L'Évangile du dimanche avec les Pères - Lc 15, 1-32

Paraboles de la brebis perdue, de la drachme perdue (et du fils perdu) : la joie du pardon

1Tous les publicains et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. 2Et les Pharisiens et les scribes murmuraient, disant : " Cet homme accueille des pécheurs et mange avec eux. " 3Et il dit à leur adresse cette parabole : 4" Qui d'entre vous, ayant cent brebis, s'il en perd une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, pour aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée? 5Et quand il l'a retrouvée, il la met sur ses épaules tout joyeux et, 6de retour à la maison, il convoque les amis et les voisins et leur dit : " Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis qui était perdue. " 7Ainsi, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance. 

Saint Ambroise
Les enseignements qui précèdent vous avaient appris à ne vous point laisser absorber par les préoccupations du siècle, et à ne point préférer les choses passagères aux biens éternels. Mais comme la fragilité humaine ne peut tenir pied dans les voies si glissantes du monde, ce médecin plein de bonté vous a indiqué les remèdes contre vos erreurs, et ce juge miséricordieux ne vous a pas refusé l'espérance du pardon: «Or, les publicains et les pécheurs s'approchaient de Jésus pour l'entendre».
La Glose
C'est-à-dire ceux qui exigeaient les impôts publics ou qui les affermaient, et ceux qui cherchent à acquérir les richesses de ce monde par les opérations du commerce.
Théophylactus
Notre-Seigneur remplissait ici la fin pour laquelle il s'était incarné, en accueillant avec bonté les pécheurs, comme un médecin accueille les malades. Mais les pharisiens, véritables accusateurs de leur nature, ne répondent que par des murmures à cette conduite pleine de miséricorde: «Et les pharisiens et les scribes murmuraient en disant: Cet homme accueille les pécheurs et mange avec eux».
Saint Grégoire le Grand
Nous pouvons conclure de là que la vraie justice est compatissante, tandis que la fausse est pleine d'une hauteur dédaigneuse. Les justes, il est vrai, traitent et justement les pécheurs avec une certaine dureté, mais il faut bien distinguer ce qui est inspiré par l'orgueil et ce qui est dicté par le zèle pour la discipline. Car bien que les justes, par amour pour la règle, paraissent excéder dans les reproches qu'ils adressent, ils conservent cependant toujours la douceur intérieure sous l'inspiration de la charité; ils se mettent dans leur coeur bien au-dessous de ceux qu'ils reprennent, et en agissant de la sorte, ils maintiennent dans la vertu ceux qui leur sont soumis, et se conservent eux-mêmes dans la grâce de Dieu par l'humilité. Au contraire, ceux qui s'enorgueillissent de leur fausse justice, affectent un grand mépris pour les autres, n'ont aucune condescendance pour les faibles, et deviennent d'autant plus grands pécheurs, qu'ils s'imaginent être exempts de péché. De ce nombre étaient les pharisiens qui, reprochant au Seigneur d'accueillir favorablement les pécheurs, accusaient avec un coeur desséché la source même de la miséricorde. Mais comme ils étaient malades, au point de ne point connaître leur maladie, le céleste médecin leur prodigue les soins les plus dévoués pour les amener à ouvrir les yeux sur leur triste état: «Et il leur proposa cette parabole: Quel est celui d'entre vous qui, ayant cent brebis, s'il en perd une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert? etc». Il choisit une comparaison dont l'homme pouvait reconnaître la vérité en lui-même, mais qui s'appliquait surtout au Créateur des hommes; car le nombre cent étant un nombre parfait, Dieu a été le pasteur de cent brebis, lorsqu'il est devenu le Maître des anges et des hommes. C'est pour cela qu'il ajoute: «Qui a cent brebis».
Saint Cyrille
Jugez de là quelle est l'étendue du royaume de notre Sauveur. Il fait remarquer que cet homme avait cent brebis pour exprimer par un chiffre déterminé, et par un nombre complet, la multitude des créatures raisonnables qui lui est soumise, car le nombre cent, composé de dix décades, est un nombre parfait. Une de ces brebis s'est égarée, c'est-à-dire le genre humain qui habite la terre.
Saint Ambroise
Qu'il est riche ce pasteur, puisque nous ne sommes que la centième partie de son troupeau ! «Et s'il en perd une, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres», etc.
Saint Grégoire le Grand
Une brebis s'est égarée, lorsque l'homme par son péché a quitté les pâturages de la vie. Les quatre-vingt-dix-neuf autres étaient restées dans le désert, parce que le nombre des créatures raisonnables, (c'est-à-dire des anges et des hommes), qui avaient été créées pour jouir de la vue de Dieu, se trouvait diminué par la perte de l'homme. C'est pourquoi il s'exprime de la sorte: «Ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert ?» parce qu'en effet il a laissé dans le ciel les choeurs des anges. L'homme a quitté le ciel lorsqu'il a commis le péché, et c'est pour que le nombre des brebis fût ramené dans le ciel à son intégrité primitive, que Dieu condescend à chercher sur la terre l'homme qui s'était égaré: «Et il va après celle qui est perdue», etc.
Saint Cyrille
Est-il donc cruel pour toutes les autres, en se montrant si tendre pour celle qui s'est égarée? Non sans doute. Car les autres sont en sûreté, entourées comme d'un rempart de la protection de la main du Tout-Puissant; mais il fallait avant tout avoir pitié de celle qui allait périr, afin que le troupeau ne restât pas incomplet, car le retour de cette brebis rétablit le nombre cent dans sa perfection première.
Saint Augustin
Ou bien les quatre-vingt-dix-neuf qu'il laisse dans le désert, figurent les orgueilleux, qui portent pour ainsi dire la solitude dans leur âme, en cherchant à concentrer l'attention sur eux seuls. L'unité leur manque pour qu'ils soient parfaits, car quand on se sépare de l'unité véritable, c'est toujours par un sentiment d'orgueil; on veut être son maître, et jouir de soi-même, et on ne veut plus suivre l'unité qui n'est autre que Dieu. Or, c'est à cette unité qu'il ramène tous ceux qui sont réconciliés par la grâce de la pénitence, qui ne peut s'obtenir que par l'humilité.
Saint Grégoire de Nysse
Lorsque le pasteur eut retrouvé sa brebis, il ne la châtia point, il ne la ramena pas au bercail avec violence, mais il la chargea sur ses épaules, et la porta avec tendresse pour la réunir au troupeau: «Et lorsqu'il l'a trouvée, il la met avec joie sur ses épaules». Il met sa brebis sur ses épaules, c'est-à-dire qu'en se revêtant de notre nature, il a porté sur lui nos péchés. ( 1P 2,24 Is 53,4 ). Après avoir retrouvé sa brebis, il retourne à sa maison, c'est-à-dire que notre pasteur, après l'oeuvre de la réparation du genre humain, est rentré dans son céleste royaume: «Et venant à sa maison, il appelle ses amis et ses voisins, leur disant: Réjouissez-vous avec moi, parce que j'ai trouvé ma brebis qui était perdue». Ses amis et ses voisins ce sont les choeurs des anges qui sont vraiment ses amis, parce qu'ils accomplissent sa volonté d'une manière constante et immuable; ils sont aussi ses voisins, parce qu'étant toujours en sa présence, ils jouissent de la claire vision de Dieu.
Théophylactus
Les esprits célestes reçoivent ici le nom de brebis, parce que toute nature créée, en comparaison de Dieu, est comme un animal dépourvu de raison, mais cependant il les appelle ses amis et ses voisins, parce que ce sont des créatures raisonnables.
Saint Grégoire le Grand
Remarquez qu'il ne dit pas: Réjouissez-vous avec ma brebis, mais: «Réjouissez-vous avec moi», parce que notre vie fait sa joie, et lorsque nous sommes ramenés dans le ciel, nous mettons le comble à son allégresse et à son bonheur.
Saint Ambroise
Les anges étant des créatures raisonnables, il est juste qu'ils se réjouissent de la rédemption des hommes: «Ainsi, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence». Quel puissant encouragement au bien, pour chacun de nous à qui il est permis de croire que sa conversion sera un sujet de joie pour les anges dont il doit rechercher la protection, autant qu'il doit craindre de la perdre !
