L'Évangile du dimanche avec les Pères - Lc 23, 35-43

Evangile : Le Roi crucifié (Lc 23, 35-43)


35Le peuple se tenait là et regardait. Même les chefs raillaient, disant : " Il en a sauvé d'autres, qu'il se sauve lui-même, s'il est le Christ de Dieu, l'Elu ! " 36Les soldats aussi se moquèrent de lui, s'avançant pour lui présenter du vinaigre, et disant : 37" Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! " 
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur pratique sur la croix le commandement qu'il nous a donné: «Priez pour ceux qui vous persécutent» ( Mt 5). «Et Jésus disait: Mon Père, pardonnez-leur». S'il fait cette prière, ce n'est pas qu'il ne pût leur pardonner lui-même, mai s il voulait par son exemple autant que par ses paroles, nous enseigner à prier pour nos persécuteurs. Or, il dit pardonnez-leur, mais à la condition qu'ils se repentiront, car Dieu est plein de miséricorde pour les vrais pénitents qui prennent la généreuse résolution d'effacer par la foi les longues iniquités de leur vie.
Bède le Vénérable
Gardons-nous de croire que la prière du Sauveur ait été sans effet, elle a eu toute son efficacité pour ceux qui, après sa passion, crurent en lui. Remarquons encore qu'il n'a point prié pour ceux qui, tout en reconnaissant qu'il était le Fils de Dieu, ont mieux aimé le crucifier que le confesser hautement; mais pour ceux qui, égarés par un zèle qui n'était pas selon la science, ne savaient pas ce qu'ils faisaient, comme il le dit expressément: «Car ils ne savent ce qu'ils font». Quant à ceux qui persévèrent dans leur incrédulité, depuis que Jésus-Christ a été crucifié, qu'ils n'espèrent point pouvoir s'excuser sur leur ignorance, alors que d'éclatants miracles ont proclamé hautement sa divinité.
Saint Ambroise
Mais il importe de considérer dans quel état Jésus monte sur la croix; je le vois entièrement dépouillé de ses vêtements, tel doit être celui qui veut triompher du monde, il ne doit rechercher ni les bien s ni les consolations du siècle. Adam fut vaincu par le démon, et se couvrit de vêtements; Jésus se dépouille de ses vêtements, et triomphe de l'ennemi du salut, il monte sur la croix tel que Dieu a formé l'homme dès l'origine. C'est dans cet état que le premier Adam habita le paradis terrestre, c'est dans le même état que le second Adam entre dans le paradis des cieux. Ce n'est pas sans raison qu'avant de monter sur la croix, il se dépouille de ses vêtements, il voulait nous apprendre que c'est en tant qu'homme qu'il a souffert, et non comme Dieu, bien que le Christ soit l'un et l'autre.
Saint Athanase
Celui qui, par amour pour nous, s'était soumis à toutes les conditions de notre nature, se couvrit aussi de nos vêtements (signes de la mortalité d'Adam), pour s'en dépouiller ensuite, et nous revêtir en échange de la vie et de l'incorruptibilité.
Saint Athanase
«Partageant ensuite ses vêtements, ils les jetèrent au sort». Peut-être plusieurs d'entre eux en avaient besoin, ou plutôt c'est par dérision et pour lui faire outrage qu'ils agirent de la sorte, car de quel prix pouvaient être les vêtements du Sauveur.
Bède le Vénérable
Le sort paraît être ici le symbole de la grâce de Dieu; car quand on consulte le sort, on ne tient aucun compte des personnes ou du mérite, on abandonne tout au secret jugement de Dieu.
Saint Augustin
Les trois premiers évangélistes ( Mt 25, 35; Mc 5, 24) rapportent sommairement cette circonstance qui se trouve plus détaillée dans l'évangile selon saint Jean ( Jn 19, 23).
Théophylactus
C'est donc par dérision qu'ils tirent au sort les vêtements du Sauveur. Or que devait faire le peuple en voyant les chefs de la nation donner l'exemple de ces railleries outrageantes? «Et le peuple était là (ceux qui avaient demandé qu'il fût crucifié), attendant (quelle serait la fin), et les membres du grand conseil le raillaient aussi bien que le peuple».
Saint Augustin
Sous le nom de princes, en général, sans ajouter: des prêtres, l'Évangéliste comprend tous les premiers de la nation, soit les scribes, soit les anciens.
Bède le Vénérable
