9 choses à savoir au sujet du nouveau document du Vatican sur les juifs, le salut et l'évangélisation

Le Saint-Siège vient de publier un nouveau document portant sur le peuple juif, le salut et l'évangélisation.

Voici 9 choses à savoir et à partager à son sujet …

1) Quel est ce nouveau document?

Il est intitulé « Les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables » et il a été publié par la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme.

Le titre est une citation de saint Paul, qui se réfère à la façon dont le peuple juif « sont aimés à cause de leurs pères. Car les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables » (Romains 11, 28-29).

Le document lui-même commémore le cinquantième anniversaire de la déclaration de Vatican II Nostra Aetate, qui portait sur les relations de l'Église avec les autres religions et, en particulier, avec le judaïsme.

2) Quelle est l'autorité du nouveau document a-t-il?

La préface du document affirme :

Il ne s’agit ni d’un document magistériel, ni d’un enseignement doctrinal de l’Église catholique, mais d’une réflexion préparée par la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme sur quelques-unes des questions théologiques courantes développées depuis le Concile Vatican II.

Par conséquent, il n’engage pas l'autorité du Magistère. Sauf bien sûr quand il répète un enseignement déjà existant du Magistère.

Quand il ne le fait pas, il offre un aperçu de la pensée actuelle du Saint-Siège. Cela inclut la pensée de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a été impliquée dans la rédaction du document et qui l'a approuvé avant sa publication (comme l'indique clairement la conférence de presse où le document a été publié).

3) Qu'est-ce que le document contient?

Il contient sept sections. La première section fait un survol de l'histoire des relations judéocatholiques des cinquante dernières années et des derniers échanges et objectifs pour le dialogue entre les deux communautés (par exemple, une meilleure compréhension de l'autre, coopération pratique sur les problèmes sociaux).

Les sections centrales traitent diverses questions théologiques.

La section 2 traite du statut unique du dialogue judéocatholique. Il fait valoir que le christianisme est enraciné dans le judaïsme, que Jésus et les premiers chrétiens étaient juifs et que cela signifie que l'Église considère différemment le judaïsme que de tout autre religion mondiale.

La section 3 traite de la révélation de Dieu dans le cours de l'histoire et de la façon dont elle est perçue par les deux communautés. Il note en particulier que pour les Juifs, la Torah (qui contient les livres de la Genèse au Deutéronome) est fondamentale, alors que pour les chrétiens c’est la personne de Jésus-Christ qui est fondamentale.

La section 4 traite de la relation entre l'Ancien et le Nouveau Testament et entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance.

La section 5 traite de l'universalité du salut en Jésus-Christ et de l'alliance non révoquée de Dieu avec Israël.

Enfin, la section 6 traite de la mission d’évangélisation de l’Église en rapport au judaïsme.

Dans chacune de ces sections, il y a un certain nombre de points positifs et encourageants.

4) Quels sont certains des points positifs et encourageants?

Il y a trop de matière pour tout décortiquer en détail dans cet article, mais les points importants traitent de :

  • Le supersessionisme
  • L'Ancienne Alliance
  • Le salut
  • L’évangélisation

5) Qu'est-ce que le supersessionisme et qu'est-ce que le document dit à ce sujet?

Le supersessionisme est la croyance que l'Église s’est complètement réapproprié les promesses de Dieu concernant Israël, de sorte qu'aujourd'hui, le peuple juif n’a aucun statut particulier que ce soit.

Le document note que, bien que ce point de vue a été courant dans certaines périodes de l'histoire de l'Église, il n’est pas l'enseignement de l'Église.

En fait, le titre du document lui-même indique le rejet du supersessionisme: le but de Saint-Paul est de montrer que Dieu aime toujours le peuple juif et qu’il a encore un statut spécial devant lui, car il leur a donné des dons et un appel qui sont irrévocables.

Ainsi, le document précise:

L'Église est appelée le nouveau peuple de Dieu (voir Nostra Aetate, 4), mais pas dans le sens où le peuple de Dieu d'Israël aurait cessé d'exister.

6) Qu'est-ce que le document dit à propos de l'Ancienne Alliance?

Il répète l’enseignement déjà établi de l'Église, qui affirme que l'alliance que Dieu a faite avec Israël reste valable et n'a pas été révoqué.

Fait intéressant, il souligne que cet enseignement n'a pas été articulé par Nostra Aetate, mais qu’il a d'abord été enseigné explicitement par saint Jean-Paul II en 1980.

Le document cite ainsi le Catéchisme quand il dit:

L'Ancienne Alliance n’a jamais été révoquée (Catéchisme de l’Église catholique #121).

Ce que cela signifie précisément est quelque chose que le document n’explore pas entièrement. Cependant, voici une discussion (en anglais) utile à ce sujet du cardinal Avery Dulles.

7) Qu'est-ce que le document dit au sujet du salut?

