Voici
un article que mon ami Claude Gilbert a écrit il y a quelques années. Néanmoins, vous
verrez qu’il est toujours d’actualité.
Au-dessus
de l'ignorance, il y a la demi-science des choses religieuses. C'est encore une des causes de la libre pensée. Que savent-ils du catéchisme, de nos dogmes et de notre morale? Ils ont emporté à peine quelques brides du catéchisme à la première communion. Depuis cette
étude forcément sommaire, du premier âge, ils
n'ont rien lu, rien étudié. Ils parlent d'une religion qu'ils
connaissent très mal, des idées qu'ils puisent
dans le journal chaque matin. Pour eux, la foi, c'est l'abaissement ou l'abdication de la raison, sans que jamais ils se soient rendus compte
des fondements rationnels de la foi. De la religion, ils ne savent que les
objections. Michelet n'a-t-il pas affirmé que
le culte de la Ste-Vierge est sorti de l'imagination de St-Bernard?
Oubliant par la même occasion neuf siècles de
Tradition, les Pères de l'Église, les
écrits de St-Jean Damascène, les fêtes de la liturgie antérieure, les
peintures des catacombes !
Cette libre pensée ne vient pas d'un défaut de vérité dans l'enseignement religieux; mais bien de l’ignorance, de la
fausse science et des passions humaines.
Savoir qu'il y a des choses que nous ne pouvons savoir est en soi une
connaissance aussi précieuse que sûre. Il
n'y a pas de plus grand service à rendre à la science que la juste détermination de ses limites. La dernière démarche
de la raison, dit Pascal, est de reconnaître
qu'il y a une infinité de choses qui surpassent la raison. Nous vivons à une époque où les spécialistes
sont nombreux. Je n'y vois pas d'inconvénient
pour l'avenir de chaque science en particulier, mais c'est la ruine de
la science en général et de la philosophie. Le spécialiste est un homme enfermé dans une impasse, il voit une seule chose, il ne voit pas l'ensemble des
choses. Son regard peut être perçant, il ne sera jamais vaste. II est
comme le mineur caché aux entrailles de la
terre, il n'a pas d'horizon. Parce que les vérités religieuses ne sont pas dans leur spécialité, ils les
ignorent. Les parents de Cauchy demandaient à Lagrange des conseils pour la
direction du génie naissant de leur fils. Lagrange répondit: « Ne lui laissez
pas ouvrir un livre de mathématique avant
qu'il ait complété ses humanités ».
Bacon disait: « Peu de science éloigne
de la religion, beaucoup de science y ramène ». Dans le déluge
universel de misères morales, réagir est un devoir, en homme de foi et de cœur
chrétien avant tout n'abandonnant aucune
vérité, respectant au milieu des blasphèmes révolutionnaires l'ordre
social établi par Dieu.
Aux yeux des
libres penseurs, la foi est un acte irrationnel et absurde; pour croire à des
doctrines contraires à la raison, nous avons abdiqué toute liberté et nous
sommes les ennemis de tout progrès. Au
contraire, notre foi est un acte absolument en harmonie avec la raison,
la liberté et le progrès. Les accusations
contre la foi reposent sur une fausse notion. La foi pour nous, c'est l'adhésion de notre esprit aux vérités que Dieu nous enseigne à cause de son autorité, parce qu'Il
ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Les libres penseurs nous disent que
pour obéir à un précepte religieux, on se contraint par un effort de volonté au
dogme qui répugne à la raison. Selon eux,
pour croire, il faut donc faire le sacrifice de sa raison. C'est un véritable esclavage. Cette notion défigure
absolument la réalité des choses. Oui, l'acte de foi est une adhésion
rationnelle, réfléchie. Ce n'est pas un
sentiment enthousiaste. Nous croyons parce que nous savons et comprenons
qu'il faut croire. Ce n'est donc pas le sacrifice
de la raison, c'est au contraire le plus noble usage qu'on en puisse
faire. Chers libres- penseurs, s'il est raisonnable pour l'enfant de croire
son père, s'il est prudent pour l'élève de se laisser guider par son maître, ne
croirez-vous pas que l'acte de créance
vis-à-vis de Dieu est encore plus rationnel? Or, Dieu est pour nous un
Père, Lui refusez-vous le droit que vous vous accordez à vous-même?
Soit me direz-vous, mais enfin le croyant se soumet
et par conséquent achète par soumission ce qu'il connait. J'aime mieux moins
savoir et être libre. Je reste indépendant. Cette objection n'est qu'un sophisme. Dites plutôt: « J'aime mieux ne rien
savoir du tout. ». L'indépendance complète, l'affranchissement
de toute règle n'est pas la liberté, mais l'arbitraire et l'anarchie.
L'homme n'a pas le droit de penser selon sa fantaisie et son caprice tout ce qui peut lui passer par la tête. C'est
l'anarchie intellectuelle qui résulterait de cet affranchissement. Que
deviendrait l'histoire si l'historien, au lieu de s'attacher à l'étude
impartiale des documents bouleverserait des
événements et changeait au gré de son imagination le caractère et les actes des hommes? Que deviendrait la philosophie
si le philosophe s'affranchissait des règles étroites du raisonnement? Que
serait la poésie si, sous prétexte
d'indépendance, le poète brisait le
moule harmonieux qui pourtant fait le rythme du langage? Que deviendrait
la peinture si le peintre dédaignait les lois de la
perspective? Que deviendrait la musique si le musicien n'observait les règles
absolument mathématiques des combinaisons
harmoniques? Si tous se laissaient aller à leur inspiration personnelle sans
suivre leur partition devant le chef qui les conduit.
Il y a une autorité dont ils doivent tenir compte. Or c'est la même
chose dans l'enseignement de la foi. Il y a
une autorité qui enseigne mais une autorité dont l'évidence s'impose
On accuse faussement l'Église de
penser pour nous. Si les gens doivent être libres de penser
n'importe comment, pourquoi pas nous? En plus d'avoir tort et d'être incapable
de concilier Foi et Raison doit-on encourager ces gens au nom de la
liberté à faire n'importe quoi? N'est-ce pas la vérité qui rend libre?
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