L'Évangile du dimanche avec les Pères (Lc 12, 32-48)

Se tenir prêts pour le retour du Seigneur (Lc 12, 32-48)



32 Ne crains point, petit troupeau, car il a plus à votre Père de vous donner le royaume. 33 Vendez ce que vous avez, et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où le voleur n'approche pas et la teigne ne détruit point. 34 Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.
La Glose
Après avoir banni du coeur de ses disciples la sollicitude des choses de la terre, Notre-Seigneur en exclut la crainte, qui est le principe des vaines inquiétudes: «Ne craignez point, petit troupeau»,etc.
Théophylactus
Notre-Seigneur appelle petit troupeau ceux qui veulent devenir ses disciples, ou bien à cause de la pauvreté volontaire qu'ils ont embrassée, ou parce qu'ils sont au-dessous de la multitude des anges, dont la nature est incomparablement supérieure à la nôtre.
Bède le Vénérable
Notre-Seigneur appelle encore petit le troupeau des élus, soit par comparaison avec le grand nombre des réprouvés, soit plutôt à cause de l'amour des élus pour l'humilité.
Saint Cyrille
Il leur donne ensuite la raison qui doit bannir de leur coeur toute crainte: «Parce qu'il a plu à votre Père de vous donner son royaume». Comme s'il leur disait: Comment celui qui vous destine un si précieux héritage pourrait-il refuser de vous traiter avec bonté? Car bien que ce troupeau soit petit (par la nature, le nombre, et l'éclat), cependant c'est à ce pe tit troupeau que la bonté du Père a donné l'héritage des esprits célestes, c'est-à-dire, le royaume des cieux. Si vous voulez donc posséder le royaume des cieux, méprisez les richesses de la terre: «Vendez ce que vous avez», etc.
Bède le Vénérable
Notre-Seigneur veut leur dire: Ne craignez pas qu'en combattant pour le royaume de Dieu, vous manquiez jamais du nécessaire; loin de là, vendez même ce que vous avez, conseil qui est noblement pratiqué par celui qui, non content d'avoir fait pour Dieu le sacrifice de tous ses biens, travaille ensuite de ses mains pour suffire à ses besoins et pouvoir encore donner l'aumône.
Saint Jean Chrysostome
Il n'est point de péché que l'aumône ne puisse effacer, c'est un remède efficace pour toutes les blessures. Or, on ne fait pas seulement l'aumône en donnant de l'argent, mais en faisant des oeuvres de charité, en défendant le faible, en guérissant les malades, en donnant un sage conseil.
Saint Gregoire de Nazianze
Je crains que vous ne regardiez la pratique de la miséricorde non comme obligatoire, mais comme facultative; c'était d'abord aussi mon avis, mais je suis épouvanté par la vue des boucs placés à la gauche du Sauveur, non pour avoir ravi le bien d'autrui, mais pour avoir négligé d'assister Jésus-Christ dans la personne des pauvres.
Saint Jean Chrysostome
Sans l'aumône en effet, il est impossible de posséder le royaume; une source qui retient ses eaux, se corrompt, il en est de même de ceux qui conservent leurs richesses pour eux-mêmes.
Saint Basile
On me demandera peut-être pour quel motif il faut vendre ce que l'on possède? Est-ce parce que les biens de la terre sont naturellement mauvais, ou à cause des tentations dont ils peuvent-être la source? Je réponds premièrement, que si une seule des choses qui existent dans le monde, était essentiellement mauvaise, elle cesserait par là même d'être créature de Dieu, car toute chose créée de Dieu est bonne ( 2Tm 4 ); secondement que le sauveur en nous disant: «Faites l'aumône»,ne nous commande pas de nous dépouiller de nos richesses comme si elles étaient mauvaises, mais de les distribuer aux pauvres.
Saint Cyrille
Peut-être ce commandement paraîtra-t-il dur aux riches; cependant quels avantages il offre à des esprits raisonnables, puisqu'ils peuvent ainsi gagner le royaume des cieux: «Faites-vous des bourses que le temps n'use point ?» etc.
Bède le Vénérable
En faisant des aumônes dont la récompense durera éternellement, il ne faut pas croire cependant qu'il soit défendu ici aux chrétiens de rien avoir en réserve, soit pour leur usage, soit pour celui des pauvres, puisque le Seigneur lui-même, qui était servi par les anges ( Mt 4), avait cependant une bourse ( Jn 12), pour conserver les offrandes des âmes fidèles. Notre-Seigneur veut simplement dire qu'on ne doit ni servir Dieu en vue de ces biens, ni abandonner la pratique de la justice dans la crainte de les perdre.