Saint Grégoire le Grand
Le Sauveur nous déclare que la conversion des pécheurs donnera plus de joie dans le ciel que la persévérance des justes; souvent en effet, ceux qui ne se sentent point chargés du poids de fautes énormes, persévèrent, à la vérité, dans les voies de la justice, mais ne soupirent point avec ardeur après la céleste patrie, et demeurent presque toujours indifférents à la pratique des oeuvres de perfection, parce qu'ils ont la conscience de ne pas s'être rendus coupables de fautes bien graves. Au contraire, ceux qui se rappellent la gravité des fautes qu'ils ont commises, puisent dans ce souvenir le principe d'une douleur plus vive, et d'un amour de Dieu plus ardent, et la considération de leurs longs égarements les excite à compenser leurs pertes passées en acquérant de nouveaux mérites. Ils sont donc pour le ciel le sujet d'une plus grande joie, parce qu'un général aime mieux un soldat qui, après avoir fui honteusement devant l'ennemi, revient sur ses pas et le charge avec intrépidité, que celui qui n'a jamais pris la fuite, mais qui aussi n'a jamais fait aucune action d'éclat. C'est ainsi que le laboureur préfère de beaucoup la terre qui, après avoir porté des épines, produit des fruits en abondance, à celle qui n'a jamais produit d'épines, mais qui aussi ne s'est jamais couverte d'une riche moisson. Et cependant, il faut le reconnaître, il est un grand nombre de justes, dont la vie est pour le ciel un si grand sujet de joie, qu'aucune pénitence des pécheurs convertis ne peut lui être préférée. Comprenons par là quelle joie donnent à Dieu les larmes du juste qui gémit dans l'humilité de son âme, puisque le pécheur produit dans le ciel une si grande joie lorsqu'il désavoue et pleure par la pénitence le mal qu'il a commis.
Bède le Vénérable
Après avoir condamné par les trois paraboles qui précèdent la sévérité de ceux qui murmuraient de l'accueil qu'il faisait aux pécheurs repentants, le Sauveur ajoute deux autres paraboles, sur l'obligation de l'aumône et de la vie simple et modeste. Il était très naturel en effet, que le précepte de l'aumône suivit immédiatement celui de la pénitence: «Jésus disait encore à ses disciples: Un homme riche avait un économe», etc.
Saint Jean Chrysostome
Les hommes sont dominés par une fausse opinion qui ne sert qu'à augmenter leurs fautes et à diminuer leurs mérites; elle consiste à croire que tous les biens que nous possédons pour l'usage de la vie, nous les possédons comme maîtres absolus, et de les rechercher en conséquence comme les biens les plus importants. Or, c'est le contraire qui est vrai; car nous n'avons pas été placés dans cette vie comme des maîtres dans la maison qui leur appartient en propre, mais semblables à des hôtes et à des étrangers, nous sommes conduits là où nous ne voulons pas aller, et dans le temps ou nous y pensons le moins. Qui que vous soyez, rappelez-vous donc que vous n'êtes que le dispensateur de biens qui ne vous appartiennent pas, et que vous n'avez sur eux que les droits d'un usage transitoire et passager. Rejetez donc de votre âme l'orgueil qu'inspire la pensée qu'on est maître absolu pour prendre les sentiments de réserve et d'humilité qui conviennent à un simple fermier.
Bède le Vénérable
Le fermier est celui qui régit une ferme; d'où lui vient le nom de fermier, l'économe est l'administrateur de l'argent, des fruits, et en général de tout ce que possède son maître.
Saint Ambroise
Nous apprenons de là que nous ne sommes pas les maîtres, mais bien plutôt les fermiers des biens d'autrui.
Théophylactus
Une autre conséquence c'est qu'au lieu d'administrer ces biens suivant la volonté du Seigneur, nous en abusons pour satisfaire nos passions, nous devenons des fermiers coupables d'infidélité: «Et celui-ci fut accusé près de lui d'avoir dissipé ses biens».
Saint Jean Chrysostome
On rappelle alors cet économe et on lui ôte son administration: «Il l'appela et lui dit: Qu'est-ce que j'entends dire de vous? Rendez-moi compte de votre gestion, car désormais vous ne pourrez plus la conserver». Le Seigneur nous tient tous les jours le même langage par les exemples qu'il nous met sous les yeux; tel qui jouissait d'une parfaite santé à midi, meurt avant la fin du jour, tel autre expire au milieu d'un festin, et cette administration nous est ôtée de différentes manières. Mais l'économe fidèle qui s'occupe sérieusement de son administration, a comme saint Paul un ardent désir d'être dégagé des liens du corps et d'être avec Jésus-Christ. ( Ph 1,23 ). Celui au contraire dont toutes les affections sont pour la terre, voit arriver avec anxiété la fin de sa vie. En effet: «Cet économe dit alors en lui-même: Que ferai-je, puisque mon maître m'ôte la gestion de ses biens? Travailler à la terre, je n'en ai pas la force, et j'ai honte de mendier». Cette impuissance pour le travail accuse toute une vie d'indolence, car il n'aurait pas ces craintes, s'il s'était habitué à supporter les fatigues d'une vie laborieuse. Le sens figuré de cette parabole est qu'après que nous sommes sortis de cette vie, il n'est plus temps de se livrer au travail. La vie présente doit être employée à l'accomplissement des commandements, la vie future en est la récompense. Si vous n'avez rien fait ici-bas, tous vos projets pour la vie future sont superflus, et il ne vous servira pas davantage de mendier. Vous en avez pour preuve les vierges folles, qui après avoir été si imprévoyantes allèrent mendier auprès des vierges prudentes, mais revinrent sans rien obtenir ( Mt 25,1-13 ). Chacun de nous en effet se revêt de ses oeuvres comme d'une tunique; on ne peut ni s'en dépouiller, ni la changer contre une autre. Mais cet économe infidèle forme alors le dessein de libérer les débiteurs de son maître, et de chercher en eux le remède à son infortune: «Je sais ce que je ferai, afin que lorsqu'on m'aura ôté mon emploi, je trouve des gens qui me reçoivent dans leurs maisons». Celui qui en effet pense au jour de sa mort, et cherche en faisant le bien à rendre moins accablant le poids de ses péchés, (soit en remettant leurs dettes à ceux qui lui doivent, soit en donnant aux pauvres d'abondantes aumônes), celui-là distribue les biens du Seigneur pour se faire beaucoup d'amis qui rendront de lui devant son juge un bon témoignage non par leurs discours, mais en manifestant ses bonnes oeuvres; et lui prépareront par leur témoignage un lieu de rafraîchissement et de repos. Or, rien de ce que nous avons n'est à nous, mais tout appartient à Dieu. En effet, «cet économe ayant fait venir l'un après l'autre les débiteurs de son maître, dit au premier: Combien devez-vous à mon maître? Il répondit: Cent barils d'huile».
Bède le Vénérable
Un baril est la même mesure que l'amphore grecque qui contenait trois urnes: «L'économe lui dit: Prenez votre billet; asseyez-vous vite, et écrivez cinquante». Il lui remet ainsi la moitié de ce qu'il doit: «Ensuite, il dit à un autre: Et vous, combien devez-vous? Il répondit: Cent mesures de froment». Cette mesure équivalait à trente boisseaux. «L'économe lui dit: Prenez votre billet et écrivez quatre-vingts»; il lui remet la cinquième partie de sa dette. Or, voici comment on peut entendre ce passage. Celui qui soulage la misère du pauvre pour moitié ou pour la cinquième partie sera récompensé pour sa miséricorde.
Saint Augustin
Ou bien encore, l'action de cet économe qui au lieu de cent barils d'huile en fait souscrire cinquante au débiteur, au lieu de cent mesures de froment, quatre-vingts doit être entendue en ce sens que les dons offerts par les juifs aux prêtres et aux lévites doivent être plus abondants dans l'Église chrétienne. Ainsi, tandis qu'ils ne donnaient que la dîme, les chrétiens doivent donner la moitié, comme Zachée le fit pour ses biens ( Lc 19,8 ); ou ils doivent au moins surpasser les offrandes des Juifs, en donnant au moins la double dîme, c'est-à-dire la cinquième partie de leurs biens,
8Ou bien, quelle est la femme ayant dix drachmes qui, si elle perd une drachme, n'allume une lampe, ne balaie la maison, et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle l'ait retrouvée? 9et quand elle l'a retrouvée, elle convoque les amies et les voisines et leur dit : " Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé la drachme que j'avais perdue. " 10Ainsi, je vous le dis, il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. " 

Bède le Vénérable
Dieu avait établi par Moïse un seul grand-prêtre; à sa mort un autre devait le remplacer par ordre de succession. Cette loi fut observée jusqu'au règne de David qui, par l'inspiration de Dieu, en institua plusieurs. Voilà pourquoi l'Évangéliste nous dit que Zacharie remplissait en son rang les fonctions du sacerdoce: «Or Zacharie remplissant sa fonction de prêtre devant Dieu dans le rang de sa famille, il arriva par le sort, selon ce qui s'observait entre les prêtres», etc.
Saint Ambroise
Zacharie nous paraît ici désigné comme grand-prêtre, car le grand-prêtre seul pouvait entrer une seule fois l'année dans le second sanctuaire, non sans y porter du sang qu'il offrait pour ses propres péchés et pour ceux du peuple (He 9, 8; cf. Ex 30, 10; Lev 16, 2.12.17.19).
Bède le Vénérable
Ce ne fut point une nouvelle élection du sort qui le désigna au moment où il fallait offrir les parfums, c'était d'après l'ordre établi anciennement, qu'il remplissait les fonctions du sacerdoce dans le rang de la famille d'Abia. «Cependant toute la multitude du peuple», etc. Aux termes de la loi, le pontife devait présenter l'encens dans l e saint des saints, le dixième jour du septième mois, pendant que tout le peuple attendait hors du temple, et ce jour devait être appelé le jour de l'expiation ou de propitiation. L'Apôtre expliquant aux Hébreux le mystère de ce jour, leur montre Jésus, pontife véritable, pénétrant avec son propre sang dans les secrètes profondeurs des cieux, pour nous rendre propice Dieu son Père, et intercéder pour les péchés de ceux qui attendent encore en priant à la porte du ciel.
