
Hors de l’Église, point de salut ?

L'un des enseignements les plus méconnus de l'Eglise catholique est celui-ci:
« Hors de l’Église, point de salut » (Extra Ecclesiam nulla salus).
Ceux qui essaient de saisir le sens de cet enseignement ont souvent du mal avec ses différentes formulations employés par les divers Pères de l'Église et les différents conciles de l’Église à travers l'histoire. Bien entendu, pour bien comprendre une formulation de n’importe quel enseignement de l'Église, il faut étudier le contexte historique dans laquelle elle a été écrite: pourquoi elle a été écrite, qu’est-ce qui se passait dans l'Église à l'époque, qui était le public visé, et ainsi de suite. Bref, il faut découvrir comment le Magistère de l'Église comprend son propre enseignement. Si quelqu'un ne parvient pas à le faire et choisit plutôt de traiter une formulation particulière comme un enseignement général, celui-ci court alors le risque de sérieux malentendus.
Ces derniers temps, l'Église a reconnu que ses enseignements sur la nécessité de l'Église catholique pour le salut ont souvent été largement mal compris, de sorte qu'elle a « reformulé » cet enseignement d'une manière positive. Voici comment le catéchisme de l'Église catholique aborde ce sujet: « Comment faut-il entendre cette affirmation souvent répétée par les Pères de l’Église ? Formulée de façon positive, elle signifie que tout salut vient du Christ-Tête par l’Église qui est son Corps » (CEC #846).
Conformément à l'esprit actuel de l'Église en matière d'œcuménisme, cette reformulation positive se veut moins sévère que les formulations négatives précédentes. Malgré cela, elle reste très controversée. Examinons comment cette nouvelle formulation s’accorde avec les Écritures.
Jésus, la Voie
La première partie de cet enseignement reformulé, « tout salut vient du Christ-Tête », est assez facile à comprendre et à accepter pour tous les chrétiens, même chez les non-catholiques. Elle fait écho aux propres paroles de Jésus rapportés par Jean: « Je suis le chemin, la vérité et la vie; personne ne vient au Père que par moi (Jean 14, 6) ». Donc, les chrétiens sont d'accord à l'unanimité sur cette première partie. Mais est-ce tout ce qui doit être dit sur la façon dont nous pouvons être sauvés? L'Église catholique a toujours reconnu l'importance d'expliquer davantage les moyens par lesquels le salut est offert par le Christ.
Lorsque l'on parle du salut, Jésus a offert plus de détails que seulement ses paroles cités ci-dessus. Par exemple, considérons ces trois versets:
Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. (Marc 16, 16)
Si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous de même. (Luc 13, 3)
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. (Jean 6,54)
Notez que dans ces trois versets, Jésus associe le salut avec le baptême, la confession et l'eucharistie, respectivement. Les catholiques reconnaissent que ces sacrements sont administrés par l'Église. En fait, dans le cas des deux derniers, un prêtre validement ordonné est nécessaire pour leur administration, de sorte que le sacrement de l'ordination doit également être associée avec le salut. Le rôle primordial de l'Église catholique en conjonction avec le salut devient tout à fait clair.
Cela nous amène à la deuxième partie de la formulation du catéchisme au sujet de la doctrine que nous examinons et qui est: « ... par l’Église qui est son Corps. »
Avec ou contre Lui
Étant donné que les sacrements sont les moyens ordinaires à travers laquelle le Christ offre la grâce nécessaire au salut et que l'Église catholique que le Christ a fondée est le ministre ordinaire de ces sacrements, il est alors approprié d’affirmer que le salut vient par l'Église.
Cela n’est pas différent de la situation qui existait avant l’arrivée de l'Église catholique. Même avant qu'il ne soit pleinement révélé qu'il était le Messie, Jésus lui-même a enseigné que « le salut vient des Juifs » (Jean 4, 22). Il a souligné à la femme de Samarie et aux croyants qui vivaient à ce moment-là, que le salut serait offert à toute l'humanité par les Juifs.
De la même façon, maintenant que le Messie a établi son Église, Jésus peut dire: « le salut vient des catholiques » !
En reconnaissant cela, nous pouvons voir pourquoi l'Église, en particulier pendant les périodes d'exodes massives (comme cela est arrivé à certaines époques où des hérésies sévissaient), a été encore plus énergique dans la façon dont elle a enseigné cette doctrine. Au lieu de pointer simplement comment Dieu offre le salut du Christ, à travers l'Église, l'Église a averti qu'il n'y a pas de salut en dehors du Christ, en dehors de son Église.