Saint Gregoire de Nazianze
Il leur recommande de placer leurs biens et leurs richesses terrestres dans le ciel où la corruption ne pourra les atteindre: «Faites-vous un trésor qui subsiste dans les cieux».
Théophylactus
C'est-à-dire: Ici bas les vers peuvent ronger ces biens, mais ils ne les rongent pas dans le ciel, et comme il y a des biens qui sont à l'épreuve des vers, il ajoute: «Et où les voleurs n'ont point d'accès»,car l'or ne peut-être rongé par les voleurs, mais il peut être enlevé par les voleurs.
Bède le Vénérable
Il faut donc entendre simplement ce passage, dans ce sens que l'argent mis en réserve se perd, tandis que s'il est donné au prochain, il produit des fruits éternels pour le ciel; ou encore, que le trésor des bonnes oeuvres, s'il est amassé en vue d'un avantage terrestre, se corrompt facilement et se perd, tandis que s'il est acquis en vue du ciel, il ne peut être atteint ni extérieurement par la vaine estime des hommes (semblable au voleur qui ravit au dehors), ni intérieurement par la vaine gloire (qui, comme le ver, ronge et déchire au dedans).
La Glose
Ou bien les voleurs sont les hérétiques et les démons, qui ne cherchent qu'à nous dépouiller des biens spirituels: le ver qui ronge secrètement les vêtements, c'est l'envie qui ronge et déchire le zèle où le fruit des bonnes oeuvres et réduit le lien de l'unité ( Ep 4, 46).
Théophylactus
Mais comme il est des biens qui ne peuvent être enlevés par les voleurs, Notre-Seigneur donne une raison plus décisive et qui ne souffre aucune réplique: «Là où est votre trésor, là est votre coeur»; comme s'il leur disait: Soit, que vos biens ne soient ni rongés par les vers, ni enlevés par les voleurs, mais quel supplice ne mérite pas celui qui attache son coeur à un trésor qu'il a enfoui, et qui ensevelit ainsi dans la terre son âme, oeuvre de Dieu par excellence?
Eusèbe de Césarée
En effet, tout homme devient naturellement l'esclave de ce qui fait l'objet de ses affections; il applique toute son âme aux choses dont il espère retirer de plus grands avantages. Si donc il met dans les biens de la vie présente toute son âme, et toutes ses intentions, il est tout entier plongé dans les choses de la terre. Si, au contraire, il dirige toutes les facultés de son âme vers les choses du ciel, il y aura aussi son coeur, il paraîtra vivre avec les hommes par le corps seul, tandis que par son âme, il sera déjà en possession des demeures célestes.
Bède le Vénérable
Cette vérité ne s'applique pas seulement aux richesses, mais à toutes les passions; les festins sont les trésors de l'homme sensuel; les vains amusements, les trésors de l'homme dissolu; la volupté, le trésor de l'impudique.
35 Que vos reins restent ceints et vos lampes allumées ! 36 Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent leur maître à son retour des noces, afin que, lorsqu'il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. 37 Heureux ce serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ! Je vous le dis en vérité, il se ceindra, les fera mettre à table et passera pour les servir. 38 Et si c'est à la deuxième ou à la troisième veille qu'il arrive et (les) trouve ainsi, heureux sont-ils ! 39 Sachez-le bien, si le maître de maison savait à quelle heure le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer sa maison. 40 Vous aussi, tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra. "
Théophylactus
Après avoir établi ses disciples dans une sage modération, en les délivrant de tous les soins et de toutes les sollicitudes de la vie, le Seigneur les prépare aux oeuvres du ministère en leur disant: «Ceignez vos reins», c'est-à-dire, soyez toujours prêts à accomplir les oeuvres de votre Maître, «et ayez dans vos mains des lampes allumées»,c'est-à-dire ne passez pas votre vie dans les ténèbres, mais ayez toujours la lumière de la raison pour vous montrer ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter. Le monde, en effet, est une nuit profonde; avoir aux reins la ceinture, c'est être prêts pour la vie active et pratique. Telle est en effet la tenue des serviteurs, ils doivent avoir aussi des lampes allumées, c'est-à-dire le don de la discrétion, pour pouvoir distinguer dans la pratique, non seulement ce qu'il faut faire, mais comment il faut le faire; autrement on s'expose à tomber dans le précipice de l'orgueil. Remarquez encore que Notre-Seigneur commande premièrement de ceindre les reins; en second lieu, d'avoir des lampes allumées, parce que la contemplation qui est la lumière de l'âme, ne vient qu'après l'action. Appliquons-nous donc à pratiquer la vertu, de manière à ce que nous ayons toujours deux lampes allumées; l'intelligence qui éclaire toujours notre âme, et la doctrine qui répand la lumière dans l'âme des autres.