Ils sont forcés de reconnaître malgré eux que Jésus a sauvé les autres: «Il a sauvé les autres, disent-ils, qu'il se sauve lui-même, s'il est le Christ, l'élu de Dieu».
Saint Athanase
Le Seigneur Jésus, qui est le Sauveur véritable, voulait être reconnu en cette qualité, non en se sauvant lui-même, mais en délivrant ses créatures. Un médecin ne fait point connaître son talent médical en se guérissant lui-même, mais en appliquant sa science aux maladies des autres; ainsi Notre-Seigneur qui était aussi notre Sauveur, n'avait pas besoin d'être sauvé, il voulait être reconnu pour Sauveur, non pas en descendant de la croix, mais en mourant sur la croix; car en mourant sur la croix, il a sauvé bien plus efficacement les hommes, qu'il n'aurait pu le faire en descendant de la croix.
Saint Athanase
Chaîne des Pères grecs. Le démon, se voyant forcé dans tous ses retranchements, ne savait plus que faire, et en désespoir de cause, il fait présenter du vinaigre à boire au Sauveur: «Les soldats aussi s'approchaient et l'insultaient, lui présentant du vinaigre».Le démon ignorait qu'il agissait ici contre lui-même. En effet, il offrait au Sauveur l'amertume de la colère, produite par les prévarications de la loi (qui pesaient sur tous les hommes); Jésus prenait pour lui toute cette amertume, pour nous donner à boire, en échange de ce vinaigre, le vin préparé par la sagesse divine. ( Pv 9).
Théophylactus
Les soldats présentèrent ce vinaigre à Jésus-Christ comme à un roi: «Et ils lui disaient: Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi».
Bède le Vénérable
Remarquez que les Juifs font du nom du Christ, que les Écritures leur avaient appris, l'objet de leurs blasphèmes et de leurs dérisions, tandis que les soldats, qui ne connaissaient pas les Écritures, n'insultent pas le Christ, l'élu de Dieu, mais le roi des Juifs.
38Il y avait aussi au-dessus de lui une inscription en caractères grecs, latins et hébraïques : " Celui-ci est le roi des Juifs. " 39Or, l'un des malfaiteurs, mis en croix l'injuriait, disant : " N'es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même et sauve-nous ! " 40Mais l'autre le reprenait, disant : " Tu n'as pas même la crainte de Dieu, toi qui subis la même condamnation ! 41Pour nous, c'est justice, car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons faites; mais lui n'a rien fait de mal. " 42Et il dit : " Jésus, souvenez-vous de moi, quand vous reviendrez avec votre royauté. " 43Et il lui dit : " Je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. " 
Théophylactus
Considérez le nouvel artifice que le démon met en oeuvre contre Jésus-Christ. Il publie par trois inscriptions, en caractères différents, la cause de la condamnation de Jésus, afin que tous les passants voient qu'il a été crucifié, parce qu'il se disait roi: «Et au-dessus de sa tête était une inscription en grec, en latin, et en hébreu, où était écrit: Celui-ci est le roi des Juifs». Cette triple inscription signifiait que les peuples les plus puissants, comme les Romains, les plus sages, comme les Grecs, les plus religieux, comme le peuple juif, se soumettraient à l'empire de Jésus-Christ.
Saint Athanase
C'est avec raison que cette inscription est placée au haut de la croix, parce que le règne de Jésus-Christ n'a point pour principe sa nature humaine, mais sa puissance divine. Je lis l'inscription du roi des Juifs, lorsque je lis dans saint Jean: «Mon royaume n'est pas de ce monde» ( Jn 19). Je lis au-dessus de la tête de Jésus-Christ la cause de sa condamnation, quand je lis: «Et le Verbe était Dieu; car Dieu est la tête ou le chef de Jésus-Christ». ( 1Co 11 ).
Saint Cyrille
Cependant un des voleurs s'associait aux outrages des Juifs contre le Sauveur: «Or, l'un des voleurs qui étaient suspendus en croix, le blasphémait en disant: Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même et nous avec toi», l'autre lui adressait ce reproche: «Ne crains-tu pas Dieu non plus, toi qui partages le même supplice ?» Il va plus loin, et confesse ses propres crimes: «Pour nous, du moins, c'est justice, nous sommes traités comme nous le méritons».