Saint Ambroise
Zacharie est ce grand-prêtre désigné par le sort, parce que le véritable grand-prêtre est encore inconnu, car celui qui est choisi au sort ne doit point son élection au suffrage des hommes. Le grand-prêtre était donc demandé au sort, et il était la figure d'un autre, c'est-à-dire, du grand-prêtre véritable et éternel qui devait réconcilier le genre humain avec Dieu son Père, non par le sang des victimes, mais par son propre sang. Alors c'était par ordre de famille que les prêtres se succédaient, maintenant le sacerdoce est éternel.
Saint Jean Chrysostome
La parabole précédente où le genre humain était comparé à une brebis égarée, nous apprenait que nous sommes les créatures du Dieu très-haut, qui nous a faits, car nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes, et nous sommes les brebis de sa bergerie ( Ps 94 ). Le Sauveur à cette première parabole en ajoute une seconde, qui nous rappelle que nous avons été faits à l'image et à la ressemblance d'un roi, c'est-à-dire à l'image et à la ressemblance du Dieu tout-puissant, car la drachme est une pièce de monnaie qui porte l'empreinte de la figure du roi: «Ou quelle est la femme qui ayant dix drachmes, si elle en perd une», etc.
Saint Grégoire le Grand
Celui dont le pasteur était la figure nous est encore représenté par cette femme; c'est Dieu lui-même, c'est la sagesse de Dieu. Il a créé les anges et les hommes pour qu'ils puissent le connaître, et il les a faits à sa ressemblance. Il avait dix drachmes, parce qu'il y a neuf choeurs des anges, et que pour rendre complet le nombres des élus, l'homme a été créé le dixième.
Saint Augustin
Ou bien ces neuf drachmes comme les quatre-vingt-dix-neuf brebis représentent ceux qui par un sentiment de présomption se préfèrent aux pécheurs repentants, car il manque une unité au nombre neuf pour faire dix, et au nombre quatre-vingt-dix-neuf pour faire cent, et c'est à cette unité qu'il compare tous ceux qui obtiennent la réconciliation par la pénitence.
Saint Grégoire le Grand
Comme la drachme porte l'empreinte d'une figure royale, cette femme a perdu sa drachme, lorsque l'homme qui avait été créé à l'image de Dieu, a perdu par le péché sa ressemblance avec son Créateur. Le Sauveur ajoute: «Si elle en perd une, n'allume-t-elle pas sa lampe ?» etc. Cette femme qui allume sa lampe, c'est la sagesse de Dieu qui s'est manifestée sous une forme humaine, car une lampe est une lumière dans un vase de terre, et cette lumière dans un vase de terre c'est la divinité dans une chair mortelle. Après qu'elle a allumé sa lampe, «elle bouleverse sa maison», c'est-à-dire qu'aussitôt que la divinité a brillé à nos yeux dans l'humanité dont elle s'était revêtue, notre conscience a été toute bouleversée. Cette expression, «elle bouleverse toute sa maison», ne diffère point de cette autre qu'on lit dans certains manuscrits: «elle balaye sa maison»; car l'âme du pécheur ne peut être purifiée de ses habitudes vicieuses qu'après avoir été profondément remuée par la crainte de Dieu. La maison ainsi mise sens dessus dessous, la drachme se retrouve: «Et elle cherche soigneusement jusqu'à ce qu'elle la trouve», car c'est grâce à ce trouble salutaire de la conscience, que l'homme répare en lui l'image de son Créateur.
Saint Gregoire de Nazianze
Aussitôt qu'il a retrouvé la drachme qu'il avait perdue, il veut faire partager sa joie aux esprits célestes qu'il a établis les ministres de sa miséricorde: «Et lorsqu'elle l'a retrouvée, elle assemble ses amies et ses voisines», etc.
Saint Grégoire le Grand
En effet les vertus des cieux sont d'autant plus voisines de la divine sagesse qu'elles en sont plus rapprochées par la grâce de la claire vision de Dieu.
Théophylactus
Ou encore: elles sont ses amies, parce qu'elles exécutent ses volontés; elles sont ses voisines, parce qu'elles ont une nature incorporelle. Ou encore, toutes les vertus célestes sont les amis de Dieu; ses voisines sont celles qui sont plus rapprochées, c'est-à-dire: les trônes, les chérubins et les séraphins.
Saint Grégoire de Nysse
Ou bien dans un autre sens, voici la vérité que Notre-Seigneur a voulu nous enseigner sous la comparaison de cette drachme qui est perdue et que l'on cherche; c'est que nous ne pouvons retirer aucune utilité des vertus purement extérieures, figurées ici par les drachmes, (les eussions-nous toutes réunies), si notre âme est dépourvue et comme veuve de celle qui seule peut lui donner l'éclat de la ressemblance divine. La première chose qu'il nous ordonne de faire, c'est d'avoir une lampe allumée; c'est-à-dire la parole divine qui découvre les choses cachées: ou bien encore la lampe de la pénitence. Or, c'est dans sa propre maison, (c'est-à-dire en soi-même et dans sa conscience), qu'il faut chercher cette drachme qu'on a perdue, c'est-à-dire cette image de notre roi qui n'est pas entièrement effacée et perdue, mais qui est cachée sous le fumier, qui figure les souillures de la chair. Il faut enlever ces souillures avec soin, et lorsqu'on les a fait disparaître de la drachme, la sainteté de la vie est alors dans tout son jour ce que l'on cherchait. Il faut donc se réjouir de l'avoir retrouvée et appeler à partager sa joie ses voisines, c'est-à-dire les puissances de notre âme, la partie raisonnable, et la partie irascible ou sensible et toutes les autres puissances de notre âme qui doivent se réjouir dans le Seigneur. Le Sauveur conclut ensuite cette parabole par ces paroles: «Ainsi, je vous le dis, sera la joie parmi les anges de Dieu pour un pécheur qui fait pénitence. Faire pénitence, c'est pleurer les fautes passées, et cesser de commettre celles qu'on déplore; car celui qui déplore ses fautes anciennes, sans cesser d'en commettre de nouvelles, ne sait pas encore ce que c'est de faire pénitence, ou fait l'hypocrite. Il faut encore bien réfléchir qu'une des satisfactions à offrir au Créateur, c'est de s'interdire même les choses permises, parce qu'on s'est permis des choses défendues, c'est d'être sévère pour soi dans les plus petites circonstances, parce qu'on se rappelle d'avoir été infidèle dans les plus grandes.
11Il dit encore : " Un homme avait deux fils. 12Le plus jeune dit à son père : " Mon père, donne-moi la part de biens qui doit me revenir. " Et il leur partagea son avoir. 13Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain, et il y dissipa son bien en menant une vie de prodigue. 14Lorsqu'il eut tout dépensé, survint une grande famine dans ce pays, et il commença à sentir le besoin. 15Et il alla se mettre au service d'un habitant de ce pays, qui l'envoya dans ses champs paître des porc. 16Et il eût bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 

Saint Ambroise
Saint Luc raconte successivement trois paraboles de Notre-Seigneur, celle de la brebis égarée et ramenée au bercail, celle de la drachme qui était perdue et qui fut retrouvée, et celle du fils qui était mort et qui fut ressuscité, pour que la vue de ces trois remèdes différents nous engage à guérir nos propres blessures. Jésus-Christ, comme un bon pasteur, vous porte sur ses épaules; l'Église vous cherche comme cette femme qui avait perdu sa drachme; Dieu vous reçoit comme un tendre père; dans la première parabole, nous voyons la miséricorde de Dieu; dans la seconde, les suffrages de l'Église; dans la troisième, la réconciliation.
Saint Jean Chrysostome
Il y a encore entre ces trois paraboles une différence fondée sur les personnes ou les dispositions des pécheurs; ainsi le père accueille son fils repentant, qu'il a laissé user de sa liberté pour lui faire connaître d'où il était tombé, tandis que le pasteur cherche sa brebis égarée et la rapporte sur ses épaules, parce qu'elle était incapable de revenir; cette brebis, animal dépourvu de raison, est donc la figure de l'homme imprudent qui, victime de ruses étrangères, s'est égaré comme une brebis. Or Notre-Seigneur commence ainsi cette parabole: «Un homme avait deux fils». Il en est qui prétendent que le plus âgé de ces deux fils figure les anges, et que le plus jeune représente l'homme qui s'en alla dans une région lointaine, lorsqu'il tomba des cieux et du paradis sur la terre, et ils appliquent la suite de la parabole à la chute d'Adam et à son état après qu'il eut péché. Cette interprétation me paraît pieuse, mais je ne sais si elle est aussi fondée en vérité. En effet, le plus jeune fils revint de lui-même à la pénitence, au souvenir de l'abondance dont il avait joui dans la maison de son père, tandis que le Seigneur est venu appeler lui-même à la pénitence le genre humain, qui ne songeait même pas à retourner au ciel d'où il était tombé. Ajoutez que l'aîné des deux fils s'attriste du retour et du salut de son frère, tandis que Notre-Seigneur nous déclare que la conversion d'un pécheur est un sujet de joie pour tous les anges.