Saint Maxime
Ou bien encore, il nous enseigne à porter toujours des lampes allumées, par notre application à la prière, à la contemplation, et par la charité.
Saint Cyrille
Ou bien, l'action de ceindre ses reins est un symbole de l'empressement et de la résolution avec lesquelles nous devons supporter les maux de la vie par un motif d'amour d e Dieu; les lampes figurent la vive lumière que nous devons projeter, de manière à ne laisser personne vivre dans les ténèbres de l'ignorance.
Saint Grégoire le Grand
Ou bien dans un autre sens, nous ceignons nos reins, lorsque nous comprimons par la continence les passions de la chair, car la source de la luxure pour les hommes est dans les reins, et pour les femmes dans l'ombilic (cf. Jb 40,11 ); c'est donc à cause du sexe le plus noble, que la luxure se trouve figurée par les reins. Mais comme il ne suffit pas de ne pas faire le mal, et qu'il faut encore s'appliquer de toutes ses forces à la pratique des bonnes oeuvres, le Sauveur ajoute: «Ayez dans vos mains des lampes allumées», car nous tenons dans nos mains des lampes allumées, lorsque par nos bonnes oeuvres nous donnons au prochain des exemples éclatants de lumière.
Saint Augustin
Ou bien encore, il nous commande de ceindre nos reins, en ne nous laissant point aller à l'amour des choses du monde; et d'avoir des lampes allumées, c'est-à-dire d'agir en cela pour une fin louable, et avec une intention droite.
Saint Grégoire le Grand
Si quelqu'un accomplit fidèlement ces deux commandements, il ne lui reste plus qu'à placer toute son espérance dans la venue du Rédempteur: «Soyez semblables, leur dit-il, à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces», etc. Notre-Seigneur est parti pour des noces, parce qu'en montant aux cieux, son humanité renouvelée s'est uni la multitude des esprits célestes.
Théophylactus
Tous les jours encore, il épouse les âmes des saints, que lui présente comme des vierges chastes saint Paul ( 2Co 11,2 ), ou tout autre de ses ministres. Il revient des noces qu'il a célébrées dans le ciel, soit quand à la fin du monde, il reviendra pour tous les hommes dans la gloire de son Père; soit lorsqu'à chaque heure du temps présent, il revient inopinément pour la mort de chacun de nous.
Saint Cyrille
Remarquez encore qu'il revient des noces comme d'une fête qui est l'état permanent de la divinité ; car rien ne peut attrister cette nature incorruptible.
Saint Grégoire de Nysse
Ou bien encore, après qu'il eut terminé ses noces, épousé l'Église, et qu'il l'eut admise dans son lit mystérieux, les anges attendaient le retour de leur roi dans le séjour de sa béatitude naturelle. Or, nous devons rendre notre vie semblable à celle des anges; et comme en vivant dans l'innocence ils sont toujours prêts à recevoir leur Maître à son retour, ainsi nous devons veiller nous-mêmes à l'entrée de sa maison, et nous préparer à lui obéir promptement lorsqu'il viendra frapper à la porte: «Afin, dit-il, que dès qu'il arrivera et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt».
Saint Grégoire le Grand
Notre-Seigneur est de retour, lorsqu'il vient pour nous juger; il frappe lorsque la gravité de la maladie nous avertit que la mort est proche; nous lui ouvrons aussitôt, si nous le recevons avec amour; car l'âme qui craint de sortir du corps, ne veut pas ouvrir au juge qui frappe à la porte, et elle redoute de paraître devant ce juge qu'elle se souvient d'avoir méprisé pendant sa vie; mais celui à qui son espérance et ses oeuvres inspirent une humble confiance, ouvre à son juge aussitôt qu'il frappe, parce qu'en voyant le temps de sa mort approcher, il se réjouit de voir aussi approcher la gloire de la récompense. Aussi le Sauveur ajoute-t-il: «Heureux ces serviteurs, que le maître, à son retour, trouvera veillants».Celui-là veille qui tient les yeux de son âme ouverts pour contempler la lumière véritable, qui conforme sa conduite à sa croyance, et repousse loin de lui les ténèbres de la tiédeur et de la négligence.