Saint Jean Chrysostome
Ici donc, c'est le condamné qui remplit les fonctions de juge, celui qui, après mille tortures, a fini par avouer ses crimes devant le tribunal de Pilate, commence à reconnaître de lui-même la vérité; c'est qu'en effet, le jugement de l'homme qui ignore le secret des coeurs, est bien différent de celui de Dieu, qui pénètre jusqu'au fond des consciences. Là, d'ailleurs, l'aveu est suivi du châtiment, ici, au contraire, la confession de son crime devient pour lui un principe de salut. Il fait plus encore, il proclame l'innocence de Jésus-Christ en ajoutant: «Mais celui-ci n'a rien fait de mal»; comme s'il disait: Voyez ce nouveau genre d'injustice qui condamne l'innocence avec le crime. Pour nous, nous avons tué les vivants, celui-ci a ressuscité les morts; nous avons dérobé le bien d'autrui, celui-ci commande de donner son propre bien. C'est ainsi que ce bienheureux larron instruisait ceux qui étaient présents, tout en reprenant le complice de ses crimes, Mais dès qu'il vit que cette multitude avait les oreilles fermées, il revient à celui qui connaît le secret des coeurs: «Et il disait à Jésus: Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous serez entré dans votre royaume». Quoi ! vous ne voyez qu'un crucifié, et vous l'appelez votre Seigneur; vous avez sous les yeux la figure d'un condamné, et vous proclamez sa puissance royale; vous êtes couvert de crimes, et vous demandez à la source de toute justice de se souvenir de vos iniquités? Oui, mais je découvre son royaume caché aux yeux des autres, et vous, Seigneur, vous effacez mes crimes publics, et vous agréez la foi des sentiments secrets de mon âme. L'iniquité s'est emparé précédemment du disciple de la vérité, est-ce que la vérité ne changera point le disciple de l'iniquité ?
Saint Grégoire le Grand
Les pieds et les mains de ce voleur étaient attachés à la croix avec des clous, et il n'avait de libre des souffrances que le coeur et la langue. Dieu lui inspire donc de lui offrir tout ce qu'il avait encore de libre, afin que selon la doctrine de l'Apôtre: «Il crût de coeur pour être justifié, et confessât de bouche pour obtenir le salut». ( Rm 10, 10). C'est ainsi que cet heureux larron, rempli tout à coup de la grâce divine, reçut et conserva sur la croix les trois vertus dont parle encore l'Apôtre saint Paul ( 1Co 3
Saint Grégoire le Grand
Il eut en effet la foi, puisqu'il crut que celui qu'il voyait mourir avec lui, régnerait un jour en Dieu, il eut l'espérance, puisqu'il lui demanda l'entrée de son royaume, il fit aussi profession en mourant d'une vive charité, en reprenant de sa conduite coupable, son compagnon et son complice, qui mourait en punition des mêmes crimes.
Saint Ambroise
Quel exemple plus puissant pour nous exciter à revenir à Dieu, que l'exemple de ce voleur qui obtient si facilement son pardon? Le Seigneur pardonne promptement, mais la conversion a été prompte aussi; la grâce est plus abondante et s'étend bien plus loin que la prière, car Dieu accorde toujours plus qu'on ne demande, le larron le prie de se souvenir de lui, et Jésus lui répond: «En vérité, je vous le dis, vous serez avec moi dans le paradis», car la vie, c'est d'être avec Jésus-Christ, et là où est Jésus-Christ, là aussi est le royaume.
Théophylactus
De même qu'un roi victorieux rentre en triomphateur dans ses États, portant avec lui les plus riches dépouilles, ainsi Notre-Seigneur ayant enlevé au démon une partie de son butin (c'est-à-dire ce larron), la porte avec lui dans le paradis.
Saint Jean Chrysostome