Dans les dernières années, un point de vue a été proposé au fait qu'il y aurait deux chemins vers le salut : un pour les Juifs et un autre pour les chrétiens. Cette théorie affirme que nous avons tous deux une alliance avec Dieu et que chacune d’elles nous pourvoirait de la grâce salvatrice. Il n'y aurait aucune nécessité pour les Juifs à devenir chrétiens ou pour les chrétiens de proclamer Jésus aux Juifs. Ils auraient leurs propres arrangements avec Dieu, qui seraient tout à fait suffisants pour eux.

Aussi attrayant que ce point de vue puisse être en ce qui concerne d’être dispensé par rapport à l'évangélisation, en particulier à la lumière de la persécution historique des juifs par les chrétiens dans de nombreux endroits, il demeure tout de même tout à fait incompatible avec les données bibliques.

Jésus ne fut pas un gentil et il ne mourut pas seulement pour les péchés des païens. Il était un Juif, il est mort pour racheter aussi le peuple juif et il a fait en sorte que l'Évangile soit proclamé d’abord et avant tout au peuple juif durant sa vie. Ses premiers disciples étaient juifs, et il leur a dit : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie; nul ne vient au Père que par moi » (Jean 14, 6).

En conséquence, ses disciples juifs ont compris que « le salut n'est en aucun autre, car il n'est sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Actes 4, 12).

La théorie des « deux voies » provient d'une compréhension fondamentalement erronée du message chrétien, rendue possible en partie parce que le christianisme s’est coupé de ses racines juives et le traite d'une manière anhistorique, comme si elle était un phénomène touchant uniquement les gentils.

La bonne nouvelle est que le nouveau document rejette la théorie des « eux voies » avec force, à plusieurs reprises:

Il faut donc en conclure qu’il n’y a pas deux voies vers le salut, selon l’expression : « Les juifs suivent la Torah, les chrétiens suivent le Christ ». La foi chrétienne proclame que l’œuvre de salut du Christ est universelle et s’étend à tous les hommes. La parole de Dieu est une réalité une et indivisible, qui prend une forme concrète dans chaque contexte historique particulier ...
Puisque Dieu n’a jamais révoqué son alliance avec Israël, son peuple, il ne peut pas y avoir deux voies ou approches différentes menant au salut de Dieu. Affirmer qu’il existe deux chemins différents, celui des juifs sans le Christ et celui avec le Christ, qui est pour les chrétiens Jésus de Nazareth, reviendrait à remettre en question les fondements mêmes de la foi chrétienne. La confession de la médiation universelle et donc exclusive du salut par Jésus Christ est au cœur de la foi chrétienne, tout comme l’est aussi la confession qu’il n’existe qu’un seul Dieu, le Dieu d’Israël qui, en se révélant en Jésus Christ, s’est entièrement manifesté comme le Dieu de tous les hommes, car en lui s’est accomplie la promesse selon laquelle tous adoreront le Dieu d’Israël comme l’unique Dieu (cf. Is 56, 1-8) ...
C’est pourquoi le document « Notes pour une présentation correcte des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Église catholique », publié en 1985 par la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme du Saint-Siège, affirme que l’Église et le judaïsme ne sauraient être présentés comme « deux voies de salut parallèles », et que l’Église doit « témoigner du Christ Rédempteur à tous » ...
Pour l’Église, le Christ est le Rédempteur de tous. En conséquence, il ne peut y avoir deux voies menant au salut puisque le Christ est venu sauver les gentils, mais également les juifs.

On a l'impression que les auteurs du document voulaient vraiment clouer le cercueil de la théorie des deux voies et cela est encourageant, car cela est vrai : le rôle unique de Jésus comme Sauveur de tous les hommes (juifs inclus) est fondamental à la foi chrétienne.

8) Est-ce que le document implique que les non-chrétiens juifs ne peuvent pas être sauvés?

Non et on ne devrait pas s’y attendre. L'Église reconnaît que le salut est possible pour les personnes qui, sans aucune faute de leur part, n’embrassent pas la foi chrétienne dans cette vie. Ainsi Vatican II a déclaré:

En effet, ceux qui, sans qu’il y ait de leur faute, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel (Lumen Gentium 16).

Cependant, dans de tels cas, parce que le Christ est le Sauveur de tous les hommes, c’est encore par Jésus que ces gens sont sauvés. Ils ne le réalisent tout simplement pas dans cette vie.

Par conséquent, ce n’est pas une surprise lorsque le nouveau document stipule:

De la profession de foi chrétienne qu’il ne peut y avoir qu’une seule voie menant au salut, il ne s’ensuit d’aucune manière que les juifs sont exclus du salut de Dieu parce qu’ils n’ont pas reconnu en Jésus Christ le Messie d’Israël et le Fils de Dieu.

