Ce dimanche : Personne ne va vers le Père sans passer par moi (Jn 14, 1-12)

1"Que votre cœur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. 2Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père; s'il en était autrement, je vous l'aurais dit, car je vais vous y préparer une place. 3Et lorsque je m'en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi; 4Et là où je vais, vous en savez le chemin." 
Saint Augustin
Le Sauveur voulant prévenir la crainte tout humaine que sa mort pouvait produire dans l'âme de ses disciples et le trouble qui devait s'en suivre, cherche à les consoler, en leur déclarant qu'il est Dieu lui-même: «Et il dit à ses disciples: Que votre coeur ne se trouble point, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi», c'est-à-dire, si vous croyez en Dieu, par une conséquence nécessaire, vous devez croire en moi, conséquence qui ne serait point légitime, si Jésus-Christ n'était pas Dieu. Vous craignez la mort pour la nature du serviteur, que votre coeur ne se trouble point, la nature divine la ressuscitera.
Saint Jean Chrysostome
La f oi que vous aurez en moi et dans mon Père qui m'a engendré, est plus puissante que tous les événements qui peuvent arriver, et aucune difficulté ne peut prévaloir contre elle. Il prouve encore ici sa divinité en dévoilant les pensées les plus intimes de leur âme, et en leur disant: «Que votre coeur ne se trouble point».
Saint Augustin
Comme la prédiction que Jésus avait faite à Pierre, toujours plein de confiance et d'ardeur, qu'il le renierait trois fois avant le chant du coq, avait aussi rempli de crainte les autres disciples, Notre-Seigneur les rassure en leur disant: «Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père». C'est ainsi qu'il calme le trouble et l'agitation de leur âme, en leur donnant l'espérance assurée, qu'après les périls et les épreuves de cette vie, ils seraient pour toujours réunis à Dieu avec Jésus-Christ. Que l'un soit supérieur à un autre en force, en sagesse, en justice, en sainteté, aucun ne sera exclu de cette maison, où chacun sera placé suivant son mérite. Tous recevront également le denier que le père de famille ordonne de donner à ceux qui ont travaillé à sa vigne (Mt 20). Ce denier est le symbole de la vie éternelle, qui n'a pour personne une durée plus longue, parce qu'il ne peut y avoir de durée plus ou moins grande dans l'éternité. Le grand nombre de demeures signifie donc les différents degrés de mérites qui existent dans cette seule et même vie éternelle.
Saint Grégoire le Grand
Ou bien ce grand nombre de demeures s'accorde avec l'unité de denier, parce que bien que l'un goûte une félicité plus grande que l'autre, tous cependant éprouvent un même sentiment de joie dans la claire vue de leur Créateur.
Saint Augustin
Ainsi Dieu sera tout en tous, car comme Dieu est charité par l'effet de cette charité, ce qui est à chacun sera le partage de tous. C'est ainsi que chacun possède les choses qu'il n'a pas en réalité, mais qu'il aime dans un autre. La différence de gloire n'excitera donc aucune envie, parce que l'unité de la charité régnera dans tous les coeurs.
Saint Grégoire le Grand
D'ailleurs les bienheureux n'éprouveront aucun désavantage de cette disparité de gloire, parce que chacun recevra la mesure suffisante pour combler ses désirs.
Saint Augustin
Il faut rejeter comme opposé à la foi chrétienne le sentiment de ceux qui prétendent que cette multiplicité de demeures signifie qu'il y aura en dehors du royaume des cieux un lieu destiné aux âmes innocentes qui seront sorties de cette vie sans avoir reçu le baptême, condition nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Puisque toute la maison des enfants de Dieu, qui sont appelés à régner, ne peut être que dans le royaume, loin de nous la pensée qu'il y ait une partie de cette maison royale qui ne soit point dans le royaume, car le Seigneur n'a pas dit: Dans la béatitude éternelle, mais: «Dans la maison de mon Père il y a un grand nombre de demeures».
