
La violence dans la Bible

Certains textes de la Bible, en particulier dans l’Ancien Testament, décrivent des scènes d’une grande violence. À l’occasion, ces actes semblent même commandés par Dieu lui-même. Cela est-il réconciliable avec le Dieu d’amour du Nouveau Testament enseigné par Jésus? Dès l’an 160, certains chrétiens comme Marcion avaient déjà tenté de résoudre le problème en amputant complètement l’Ancien Testament de leur Bible. Cette solution simpliste éliminait certainement le problème, mais cela ne respectait pas l’intégrité de ce que Dieu a voulu communiquer à son peuple. Voici donc quelques pistes pour mieux comprendre la violence présente dans certains épisodes de la Bible.
Dans la perspective de Dieu
Commençons par essayer de nous mettre dans la peau d'un Dieu qui aurait choisi un petit peuple au bord de la méditerranée, il y a plusieurs milliers d’années. Il désire bien sûr que ce petit peuple comprenne tout l’amour qu’il a pour lui, mais ce peuple est précaire et entouré d’ennemies aux mœurs assez cruelles. À partir de cette perspective, on se rend bien compte que deux choses seront nécessaires afin que Dieu puisse se révéler à eux : il devra séparer ce peuple de ses voisins et il devra aussi user de pédagogie. Examinons ces deux points plus en détail.
La pédagogie divine
Dieu est tout-puissant, mais il respecte toujours notre liberté. Ce qui veut dire que pour instruire son peuple sans forcer sa liberté, il devra user de pédagogie. Comme les enfants doivent commencer à faire des additions sur leurs doigts avant de pouvoir faire de l’algèbre, Dieu a du faire passer son message par une succession d’étapes. C’est pourquoi on ne peut pas s’arrêter à un seul passage où Dieu semble commander une guerre et en conclure que la Bible est un livre qui enseigne la violence. Si nous prenons par exemple la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) qui semble très barbare pour nos sociétés modernes, elle a pourtant été un réel progrès social pour une époque où les gens se faisaient justice eux-mêmes et où cela pouvait entrainer une escalade incontrôlable de violence. Le texte de la constitution Dei Verbum exprime bien raison d’être de cette pédagogie : « Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit envers les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine. »
La séparation du peuple de Dieu
Dieu devait aussi faire vivre son peuple en séparation des peuples voisins afin de faciliter sa progression. Il fallait qu’il en soit ainsi pour éviter qu’ils retombent dans les mœurs idolâtres et perverses de leurs voisins. Comme par exemple les sacrifices d’enfants, qui étaient populaires chez les Cananéens et auxquels les Israélites ont eu peine à s’abstenir. Pendant longtemps, les Israélites ont cru que la meilleure façon de ne pas vivre comme eux était de les tuer. Dieu resta patient avec eux, car il est lent à la colère (Ex 34,6). Une lecture attentive vous dévoilera que plusieurs grands personnages bibliques découvrent à un certain moment de leur vie que Dieu n’aime pas la violence. Il faut aussi se rappeler que cette séparation entre le peuple élu et le reste de l'humanité était provisoire, car Dieu a toujours eu pour but le salut de l’humanité tout entière.
Maintenant que nous avons en tête ces deux éléments clés, essayons d’examiner les textes de la Bible pour voir si on peut réellement y déceler une pédagogie divine de la violence vers la non-violence. Je vous proposerai donc quelques étapes qui marqueront cette progression dont deux sont tirées de l’Ancien Testament et deux autres du Nouveau Testament.
Voici quelques exemples d’étapes de la pédagogie divine que l’on peut retrouver dans la Bible au sujet de la violence:
1-Le Dieu des Armées
Un des noms les plus anciens donnés à Dieu dans l’Ancien Testament était Yahvé Sabaoth (Dieu les Armées). À cette époque, environ 1000 ans avant Jésus-Christ, le peuple d’Israël percevait leur Dieu comme un Dieu tribal plus puissant que les dieux voisins. Ils croyaient que s’ils restaient fidèles aux préceptes divins, celui-ci devrait en échange détruire leurs ennemies. David, juste avant de vaincre Goliath, lui a dit une phrase qui résume bien cette mentalité : « Tu marches contre moi avec épée, lance et cimeterre, mais moi, je marche contre toi au nom de Yahvé Sabaot, le Dieu des troupes d'Israël que tu as défiées » (1 Sa 17,45). Une fois installé dans la Terre promise, le peuple d’Israël voulait avoir un roi pour leur faire gagner des batailles comme les autres peuples voisins. Malgré les mises en garde de Dieu par le prophète Samuel, ils se donnèrent tout de même des rois, qui les asservirent de longues années au service de l’armée et qui les entraînèrent dans des guerres sanglantes.
