Développement ou corruption des dogmes ?


Le développement des dogmes est un enjeu primordial lorsqu’on veut partager la foi catholique avec les chrétiens non catholiques. Cela est important, car l’Église catholique affirme qu’elle est l’Église fondée par Jésus sur les Apôtres, chargée de garder fidèlement le dépôt de la foi dont l’Apôtre Pierre avait plus spécialement les clés.

L’exemple de l’infaillibilité
Pour certains chrétiens non catholiques, il y a là un obstacle que je vais illustrer avec l’exemple du dogme de l’infaillibilité du Pape. Les chrétiens s’entendent généralement sur le fait que la révélation s’est close avec la mort du dernier Apôtre. Si on accepte le fait que la révélation s’est close à la mort du dernier Apôtre, qui est probablement l’Apôtre Jean, on peut se demander si Jean croyait, avant sa mort, que Pierre était infaillible en matière de foi et de morale lorsqu’il parle de façon ex cathedra, c'est-à-dire en tant que Docteur suprême de l'Église et en engageant sa pleine autorité apostolique.

La problématique
Même le catholique, qui croit que le dogme de l’infaillibilité papale est vrai et qu’il remonte aux Apôtres, est forcé d’admettre que l’Apôtre Jean n’aurait probablement pas formulé sa réponse de cette façon si on lui avait posé la question à la fin du premier siècle. C’est précisément à cet endroit que ce situe le cœur du débat. C'est-à-dire entre le catholique qui admet le concept du développement du dogme et le non-catholique qui croit que ces dogmes « développés » sont en fait une corruption de la Révélation close à la mort du dernier Apôtre. C’est de là d’ailleurs que nait, pour les protestants, la nécessité d’avoir fait une réforme, c’est-à-dire pour purifier la Révélation faite aux Apôtres de ces développements dogmatiques qu’ils considèrent plutôt comme une corruption et non un développement.

Qu’est-ce que le développement des dogmes?
Voici, en résumé, ce qu’entend l’Église par le développement des dogmes : Le développement des dogmes n’est pas une augmentation de la connaissance de la foi. C’est plutôt l’explicitation de ce qui est déjà contenu dans la Révélation originelle transmise par les Apôtres. Notre foi actuelle est donc substantiellement la même que celle des Apôtres. Il n’est donc pas permis à l’Église d’ajouter, d’enlever ou modifier ce dépôt originel de la Foi. Seulement le passage de l’implicite vers l’explicite est permis.

Alors comment peut-on faire la différence ?
Maintenant que nous avons identifié le problème, comment arriver à savoir si les dogmes qu’enseigne actuellement l’Église catholique sont un développement légitime voulu par le Saint-Esprit, ou une corruption de a Révélation originelle? Il nous faut donc trouver une méthode qui nous permet de vérifier si ces développements sont de vrai développement ou une corruption. Car sans méthode, on peut se contenter d’adopter une conclusion partisane et arbitraire. La méthode doit aussi être juste et honnête, c'est-à-dire de ne pas comporter de principes truqués, qui nous pousseront nécessairement vers une solution prédéterminée d’avance. C’est lors de cette réflexion que le cardinal Newman a mis au point ses sept critères de discernement du développement du dogme :

1) Préservation du type
2) Continuité des principes
3) Puissance d’assimilation
4) Anticipation de l’avenir
5) Cohérence logique
6) Conservation du passé
7) Vigueur durable

En plus du domaine religieux, le cardinal appliquait aussi ces critères de discernement à d’autres domaines comme la politique. Lorsqu’il a fait l’exercice de confronter les dogmes catholiques au tamis de ces critères, il en est venu à la conclusion que la foi de l’Église Catholique était substantiellement la même que celle des Apôtres de Jésus. Il a dû conclure que les dogmes de l’Église Catholique sont réellement un développement de la doctrine des Apôtres voulu par le Saint-Esprit, et non le résultat d’une corruption. Il s’est donc converti du protestantisme anglican à la foi catholique à la suite de cette découverte.