Saint Jean Chrysostome
On peut encore rattacher autrement ces paroles à ce qui précède. Le Seigneur avait dit à Pierre: «Là où je vais vous ne pouvez me suivre maintenant, mais vous me suivrez par la suite». Or, les disciples auraient pu regarder cette promesse comme faite exclusivement à Pierre, c'est pour cela qu'il leur dit ici: «Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père», c'est-à-dire, le palais que je destine à Pierre vous est également destiné, car il y a dans ce palais un grand nombre de demeures, et il n'y a point à objecter qu'elles ont besoin d'être préparées, car il s'empresse d'ajouter: «S'il en était autrement, je vous l'aurais dit, je vais vous préparer une place».
Saint Augustin
Ces paroles prouvent suffisamment qu'il leur parle de la sorte, parce qu'il y a dans le ciel un grand nombre de demeures, et qu'il n'est pas besoin d'en préparer quelqu'une.
Saint Jean Chrysostome
Comme il avait dit à Pierre: «Vous ne pouvez pas me suivre maintenant», et qu'ils pouvaient craindre d'être pour toujours séparés de lui, il ajoute: «Et lorsque je m'en serai allé, et vous aurai préparé une place, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi». Quoi de plus propre que ce langage pour leur inspirer une vive confiance en lui?
Théophylactus
Ne semble-t-il pas leur dire, en effet: Que les demeures soient préparées ou ne le soient point, vous ne devez point vous troubler, car en supposant qu'elles ne soient point préparées, je vais moi-même vous les préparer avec toute la sollicitude possible ?
Saint Augustin
Mais comment Notre-Seigneur peut-il aller nous préparer une place, puisque d'après lui, il y a déjà un grand nombre de demeures? C'est qu'elles ne sont pas encore comme elles doivent être préparées, car les demeures qu'il a préparées par la prédestination, il les prépare encore par son action divine. Elles existent donc, déjà dans les décrets de sa prédestination, autrement il aurait dit: J'irai et je préparerai (c'est-à-dire je prédestinerai) une place; mais comme elles ne sont pas encore l'objet de l'action divine, il ajoute: «Et lorsque je m'en serai allé et que je vous aurai préparé une place». Or, il prépare maintenant ces demeures, en leur préparant ceux qui doivent les habiter. En effet, lorsque le Sauveur dit: «Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père»; que devons-nous entendre par cette maison de Dieu, si ce n'est le temple de Dieu, temple dont l'Apôtre dit: «Le temple de Dieu est saint, et c'est vous qui êtes ce temple ?» ( 1 Co 3, 17). Or, cette maison est encore en voie de construction et de préparation. Mais pourquoi faut-il qu'il s'en aille pour cette préparation, puisque c'est lui-même qui nous prépare, ce qu'il ne peut faire, s'il le sépare de nous? Il veut nous enseigner par là, que pour préparer ces demeures, le juste doit vivre de la foi. Si vous jouissez de la claire vue, la foi n'est plus possible. Que le Seigneur s'en aille donc pour se dérober aux regards, qu'il se cache pour devenir l'objet de notre foi, car c'est la vie de la foi qui nous prépare la place. Que la foi nous fasse désirer le Sauveur, afin que les saints désirs nous en mettent en possession. D'ailleurs, si vous l'entendez bien, il ne quitte ni le lieu d'où il paraît s'éloigner, ni celui d'où il est venu jusqu'à nous. Il s'en va en se cachant à nos regards, il vient en manifestant sa présence. Mais s'il ne demeure avec nous pour nous diriger et nous faire avancer dans la voie de la sainteté, le lieu où nous demeurerons avec lui, en jouissant de sa présence, ne nous sera point préparé.
Alcuin d'York
Voici donc le sens de ce qu'il leur dit: «Je m'en vais», (c'est-à-dire, je m'absente corporellement), mais: «Je reviendrai de nouveau», (par la présence de ma divinité), ou bien encore, je reviendrai juger les vivants et les morts. Et comme il prévoyait qu'ils lui demanderaient où il irait, et le chemin qu'il suivrait, il les prévient et leur dit: «Où je vais, vous le savez (c'est-à-dire, vers mon Père), et vous savez la voie» (c'est-à-dire, que j'y vais par moi-même).
