L’Évangile de Noël
a de quoi surprendre (Luc 2, 1-20). La naissance du Fils de Dieu a lieu dans
une grotte. Le jeune couple avait pourtant cherché refuge dans une auberge de
Bethléem (Lc 2, 7 : « il n’y avait pas de place dans la salle
commune »). Finalement, Marie et Joseph ne trouvent qu’une “mangeoire” où
faire reposer le nouveau-né (Lc 2, 7 : « Elle enfanta son fils
premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche
[mangeoire : phátne] »).
Tout à coup, l’intimité familiale est rompue. Ce qui se vivait là secrètement
et simplement devait-il être livré au grand public ?
Pourquoi donc cette “mangeoire”
a-t-elle une place si importante ?
Pour répondre, nous devons retourner à l’histoire biblique de l’Ancien
Testament. Le prophète Isaïe a déjà utilisé l’image de la “mangeoire” pour
parler des relations entre le peuple d’Israël et son Dieu. Au début de son
livre, nous constatons l’ironie d’un Dieu qui rappelle, par l’intermédiaire de
son prophète, la nécessité de demeurer fidèle à l’Alliance. Lisons ce
texte : « Cieux, écoutez, terre prête l’oreille, car le Seigneur
parle. J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir, mais ils se sont
révoltés contre moi. Le boeuf connaît son propriétaire, et l’âne la mangeoire
de son maître, Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas » (Is
1, 2-3). Voici en quelques mots le sens de ces paroles un peu difficile à
comprendre au premier abord. Le boeuf est capable de reconnaître son
propriétaire et l’âne peut retourner à sa “mangeoire” sans aucun problème
lorsqu’il a faim. Mais le peuple de Dieu est incapable de reconnaître son Dieu
et de retourner à la “mangeoire” de l’Alliance pour vivre dans la fidélité à
son amour. Voilà avec quelle ironie Dieu agit envers son peuple. Le boeuf et l’âne
seraient-ils donc meilleurs que les hommes lorsqu’il s’agit de
fidélité ?
Ainsi nous comprenons mieux pourquoi
Dieu fait placer son Fils nouveau-né dans une mangeoire. Il veut rappeler à son
peuple la fidélité minimale qu’il exige en lui demandant de revenir à la
mangeoire divine, celle qui peut vraiment combler le coeur de l’homme affamé de
paix et d’amour authentiques. Voilà pourquoi les anges ont dû bien rigoler à
annoncer cette nouvelle surprenante. Les paroles du prophète Isaïe se sont
accomplies réellement. Les bergers dans leur grande simplicité n’ont pas hésité
à courir avec une joie débordante pour vérifier la teneur des propos
angéliques. Autour de cette fameuse “mangeoire”, tous devaient avoir le fou
rire devant le nouveau-né placé sur le trône improvisé d’une pauvre mangeoire.
Voilà comment a débuté cette visite de Dieu dans la pauvreté de notre humanité.
Voilà pourquoi en souvenir du texte du prophète Isaïe nous retrouvons dans nos
crèches d’église l’âne et le boeuf traditionnels, mystérieusement présents et
esquissant discrètement un petit sourire mesquin pour cette belle rigolade
qu’ils ont vécue au cours de cette nuit scintillante. Ils sont les témoins d’un
événement surprenant qui nous apprend que même au coeur de la misère humaine Dieu,
puisqu’Il l’a vécue, nous fait le clin d’oeil de sa joie et de son humour
salutaire. Dieu est toujours fidèle. Quant à nous, allons-nous retourner à la
fidélité de l’Alliance en nous prosternant devant l’Enfant-Dieu de Bethléem
avec un coeur nouveau, avec un coeur d’enfant, dans un esprit de confiance et
d’abandon ?
Mario Saint-Pierre,
prêtre.
Très touchant et très humble
RépondreEffacerP. L.