Saint Cyrille
Suivant d'autres, le fils aîné représente le peuple d'Israël, selon la chair ( Rm 9,6 ), et celui qui quitte la maison paternelle, la multitude des Gentils.
Saint Augustin
Cet homme qui a deux fils représente donc Dieu, père aussi de deux peuples, qui sont comme les deux souches du genre humain, l'une composée de ceux qui sont restés fidèles au culte d'un seul Dieu, et l'autre de ceux qui ont oublié le vrai Dieu, jusqu'à adorer des idoles. Ainsi, c'est dès l'origine du monde et immédiatement après la création des hommes, que l'aîné des fils embrasse le culte du seul et vrai Dieu, et que le plus jeune demande à son père la portion du bien qui devait lui revenir: «Et le plus jeune des deux dit à son père: Mon père, donnez-moi la portion de bien qui doit me revenir». Ainsi l'âme, séduite par la puissance qu'elle croit avoir, demande à être maîtresse de sa vie, de son intelligence, de sa mémoire, et à dominer par la supériorité de son génie; ce sont là des dons de Dieu, mais elle les a reçus pour en disposer selon sa volonté. Aussi le père accède à ce désir: «Et il leur partagea leurs biens».
Théophylactus
Le bien de l'homme, c'est la raison accompagnée du libre arbitre; tout ce que nous tenons de la main libérale de Dieu, peut aussi être regardé comme notre bien, le ciel, la terre, toutes les créatures, la loi et les prophètes.
Saint Ambroise
Vous voyez que le patrimoine que nous tenons de Dieu est donné à tous ceux qui le demandent, et ne pensez pas que le père ait commis une imprudence en le donnant au plus jeune de ses fils. Pour le royaume de Dieu, nul âge n'est trop faible, et les années ne sont jamais un poids trop lourd pour la foi. D'ailleurs ce jeune homme s'est jugé capable d'administrer ce patrimoine, puisqu'il en demande le libre usage. Et plût à Dieu qu'il ne se fût pas éloigné de son père, il n'eût pas connu l'impuissance de l'âge: «Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant rassemblé tout ce qu'il avait, partit pour une région lointaine», etc.
Saint Jean Chrysostome
Le plus jeune fils part pour un pays lointain, ce n'est pont par le changement et la distance des lieux qu'il s'éloigne de Dieu, qui remplit tout de son immensité, mais par les affections du coeur, car le pécheur fuit Dieu pour s'en tenir éloigné.
Saint Augustin
Celui qui veut se rendre semblable à Dieu en conservant toute sa force en lui ( Ps 58,8 ), ne doit point s'éloigner de Dieu, mais s'attacher étroitement à lui pour conserver l'image et la ressemblance à laquelle il a été fait. Mais s'il veut imiter Dieu d'une manière coupable, et à l'exemple de Dieu, qui ne reconnaît point de maître, vivre indépendant et affranchi de toute autorité, que doit-il arriver? C'est qu'en s'éloignant de la chaleur il tombera dans l'engourdissement, c'est qu'en s'éloignant de la vérité, il se dissipera dans la vanité.
Saint Augustin
C'est peu de jours après, qu'ayant rassemblé tout ce qu'il avait, il part pour une région lointaine, qui est l'oubli de Dieu, c'est-à-dire, que ce fut peu de temps après la création du genre humain que l'âme voulut, à l'aide de son libre arbitre, se rendre maîtresse de sa nature et s'éloigner de son Créateur dans un sentiment exagéré de ses forces, qu'elle perdit d'autant plus vite qu'elle se sépara de celui qui en était la source. Aussi quelle fut la suite: «Et il y dissipa son bien en vivant dans la débauche». Il appelle une vie d'excès ou de débauche, une vie de prodigalité, qui aime à se répandre, à errer en liberté et qui se dissipe au milieu des pompes extérieures du monde, cette vie qui fait qu'on poursuit toujours de nouvelles choses, tandis qu'on s'éloigne davantage de celui qui est au-dedans de nous-mêmes: «Et après qu'il eut tout consumé, il survint une grande famine dans ce pays». Cette famine, c'est l'indigence de la parole de vérité.
Saint Ambroise
C'est par une juste punition qu'il tombe dans l'indigence, lui qui a volontairement abandonné les trésors de la sagesse et de la science de Dieu, et la source inépuisable des richesses célestes: «Il alla donc, et s'attacha à un habitant de ce pays-là».
Saint Augustin
Cet habitant de cette région, c'est quelque puissance de l'air, faisant partie de la milice du démon. ( Ep 6,42 ). Cette maison des champs, c'est une des manières dont il exerce sa puissance, comme nous le voyons par la suite: «Il l'envoya dans sa maison des champs pour garder les pourceaux».Les pourceaux sont les esprits immondes dont le démon est le chef.
Bède le Vénérable
Mener paître les pourceaux, c'est commettre ces actions infâmes qui font la joie des esprits immondes: «Et il désirait se rassasier des caroubes que les pourceaux mangeaient».
Saint Ambroise
La silique (ou ce que la Vulgate a traduit par ce mot), est une espèce de légume vide au-dedans et assez tendre à l'extérieur, qui remplit le corps sans le fortifier, et qui, par conséquent, est plus nuisible qu'utile.
Saint Augustin
Ces siliques, dont les pourceaux se nourrissaient, sont donc les doctrines du siècle, aussi vaines qu'elles sont sonores, dont retentissent les discours et les poèmes consacrés à la louange des idoles et les fables des dieux qu'adorent les nations et qui font la joie des démons. Ainsi ce jeune homme qui voulait se rassasier, cherchait dans cette nourriture un élément solide et réel de bonheur, et cela lui était impossible: «Et personne ne lui en donnait».
Saint Cyrille
Les Juifs sont souvent accusés dans la sainte Écriture, de crimes multipliés ( Is 29,13 Jr 2,5 ); comment donc peut-on appliquer à ce peuple ces paroles du fils aîné: «Voici tant d'années que je vous sers, et je n'ai jamais manqué à vos commandements ?» Voici donc le sens de cette parabole. Les pharisiens et les scribes ayant accusé le Sauveur d'accueillir avec bonté les pécheurs, il leur proposa cette parabole, dans laquelle il compare Dieu à un homme qui est le père de ces deux frères (c'est-à-dire des justes et des pécheurs); le premier degré est celui des justes qui ne se sont jamais écartés des sentiers de la justice; le second degré comprend les hommes qui ont été ramenés par la pénitence dans les sentiers de la vertu.
Saint Basile
Ce qui donne à l'aîné plus de constance dans le bien, c'est moins son âge avancé et ses cheveux blancs que sa maturité et la gravité du caractère; et celui qui est ici condamné n'est pas le plus jeune par l'âge, mais celui qui, jeune par sa conduite, suit les inspirations de ses passions.
Tite de Bostr.
Le plus jeune de ces deux fils, dont l'esprit n'était pas encore arrivé à la maturité, s'en va donc et demande à son père la portion de l'héritage qui doit lui revenir, afin de n'être plus dans la nécessité de lui être soumis, car nous sommes des êtres raisonnables doués de la faculté du libre arbitre.
Saint Jean Chrysostome
Le père, dit l'Évangile, leur partagea donc également son bien, c'est-à-dire la science du bien et du mal, source de richesses vraies et durables pour l'âme qui sait en faire un bon usage. En effet, la faculté de la raison que l'homme reçoit de Dieu en naissant est donnée également à tous ceux qui viennent au monde; mais dans la suite, chacun se trouve avoir plus ou moins de cette faculté de la raison suivant le genre de vie qu'il adopte: l'un, en effet, regarde et conserve comme appartenant à son père, le patrimoine qu'il en a reçu, l'autre en use comme d'un bien qui lui appartient en propre et le dissipe dans tous les excès. Nous avons du reste dans la conduite de ce père une preuve démonstrative du libre arbitre, il ne retient pas le fils qui veut se séparer de lui pour ne point blesser son libre arbitre, il ne force point non plus l'aîné de quitter la maison paternelle, pour ne point paraître le premier auteur des malheurs qui suivraient cette séparation. Or, ce fils s'en va, non point en changeant de lieu, mais par l'éloignement de son coeur: «Il partit, dit l'Évangile, pour une région étrangère et lointaine».
Saint Ambroise
Quel éloignement plus grand, en effet, que de s'éloigner de soi-même et d'être séparé, non par la distance des contrées, mais par la différence des moeurs? Celui, en effet, qui se sépare de Jésus-Christ, est un exilé de sa patrie et un habitant du monde. Et il n'est pas surprenant qu'en s'éloignant de l'Église, il ait dissipé son patrimoine.
Tite de Bostr.
Aussi donne-t-on le nom de prodigue à celui qui dissipe tout son bien, c'est-à-dire, la droiture de son intelligence, les leçons de la chasteté, la connaissance de la vérité, le souvenir de son père, la pensée de son origine.