Saint Jean Chrysostome
En leur parlant de la sorte, il fait connaître le désir qui était au fond de leur âme et leur offre l'occasion de l'interroger.
5Thomas lui dit: "Seigneur, nous ne savons où vous allez; comment donc en saurions-nous le chemin?" 6Jésus lui dit: "Je suis le chemin, la vérité et la vie; nul ne vient au Père que par moi. 7Si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père. Dès à présent, vous le connaissez et vous l'avez vu." 
Saint Jean Chrysostome
Si les Juifs, qui ne demandaient pas mieux que de se séparer de Jésus-Christ, l'interrogeaient sur le lieu où il devait aller, combien plus les disciples qui ne voulaient pour rien en être séparés, désiraient savoir où il allait? aussi lui font-ils cette question dans un sentiment mêlé d'amour et de crainte: «Thomas lui dit: Seigneur, nous ne savons où vous allez».
Saint Augustin
Notre-Seigneur venait de leur dire qu'ils savaient où il allait, et qu'ils en savaient aussi la voie; Thomas, de son côté, déclare ignorer ces deux choses, mais le Fils de Dieu ne peut mentir; les Apôtres savaient donc, mais ils ignoraient qu'ils savaient, et Notre-Seigneur leur prouve qu'ils savaient ce qu'ils croyaient ignorer: «Jésus lui dit: Je suis la voie, la vérité et la vie».
Saint Augustin
C'est-à-dire, où voulez-vous aller? je suis la voie; où voulez-vous aller? je suis la vérité; où voulez-vous demeurer? je suis la vie. Tout homme est capable de percevoir la vérité et la vie, mais tout homme ne trouve pas la voie qui y conduit. Que Dieu soit une certaine vie éternelle, et une vérité que l'on peut connaître, c'est ce que les philosophes de ce monde ont eux-mêmes compris, mais c'est le Verbe de Dieu qui, dans le sein du Père, est la vérité et la vie qui est devenu la voie en se revêtant de notre humanité. Marchez par cette humanité, et vous arriverez jusqu'à la divinité; car il vaut encore mieux marcher en boitant dans la voie, que de faire de grands pas hors de la voie.
Saint Hilaire
Celui qui est la voie ne vous conduira pas dans des chemins perdus et sans issue; celui qui est la vérité, ne peut vous tromper, et celui qui est la vie ne vous laissera pas dans l'erreur de la mort.
Théophylactus
Lorsque vous menez la vie active, Jésus-Christ est pour vous la voie, lorsque vous persévérez dans la vie contemplative, il devient pour vous la vérité. La vie est le fruit de l'action de la vie contemplative, car il faut nécessairement marcher et annoncer l'Évangile pour mériter la vie future et éternelle.