2-Le Dieu de la Paix
C’est pendant l’épreuve de l’exil à Babylone que Dieu communiquera au peuple d’Israël une autre réalité. Il va sans dire que l’état de servitude et de désespoir, mêlé à la mémoire de temps glorieux révolus, les a sans doute mieux disposés à comprendre cette révélation. Les victoires militaires ne seront plus désormais le seul critère d’approbation divine et on tendra aussi vers un idéal de paix. C’est ainsi que la paix deviendra progressivement une situation préférée aux guerres. À cette époque, le prophète Ézéchiel, témoin de la destruction de Jérusalem, prophétisait : « Je conclurai avec eux une alliance de paix, je ferai disparaître du pays les bêtes féroces. Ils habiteront en sécurité dans le désert, ils dormiront dans les bois. Je les mettrai aux alentours de ma colline, je ferai tomber la pluie en son temps et ce sera une pluie de bénédictions. L'arbre des champs donnera son fruit et la terre donnera ses produits; ils seront en sécurité sur leur sol. Et l'on saura que je suis Yahvé quand je briserai les barres de leur joug et que je les délivrerai de la main de ceux qui les asservissent. Ils ne seront plus un butin pour les nations, et les bêtes du pays ne les dévoreront plus. Ils habiteront en sécurité, sans qu'on les trouble. » (Ez 34, 27-28)
3-Le Dieu qui désarme et enseigne à pardonner
C’est dans l’enseignement du Roi pacifique par excellence, Jésus-Christ, que la volonté divine sera parfaitement exprimée. Jésus refuse d’utiliser la violence et enseigne à pardonner mêmes aux ennemis. C’est complètement désarmé qu’il va se laisser juger, ridiculiser, torturer puis crucifier par ses bourreaux. Saint-Paul avait bien compris ce message lorsqu’il écrivait aux Romains : « Sans rendre à personne le mal pour le mal, ayant à cœur ce qui est bien devant tous les hommes, en paix avec tous si possible, autant qu'il dépend de vous, sans vous faire justice à vous-mêmes, mes bien-aimés, laissez agir la colère ; car il est écrit : C'est moi qui ferai justice, moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Bien plutôt, si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s'il a soif, donne-lui à boire ; ce faisant, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien. » (Rm 12,17-21)
4-Le Dieu rassembleur de l’humanité
Cette dernière étape n’est pas encore achevée, mais elle est déjà amorcée depuis l’arrivée du Royaume. Lorsque le Christ reviendra, à la fin des temps, la Jérusalem céleste resplendira et tous ceux qui auront persévéré dans le Christ vivront éternellement en Lui. Voici comment cela est représenté dans le songe de Saint Jean lorsqu’il écrit l’Apocalypse : « Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle - car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n'y en a plus. Je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s'est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. J'entendis alors une voix clamer, du trône : " Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n'y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n'y en aura plus, car l'ancien monde s'en est allé. » (Ap 21,1-4)
Conclusion
Faisons maintenant le point sur la question de la violence dans la Bible. Si la question posée est : « Est-ce qu’il y a de la violence dans la Bible ?» Il faut admettre l’affirmative. Par contre, si la question est de savoir « Est-ce que la Bible prône ou encourage la violence ?», nous devons répondre que non. Dire le contraire prouve qu’on s’est contenté d’en lire certains passages isolés ou qu’on a lu sans comprendre. Personnellement, je n’accorderais pas beaucoup de crédit à une personne qui fait une critique d’un livre qu’elle n’a pas complètement lu ou qu’elle n’a pas compris.
Il faut comprendre que la violence dans la Bible sert de point de départ. Elle veut rendre compte des inclinaisons pécheresses de la condition humaine telle qu’elles sont. Elle ne serait qu’une fantaisie utopique si la violence n’y était pas présente. Cependant, la violence y est appelée à être dépassée par la non-violence et même jusqu’à la charité. Nous ne sommes pas condamnés à la violence, résultat du péché, mais nous sommes destinées à en être complètement libérées de la violence et du péché, si nous acceptons le Sauveur que Dieu nous a envoyé en Jésus-Christ et si nous coopérons avec sa grâce.
dieubiblebienChrist
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