Saint Grégoire de Nysse
C'est pour nous faciliter la pratique de cette vigilance, que Notre-Seigneur nous avertit précédemment de ceindre nos reins, et d'avoir des lampes allumées; car la lumière qui brille devant nos yeux en éloigne le sommeil, et la ceinture que nous mettons autour de nos reins, empêche le corps de dormir. Ainsi celui qui a la chasteté pour ceinture, et une conscience pure pour flambeau, ne se laisse jamais aller au sommeil.
Saint Cyrille
Si donc le Seigneur trouve à son retour ses serviteurs éveillés, la ceinture aux reins, et la lumière dans le coeur, il les proclamera bienheureux: «Je vous le dis en vérité, il se ceindra lui-même», c'est-à-dire qu'il agira envers nous, comme nous aurons agi à son égard, en se ceignant les reins pour ceux qui se seront ainsi disposés à le recevoir.
Origène
). En effet, il aura pour ceinture autour de ses reins la justice, selon la prophétie d'Isaïe ( Is 11).
Saint Grégoire le Grand
Il prend pour ceinture la justice, c'est-à-dire qu'il se prépare à rendre à chacun ce qui lui est dû.
Théophylactus
Ou bien il se ceindra, dans ce sens qu'il ne versera pas toute l'abondance de ses biens, mais qu'il la retiendra dans une certaine mesure; car qui pourrait contenir Dieu dans toute sa grandeur? Aussi voyons-nous les séraphins se voiler la face devant l'éclat des splendeurs divines. ( Is 6). «Et il les fera mettre à table», etc. De même qu'en s'asseyant, on fait reposer tout le corps; ainsi lors du second avènement les saints jouiront d'un repos complet. Ici-bas, en effet, leur corps n'a pas eu de repos, mais alors leurs corps devenus spirituels et revêtus d'incorruptibilité, jouiront avec leurs âmes d'un repos parfait.
Saint Cyrille
Il les fera mettre à table, pour réparer leurs forces épuisées, pour servir dés délices spirituelles, et dresser devant eux la table somptueuse et richement servie de ses grâces et de ses dons.
Saint Denys
Cette action de se mettre à table, figure le repos après tous les travaux, une existence sans douleur, une vie divine dans la lumière et la région des vivants, avec toutes les saintes affections, et l'abondance de tous les dons, source d'une joie parfaite. Voilà ce que fera Jésus en les faisant asseoir à table, il les mettra en possession d'un repos éternel, et leur distribuera la multitude de ses dons: «Et passant de l'un à l'autre, il les servira».
Théophylactus
Il leur rendra pour ainsi dire la pareille; ils l'ont servi sur la terre, il les servira lui-même dans le ciel.
Saint Grégoire le Grand
Il passe lorsqu'après le jugement, il retourne dans son royaume; ou bien le Seigneur passe pour nous après le jugement, lorsqu'il nous élève de la vue de son. humanité jusqu'à la contemplation de sa divinité.
Saint Cyrille
Notre-Seigneur connaît le penchant de la fragilité humaine pour le péché; mais comme il est bon, loin de nous laisser tomber dans le désespoir, il a pitié de notre faiblesse, et il nous donne la pénitence comme remède salutaire, c'est pour cela qu'il ajoute: «Et s'il vient à la seconde veille, et s'il vient à la troisième», etc. Ceux qui font sentinelle la nuit sur les murailles des villes, pour observer les attaques des ennemis, partagent la nuit en trois ou quatre veilles.
Saint Grégoire le Grand
La première veille est donc le premier âge de notre vie, c'est-à-dire l'enfance; la seconde veille, c'est l'adolescence ou la jeunesse; la troisième est la vieillesse. Que celui donc qui n'a pas été vigilant pendant la première veille, soit attentif à veiller pendant la seconde, et que celui qui a laissé passer la seconde veille, ne perde pas les ressources que lui offre la troisième; et s'il a négligé de se convertir à Dieu dans son enfance, qu'il revienne à lui au moins dans sa jeunesse ou dans ses dernières années.
Saint Cyrille
Le Sauveur ne parle cependant pas de la première veille, parce que l'enfance est plutôt digne de pardon que de châtiment, mais pour le second et le troisième âge de la vie, ils doivent obéir à Dieu, et par la pratique des vertus, conformer leur vie à sa divine volonté.