Saint Ambroise
Il survint dans cette région une grande disette, non d'aliments, mais de bonnes oeuvres et de vertus, privation des plus déplorables. En effet, celui qui s'éloigne de la parole de Dieu, ressent bientôt l'aiguillon de la faim; car l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu ( Mt 4,4 ); et celui qui s'éloigne d'un trésor, tombe dans l'indigence. Il commença donc à se trouver dans l'indigence et à souffrir de la faim, parce que rien ne peut suffire à une volonté prodigue. «Il s'en alla donc, et s'attacha à un habitant do ce pays»; car celui qui s'attache est comme pris au piège; cet habitant paraît être le prince de ce monde. L'infortuné est envoyé dans cette maison des champs achetée par celui qui s'est excusé de venir au festin royal ( Lc 14,18 ).
Bède le Vénérable
Etre envoyé dans une maison des champs, c'est devenir l'esclave des désirs des jouissances de ce monde.
Saint Ambroise
Il garde les pourceaux dans lesquels le démon a prié qu'on le laissât entrer ( Mt 8,31 Mc 5,12 Lc 8,32 ), et qui vivent dans l'ordure et le fumier.
Théophylactus
Garder les pourceaux, c'est être supérieur aux autres dans le vice, tels sont les corrupteurs, les chefs de brigands, les chefs des publicains, et tous ceux qui tiennent école d'obscénités.
Saint Jean Chrysostome
Celui qui garde les pourceaux est encore celui qui est dépouillé de toute richesse spirituelle (de la prudence et de l'intelligence), et qui nourrit dans son âme des pensées impures et immondes. Il mange aussi les aliments grossiers d'une vie corrompue, aliments doux à celui qui est dans l'indigence de tout bien; car les âmes perverties trouvent une certaine douceur dans les plaisirs voluptueux qui énervent et anéantissent les puissances de l'âme; l'Écriture désigne sous le nom de siliques ces aliments destinés aux pourceaux, et dont la douceur est si pernicieuse (c'est-à-dire les attraits des plaisirs charnels).
Saint Ambroise
Il désirait remplir son ventre de ces siliques; parce que ceux qui mènent une vie dissolue n'ont d'autre souci que de satisfaire pleinement leurs instincts grossiers.
Théophylactus
Mais personne ne peut lui donner cette satiété dans le mal; car celui qui a ce désir est éloigné de Dieu, et les démons s'appliquent à ce qu'on ne trouve jamais la satiété dans le vice.
La Glose
Ou bien encore, personne ne lui en donnait, car le démon ne donne jamais satisfaction pleine aux désirs de celui dont il s'est emparé, parce qu'il sait qu'il est mort.
17Alors, rentrant en lui-même, il dit : " Combien de mercenaires de mon père ont du pain en trop, et moi, ici, je meurs de faim ! " 18Je me lèverai et j'irai à mon père, et je lui dirai : Mon père, j'ai péché contre le ciel et envers toi; 19je ne suis plus digne d'être appelé ton fils : traite-moi comme l'un de tes mercenaires. " 20Et il se leva et alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit; et, touché de compassion, il courut, se jeta à son cou, et le couvrit de baisers. 21Le fils lui dit : " Mon père, j'ai péché contre le ciel et envers toi; je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. " 22Mais le père dit à ses serviteurs : " Vite, apportez la plus belle robe et l'en revêtez; mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds; 23et amenez le veau gras, tuez-le; et mangeons, festoyons : 24car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il a été retrouvé. " Et ils se mirent à festoyer. 

Saint Grégoire de Nysse
Le plus jeune fils avait traité son père avec mépris en quittant la maison paternelle, et en dissipant tout son patrimoine; mais lorsque dans la suite il fut brisé par les travaux, réduit à la condition de mercenaire, et à manger la même nourriture que les pourceaux, instruit par une aussi grande infortune, il revint dans la maison de son père: «Rentrant alors en lui-même, il dit: Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance, et moi ici je meurs de faim».
Saint Ambroise
Il a bien raison de rentrer en lui-même, lui qui s'en est tant éloigné; car en retournant à Dieu, on se rend à soi-même, et on s'en sépare quand on se sépare de Jésus-Christ.
Saint Augustin
Il rentra en lui-même, lorsqu'il ramena dans l'intérieur de sa conscience ses affections qu'il avait laissé s'égarer sur toutes ces vanités extérieures qui nous séduisent et nous entraînent.
Saint Basile
On peut distinguer trois degrés d'obéissance d'après leurs différents motifs. Ou bien nous nous éloignons du mal par la crainte des supplices, et nous sommes dans une disposition servile; ou nous faisons ce qui nous est commandé exclusivement par le désir de la récompense, et nous ressemblons à des mercenaires; ou enfin nous obéissons par amour pour le bien et pour celui qui nous a donné la loi, et nos dispositions sont celles d'un véritable fils.
Saint Ambroise
Car le fils qui a dans son coeur le gage de l'Esprit saint, ne cherche pas les avantages passagers de la terre, mais il conserve ses droits d'héritier. Il y a aussi de bons mercenaires, tels que ceux que le père de famille envoie travailler à sa vigne ( Mt 20,1-16 ). Ils ne se nourrissent pas de siliques, mais ont le pain en abondance.
Saint Augustin
Mais comment pouvait-il le savoir, lui qui, comme tous les idolâtres, était tombé dans un si grand oubli de Dieu? Cette pensée de retour ne lui vint donc qu'à la prédication de l'Évangile. C'est alors que cette âme put déjà s'apercevoir que dans le grand nombre de ceux qui prêchaient la vérité, il en était plusieurs qui n'étaient pas conduits par l'amour de la vérité, mais par le désir d'obtenir les avantages de la terre, quoique cependant ils n'annonçaient pas une autre doctrine, comme font les hérétiques. On les appelle justement mercenaires, parce qu'ils demeurent dans la même maison, et rompent le même pain de la parole; toutefois, ils ne sont pas appelés à l'héritage éternel, mais ils travaillent pour une récompense purement temporelle.
Saint Jean Chrysostome
Après que cet enfant prodigue a souffert dans une terre étrangère le digne châtiment de ses égarements, vaincu par l'extrémité de ses malheurs, c'est-à-dire par la famine et la pauvreté, il commence à réfléchir sur la cause de sa détresse, lui qui, sous l'impulsion d'une volonté vicieuse a quitté son père pour des étrangers, sa maison pour l'exil, les richesses pour la pauvreté, l'abondance de tous les biens pour l'extrême indigence. Aussi écoutez cet aveu si expressif: «Et moi ici, je meurs de faim», c'est-à-dire, moi qui ne suis pas un étranger, mais le fils d'un si bon père, et le frère d'un fils si soumis, moi qui étais libre et de condition noble, je suis devenu plus misérable que les mercenaires en tombant du comble de ma grandeur première dans l'abîme de l'humiliation.
Saint Grégoire de Nysse
Il n'y eut pour lui de retour à sa félicité première qu'après qu'il fut rentré en lui-même, pour sentir tout le poids de sa misère, et qu'il eut réfléchi sur les paroles de repentir qui suivent: «Je me lèverai», etc.
Saint Augustin
«Je me lèverai», parce qu'en effet, il était comme étendu à terre; «à mon père», parce qu'il était au service du maître de ces pourceaux. Les autres paroles sont celles du pécheur qui songe à faire pénitence en confessant son péché, mais qui n'en vient pas encore à l'action; car il ne fait pas encore cet aveu à son père; il se propose de le faire lorsqu'il se présentera devant lui. Il faut donc bien comprendre le sens de ces paroles: «Venir à son père»; elles veulent dire être établi par la foi dans l'Église, où la confession peut être légitime et avantageuse. Il prend donc la résolution de dire à son père: «Mon père».
Saint Ambroise
Qu'il est miséricordieux ce Dieu qui, tout offensé qu'il est, ne dédaigne pas ce nom de père que le pécheur lui donne ! «J'ai péché», c'est le premier aveu que nous devons faire devant l'auteur de notre nature, le roi de la miséricorde, le confident et le juge de nos fautes. Mais bien que Dieu connaisse toutes choses, il attend néanmoins votre confession extérieure, car la confession de bouche ( Rm 10,10 ) est nécessaire pour le salut. Celui qui se charge lui-même, allége le poids de l'erreur qui pèse sur lui, et ôte à l'accusateur le désir de l'accuser, en le prévenant par une confession volontaire. C'est en vain, d'ailleurs, que vous voudriez en dérober la connaissance à celui pour qui rien n'est caché, tandis que vous pouvez sans danger avouer ce que vous savez lui être déjà connu. Confessez-vous donc, pour que le Christ intercède en votre faveur, pour que l'Église prie pour vous, pour que le peuple fidèle verse des larmes sur vous. Ne craignez pas de n'être pas exaucé, votre avocat vous assure du pardon; votre protecteur s'engage à vous donner la grâce; le témoin de la tendresse de votre père vous promet la réconciliation qu'il vous réserve. Il ajoute: «Contre le ciel et devant vous».
