Un pape infaillible… pour des chrétiens faillibles

Il y a peu de dogmes de l'Église catholique qui paraissent plus scandaleux aux croyants non-catholiques que l'infaillibilité pontificale. Par exemple, considérons cette réflexion de l'apologète protestant Matt Slick dans l'un de ses articles critiques sur le sujet:
Je ne peux m'empêcher de me demander quelles nouvelles révélations et interprétations infaillibles surgiront au sein de l'Église catholique romaine. Les six prochains millions d'années produiront-ils la déification complète de Marie? Marie deviendra-t-elle le créateur de l'univers dans la tradition catholique romaine? Ou peut-être que le pape pourrait être élevé à un niveau céleste ici sur la terre (infaillibilité, faillibilité et l'église catholique romaine).
Comme tous les catholiques décemment catéchisés le savent, Mr Slick peut être assuré que ni Marie ni le pape ne seront jamais sujets à la déification par l'Église catholique; pas dans les soixante prochaines années, pas plus que dans les 600 milliards d'années à venir. Jamais. En effet, l'infaillibilité papale existe pour prévenir de telles hérésies. Cela convient également à cause de la primauté du pape dans l'Église.
La primauté pontificale
Dans l'Évangile de saint Matthieu, Jésus donne à Pierre seul « les clés du Royaume des Cieux » et le pouvoir de « lier et délier » (Matthieu 16, 16-20). L'autorité unique de Pierre est puissamment illustrée dans les Actes des Apôtres, au Concile de Jérusalem, quand Pierre a pris une décision définitive concernant la circoncision « et toute l'assemblée a gardé le silence » (Actes 15, 12).
En tant que « surveillant » en chef de l'Église, Pierre - et ses successeurs - devait maintenir la pureté et l'unité doctrinale dans l'Église. L'éminent érudit protestant James D.G. Dunn affirme ce rôle unitif:
C'est Pierre qui devient le point focal de l'unité pour toute l'Église… il devint le symbole rempli d’espoir d'unité pour le christianisme grandissant qui se considérait de plus en plus comme l'Église catholique » (Unity and Diversity in the New Testament, 386).
Saint Irénée de Lyon, qui a écrit au IIe siècle, témoigne de la primauté du pape. En traitant avec les hérétiques gnostiques au deuxième siècle, il a affirmé que les croyances de chaque église chrétienne locale doivent être congruentes, non seulement avec la tradition apostolique, mais avec les enseignements de chaque église chrétienne. Pourquoi? Parce que l'Église est essentiellement catholique. La première voie, écrivait l'ancien évêque de Lyon, est que le Christ assure l'unité de son Église par l'intermédiaire de l'office pétrinien: l'Église de Rome « l’Église très grande, très ancienne et connue de tous… car avec cette Église, en raison de sa principauté supérieure, doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout » (Contre les hérésies, III, 3.2).
Un charisme qui fait du sens
Il est logique que Jésus établisse une telle autorité en son absence - quelque chose comme l'office pétrinien - parce que « le cœur est trompeur par-dessus tout » (Jérémie 17, 9). Nous sommes facilement bernés et distraits et par conséquent, nous manquons souvent d'entendre la petite voix de Dieu. Oui, le Saint-Esprit peut et nous conduira dans toute la vérité comme Jésus l'a promis, mais comment exactement? Par la prière et la contemplation des Écritures, sûrement. Mais comme nous le dit saint Paul, nous devons « éprouvez tout, et retenez ce qui est bon » (1 Thessaloniciens 5, 21). Comment devrions-nous tester et confirmer nos sentiments spirituels? Par la direction infaillible de l'Église, spécialement réalisée dans le ministère du principal évêque de l'Église.
L'infaillibilité papale est souvent mal comprise, mais pas parce que c'est un concept difficile à comprendre. Il est tout à fait censé : nous avons besoin d'une autorité enseignante infaillible parce que nous sommes si faillibles.
Parce que ce charisme existe pour empêcher l'enseignement de l'erreur dans l'Église universelle, il n'est présent que lorsque le pape remplit trois critères précis. D'abord, il doit enseigner comme le pasteur suprême de l'Église universelle. Deuxièmement, il doit avoir l'intention de décider d'une affaire de manière définitive. Troisièmement, l'enseignement doit porter sur la foi et la morale.