Sévère
On peut dire encore qu'à la première veille appartiennent ceux dont la vie est plus parfaite et qui occupent le premier rang, à la seconde, ceux dont la vertu est ordinaire; à la troisième, ceux qui leur sont inférieurs, et ainsi de la quatrième et de la cinquième (si toutefois elle existe); car il y a divers degrés dans la vertu, et le juste rémunérateur rend à chacun suivant son mérite.
Théophylactus
Ou bien encore, comme les veilles sont les heures de la nuit qui portent les hommes au sommeil, on peut dire qu'il y a dans notre vie certaines circonstances qui nous rendent heureux, si nous sommes vigilants et attentifs à en profiter. Ainsi on vous a dérobé vos biens, la mort vous a enlevé vos enfants, vous êtes injustement accusé; si au milieu de ces épreuves vous ne faites rien qui soit contraire aux commandements de Dieu, il vous trouve attentifs à veiller dans la seconde et la troisième veille, c'est-à-dire dans ce temps plein de dangers où les âmes négligentes se laissent aller à un sommeil pernicieux,
Saint Grégoire le Grand
Or, pour secouer la tiédeur de notre âme, le Sauveur nous en fait voir les funestes effets par une comparaison prise des pertes extérieures que nous pouvons faire «Sachez que si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait», etc.
Théophylactus
Il en est qui veulent que le voleur dont il est ici question, soit le démon; la maison, notre âme, et le père de famille, l'homme; mais cette explication ne paraît pas s'accorder avec la suite; car l'avènement du Seigneur est comparé dans les Écritures à un voleur qui vient à l'improviste, comme dans ces paroles de l'Apôtre: «Le jour du Seigneur viendra comme un voleur pendant la nuit».Aussi Notre-Seigneur ajoute: «Et vous aussi soyez donc prêts, parce qu'à l'heure que vous ne pensez pas, le Fils de l'homme viendra».
Saint Grégoire le Grand
Ou encore, le voleur force la maison à l'insu du père de famille, parce qu'en effet, tandis que l'âme endormie néglige de veiller sur elle-même, la mort vient à l'improviste forcer la maison de notre corps. Elle aurait pu résister à l'attaque du voleur, si elle eût été vigilante; car en se mettant en garde contre l'arrivée du juge qui vient prendre en secret les âmes, elle eût été au devant de lui par le repentir, et ne serait point morte dans l'impénitence. Or, le Seigneur a voulu que notre dernière heure nous fût inconnue, afin que cette incertitude même fût pour nous un motif de nous y préparer sans cesse.
41 Pierre (lui) dit : " Seigneur, est-ce pour nous que vous dites cette parabole, ou aussi pour tous? " 42 Le Seigneur répondit : " Quel est donc l'intendant fidèle, prudent, que le maître établira sur sa domesticité pour donner, au temps (voulu), la ration de froment? 43 Heureux ce serviteur, que son maître, à son arrivée, trouvera agissant ainsi ! 44 Vraiment, je vous le dis, il l'établira sur tous ses biens. 45 mais si ce serviteur se dit en lui-même : " Mon maître tarde à venir, " et qu'il se mette à battre les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s'enivrer, 46 le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne s'y attend pas et à l'heure qu'il ne sait pas, et il le fendra en deux, et lui assignera pour lot celui des infidèles.
Théophylactus
Pierre à qui le Sauveur avait déjà confié le soin de l'Église (cf. Mt 16,19 ), agit comme s'il en avait déjà la responsabilité, et demande à son divin Maître si cette parabole s'adressait à tous: «Alors Pierre lui dit: Seigneur est-ce pour nous que vous dites cette parabole, ou pour tout le monde ?»
Bède le Vénérable
Dans ce qui précède, Notre-Seigneur avait donné deux avertissements distincts, qu'il viendrait à l'improviste et qu'ils devaient être toujours prêts à le recevoir. Or, il est difficile de dire, si Pierre a en vue ces deux vérités ou l'une des deux seulement, quand il fait cette question, et quels sont ceux qu'il met en opposition avec lui et avec ses compagnons quand il dit: «Est-ce pour nous que vous dites cette parabole, ou pour tout le monde ?» Les expressions nous et tous ne peuvent guère désigner que les Apôtres et les continuateurs de leur ministère, et le reste des fidèles, ou les chrétiens et les infidèles, ou ceux qui meurent successivement et un à un, et qui acceptent volontiers ou à contre coeur l'avènement de leur juge, et ceux qui seront encore vivants, lors du jugement universel. Or, il serait étrange que Pierre ait pu douter que nous devions tous vivre avec tempérance, piété et justice ( Tt 2, 12), en attendant la félicité que nous espérons, ou que l'heure du jugement viendrait pour tous à l'improviste. Donc puisque ces deux choses lui étaient parfaitement connues, il faut nécessairement admettre que sa question a pour objet les choses qu'il ne savait pas, c'est-à-dire, si les préceptes sublimes d'une vie plus parfaite, comme de vendre ce qu'on possède, se faire des bourses qui ne s'usent pas, avoir les reins ceints et porter des lampes allumées, s'adressent aux Apôtres et à ceux qui remplissent le même ministère, ou à tous les chrétiens en général.