Saint Augustin
Ils savaient donc la voie, parce qu'ils le connaissaient, lui qui est la voie. Mais qu'était-il besoin d'ajouter qu'il était la vérité et la vie, alors que la voie étant connue, il restait à savoir quel en était le terme, si ce n'est parce qu'il allait à la vérité et à la vie? Il allait donc à lui-même par lui-même. Mais, Seigneur, est-ce que pour venir jusqu'à nous, vous vous étiez quitté vous-même? Je sais que vous avez pris la forme de serviteur, et que vous êtes venu dans une chair mortelle, tout en demeurant où vous étiez d'abord, et vous êtes retourné par cette même chair sans vous séparer de ceux vers lesquels vous étiez venu. Si donc c'est par cette chair que vous êtes venu et que vous êtes retourné, c'est par cette même chair aussi que vous êtes devenu tout à la fois la voie que nous devons prendre pour arriver jusqu'à vous, et la voie par laquelle vous êtes vous-même venu et retourné. Or, lorsque vous êtes retourné vers la vie (qui n'est autre que vous-même), vous avez conduit cette même chair de la mort à la vie. Jésus-Christ est donc allé à la vie lorsque sa chair a passé de la mort à la vie. Et comme le Verbe est la vie, c'est à lui-même qu e le Christ est venu, car le Christ est un composé de ces deux choses, le Verbe et la chair dans une même personne. Dieu était venu par le moyen de la chair vers les hommes, la vérité était venue trouver le mensonge, car Dieu est la vérité, et tout homme est menteur ( Rm 3, 4). Lors donc qu'il s'est dérobé aux regards des hommes, et qu'il a élevé sa chair vers ces hauteurs inaccessibles au mensonge. C'est le même Verbe fait chair qui, par lui-même, c'est-à-dire par sa chair, est retourné vers la vérité, qui n'est autre que lui-même; vérité qu'au milieu même des hommes de mensonge, il a conservée jusque dans la mort. Lorsque moi-même je vous tiens un langage que vous comprenez, je m'avance en quelque sorte vers vous, sans me quitter moi-même, et lorsque je cesse de parler, je reviens comme à moi-même, tout en demeurant avec vous, si vous retenez ce que vous avez entendu. Or, si cela est possible à l'homme, image créée de Dieu, que ne peut point son image substantielle qu'il a engendrée? Il va donc à lui-même par lui-même, et par lui-même au Père, et par lui, nous allons nous-mêmes à lui et au Père.
Saint Jean Chrysostome
Si j'ai le pouvoir de vous conduire au Père, vous ne pouvez manquer d'y arriver, car il n'est pas possible d'y arriver par un autre chemin. En rapprochant ce qu'il a dit précédemment: «Personne ne peut venir à moi, si mon Père ne l'attire», de ce qu'il déclare ici que personne ne peut venir à son Père que par lui, il se proclame l'égal de celui qui l'a engendré. Mais comment après avoir dit: «Vous savez où je vais, et vous en savez la voie», ajoute-t-il: «Si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père», c'est-à-dire, si vous connaissiez ma nature et ma dignité, vous connaîtriez aussi la nature et la dignité du Père. Il n'y a point ici contradiction, car ils connaissaient, mais d'une connaissance imparfaite, il était réservé à l'Esprit saint de leur donner cette connaissance dans toute sa perfection. C'est pour cela qu'il ajoute: «Bientôt vous le connaîtrez (il veut parler d'une connaissance tout à fait spirituelle), et vous l'avez déjà vu (c'est-à-dire par moi) »; il leur apprend ainsi que celui qui le voit, voit son Père, or, ils l'avaient vu, non dans sa nature divine, mais sous le voile de la chair dont il était revêtu.
Bède le Vénérable
Il nous faut examiner maintenant comment Notre-Seigneur a pu dire à ses disciples: «Si vous m'aviez connu», etc. Après leur avoir dit précédemment: Là où je vais, vous le savez, et vous savez le chemin. La réponse à cette difficulté est que parmi les Apôtres, quelques-uns le savaient, et d'autres, du nombre desquels était Thomas, l'ignoraient.
Saint Hilaire
On peut encore rattacher ces paroles entre elles d'une autre manière. Comme on ne peut aller au Père que par le Fils, il faut examiner si c'est par renseignement de sa doctrine ou par la foi en sa nature divine. La réponse à cette question se trouve dans les paroles qui suivent: «Si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père». En effet, le Sauveur a suivi cet ordre dans le mystère de son incarnation, qui avait pour objet de confirmer la nature divine de son Père, il a distingué le temps de la vision du temps de la connaissance; celui qu'ils doivent connaître bientôt, ils l'ont déjà vu et ils devaient recevoir par l'effet de la révélation l'intelligence de la nature divine qu'ils avaient déjà contemplée en lui.
8Philippe lui dit: "Seigneur, montrez-nous le Père, et cela nous suffit." 9Jésus lui répondit: "Il y a longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu? Philippe, celui qui m'a vu, a vu aussi le Père. Comment peux-tu dire: Montrez-nous le Père! 10Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même: le Père qui demeure en moi fait lui-même ces œuvres. 11Croyez sur ma parole que je suis dans le Père, et que le Père est en moi. 
