Le massacre des saints innocents est-il historique?


Matthieu 2,12 nous dit que les rois mages ont été avertis dans un rêve de ne pas retourner à Hérode le Grand après avoir visité Jésus et sa famille. Ils sont donc partis pour leur pays par un autre chemin. Hérode, se rendant compte qu’ils ne viendraient pas le revoir, a ensuite ordonné l'exécution de tous les enfants de sexe masculin de moins de deux ans vivant à Bethléem (Matthieu 2, 16). L'athée C.J. Werleman a écrit à propos de cette histoire:

Il n'y a aucune trace du roi Hérode ou d'un souverain romain ayant ordonné un tel infanticide. En fait, l'historien antique Josèphe, qui a longuement relaté les crimes d'Hérode, ne mentionne pas ce meurtre d’enfants, qui aurait sans aucun doute été le plus grand crime d'Hérode.

Une façon de défendre le récit de Matthieu serait de dire qu'il n'avait pas l'intention d'écrire une histoire littérale de la naissance de Jésus. Au lieu de cela, Matthieu utilise divers procédés narratifs, y compris de la fiction, afin de souligner la réalité que Jésus était le « nouveau Moïse ». L'un de ce procédé serait la création d'une histoire qui serait parallèle au massacre des enfants hébreux dont Moïse a été épargné (Exode 1, 22).

Mais cette approche des Écritures témoigne souvent d'une « herméneutique du soupçon » et commence par une hypothèse qui nie non seulement le miraculeux, mais aussi le providentiel. De ce point de vue, les événements historiques réels ne peuvent pas « rimer » les uns avec les autres afin de démontrer la souveraineté de Dieu dans le temps et l'espace. Toutes ces « merveilleuses coïncidences » doivent être expliquées comme n’étant que les inventions d'un auteur plutôt banal qui ne fait que puiser dans des sources écrites plus anciennes.

Cependant, les preuves montrent que les Évangiles ne sont pas de ce type de récit purement allégorique. Le récit de Matthieu sur la naissance de Jésus diverge considérablement de l'histoire de la naissance de Moïse. Par exemple, Jésus est élevé par sa mère au lieu d'être dans la cour d'Hérode et Moïse s'enfuit à l'âge adulte d'Égypte tandis que Jésus s'y enfuit lorsqu’il était enfant. Dans son livre Jésus de Nazareth: les récits de l'enfance, le pape Benoît XVI écrit:

Matthieu et Luc – chacun à sa manière propre – voulaient non pas tant raconter des « histoires » qu’écrire une histoire, une histoire réelle, qui a eu lieu, certainement une histoire interprétée et comprise selon la parole de Dieu. Cela signifie aussi qu’il n’y avait pas une intention de raconter de façon complète, mais de noter ce qui, à la lumière de la Parole et pour que la communauté naissante de la foi, apparaissait important. Les récits de l’enfance sont une histoire interprétée et, à partir de l’interprétation, écrite et condensée.

Mais qu'en est-il de l'argument du silence que font des athées comme Werleman? Si ce massacre a vraiment eu lieu, alors pourquoi aucun autre auteur - biblique ou non biblique - ne l'a rapporté dans ses écrits?

Tout d'abord, Marc et Jean ne discutent d'aucun des événements entourant la naissance de Jésus, donc nous ne nous attendrions pas à ce qu'ils parlent du massacre des Innocents. Deuxièmement, les récits de Luc et Matthieu sont complémentaires, pas redondants, et il n'est donc pas surprenant qu'il y ait des détails uniques à chaque récit, que ce soit la description de Matthieu du massacre des Innocents par Hérode ou la description de Luc de l'enrôlement de la population par César Auguste dont les auteurs ultérieurs décrivent comme un « recensement » (Luc 2, 1).

Un tel acte de cruauté correspond parfaitement au caractère paranoïaque et impitoyable d'Hérode, ce qui renforce l'argument de son historicité. L’historien juif contemporain de Jésus Flavius Josèphe raconte qu'Hérode a rapidement exécuté toute personne qu'il percevait comme menaçant son règne, y compris sa femme et ses enfants (Antiquités 15.7.5–6 et 16.11.7). Deux érudits juifs ont fait valoir qu'Hérode souffrait de « trouble de la personnalité paranoïaque » et César Auguste a même déclaré qu'il était plus sûr d'être le porc d'Hérode que son fils.

Aussi, la ville de Bethléem au premier siècle était un petit village qui aurait inclus, au maximum, une douzaine d'hommes de moins de deux ans. Josèphe, s'il était même au courant du massacre, ne pensait probablement pas qu'un événement isolé comme les tueries de Bethléem devait être rapporté, d'autant plus que l'infanticide dans l'Empire romain n'était pas une abomination morale comme c'est le cas aujourd’hui dans notre monde occidental moderne.

Le massacre d'Hérode n'aurait pas non plus été le premier événement historique que Josèphe n'a pas rapporté. Nous savons par Suétone et par le livre des Actes que l'empereur Claude a expulsé les Juifs de Rome en 49 apr. J.-C., mais ni Josèphe ni l'historien romain du Tacite du IIe siècle n'enregistrent cet événement (Actes 18). Josèphe a également omis d'enregistrer la décision de Ponce Pilate d'installer des boucliers dorés blasphématoires à Jérusalem, ce qui a poussé les Juifs à demander à l'empereur de les retirer. Le philosophe alexandrin Philon a été la seule personne à écrire sur cet événement.

Parfois, les historiens choisissent de ne pas enregistrer un événement et leurs raisons ne peuvent pas toujours être déterminées. Au XIXe siècle, le pape Léon XIII a noté le double standard chez les critiques lorsqu’ « ils ont tant de confiance dans les livres profanes et dans les documents du passé, qu'ils les invoquent comme s'il ne pouvait exister à ce sujet aucun soupçon d'erreur, tandis qu'ils refusent toute créance aux Livres sacrés, à la moindre, à la plus vaine apparence d'inexactitude, et ce même sans aucune discussion» (Providentissimus Deus, 20).

Nous devrions pointer ce double standard lorsque les critiques exigent que chaque événement enregistré dans les Écritures, y compris le massacre des Saints Innocents, soit corroboré dans d'autres récits non bibliques avant de pouvoir être considéré comme historique.


Cet article est une traduction personnelle de l’article « Is the Massacre of the Holy Innocents Historical? » de Trent Horn pour Catholic Answers

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