Saint Jean Chrysostome
Ces paroles: «Devant vous», nous apprennent que ce père c'est Dieu, qui seul voit toutes choses, et pour qui les péchés même dont la pensée est comme ensevelie dans le coeur, ne peuvent demeurer cachés.
Saint Augustin
Mais ce péché contre le ciel est-il le même que le péché commis sous les yeux de Dieu, dans ce sens que le ciel serait la majesté sublime du Père? Ou bien faut-il entendre: J'ai péché contre le ciel en présence des âmes saintes qui l'habitent, et devant vous dans le secret de ma conscience?
Saint Jean Chrysostome
Ou bien encore faut il entendre par le ciel Jésus-Christ? car celui qui pèche contre le ciel, qui malgré son élévation est cependant un élément visible, pèche contre l'homme, dont le Fils de Dieu s'est revêtu pour notre salut.
Saint Ambroise
Ou encore ces paroles veulent dire que le péché diminue dans l'âme les dons célestes de l'Esprit saint; ou que nous n'aurions pas dû nous séparer du sein de la Jérusalem céleste qui est notre mère. Or, après être tombé si bas, il doit se garder de s'élever, aussi ajoute-t-il: «Je ne suis plus digne d'être appelé votre fils», mais afin que cette humiliation volontaire lui obtienne la grâce dont il déclare n'être point digne, il ajoute: «Traitez-moi comme un de vos mercenaires».
Bède le Vénérable
Il n'ose aspirer à l'affection dont jouit un fils qui ne peut douter que tout ce qui est à son père ne soit à lui, il se contente de demander la condition d'un mercenaire prêt à servir pour son salaire, et encore déclare-t-il qu'il ne peut obtenir cette condition que par l'indulgence de son père.
Saint Grégoire de Nysse
Le Saint-Esprit, nous décrit les égarements et le retour de cet enfant prodigue, pour nous apprendre comment nous devons déplorer les égarements de notre coeur.
Saint Jean Chrysostome
Aussitôt qu'il a pris cette résolution, source pour lui de tous les biens: «J'irai vers mon Père», il franchit sans tarder la distance qui le sépare de lui: «Et se levant, il vint vers son pore». Imitons son exemple, ne soyons pas effrayés de la longueur du chemin; car pourvu que nous le voulions, le retour sera prompt et facile; il suffit que nous nous détachions du péché qui nous a éloignés de la maison paternelle. Mais voyez la tendresse de ce bon père pour ceux qui reviennent à lui: «Comme il était encore loin, son père le vit», etc.
Saint Augustin
Avant même qu'il comprit ce qu'était Dieu, dont il était si éloigné, mais qu'il commençait à chercher avec amour, son père le vit. L'Écriture nous dit avec raison que Dieu ne voit point les impies et les superbes, comme s'ils n'étaient pas présents à ses yeux; car il n'y a que ceux qu'on aime dont on puisse dire qu'on les a toujours devant les yeux.
Saint Jean Chrysostome
Le père comprit le repentir de son fils, il n'attendit point qu'il eût fait l'aveu de ses fautes, et il prévint ses désirs par les effets de sa miséricorde: «Et il fut touché de compassion».
Saint Grégoire de Nysse
La volonté de confesser ses égarements suffit pour apaiser son père, le déterminer à aller à sa rencontre et à couvrir son cou de ses baisers: «Il accourut, se jeta à son cou, et le baisa». C'est la figure du joug spirituel imposé aux lèvres de l'homme par la tradition évangélique qui a mis fin aux observances légales.
Saint Jean Chrysostome
Or, que signifie cette condescendance du père qui va à la rencontre de son fils? c'est que nos péchés étaient un obstacle insurmontable qui nous empêchait d'arriver jusqu'à Dieu par nos propres forces. Mais pour lui qui pouvait parvenir jusqu'à notre infirmité, il est descendu jusqu'à nous; et il baise cette bouche d'où était sortie la confession dictée par un coeur repentant, et que ce bon père a reçue avec tant de joie.
Saint Ambroise
Il vient donc à votre rencontre, parce qu'il entend le langage des secrètes pensées de votre coeur; et alors que vous êtes encore bien loin, il accourt au-devant de vous pour lever tous les obstacles: il embrasse son fils avec effusion, (car il vient à sa rencontre dans sa prescience, et l'embrasse dans sa tendresse), et se jette à son cou par un élan d'amour paternel, pour relever ce fils si abattu, et redresser vers le ciel celui qui était accablé sous le poids de ses péchés, et courbé vers les choses de la terre. Aussi j'aime mieux être le fils égaré que la brebis perdue, car si la brebis est retrouvée par le pasteur, le fils est comblé d'honneur par son père.
Saint Augustin
Ou bien encore, il accourt et se jette à son cou: parce que ce père n'a pas quitté son Fils unique dans lequel il est accouru jusque dans notre lointain pèlerinage; car Dieu était dans Jésus-Christ se réconciliant le monde. ( 2Co 5,19 ). Il tombe sur son cou, c'est-à-dire, qu'il abaisse pour l'étreindre son bras, qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ ( 1Co 1,24 Is 53,1 Lc 1,51 ). Il le console par la parole de la grâce qui lui donne l'espérance de la rémission de ses péchés; c'est ainsi qu'au retour de ses longs égarements, il lui donne le baiser d'amour paternel. Une fois entré dans l'Église, il commence la confession de ses péchés; mais sans la faire aussi complète qu'il se l'était proposé: «Et le Fils lui dit: Mon Père, j'ai péché contre le ciel et à vos yeux, je ne suis plus digne d'être appelé votre fils». Il veut obtenir de la grâce de Dieu ce dont il avoue que ses fautes le rendent indigne, car il n'ajoute pas ce qu'il s'était proposé de dire: «Traitez-moi comme un de vos mercenaires». Lorsqu'il était sans pain, il désirait la condition des mercenaires, mais il la dédaigne avec une noble fierté après qu'il a reçu le baiser de son père.
Saint Jean Chrysostome
Le père n'adresse point la parole à son fils, mais à ses serviteurs, parce que le pécheur repentant est tout entier à la prière, et ne reçoit pas une réponse verbale, mais prouve intérieurement les effets puissants de la miséricorde divine: «Et le père dit à ses serviteurs: Apportez vite sa robe première et l'en revêtez».
Théophylactus
Ces serviteurs, ce sont ou les anges qui servent à Dieu de ministres, ou les prêtres qui par le baptême et la parole sainte revêtent l'âme en Jésus-Christ «Car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons revêtu Jésus-Christ». ( Ga 3,27 ).
Saint Augustin
Ou bien cette robe première, c'est la dignité qu'Adam a perdue par son péché: les serviteurs qui l'apportent sont les prédicateurs de la réconciliation.
Saint Ambroise
Ou bien cette robe, c'est le vêtement de la sagesse dont les apôtres couvrent la nudité de notre corps; cette robe première, c'est le premier degré de la sagesse, parce qu'il en est une autre pour laquelle il n'y a point de mystère. L'anneau est le signe d'une foi sincère et l'emblème de la vérité: «Et mettez-lui un anneau au doigt».
Bède le Vénérable
C'est-à-dire, dans l'action, afin que ses oeuvres fassent éclater sa foi, et que la foi à son tour confirme les oeuvres.
Saint Augustin
Ou bien l'anneau au doigt c'est le gage de l'Esprit saint, à cause de la participation à la grâce dont le doigt est comme la figure.
Saint Jean Chrysostome
Ou bien il commande de lui mettre au doigt un anneau, comme le symbole du signe du salut, ou plutôt comme un signe d'alliance, et un gage de l'union que Jésus-Christ contracte avec l'Église son épouse, et aussi avec l'âme repentante qui s'unit avec Jésus-Christ par l'anneau de la foi,
Saint Augustin
La chaussure qu'on lui met aux pieds figure la préparation à la prédication de l'Évangile qui consiste à ne point s'approcher de trop près des choses de la terre: «Et mettez-lui une chaussure aux pieds».
Saint Jean Chrysostome
Ou bien il commande de lui mettre une chaussure aux pieds, soit pour protéger ses pas, et donner à sa marche plus de fermeté dans les sentiers gus. sauts de ce monde, soit comme symbole de la mortification des membres, car tout le cours de notre vie est comparé au pied dans les Écritures ( Jb 23,11 Ps 25,12 Pr 3,23 Si 6,25 Si 1,20 ), et les chaussures sont comme un symbole de mortification, puisqu'elles sont faites avec des peaux d'animaux qui sont morts. Le père commande ensuite d'amener le veau gras et de le tuer pour le festin qu'il fait préparer: «Et amenez le veau gras», c'est-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ, ainsi appelé à cause du sacrifice de son corps immaculé; et parce qu'il est une victime si riche et si excellente, qu'elle suffit à la rédemption du monde entier. Ce n'est pas le père lui-même qui met à mort le veau gras, mais il le laisse immoler à d'autres, car c'est par la permission du Père, et le consentement du Fils que ce dernier a été crucifié par les hommes.