Saint Hilaire
La nouveauté de ce langage étonne l'apôtre Philippe, on ne voit en Jésus-Christ qu'un homme, et il se proclame le Fils de Dieu, il déclare qu'en le connaissant on connaît son Père, et que qui le voit voit son Père; Philippe fait au Sauveur cette question qu'autorisait son titre d'Apôtre: «Seigneur, montrez-nous votre Père, et cela nous suffit». Il ne nie pas qu'on puisse voir son Père en lui, mais il demande qu'on le lui montre, non pas comme un spectacle extérieur propre à satisfaire les regards du corps, mais comme une démonstration intellectuelle qui lui fasse comprendre celui qu'il désire voir; car il avait bien vu le Fils de Dieu sous une forme humaine, mais il ne savait pas comment en le voyant, il pouvait voir le Père. Et comme preuve que cette manifestation qu'il désire est plutôt une démonstration de l'intelligence qu'une vision extérieure, il ajoute: «Et cela nous suffira».
Saint Augustin
Cette joie dont il nous comblera en nous montrant son visage ( Ps 15, 11), ne nous laissera plus rien à désirer, et c'est ce qu'avait bien compris Philippe, lorsqu'il disait: «Seigneur, montrez-nous le Père, et cela nous suffit». Mais il n'avait pas encore compris qu'il pouvait également dire à Jésus-Christ: «Seigneur, montrez-vous à nous, et cela nous suffit, car c'est pour lui faire comprendre cette vérité, que Notre-Seigneur ajoute: «Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ?»
Saint Augustin
Mais comment le Sauveur peut-il leur faire ce reproche, alors qu'ils savaient bien où il allait, ainsi que la voie qui y conduisait, par cela seul qu'ils le connaissaient lui-même? Cette question peut facilement se résoudre, en disant que parmi les Apôtres, quelques-uns connaissaient Jésus-Christ, mais que quelques autres ne le connaissaient pas, et que de ce nombre était Philippe.
Saint Hilaire
Le Sauveur fait donc un reproche à cet Apôtre, de ce qu'il ne le connaît point, car la plupart des actions qu'il avait faites, comme de marcher sur la mer, de commander aux vents, de remettre les péchés, de rendre la vie aux morts, étaient visiblement les oeuvres d'un Dieu; toute la difficulté venait de ce que sous le voile de l'humanité qu'il avait prise, Philippe n'avait pas compris l'existence de la nature divine. Aussi à la demande que lui fait cet Apôtre, de lui montrer son Père, il répond: «Philippe qui me voit, voit mon Père».
Saint Augustin
En effet, lorsque nous parlons de deux personnes parfaitement semblables, nous disons: «Si vous avez vu l'une, vous avez vu l'autre». C'est dans ce sens que Notre-Seigneur dit: «Celui qui me voit, voit mon Père», non pas que le Père soit le même que le Fils, mais parce que le Fils a une entière et parfaite ressemblance avec le Père.
Saint Hilaire
Notre-Seigneur ne veut point parler ici de la vue des yeux du corps, car la chair qui est née de la vierge Marie, ne peut servir à découvrir en Jésus-Christ la nature divine, mais c'est l'intelligence que nous avons du Fils de Dieu qui nous fait comprendre le Père, car si le Fils est l'image du Père, il a avec lui une même nature, et cette expression signifie simplement qu'il a été engendré. Les paro les du Sauveur ne laissent point supposer, en effet, une seule et unique personne, bien qu'elles expriment l'unité de nature, car en ajoutant: «Voit le Père», il exclut la supposition d'une personne unique, et nous force d'admettre qu'en vertu de l'unité de nature, le Père est vu dans le Fils.