Saint Cyrille
Les âmes fortes sont faites pour ce qu'il y a de plus difficile et de plus élevé dans les commandements de Dieu, mais pour ceux qui n'ont point encore atteint ce haut degré de vertu, ils ne peuvent accomplir que des préceptes plus faciles. Aussi le Seigneur se sert d'une comparaison des plus claires, pour bien établir que les commandements qui précèdent s'adressent à ceux qu'il a élevés à la dignité de ses disciples: «Le Seigneur lui répondit Quel est à votre avis le dispensateur fidèle et prudent ?»etc.
Saint Ambroise
Ou bien dans un autre sens, les préceptes qu'il vient de donner, s'adressent à tous, mais celui qu'il donne par la comparaison suivante s'adresse spécialement aux dispensateurs, c'est-à-dire aux prêtres: «Et le Seigneur lui répondit: Quel est à votre avis le dispensateur fidèle et prudent que le maître a établi sur tous ses serviteurs, pour leur distribuer, dans le temps, leur mesure de froment ?»
Théophylactus
La parabole précédente s'adressait à tous les fidèles, mais écoutez ce qui vous regarde particulièrement, vous qui êtes apôtres ou docteurs. Je demande donc où l'on pourra trouver un dispensateur qui réunisse tout à la fois la fidélité et la prudence. Dans l'administration des biens de la terre, l'imprudence même avec la fidélité, ou la prudence avec l'infidélité, amènent également la ruine de la fortune du maître; il en est de même dans les choses divines qui demandent tout à la fois de la fidélité et de la prudence. J'ai connu un grand nombre de bons et fidèles serviteurs de Dieu, mais qui, incapables de traiter avec prudence les affaires ecclésiastiques, non seulement perdaient les biens de l'Église, mais encore les âmes elles-mêmes, en exerçant à l'égard des pécheurs un zèle indiscret, soit en leur imposant des pénitences exagérées, soit en ayant pour eux une douceur inopportune.
Saint Jean Chrysostome
Le Sauveur fait cette question, non pas qu'il ignore quel est le dispensateur fidèle et prudent, mais il veut nous faire entendre la rareté de la chose, et l'importance de cet emploi.
Théophylactus
Tout dispensateur fidèle et prudent doit donc se mettre à la tête des serviteurs de son maître, pour leur donner dans le temps convenable la mesure de froment, c'est-à-dire l'enseignement de la doctrine qui est la nourriture des âmes, ou l'exemple des bonnes oeuvres pour être la règle de la vie.
Saint Augustin
Il dit: «La mesure de froment», parce que la capacité varie suivant les auditeurs.
Saint Isidore
Il ajoute: «Dans le temps», parce qu'un bienfait qui ne vient pas en son temps, est rendu inutile, et perd le nom de bienfait; de même que le pain est désirable pour celui qui a faim, tandis qu'il l'est très-peu pour celui qui est rassasié. Quant à la récompense de ce dispensateur fidèle et prudent, la voici: «Heureux ce serviteur que le maître, lorsqu'il viendra, trouvera agissant ainsi».
Saint Basile
Il ne dit pas qu'il trouvera agissant par hasard, mais «agissant ainsi»; car il ne suffit pas de vaincre, il faut encore combattre suivant les règles: c'est-à-dire faire chacune de ses actions, comme Dieu nous l'ordonne.
Saint Cyrille
Si donc le serviteur fidèle et prudent distribue en son temps avec prudence aux serviteurs leur nourriture, c'est-à-dire les aliments spirituels, il sera heureux suivant la promesse du Sauveur, c'est-à-dire qu'il obtiendra un emploi supérieur, et recevra la récompense réservée aux amis. «Je vous le dis en vérité; qu'il l'établira sur tous les biens qu'il possède».