Puisque Jésus a établi l'Église catholique comme nécessaire pour le salut, ceux qui sciemment et volontairement, le rejettent lui ou son Église ne peuvent pas peut être sauvé. Nous le voyons dans l'enseignement de Jésus: « Qui n'est pas avec moi est contre moi, et qui n'amasse pas avec moi disperse » (Matthieu 12, 30). Aussi: s'il [un frère chrétien] n'écoute pas même l'Église, qu'il soit pour toi comme le païen et le publicain » (Matthieu 18, 17). Paul nous avertit aussi de façon similaire: « Pour celui qui fomente des divisions, après un premier et un second avertissement, éloigne-le de toi, sachant qu'un tel homme est entièrement perverti, et qu'il est un pécheur condamné de son propre jugement » (Tite 3, 10- 11).
Ayant dit tout cela, nous devons aussi reconnaître que cette doctrine n’a pas la portée aussi longue que certains imaginent qu’elle ait. Les gens vont parfois demander: « Est-ce que cela signifie que tous les non-catholiques vont en enfer? » Pas nécessairement.
L’ignorance invincible
L'Église reconnaît que Dieu ne condamne pas ceux qui sont invinciblement ignorants de la vérité au sujet de son offre de salut. En ce qui concerne la doctrine en question, le Catéchisme de l'Église catholique (citant le document Vatican II Lumen Gentium, 16) affirme :
En effet, ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel (CEC #847)
Le document de Vatican II Gaudium et Spes enseigne aussi pareillement sur la possibilité du salut:
Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. (Gaudium et Spes, 22)
Cet enseignement est compatible avec l’enseignement de Jésus sur ceux qui le rejettent innocemment: « Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils seraient sans péché » (Jean 15,22).
Mais une fois qu'une personne connaît la vérité, elle doit l'embrasser ou elle sera coupable de la rejeter. Nous le voyons dans les paroles de Jésus aux Pharisiens: « Si vous étiez des aveugles, vous n'auriez point de péché; mais maintenant vous dites: Nous voyons; votre péché demeure » (Jean 9, 41). Paul a aussi enseigné au sujet des Gentils:
Quand des païens, qui n'ont pas la loi, accomplissent naturellement ce que la Loi commande, n'ayant pas la loi, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes; ils montrent que ce que la Loi ordonne est écrit dans leurs cœurs, leur conscience rendant en même temps témoignage par des pensées qui, de part et d'autre, les accusent ou les défendent. C'est ce qui paraîtra au jour où, selon mon Évangile, Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes. (Romains 2, 14-16)
Remarquez les mots soigneusement choisis de Paul: « des pensées qui, de part et d'autre, les accusent ou les défendent ». Paul n'a pas dit que ceux qui sont invinciblement ignorants de la vérité seront sauvés; il garde tout simplement la possibilité ouverte.
De même, il a écrit: « Ou bien Dieu n'est-il que le Dieu des Juifs? et n'est-il pas aussi le Dieu des Gentils? Oui, il est aussi le Dieu des Gentils, puisqu'il y a un seul Dieu qui justifiera les circoncis par principe de foi et les incirconcis par la foi. » (Romains 3, 29-30).
Nécessaire pour le salut
Comme nous l'avons vu, Dieu a introduit le salut au monde à travers son peuple élu: les Juifs. La révélation de Dieu aux Juifs a trouvé son accomplissement dans le Christ, le Messie, qui a établi l'Église catholique. La grâce nécessaire pour le salut continue à venir du Christ, par son Église. Ceux qui sont invinciblement ignorants et qui embrasse ce chemin peuvent encore atteindre le salut, mais ceux qui choisissent sciemment et volontairement de le rejeter, rejettent le salut selon les termes de Dieu.
Le Catéchisme (encore une fois citant Lumen Gentium) résume tout cela comme suit:
Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition, le Concile enseigne que cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est l’Église ; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du Baptême, c’est la nécessité de l’Église elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du Baptême, qu’il nous a confirmée en même temps. C’est pourquoi ceux qui refuseraient soit d’entrer dans l’Église catholique, soit d’y persévérer, alors qu’ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus-Christ comme nécessaire, ceux-là ne pourraient être sauvés. (CEC #846)
Cet article est une traduction adaptée de l’article « What "No Salvation Outside the Church" Means ? » de Jim Blackburn.
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