Saint Augustin
Mais doit-on faire des reproches à celui qui, voyant une personne parfaitement semblable à une autre, désire voir l'autre terme de la ressemblance? Nous répondons que le Sauveur reprend son disciple, parce qu'il voyait le fond de son coeur; Philippe désirait connaître le Père, comme si le Père était supérieur au Fils, et par là-même il ne connaissait pas le Fils, en supposant qu'il existait un être qui lui fût supérieur. C'est pour redresser cette erreur que Notre-Seigneur lui dit: «Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ?» C'est-à-dire, si c'est beaucoup pour vous de voir le Père dans le Fils, croyez au moins ce que vous ne voyez pas.
Saint Hilaire
Comment pouvait-on encore ignorer le Père, et quelle nécessité de le faire connaître à ceux qui l'ignoraient, alors qu'on pouvait le voir dans le Fils? Or, on le voyait, parce qu'ils ont une commune nature, et qu'en vertu de cette nature absolument semblable, celui qui engendre et celui qui est engendré ne sont qu'un, selon ces paroles du Sauveur: «Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ?»
Saint Augustin
Le Sauveur voulait qu'il vécût de la foi avant de parvenir à la claire vision, car la contemplation est la récompense de la foi, et c'est la foi qui prépare les coeurs à cette récompense en les purifiant.
Saint Hilaire
Or, le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, non par la double union de deux natures qui se rencontrent, ni par l'union d'une nature supérieure qui vient s'enter sur une autre nature, parce que les choses intérieures ne peuvent être soumises aux nécessités des dimensions corporelles, et demeurer extérieures aux choses qui les contiennent, mais le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, en vertu de sa naissance d'une nature vivante sortant d'une autre nature vivante, c'est-à-dire, en vertu de la naissance d'un Dieu engendré par un Dieu.
Saint Hilaire
En eff et, Dieu qui est immuable, agit conformément à sa nature en engendrant une nature immuable, et cette naissance parfaite d'un Dieu immuable qui sort du sein d'un Dieu immuable, lui conserve toute la perfection de sa nature. Nous comprenons donc que la nature divine est en lui, en ce sens que c'est Dieu qui est dans Dieu, et qu'il n'y a point d'autre Dieu en dehors de lui qui est Dieu.
Saint Jean Chrysostome
On peut encore donner une autre explication de ce passage. Philippe voulait voir le Père des yeux du corps, parce qu'il pensait avoir vu le Fils de la sorte, peut-être aussi, parce qu'il avait entendu dire aux prophètes qu'ils avaient vu le Seigneur, c'est sous cette impression qu'il dit à Jésus: «Montrez-nous le Père». Les Juifs lui avaient souvent fait cette question: «Quel est votre Père ?» Pierre et Thomas lui avaient demande où il allait, et ni les uns ni les autres n'avaient compris sa réponse. Philippe donc voulant éviter le reproche d'importunité, se contente de lui dire: «Montrez-nous 1e Père, et cela nous suffit», c'est-à-dire, nous ne demandons rien autre chose. Or, le Sauveur ne lui répond point: «Vous demandez une chose impossible»; mais il lui fait comprendre qu'il n'a même pas vu le Fils, car s'il avait pu le voir, il aurait vu aussi le Père, et c'est le sens de ces paroles: «Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père». Il ne lui dit pas: Vous ne m'avez pas vu, mais: «Vous ne m'avez pas connu», c'est-à-dire, vous n'avez pas compris que le Fils demeurant ce qu'est le Père, peut très-bien montrer en lui celui qui l'a engendré. Il distingue ensuite les deux personnes, en ajoutant: «Celui qui me voit, voit aussi mon Père», pour prévenir cette erreur que le Fils est une même personne avec le Père. Il lui montre maintenant qu'il n'a point vu le Fils des yeux du corps. Si quelqu'un veut donner ici au mot voir la signification du mot connaître, je ne m'y oppose point, et tel serait alors le sens de ces paroles: «Celui qui me connaît, connaît aussi le Père». Mais ce n'est point la pensée du Sauveur, qui a voulu exprimer sa consubstantialité avec son Père en ces termes: Celui qui a vu ma nature, a vu la nature de mon Père. Il résulte de là qu'il n'est pas une simple créature, car celui qui voit un être créé ne voit pas Dieu. Philippe, d'ailleurs, désirait voir la nature du Père. Si donc le Sauveur avait une nature différente de son Père, il ne dirait pas: «Celui qui me voit, voit mon Père», car personne ne peut voir la nature de l'or dans celle de l'argent; une nature ne peut faire voir en elle-même une nature toute différente.