Saint Augustin
Ou bien le veau gras est le Seigneur qui dans son incarnation a été rassasié d'opprobres. Il commande qu'on l'amène, c'est-à-dire qu'on l'annonce, et qu'en l'annonçant on rende la vie aux entrailles épuisées de ce fils mourant de faim. Il ordonne aussi de le mettre à mort, c'est-à-dire de prêcher sa mort, car il est vraiment immolé pour celui qui croit à son immolation et à sa mort.
Saint Ambroise
Mangeons la chair du veau gras, parce que c'était la victime que le prêtre offrait pour ses péchés. Notre-Seigneur nous représente son Père se livrant à la joie d'un festin, pour nous montrer que le salut de notre âme est la nourriture de son Père, et que la rémission de nos péchés est sa joie.
Saint Jean Chrysostome
Le père se réjouit du retour de son fils, et en signe de joie fait un festin avec le veau gras; ainsi le Créateur se réjouit des fruits de miséricorde produits par l'immolation de son fils, et l'acquisition du peuple fidèle est pour lui comme un festin de joie: «Car mon fils que voici était mort, et il revit, il était perdu, et il est retrouvé».
Saint Athanase
Celui-là seul meurt qui a existé: ainsi les Gentils n'existent plus, le chrétien seul est vivant. On peut encore entendre ces paroles du genre humain: Adam a existé, et nous avons tous existé en lui, il est mort, et tous sont morts en lui, l'homme est donc réparé dans cet homme qui était mort. On peut aussi les appliquer à celui qui fait pénitence, car il ne peut mourir sans avoir auparavant vécu, quant aux gentils ils ont reçu la vie par la grâce aussitôt qu'ils eurent embrassé la foi, tandis que celui qui tombe dans le péché, revient à la vie par la pénitence.
Théophylactus
Si l'on n'a égard qu'à l'excès de ses vices, il était mort sans espoir de retour; mais si l'on considère la nature humaine, qui est sujette à la mutabilité, et peut se convertir du vice à la vertu, il était simplement perdu, car c'est un moindre mal de se perdre que de mourir. Tout homme ainsi rappelé à la vie et purifié de ses crimes participe au veau gras et devient une cause de joie pour son père et pour ses serviteurs, c'est-à-dire pour les anges et pour les prêtres: «Et ils commencèrent à faire grande chère».
Saint Augustin
Ces festins de joie et cette fête se célèbrent aujourd'hui par toute l'Église répandue dans tout l'univers, car ce veau gras qui est le corps et le sang du Seigneur est offert à Dieu le Père, et nourrit toute la maison.
25Or son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des chœurs. 26Ayant appelé un des serviteurs, il s'enquit de ce que cela pouvait être. 27L'autre lui dit : " Votre frère est arrivé, et votre père a tué le veau gras, parce qu'il l'a recouvré bien portant. " 28Mais il se mit en colère, et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l'en prier. 29Et il répondit à son père : " Voilà tant d'années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un ordre de toi, et jamais tu ne m'as donné, à moi, un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30Mais, quand est revenu ton fils que voilà, qui a dévoré ton avoir avec des courtisanes, tu as tué pour lui le veau gras ! " 31Il lui dit : " Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32Mais il fallait festoyer et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il a été retrouvé. " 

Bède le Vénérable
Aux murmures des scribes et des pharisiens, qui reprochaient au Sauveur d'accueillir favorablement les pécheurs; il répond par trois paraboles, qu'il leur expose successivement. Dans les deux premières, il montre combien la conversion des pécheurs est un sujet de joie pour lui et pour les anges; le but de cette troisième parabole n'est plus seulement de faire ressortir cette grande joie, mais de condamner les murmures de ces esprits envieux: «Cependant, poursuit-il, son fils aîné était dans les champs».
Saint Augustin
Ce fils aîné, c'est le peuple d'Israël; il n'est point allé dans une région lointaine, cependant il n'est pas dans la maison, il est dans les champs, c'est-à-dire, qu'il travaille pour acquérir les biens de la terre dans le riche héritage de la loi et des prophètes. Il revient des champs et approche de la maison, c'est-à-dire, qu'il désapprouve les travaux de son oeuvre servile, en considérant d'après les mêmes Écritures la liberté de l'Église: «Et comme il revenait et approchait de la maison, il entendit une symphonie et des danses»,c'est-à-dire, ceux qui, remplis de l'Esprit saint, prêchaient l'Évangile dans une parfaite harmonie de doctrine: «Et il appela un des serviteurs»,etc., c'est-à-dire, qu'il se met à lire un des prophètes et cherche à savoir en l'interrogeant la cause de ces fêtes qu'on célèbre dans l'Église, dont il voit qu'il ne fait pas encore partie. Le prophète, serviteur de son père, lui répond: «Votre frère est revenu»,etc. Comme s'il lui disait: Votre frère s'en était allé jusqu'aux extrémités de la terre, de là cette joie. plus vive de ceux qui font entendre des chants nouveaux, car «ses louanges retentissent d'un bout de la terre à l'autre». ( Is 42,10 ). Et pour fêter le retour de celui qui était égaré, on a immolé l'homme qui sait ce que c'est de souffrir, «parce que ceux auxquels il n'avait point été annoncé l'ont vu». ( Is 53, 3; Is 52, 45).
Saint Ambroise
Le peuple d'Israël représenté par le frère aîné, envie à son plus jeune frère, c'est-à-dire, au peuple des Gentils, le bienfait de la bénédiction paternelle; ce que faisaient les Juifs, en voyant Jésus-Christ manger avec les païens: «Il s'indigna et ne voulait pas entrer».
Saint Augustin
Cette indignation dure encore aujourd'hui, et ce peuple persiste à ne vouloir pas entrer. Mais lorsque la plénitude des nations sera entrée dans l'Église, le père sortira dans le temps favorable, afin que tout Israël soit sauvé. ( Rm 11, 23.26) : «Son père donc étant sorti, se mit à le prier». Les Juifs, en effet, seront un jour ouvertement appelés au salut apporté par l'Évangile, et cette vocation manifeste nous est ici représentée par la sortie du père, qui vient prier son fils aîné d'entrer. La réponse du fils aîné soulève deux questions: «Il répondit à son père: Voilà tant d'années que je vous sers, et je n'ai jamais manqué à un de vos commandements», etc. Il est évident d'abord que cette fidélité à ne transgresser aucun commandement, ne doit pas s'entendre de tous les commandements, mais de celui qui est le premier et le plus nécessaire, c'est-à-dire, qu'on ne l'a jamais vu adorer d'autre Dieu que le Dieu, seul créateur de toutes choses ( Ex 20, 3). Il n'est pas moins certain que ce fils aîné ne représente pas tous les Israélites, mais ceux qui n'ont jamais quitté le culte du vrai Dieu pour adorer les idoles; car bien que ses désirs eussent pour objet les biens de la terre, il n'attendait cependant que du seul vrai Dieu ces biens communs ici-bas aux justes et aux pécheurs, selon ces paroles du Psalmiste: «Je suis devenu semblable devant vous à l'animal stupide, cependant j'ai toujours été avec vous» ( Ps 72, 22.23). Mais quel est le chevreau qu'il n'a jamais reçu pour faire un festin? «Et vous ne m'avez jamais donné un chevreau pour faire bonne chère avec mes amis».Le pécheur est ordinairement figuré sous l'emblème du bouc ou de chevreau.
Saint Ambroise
Les Juifs demandent un chevreau, et les chrétiens un agneau; aussi on leur délivre Barabbas, tandis que l'agneau est immolé pour nous. Le fils aîné se plaint qu'on ne lui ait point donné un chevreau, parce que les Juifs ont perdu les rites de leurs anciens sacrifices; ou bien ceux qui désirent un chevreau sont ceux qui attendent l'Antéchrist.
Saint Augustin
Cependant, je ne vois pas comment on peut appliquer les conséquences de cette interprétation, car il est souverainement absurde que ce fils, à qui son père dira bientôt: «Vous êtes toujours avec moi», ait demandé à son père de croire à l'Antéchrist. On ne peut pas davantage voir dans ce fils ceux des Juifs qui devaient embrasser le parti de l'Antéchrist. Or, si ce chevreau est la figure de l'Antéchrist, comment pourrait-il en faire un festin, lui qui ne croit pas à l'Antéchrist? Mais si le festin de joie qui est fait avec ce chevreau signifie la joie produite par la ruine de l'Antéchrist, comment ce fils aîné du père peut-il dire que cette faveur ne lui ait jamais été accordée, puisque tous ses enfants doivent se réjouir de sa ruine? Il se plaint donc que le Seigneur ne lui ait pas été donné en festin, parce qu'il le prend pour un pécheur, car comme cette nation considère le Sauveur comme un chevreau ou comme un bouc, en le regardant comme un violateur et un profanateur du sabbat, elle n'a pu mériter la faveur d'être admise à son festin. Ces paroles: «Avec mes amis», doivent s'entendre, ou des principaux des Juifs avec le peuple, on des habitants de Jérusalem avec les autres peuples de Juda.
