abrégé. On consultera le sermon complet ici.

Toute nation a reçu, dès son origine, une mission particulière déterminée par le but de ses fondateurs. L'une devra servir l'ambition de la mère-patrie en contribuant à l'accroissement de son territoire et de sa prospérité matérielle ; l'autre aura pour fin de favoriser l'extension du commerce de sa métropole ou de recueillir l'excédent de sa population. Une idée de foi à présidé à la naissance du peuple canadien-français : notre histoire le prouve. Quel était le but des rois très-chrétiens en fondant cette colonie sinon l'espérance de porter sur les rives du Saint-Laurent la connaissance de Jésus-Christ et d'y étendre l'influence de la religion catholique. Ils savaient que le Sauveur a ordonné à ses apôtres d'annoncer l'Evangile à tous les peuples et d'éclairer les nations assises à l'ombre de la mort : euntes docete omnes gentes (Matth. 28.19).

Dieu veut ici une nation avant tout catholique, fondée sur la foi : Deus providebit. Et voilà pourquoi il suscite un homme selon son cœur, instrument docile de la Providence : Cet homme est Champlain. Avec lui, viennent s'établir sur ce territoire quelques familles d'élite qui nous ont légué cette foi vive « et ces mœurs douces qui ont toujours caractérisé le canadien-français, cet attachement inviolable à l'enseignement de l'Eglise qui fait notre force et notre salut au moment du danger ». Credendo fundatur.

Mais un peuple qui partage avec l'Eglise l'honneur d'être fondé par la foi doit s'attendre à la lutte qui est la condition de l'œuvre de Jésus-Christ. La foi est implantée, mais voici pour nous l'heure du combat. A la domination française a succédé celle de la protestante Angleterre qui veut effacer notre cachet national. Son principal obstacle est la religion catholique qui maintient vivaces les souvenirs, les mœurs et la langue de l'ancienne patrie et qui est devenue le refuge et la consolation des cœurs canadiens.

Ainsi donc, supprimer la foi catholique au Canada, par tous les moyens, même par la force, voilà le but avéré de nos ennemis. 

On revendique pour l'Etat le contrôle de l'administration religieuse et la nomination des curés, et on réclame de l'évêque un acte reconnaissant la suprématie royale en matière de religion. Humainement parlant, c'en était fait de la religion catholique. Adieu, foi de nos pères ; ce credo qu'ils chantaient aux pieds de leurs autels ne fera plus retentir les voûtes de ces temples ou dorment nos apôtres et nos martyrs ?

Non, Mes Frères, tout n'est pas fini. Un peuple qui a la foi pour appui, aura l'espérance pour soutien au milieu de la lutte : sperando erigitur. Quand l'homme a fini son œuvre, celle de Dieu commence : Dieu sera notre providence ; Deus providebit.

Si la foi a été l'appui de notre nationalité et l'espérance son soutien dans le malheur, il nous reste à savoir ce qui lui a permis d'atteindre ses destinées présentes et de s'élever à la prospérité qui fait aujourd'hui notre orgueil. Ici encore, la parole de Saint-Augustin sera ma réponse : diligendo perficitur ; l'amour de Dieu, voilà le secret de notre perfection relative. Or, Mes Frères, aimer Dieu, c'est aimer la religion qui unit à Dieu ; aimer la religion, c'est aimer le prêtre qui a charge de nous l'enseigner ; aimer le prêtre, c'est aimer les institutions qu'il a fondées pour nourrir en nous l'amour de Dieu et de la patrie.

C'est surtout dans le malheur que le peuple canadien a éprouvé les effets de la fidélité inviolable de son clergé. Et pour n'en donner qu'un exemple mémorable, vous savez quel fut le dévouement du prêtre à cette heure suprême ou croula la domination française. En ces jours d'infortune, quand la patrie en deuil pleurait ses malheurs, quand le drapeau aux fleurs de lys se repliait vers la France, quand la noblesse, infidèle à sa mission, livrait sans défense le peuple à la haine du vainqueur, qui releva le courage de la nation et lui apprit à lever des regards vers le ciel ? C'est le prêtre, Le drapeau français en lambeau avait disparu dans la tourmente. Il fallait cependant un drapeau pour rallier les débris du peuple vaincu : le prêtre se pencha pour ramasser la croix qui flottait comme une épave, après le naufrage, sur une mer de sang et de larmes.

Demandons-nous quels sont nos devoirs envers la Providence qui nous a si visiblement protégés depuis l'origine de la colonie jusqu'à ce jour ? Ils se résument dans un seul : la reconnaissance.

Lettres autrefois peinturées en or...?
Ce matin, en passant devant le palais du Parlement, qui s'élève sur les hauteurs de Québec, comme le symbole vivant de notre autonomie provinciale, vous avez pu lire sur son noble frontispice, gravée en lettres d'or, cette parole éloquente dans sa simplicité : je me souviens.

N'est-ce pas la formule de nos devoirs envers Dieu et la patrie ?

Je me souviens ! Oui, je me souviens de la foi de mes aïeux. N'oublions jamais que c'est au prix de leur sang qu'ils nous ont conservé ce précieux dépôt. Héritiers de la même foi et prosternés aujourd'hui au pied de l'autel qui reçut leurs serments, répétons ensemble ce cri des gladiateurs romains que nous purifierons en l'adressant au roi immortel des siècles : Ave, Christe, morituri te salutant ; salut, autels de mon Dieu, salut, autel de la patrie, nous aussi nous mourrons, s'il le faut, pour la défense de notre foi.

Je me souviens ! Je me souviens de leur confiance en la Providence aux heures de l'infortune. Si des jours mauvais devaient se lever encore sur notre chère patrie, jurons aujourd'hui de nous confier en cette même Providence qui sera notre appui, notre force, et notre consolation.

Abbé M.-T. Labrecque

***
En 2013, les jours mauvais se sont assurément levés sur notre patrie : « Supprimer la foi catholique par tous les moyens », voilà à nouveau le but avéré des ennemis de notre nation. Nous devons espérer toujours, prier et agir pour la conversion des québécois. Le temps est venu de nous confier à nouveau à la Providence. Saint Jean-Baptiste, priez pour nous.


Commentaires

Formulaire de contact

Nom

Courriel *

Message *