Saint Augustin
Le Sauveur s'adresse ensuite non plus à Philippe seul, mais a tous ses apôtres: «Les paroles que je vous dis, je ne vous les dis pas de moi-même»; que signifie cette manière de s'exprimer: «Je ne parle pas de moi-même», si ce n'est: Moi qui vous parle, je ne suis pas de moi-même? Il attribue ainsi ce qu'il fait à celui de qui lui vient avec l'être le pouvoir d'agir.
Saint Hilaire
Il ne nie donc pas qu'il soit le Fils, il ne dissimule pas non plus la puissance de la nature paternelle qui est en lui, car lorsqu'il parle, il parle dans sa propre nature, et en déclarant qu'il ne parle pas de lui-même, il atteste en lui la naissance divine qui le fait naître d'un Dieu.
Saint Jean Chrysostome
Voyez avec quelle abondance de preuves il établit l'unité de la nature divine: «Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les oeuvres que je fais». C'est-à-dire, mon Père et moi n'agissons point d'une manière différente, comme il le dit ailleurs: «Si je ne fais point les oeuvres de mon Père, ne croyez pas en moi». Mais pourquoi passe-t-il des paroles aux oeuvres? Il paraissait convenable de dire: C'est lui qui dit les paroles que je prononce, mais il veut donner ici deux preuves différentes empruntées, l'une à la doctrine, l'autre aux miracles; ou encore, parce que les paroles étaient ici comme des oeuvres.
Saint Augustin
En effet, celui qui édifie son prochain par ses discours, fait une bonne oeuvre. Ces deux propositions ont été pour des hérétiques différents, la matière d'une double difficulté. Le Fils n'est point égal au Père, disent les Ariens, puisqu'il ne parle point de lui-même. Le Père est la même chose que le Fils, disent à leur tour les Sabelliens, car que signifient ces paroles: «Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les oeuvres que je fais», si ce n'est: Je demeure en moi-même, moi qui fais ces oeuvres?
Saint Hilaire
Que le Père demeure dans le Fils, cela n'indique pas une seule et même personne; que d'un autre côté, le Père agisse par le Fils, on ne peut en conclure qu'ils soient d'une nature différente. Disons encore que celui qui ne parle point de lui-même, prouve par-là même qu'il n'est pas seul, et que celui qui parle par lui n'est pas d'une nature différente. Or, après avoir enseigné que le Père parlait et agissait en lui, il apportait la foi à cette unité parfaite entre lui et son Père, en ajoutant: «Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ?» Tant il veut que nous croyons que le Père parle et agit dans son Fils, non par un effet de sa puissance, mais par l'effet de la génération divine et de l'unité de nature.
Saint Augustin
Jusque-là Notre-Seigneur n'avait adressé de reproches qu'à Philippe, il fait voir maintenant qu'il n'était pas le seul qui les méritât, en disant à tous: «Croyez au moins à cause de mes oeuvres ?»
Saint Jean Chrysostome
Si ce que j'ai dit ne suffit pas pour vous convaincre que je suis consubstantiel à mon Père, apprenez-le du moins par mes oeuvres». C'est le sens de ces paroles: «Croyez-le du moins à cause de mes oeuvres». Vous avez vu des miracles faits avec autorité, vous avez vu en moi tous les signes les plus évidents de divinité, les péchés remis, les morts ressuscités, et d'autres prodiges semblables.
Saint Augustin
Croyez donc au moins à cause de mes oeuvres, que je suis dans mon Père et que mon Père est en moi; car si nous avions une nature distincte, nous ne pourrions nullement agir avec autant d'unité.
12Croyez-le du moins à cause de ces œuvres. En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes.