Pour ceux qui désirent approfondir ces critères, voici un site qui présente un bon article sur le sujet.

Commentaires

  1. "Les chrétiens s’entendent généralement sur le fait que la révélation s’est close avec la mort du dernier Apôtre."

    Les Orthodoxes peut-être, mais pas les Protestants, qui croient que c'est la fermeture du canon qui a terminé la révélation. En pratique, les deux événements ont lieu avec la mort de St Jean, puisqu'il a écrit le dernier livre chronologiquement, qui se trouve incidemment en dernière place du Nouveau Testament.

    Mais cela change la façon dont les Protestants voient l'autorité des apôtres. Pour eux, leur autorité ne provient pas du fait qu'ils soient apôtres, mais du fait qu'ils soient auteurs inspirés du Nouveau Testament. Certains auteurs du Nouveau Testament n'étaient pas apôtres; ces hommes auraient plus d'autorité pour un Protestant que des apôtres qui n'auraient rien écrit.

    Tout ça affecte comment un Protestant voit la possibilité de développement doctrinale, c'est-à-dire que c'est une impossibilité, puisque pour eux tout doctrine trouve sa source unique dans le texte même de la Bible.

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  2. Bonjour Mr arseno,
    Comme vous le précisez, bien qu'on s'accorde sur une certaine période où la doctrine s'est close, les protestants ont une vision tout à fait différente au sujet de l'autorité des Apôtres. Même selon eux, Pierre (le premier pape) a aussi été infaillible, du moins pendant le temps où il a écrit ses épîtres...
    Merci beaucoup pour cette clarification.

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  3. La façon de savoir si les doctrines sont véritables?

    C'est parce que l'Église l'enseigne.

    Pour les évêques qui doivent déterminer la vérité, la méthode proposée est légitime.

    Mais pour le croyant moyen, il n'y a pas besoin de faire la vérification de chaque doctrine, sinon, ça détruit la fonction de l'Église, qui est d'enseigner une doctrine sûre.

    Les apôtres n'avaient pas de définition précise de la Trinité comme elle a été élaborée au Concile de Nicée. Mais, il fallait que les évêques déterminent le véritable sens de la Trinité pour préserver les fidèles de l'erreur. Les fidèles n'avaient pas à retourner sur la définition, d'ailleurs la plupart n'aurait pas l'éducation nécessaire pour le faire.

    Je ne dis pas ça pour t'embêter, mais il y a une tendance chez certains de croire parce les doctrines "ont été vérifiées" et non pas parce que l'Église (par le Magistère) est la voix du Saint Esprit. Il y a bien des gens qui n'ont pas compris, même parmi le clergé.

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  4. Bonjour Suzanne,

    Vous avez parfaitement raison concernant le croyant qui est déjà catholique. Cependant, cet article voulait mettre plus l’emphase avec l’échange avec des chrétiens non catholiques. Pour eux, l’autorité de l’évêque ne représente rien ou bien peu. À l’aide de ces critères, ils peuvent donc vérifier la validité d’une ou de quelques doctrines que leur propose l’Église Catholique. Cette recherche peut augmenter chez eux la confiance en l’Église Catholique et qui sais, peut être les amener à la conversion ou à remettre en question certaine de leurs croyances.

    Il y a de multiples exemples de chrétiens qui se sont convertis au catholicisme en passant par cet examen des dogmes. Le cardinal Newman est un exemple, mais il y en a beaucoup d’autres. C’est un peu aussi ce que vous avez fait en exposant les Pères de l’Église et les conciles des premiers siècles, lors de votre récente discussion avec le calviniste Durandal.

    Cependant, je suis tout à fait d’accord avec vous que le catholique ne doit pas remplacer la confiance qu’il doit porter aux évêques par un examen personnel de tout ce qui lui est proposé.

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