Quel spectacle admirable de voir le Sauveur au milieu de ces deux larrons, pesant avec la balance de la justice la foi et l'incrédulité. Le démon avait chassé Adam du paradis, Jésus-Christ int roduit un voleur dans le ciel avant tous les hommes, avant les Apôtres eux-mêmes, une simple parole et la foi seule lui ont ouvert les portes du paradis, afin que personne ne désespère d'obtenir la même grâce après ses égarements. Et voyez avec quelle promptitude s'opère ce changement, il passe de la croix dans les cieux, d'un supplice infâme dans le paradis, pour vous apprendre que c'est ici l'oeuvre de la miséricorde de Dieu plutôt que l'effet des bons sentiments de ce grand coupable. Or, si Dieu accorde dès maintenant la récompense des cieux, la résurrection ne devient-elle pas inutile? Le Seigneur introduit ce larron dans le paradis, et abandonne sur la terre son corps à la corruption, il est donc évident qu'il n'y a point de résurrection des corps. Tel est le langage que tiennent quelques-uns. Mais quoi ! est-ce que le corps qui a partagé les travaux de l'âme, n'aurait aucune part dans les récompenses? Écoutez ces paroles de saint Paul: «Il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l'incorruptibilité». ( 1 Co 15). Mais puisque le Seigneur a promis au bon larron le royaume des cieux, et qu'il le fait entrer dans le paradis, il ne lui a pas encore donné la récompense promise. On dit à cela que sous le nom de paradis, le Sauveur a voulu désigner le royaume des cieux, et il s'est servi de cette expression usitée chez les Juifs, en s'adressant au larron qui n'avait jamais entendu ses sublimes enseignements. Il en est d'autres qui au lieu de lire: «Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis», coupent ainsi la phrase: «Je vous le dis aujourd'hui; vous serez avec moi dans le paradis». Voici toutefois une explication plus claire: lorsque les médecins voient un malade dans un état désespéré, ils disent: «Il est mort»; ainsi dit-on de ce larro n qu'il est entre dans le paradis, parce qu'on n'avait plus à craindre qu'il retombât dans l'abîme de la perdition.
Théophylactus
Enfin, il est plus vrai de dire encore que le bon larron et les autres saints n'ont pas encore reçu tout l'effet des promesses, parce que selon la doctrine de saint Paul dans l'épître aux Hébreux ( He 11, 40), Dieu n'a pas voulu qu'ils reçussent sans nous l'accomplissement de leur félicité, mais ils sont néanmoins dans le royaume des cieux et dans le paradis.
Saint Grégoire de Nysse
Il nous faut encore examiner comment le bon larron est jugé digne d'entrer dans le paradis, alors qu'un glaive de feu en interdit l'entrée aux saints. Mais remarquez que le texte sacré dit que ce glaive de feu s'agitait toujours pour éloigner les indignes et laisser librement entrer dans la vie ceux qui en sont dignes.
Saint Grégoire le Grand
Ou encore, il est dit que ce glaive de feu s'agitait toujours, parce qu'il savait qu'il devait disparaître un jour, lorsque viendrait celui qui devait nous ouvrir le chemin du paradis par le mystère de l'incarnation.
Saint Ambroise
Une autre difficulté se présente: les autres évangélistes, saint Matthieu et saint Marc, rapportent que les deux voleurs insultaient le Sauveur; d'après saint Luc, au contraire, l'un deux insultait Jésus, et l'autre s'opposait à ces outrages. Nous répondons qu'ils ont pu tous deux commencer par l'insulter, et que l'un d'eux ne tarda pas à changer de sentiments et de langage. On peut encore dire que les deux premiers évangélistes ont employé ici le pluriel pour le singulier comme dans ce passage: «Ils ont mené une vie errante, couverts de peaux de chèvres», et dans cet autre: «Ils ont été sciés», bien qu'Élie seul fût vêtu de cette manière, et que le seul prophète Isaïe ait souffert le supplice de la scie. Dans le sens figuré, ces deux larrons sont le symbole des deux peuples pécheurs qui devaient être crucifiés par le baptême avec Jésus-Christ, et leur conduite si opposée représente la conduite si différente de ceux qui ont embrassé la foi.
Bède le Vénérable
«Car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort», ( Rm 5). Et lorsque nous étions pécheurs, nous avons été purifiés dans les eaux du baptême; cependant les uns sont couronnés, parce qu'ils glorifient le Dieu qui a daigné souffrir dans une chair mortelle, tandis que les autres perdent la grâce qu'ils ont reçue, parce qu'ils ont renoncé à la foi et aux oeuvres de leur baptême.

Commentaires

Formulaire de contact

Nom

Courriel *

Message *