Saint Jérôme
ou bien encore: «Vous ne m'avez jamais donné un chevreau»,c'est-à-dire, le sang d'aucun prophète ni d'aucun prêtre ne nous a délivrés de la domination romaine.
Saint Ambroise
Ce fils sans pudeur est semblable au pharisien qui cherchait à se justifier, parce qu'il observait la lettre de la loi, et qu'il accusait son frère d'avoir dévoré son bien avec des femmes perdues: «Et à peine votre autre fils qui a dévoré son bien avec des courtisanes, est-il revenu», etc.
Saint Augustin
Ces femmes perdues sont les superstitions des Gentils, et on dissipe son bien avec elles, quand au mépris de la légitime alliance qu'on a contractée avec le vrai Dieu, on se livre à une honteuse fornication avec le démon.
Saint Jérôme
Il ajoute: «Vous avez tué pour lui le veau gras». Le peuple juif confesse donc que le Christ est venu, mais par un sentiment d'envie, il refuse le salut qui lui est offert.
Saint Augustin
Son père ne l'accuse pas de mensonge, il le loue même d'avoir toujours persévéré avec lui, et il l'invite à se livrer aux sentiments plus parfaits d'une joie meilleure et plus douce: «Alors le père lui dit: Vous, mon fils, vous êtes toujours avec moi».
Saint Jérôme
On peut dire encore que les paroles du fils ne sont point l'expression de la vérité, mais d'une vaniteuse présomption; aussi le père ne s'y laisse point tromper, et il cherche à calmer son fils par une autre raison, en lui disant: «Vous êtes avec moi», par la loi qui vous enchaîne, non qu'il n'ait jamais été coupable, mais parce que son père l'a toujours retiré des occasions de péché par ses châtiments? Rien d'étonnant d'ailleurs de voir mentir à son père celui qui porte envie à son frère.
Saint Ambroise
Cependant ce bon père ne laisse point de vouloir le sauver en lui disant: «Vous êtes toujours avec moi», ou comme juif, par l'observation de la loi, ou comme juste par l'union plus intime avec Dieu.
Saint Augustin
Mais que veulent dire ces paroles: «Et tout ce que j'ai est à vous ?» Est-ce que ce n'est pas aussi à son frère? Sans doute, mais les fils arrivés à la perfection, et comme entrés déjà dans l'immortalité, possèdent toutes choses, comme si chacune d'elles était à tous, et comme si toutes étaient à chacun d'eux. La cupidité rend le coeur étroit et ne peut rien posséder qu'avec égoïsme; la charité, au contraire, agrandit et dilate le coeur. Mais comment, tout ce qui est au père peut-il être au fils? Est-ce que Dieu a aussi donné à ce fils la possession des anges? Si par possession vous entendez que le possesseur soit le propriétaire et le maître, il ne lui a pas tout donné, car nous ne serons pas un jour les maîtres des anges, mais nous partagerons leur bonheur. Mais si vous entendez le mot possession dans le sens que nous disons, que les âmes possèdent la vérité, je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas cette expression à la lettre, car en parlant ainsi, nous ne voulons pas dire que les âmes soient maîtresses de la vérité; si enfin le sens propre du mot possession ne se prête pas à cette interprétation, nous y renonçons volontiers, car le père ne dit pas: Vous possédez touts mais: «Tout ce qui est à moi est à vous», mais non pas comme si vous en étiez le maître. En effet, ce que nous avons d'argent peut être destiné, soit à l'entretien, soit à l'ornement de notre famille ou à quelque autre usage semblable. Car puisque ce fils peut dire, dans un sens vrai, que son père est à lui, pour. quoi ne pourrait-il pas le dire de ce que possède son père? Il faut seulement l'entendre de différentes manières; ainsi lorsque nous serons parvenus à la béatitude des cieux, les choses supérieures seront à nous pour les contempler, les êtres qui nous sont égaux pour partager leur sort, les créatures inférieures pour les dominer. Le frère aîné peut donc se livrer à la joie en toute sécurité.
Saint Ambroise
Car s'il veut renoncer à tout sentiment d'envie, il verra bientôt que tout est réellement à lui, les sacrements de l'Ancien Testament, s'il est juif, et ceux de la nouvelle loi, s'il est baptisé.
Théophylactus
On peut encore donner à tout ce passage une explication différente: Ce fils qui se laisse aller aux murmures, figure tous ceux qui se scandalisent en voyant les progrès rapides et le salut des âmes parfaites, comme celui que David nous représente, se scandalisant de la paix dont jouissent les pécheurs.
Tite de Bostr.
Ce fils aîné, semblable à un laboureur, s'appliquait aux travaux de l'agriculture, en cultivant non un champ matériel, mais le champ de son âme, et en greffant les arbres du salut, c'est-à-dire, les vertus.
Théophylactus
Ou bien il était dans les champs, c'est-à-dire dan s le monde, cultivant sa propre chair pour lui donner du pain en abondance, et semant dans les larmes pour moissonner dans la joie.
Saint Jean Chrysostome
On demande si celui qui s'afflige du bonheur des autres est atteint de la passion de l'envie. Je réponds qu'aucune âme sainte ne s'attriste de la sorte; loin de là, elle regarde le bien des autres comme le sien propre. Il ne faut pas du reste vouloir expliquer à la lettre tout ce que renferme une parabole, quand on a découvert le sens que s'est proposé l'auteur, il ne faut plus chercher autre chose. Or le but de cette parabole est d'exciter les pécheurs à revenir à Dieu avec confiance, par l'espérance des grands avantages qui leur sont promis. Aussi voyons-nous les grâces qui leur sont prodiguées devenir un sujet de trouble et de profonde jalousie pour les autres, bien qu'ils soient eux-mêmes environnés de tant d'honneurs, qu'ils puissent devenir à leur tour un sujet d'envie.
Théophylactus
Ou bien encore, Notre-Seigneur, dans cette parabole, a dessein de reprendre les mauvaises dispositions de ceux qu'il appelle justes par supposition; comme s'il leur disait: Vous êtes vraiment justes, je l'admets, vous n'avez transgressé aucun des commandements, est-ce donc une raison pour ne pas vouloir accueillir ceux qui reviennent de leur conduite coupable?
Saint Jérôme
Disons encore que toute justice en comparaison de celle de Dieu, n'est qu'injustice. De là ce cri de saint Paul: «Qui me délivrera de ce corps de mort ?» ( Rm 8). De là cette indignation des Apôtres, lorsqu'ils entendirent la demande de la mère des enfants de Zébédée ( Mt 20).
Saint Cyrille
Nous éprouvons quelque fois nous-mêmes ce sentiment, nous en voyons, en effet, dont toute la vie se passe dans l'exercice des plus sublimes vertus, d'autres qui ne se convertissent à Dieu que dans l'extrême vieillesse, ou même qui, par une grâce particulière de la miséricorde divine, n'effacent leurs pêchés qu'au dernier jour de leur vie. Or il en est qui, par un sentiment de défiance inopportune, ne peuvent admettre cet excès de miséricorde, parce qu'ils ne considèrent pas la bonté du Sauveur, qui se réjouit du salut des pécheurs.
Théophylactus
Le fils dit donc à son père: J'ai passé gratuitement dans les douleurs une vie toujours exposée aux persécutions des pécheurs, et vous n'avez jamais commandé qu'on mît à mort pour moi un chevreau (c'est-à-dire, le pécheur qui me persécutait), pour me donner quelques moments de soulagement et de repos. Dans ce sens, Achab était le chevreau d'Élie, qui disait à Dieu: «Seigneur, ils ont tué vos prophètes».
Saint Ambroise
Ou bien dans un autre sens: l'Évangile nous dit que ce frère aîné revenait des champs, c'est-à-dire des occupations de la terre, et comme il ignore les choses de l'Esprit de Dieu, il se plaint qu'on n'a jamais tué pour lui un chevreau; car ce n'est pas pour satisfaire l'envie, mais pour la rédemption du monde que l'agneau a été immolé. L'envieux demande un chevreau, celui qui est innocent demande qu'on immole pour lui un agneau. Ce frère est le plus âgé, parce que l'envie est la cause d'une vieillesse prématurée; il se tient dehors, parce que la malveillance lui défend d'entrer, il ne peut souffrir ni le bruit de la symphonie et des danses, (il ne s'agit pas ici des joies du théâtre qui ne sont propres qu'à exciter les passions), c'est-à-dire les chants harmonieux du peuple qui fait éclater les sentiments d'une joie douce et suave lorsqu'un pécheur revient à Dieu. Ceux au contraire qui sont justes à leurs propres yeux, s'indignent du pardon accordé au pécheur qui avoue ses fautes. Qui êtes-vous pour vous opposer à Dieu qui veut pardonner, lorsque vous pardonnez vous-même à qui bon vous semble? Applaudissons donc à la rémission des péchés qui suit la pénitence, de peur qu'en nous montrant ainsi jaloux du pardon qui est accordé aux autres, nous nous rendions indignes de l'obtenir nous-mêmes du Seigneur. Ne portons point envie à ceux qui reviennent de loin, car nous nous sommes égarés nous-mêmes dans ces régions lointaines.

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