Bède le Vénérable
Il y a une grande différence de mérites entre les bons auditeurs et les bons docteurs, cette différence existera également dans les récompenses. Pour les premiers, s'il les trouve attentifs à veiller, il les fera mettre à table, mais pour les dispensateurs fidèles et prudents, il les établira sur tout ce qu'il possède, c'est-à-dire sur toutes les joies du royaume des cieux, non pas pour qu'ils en aient la possession exclusive, mais pour qu'ils en jouissent plus pleinement pendant l'éternité que les autres saints.
Théophylactus
Ou bien, «il l'établira sur tous ses biens», non seulement sur sa maison, mais il soumettra à son commandement les créatures du ciel et de la terre. Tel fut Josué fils de Nave ( Si 46, 1; Jos 10, 12; 3 R 17, 2; 18, 24; Jc 5, 17.18), tel fut encore Élie, l'un commandant au soleil, l'autre aux nuées du ciel; de même tous les saints usent des créatures com me des amis de Dieu. Tel est encore tout homme dont la vie est vertueuse, et qui gouverne sagement ses serviteurs, c'est-à-dire la colère et la concupiscence, et qui donne à chacun dans son temps la mesure de froment, à la colère, en tournant ses efforts contre les ennemis de Dieu; à la concupiscence, en réglant sur la nécessité l'usage des choses extérieures, et en le rapportant à Dieu. Celui qui agira de la sorte, sera établi sur tous les biens que possède le Seigneur, et méritera de contempler toute vérité par l'oeil éclairé de son intelligence.
Saint Jean Chrysostome
Ce n'est pas seulement par la promesse de la récompense réservée aux bons, mais par la menace du châtiment qui attend les mauvais, que Notre-Seigneur excite à la vigilance ceux qui l'écoutent: «Que si ce serviteur dit en lui-même: Mon maître n'est pas près de venir», etc.
Bède le Vénérable
Remarquez qu'au nombre des vices de ce mauvais serviteur, le Sauveur met la pensée où il était que son maître tarderait à venir, tandis qu'il ne met point au nombre des vertus du bon serviteur qu'il espérait le prompt retour de son maître, mais simplement qu'il a rempli fidèlement son devoir. Le mieux pour nous est donc de supporter patiemment l'ignorance où nous sommes de ce que nous ne pouvons savoir, et de nous appliquer seulement à être trouvés dignes de la récompense qui nous est préparée.
Théophylactus
On se laisse aller à une multitude de fautes, parce qu'on ne pense pas à sa dernière heure; car si nous avions toujours présent à l'esprit que le Se igneur doit venir, et que le terme de notre vie approche, nous commettrions moins facilement le péché. Voyez, en effet, la suite: «Et qu'il se mette à battre les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s'enivrer».
Bède le Vénérable
Dans la condamnation de ce mauvais serviteur, il faut voir celle de tous les mauvais supérieurs qui, sans crainte aucune de Dieu, non seulement mènent une vie criminelle, mais accablent de mauvais traitements ceux qui leur sont soumis. Dans le sens figuré, «frapper les serviteurs et les servantes», peut signifier corrompre les âmes faibles par de mauvais exemples; comme «manger, boire et s'enivrer»,signifie être esclave des séductions et des plaisirs coupables du monde, qui font perdre la raison à l'homme. Or, voici que lle sera la peine de ce mauvais serviteur: «Le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne l'attend pas, et à l'heure qu'il ne sait point (c'est-à-dire à l'heure de la mort et du jugement), et il le divisera».
Saint Basile
Le corps n'est pas divisé, en ce sens qu'une partie soit soumise au châtiment, tandis que l'autre partie en serait exempte; car c'est une opinion fausse et contraire à toute justice, qu'une partie seulement du corps soit punie, quand le corps a péché tout entier. L'âme non plus ne sera pas divisée; car elle est unie tout entière à la conscience coupable, et partage avec le corps la complicité du mal; cette division n'est donc autre chose que l'éternelle séparation de l'âme avec l'Esprit saint. En effet, dans la vie présente, bien que la grâce de ce divin Esprit ne réside pas dans les âmes, qui en sont indignes, elle paraît cependant être près d'elles en quelque sorte, attendant la conversion qui doit les conduire au salut, mais alors cette grâce sera complètement retranchée de l'âme coupable. Le Saint-Esprit est donc tout à la fois la récompense des justes et la première condamnation des pécheurs, parce que les indignes en seront dépouillés à jamais.