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur venait de dire à ses disciples: «Croyez du moins à cause de mes oeuvres»; il veut leur apprendre maintenant que non-seulement il peut faire des oeuvres semblables, mais qu'il peut en faire de plus grandes et (ce qui est encore plus admirable), qu'il peut communiquer à d'autres ce pouvoir: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui-même les oeuvres que je fais, et en fera encore de plus grandes».
Saint Augustin
Mais quelles sont ces oeuvres plus grandes? Est-ce d'avoir guéri les malades par l'ombre seule de son corps lorsqu'ils passaient? (Ac 5, 15). Car c'est une action plus merveilleuse de guérir par l'ombre seule de son corps que par la frange de son vêtement. Toutefois en s'exprimant de la sorte, le Sauveur avait en vue les faits et les oeuvres de ses paroles; en effet, lorsqu'il dit: «Mon Père qui demeure en moi, opère lui-même les oeuvres»; de quelles oeuvres voulait-il parler? évidemment des paroles qu'il disait. Et le fruit de ces paroles, c'était la foi de ses disciples; mais lorsque ses disciples eux-mêmes prêchèrent l'Évangile, ceux qui se convertirent furent beaucoup plus nombreux qu'ils n'étaient eux-mêmes, puisque les nations elles-mêmes embrassèrent la foi. Ne voyons-nous pas ce jeune homme riche se retirer de Jésus plein de tristesse après l'avoir entendu? (Mt 19) Et cependant le conseil qu'un seul ne put se décider à pratiquer sur la recommandation du Sauveur, un grand nombre l'embrassèrent avec ardeur à la prédication des Apôtres. Il a donc fait de plus grandes oeuvres lorsqu'il a été prêché par ceux qui croyaient, que lorsqu'il parlait lui-même à ceux qui recrutaient. Mais voici une autre difficulté, ces oeu vres plus grandes n'ont été faites que par les Apôtres; or, ce n'est pas seulement d'eux que le Sauveur veut parler, lorsqu'il dit: «Celui qui croit en moi». Ou bien ne doit-on compter parmi ceux qui croient en Jésus-Christ que ceux qui auraient fait des oeuvres plus grandes que les siennes? Cette conséquence serait dure, elle serait même absurde, si on ne comprenait bien ces paroles. L'Apôtre dit: «Lorsqu'un homme, sans faire des oeuvres, croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (Rm 4, 5). En cela nous faisons les oeuvres de Jésus-Christ, car c'est faire l'oeuvre de Jésus-Christ que de croire en lui; c'est une oeuvre qu'il fait en nous, non toutefois sans notre concours. Entendez donc bien le sens de ces paroles: Celui qui croit en moi, fera aussi les oeuvres que je fais; je les fais le premier, et il les fera après moi, parce que je ne les fais le premier que pour qu'il les fasse à mon exemple. Or, quelles sont ces oeuvres? la justification du pécheur, c'est ce que le Chr ist opère dans le pécheur, mais avec le concours de sa volonté. Or, c'est là une oeuvre plus grande que la création du ciel et de la terre, car le ciel et la terre passeront, mais le salut et la justification des prédestinés demeureront à jamais. Les anges dans les cieux, sont aussi l'oeuvre de Jésus-Christ, pouvons-nous dire que celui qui coopère à la grâce de Jésus-Christ pour sa justification, fait une oeuvre plus grande que la création des anges? Que celui qui en est capable, juge si la création des justes est une oeuvre plus grande que la justification des pécheurs, si l'une et l'autre de ces deux oeuvres annoncent une puissance égale, la seconde exige une plus grande miséricorde. D'ailleurs il n'est nullement nécessaire d'entendre de toutes les oeuvres de Jésus-Christ ces paroles: «Il fera de plus grandes oeuvres que les miennes». Peut-être n'a-t-il voulu parler que des oeuvres qu'il opérait alors, et en ce moment il ne faisait qu'enseigner la doctrine de la foi; or, enseigner la doctrine de la justice (ce que Jésus a fait sans nous), c'est faire moins que de justifier les pécheurs, ce qu'il a fait en nous avec le concours de notre volonté.

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