Aidé, mais non inspiré
Les auteurs du Nouveau Testament ont également été spécialement influencés par Dieu alors qu'ils nous communiquaient la vérité au sujet de la religion, mais il y a une distinction importante à faire ici. Les écrivains du Nouveau Testament n'étaient pas simplement influencés, ils étaient inspirés. En effet, ils étaient inspirés d'une manière si profonde que, bien que ce ne fût que de simples créatures qui mettaient sur papier les Écritures, Dieu était en fait l'auteur principal. Le théologien catholique Ludwig Ott affirme cette distinction dans ses célèbres « Fundamentals of Catholic Dogma »:
Cette assistance [impliquée dans l'infaillibilité papale] doit être distinguée… de l'Inspiration, qui est une influence positive opérée par Dieu sur un auteur, d'une nature telle que Dieu lui-même est le principal auteur de l'écriture et que les idées en sont par conséquent la Parole de Dieu.
Alors que l'inspiration est une influence positive pour « écrire seulement ce que Dieu veut écrire », l'infaillibilité papale est essentiellement un charisme négatif ou préventif, qui empêche le chef enseignant de l'Église d'enseigner « ce que Dieu ne veut pas enseigner », c'est-à-dire l’erreur.
Pierre le pitoyable
Compte tenu de son caractère maladroit et impulsif, l'apôtre Pierre n'était-il pas plutôt inapte à occuper cette position de chef infaillible de l'Église? Qu'en est-il de ses successeurs? Exactement… du moins selon les normes du monde. Selon les normes de l'Évangile, cependant, Pierre lui correspondait parfaitement.
En vérité, au cœur de la Bonne Nouvelle, il y a la vérité paradoxale que Dieu « a renversé les puissants de leurs trônes et a exalté les faibles » (Luc 1, 52). Jésus se spécialise dans la fabrication de quelque chose de grand à partir de ce qui est pitoyable. En effet, pendant son ministère terrestre, il s'intéressa tout particulièrement aux pêcheurs sans éducation, aux collecteurs d'impôts pécheurs et même aux meurtriers comme Paul, dont il confia la tâche de surveiller son ministère et de s'occuper de son troupeau.
Criblé d'imperfections, le génie de la sélection de Pierre n'a peut-être pas été immédiatement apparent. Cependant, des siècles plus tard, la puissance de Dieu est claire. Car la chaise de Pierre demeure toujours; aucun pouvoir n'a encore prévalu sur l'Église. « Tous les empires et les royaumes ont échoué, à cause de cette faiblesse inhérente et continuelle, qu'ils ont été fondés par des hommes forts et sur des hommes forts », écrit Chesterton. « Mais cette seule chose, l'Église chrétienne historique, a été fondée sur un homme faible et pour cette raison, il est indestructible. Car aucune chaîne n'est plus forte que son maillon le plus faible » (Hérétiques). En effet, lorsque Jésus a donné à Pierre les clés et le charisme de l'infaillibilité, il a imprégné tout le peuple chrétien d'un principe d'unité qui forme un lien indissoluble.
La foi de Pierre n'a pas échoué
« La prière fervente du juste a beaucoup de puissance », écrit saint Jacques (Jacques 5, 16). Combien a dû être grande la prière du Seigneur pour Pierre lorsqu'il a dit à son principal disciple: « J'ai prié pour vous afin que votre foi ne manque pas; et quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Luc 22, 32).
En effet, de cette parfaite prière du Christ sont venus deux miracles qui ont fortifié l'Église depuis. Le premier est le témoignage (le martyre) de Pierre dont la foi n'a pas manqué jusqu’à la fin. La seconde est toujours avec nous; en effet nous le vivons : l'Église Catholique indestructible, la communauté des croyants dans la grâce dont la foi a été fortifiée siècle après siècle par le Serviteur des Serviteurs de Dieu: le pape.
Ce texte est une traduction personnelle de l’article « An Infallible Pope – for Fallible Christians » de Matt Nelson pour Catholic Answers
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