Bède le Vénérable
Ou bien encore, il le divisera en le retranchant de la société des fidèles, et en le rangeant parmi ceux qui n'ont jamais eu la foi: «Et il lui donnera son lot parmi les serviteurs infidèles». Car, dit l'Apôtre: «Si quelqu'un n'a pas soin des siens, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi, et il est pire qu'un infidèle». ( 1Tm 5,8 ).
Théophylactus
Le dispensateur infidèle mérite en effet le sort des infidèles, puisqu'il n'a pas eu la véritable foi.
47 Ce serviteur qui, ayant connu la volonté de son maître, n'a rien préparé ni agi selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups. 48 quant à celui qui, ne l'ayant pas connue, aura agi de façon à mériter des coups, il n'en recevra qu'un petit nombre. On exigera beaucoup de toux ceux à qui l'on a beaucoup donné; et de celui à qui on a confié beaucoup, on demandera davantage.
Théophylactus
Notre-Seigneur nous enseigne ici une vérité plus importante et plus terrible, non seulement le dispensateur infidèle sera dépouillé de la grâce qu'il avait reçue, et qui ne pourra lui faire éviter le supplice, mais la grandeur et l'élévation de sa dignité seront pour lui la cause d'une condamnation plus sévère: «Le serviteur qui a connu la volonté de son maître, et ne lui a point obéi, recevra un grand nombre de coups».
Saint Jean Chrysostome
En effet, les mêmes actions ne seront pas soumises pour tous les hommes au même jugement, mais une connaissance plus parfaite deviendra la cause d'une punition plus, grande.
Saint Cyrille
Ainsi l'homme qui a reçu une intelligence plus pénétrante, et a dégradé ses affections jusqu'à les traîner dans de honteux excès, n'aura aucun titre pour implorer la miséricorde divine, parce qu'il a commis un crime sans excuse en s'écartant par une malice réfléchie de la volonté de son maître, mais l'homme grossier et ignorant sera plus fondé à implorer le pardon de son juge; car «celui qui n'a pas connu la volonté de son maître, et qui aura fait des choses dignes de châtiment, recevra moins de coups».
Théophylactus
A cette objection, que font quelques-uns: On punit justement celui qui, connaissant la volonté de son maître, ne l'a pas suivie; mais pourquoi punir celui qui ne l'a pas connue? nous répondons, parce qu'il aurait pu la connaître, s'il avait voulu, et que sa négligence a été l'unique cause de son ignorance.
Saint Basile
Mais s'il est vrai que l'un reçoive un plus grand nombre de coups, et l'autre un plus petit nombre, comment peut-on dire que les supplices de l'autre vie n'auront point de fin? Il faut donc entendre que ces paroles ont pour objet d'exprimer, non la durée ou la fin des supplices, mais leurs différents degrés. Un homme peut avoir mérité d'être condamné au feu qui ne s'éteint pas, mais qui est plus ou moins intense; et au ver qui ne meurt pas, mais qui ronge et déchire avec plus ou moins de force.
Théophylactus
Il explique ensuite pourquoi le châtiment des docteurs et de ceux qui sont plus instruits sera plus sévère: «Car on demandera beaucoup à celui à qui l'on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui on a confié beaucoup».Dieu donne aux docteurs la grâce de faire des miracles, il leur confie le ministère de la parole et le pouvoir d'enseigner; il ne dit pas qu'il demandera davantage, pour ce qu'il a donné, mais pour ce qu'il a confié comme un dépôt; car la grâce du ministère de la parole demande un accroissement continuel, et on demandera au docteur plus qu'il n'a reçu, il ne doit donc jamais rester oisif, mais développer de jour en jour le talent de la parole qui lui a été confié.
Bède le Vénérable
Ou bien encore, souvent Dieu donne de plus grandes grâces à de simples fidèles, qui reçoivent la connaissance de sa volonté, et la grâce de mettre en pratique ce qu'ils connaissent. Mais il confie beaucoup à celui qui, avec le soin de son âme, est revêtu de la charge de paître le troupeau du Seigneur. Ceux donc qui ont reçu de plus grandes grâces, seront punis plus sévèrement s'ils viennent à pécher (Sg 6, 8.9). Pour ceux qui ne sont coupables d'autre péché que du péché originel, le châtiment sera des plus doux, et pour les autres qui ont ajouté à ce péché des fautes volontaires, leur punition sera d'autant moins sévère, que leurs fautes seront moins grandes.



Lisez les Évangiles en compagnie des Pères de l’Église

Commentaires

Formulaire de contact

Nom

Courriel *

Message *