Ce qui est un peu surprenant est que, au lieu de pointer vers l'enseignement de l'Église qui affirme que les gens qui n’auraient pas embrassé la foi chrétienne sans aucune faute de leur part peuvent être sauvés, le document pointe à des éléments de la pensée de saint Paul pour montrer qu'il aurait reconnu la possibilité du salut pour les juifs non chrétiens.

Cette partie du document ne reprend pas un enseignement existant de l'Église et il est donc ouvert aux discussions. Personnellement, je dois réfléchir à l'argument qu'ils présentent pour voir comment il peut fonctionner.

Le document dit aussi:

Du point de vue théologique, le fait que les juifs prennent part au salut de Dieu est indiscutable ; mais comment cela est possible, alors qu’ils ne confessent pas explicitement le Christ, demeure un mystère divin insondable.

La première partie est vraie, mais je ne suis pas certain de ce qu'ils veulent dire en référence à ce qui demeure un mystère divin insondable, sauf s’ils ont à l'esprit la façon mystérieuse selon laquelle Dieu peut appliquer sa grâce extrasacramentellement à tous les non-chrétiens qui sont sauvés.

9) Qu'est-ce que le document dit à propos de l'évangélisation?

Il reconnaît que les chrétiens ont le devoir d'évangéliser et que cela inclut les juifs.

Plusieurs personnes dans les médias et dans la blogosphère se trompent (grande surprise!) et indiquent que le Saint-Siège a dit que les chrétiens ne devraient pas évangéliser les Juifs, mais le document affirme le contraire.

Le document dit bien que l'évangélisation du peuple juif est une question sensible pour de multiples raisons, notamment le fait que pour de nombreux juifs, cela semble remettre en cause leur existence en tant que peuple. L'histoire des persécutions juives par des chrétiens, y compris l’Holocauste allemand au 20e siècle, alourdit aussi les discussions.

Il établit ensuite une distinction entre les efforts de l’Église pour soutenir les efforts particuliers pour l'évangélisation des juifs et les efforts ordinaires et organiques de chrétiens individuels dans le partage de leur foi avec les Juifs.

Concernant le premier, le document dit :

En pratique, cela signifie que l’Église catholique ne conduit et ne promeut aucune action missionnaire institutionnelle spécifique en direction des juifs.

Le mot clé ici est « institutionnelle ». Il dit que l'Église n'a pas de Commission pontificale pour la conversion des Juifs et qu'il ne fournit pas de soutien à des institutions indépendantes consacrées aux travaux missionnaires envers les juifs (par exemple, un équivalent catholique des « Juifs pour Jésus »).

Le document poursuit en disant que « l’Église rejette par principe toute mission institutionnelle auprès des juifs ».

Quel principe ont-ils à l'esprit, je n’en suis pas certain. On peut comprendre pourquoi, pour des raisons pratiques, l'Église n'a pas de dicastère de la Curie romaine consacré à l'évangélisation des juifs et pour apporter un soutien à des organisations indépendantes qui font ce travail.

Si l’Église de menait ou soutenait officiellement des efforts institutionnels d'évangélisation des juifs, à la lumière de l'histoire, cela pourrait enflammer les sensibilités juives et servir d’obstacle à un partage efficace de l'Évangile avec les personnes juives.

Toutefois, s’ils ont quelque chose d’autre à l'esprit au-delà de cela, je ne suis pas sûr de ce que c’est.

Malgré le fait que l'Église ne mène pas d’efforts institutionnels visant à l'évangélisation des juifs, le document reconnaît que les chrétiens peuvent et doivent partager leur foi avec les Juifs, en précisant:

Les chrétiens sont néanmoins appelés à rendre témoignage de leur foi en Jésus Christ devant les juifs, avec humilité et délicatesse, en reconnaissant que les juifs sont dépositaires de la Parole de Dieu et en gardant toujours présente à l’esprit l’immense tragédie de la Shoah (l’Holocauste).

Et ainsi, l'appartenance à l'Église est à la fois pour les croyants juifs ainsi que pour les chrétiens gentils:

Jésus … appelle aussi bien les juifs que les gentils dans son Église (voir Éphésiens 2, 11-22), sur la base de la foi au Christ et au moyen du baptême qui les incorpore au Corps du Christ qu’est l’Église (Lumen Gentium, 14). 
La définition de l’Église de la Nouvelle Alliance comme Église qui rassemble juifs et gentils a toujours été une définition qualitative, même si les proportions quantitatives des chrétiens juifs et gentils ont pu donner initialement une impression différente

Loin de rejeter l'idée que l'Évangile doit être partagé avec le peuple même de Jésus, le nouveau document appelle les  chrétiens, juifs ou gentils, à partager leur foi avec eux avec affection et délicatesse.


Cet article est une traduction personnelle de l’article « New Vatican Document on Jews, Salvation, and Evangelization » de Jimmy Akin.

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