Plusieurs […] ont répondu aux protestants qui refuse la pratique catholique consistant à demander aux saints du ciel d'intercéder pour nous. "Les saints entendent-ils même nos prières?" demandent-ils.
Inutile de dire que beaucoup ne sont pas convaincus. Bien que nos frères et sœurs protestants peuvent trouver intéressant le fait que saint Thomas d’Aquin a également considérer les arguments contre la capacité des saints à connaître nos prières, ils n'utilisent pas ses arguments, mais ils le pourraient.
J’en ai trouvé deux particulièrement intéressants dans le Supplément à la Somme Théologique, question soixante-douze, article un.
La deuxième objection
La deuxième objection de l’article dit que les saints ne connaissent pas nos prières car une telle connaissance saperait leur bonheur. Voici une façon de présenter l’argument:
P1: Si les saints connaissaient nos prières, ils connaitraient nos souffrances.
P2: Si les saints connaissaient nos souffrances, ils seraient tristes.
P3: Mais les saints au ciel ne peuvent pas être tristes.
C1: Par conséquent, les saints ne peuvent pas connaître nos souffrances.
C2: Par conséquent, les saints ne peuvent pas connaître nos prières.
La prémisse clé est la deuxième, à laquelle Thomas d’Aquin répond que nous ne pouvons pas dire que les saints du ciel souffrent de la connaissance de nos souffrances, parce qu’ils sont « tellement remplis de joie céleste que le chagrin n’y trouve aucune place ».
Même si je pense que Thomas d’Aquin est juste sur ce point, il semble qu’il faille expliquer un peu plus comment la connaissance de nos souffrances ne porterait pas atteinte au bonheur des bienheureux. Dans la Somme Théologique, il dit:
Premièrement, les saints savent que Dieu ne permet la souffrance dans nos vies que s’il veut nous apporter un plus grand bien. Comme l'écrit Thomas d’Aquin, « Dieu permet que des maux surviennent afin d'apporter un plus grand bien» (ST III: 1: 3, ad 3).
Que les saints sachent que sera ce bien ou non importe peu
Que les saints sachent que sera ce bien ou non importe peu. Le simple fait de savoir que Dieu dirigera le mal permis vers un bien plus grand donne aux saints une raison de ne pas être triste. C’est particulièrement vrai compte tenu de la vision des saints de l’essence divine, qui leur offre une perspective améliorée sur la manière dont Dieu ordonne parfaitement les choses pour sa gloire.
Deuxièmement, les saints du ciel voient les problèmes de nos vies avec une perspective éternelle, une perspective que Paul énonce dans ses lettres. Par exemple, dans Romains 8, 18, Paul écrit: « J'estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous ». De même, dans 2 Corinthiens 4, 17, Paul écrit: « Car notre légère affliction du moment présent produit pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire »
Si Paul, dont la connaissance de la gloire de Dieu n'incluait pas encore la vision béatifique, pouvait déjà voir que les difficultés terrestres étaient insuffisantes pour causer de la tristesse, combien plus alors la connaissance complète de la vision béatifique des saints exclurait-elle toute tristesse, même en pleine connaissance de nos ennuis? Certainement beaucoup plus!
Donc, même si les saints au ciel avaient connaissance des problèmes de nos vies par nos prières, cela ne voudrait pas dire qu’ils seraient tristes. Ils savent qu'il y a de plus grands biens que Dieu nous apporte à travers nos ennuis.
La troisième objection
La troisième objection dont traite Thomas d’Aquin ressemble à une objection souvent entendue aujourd’hui pour remettre en question l’existence de Dieu - le problème du mal. Il prétend que les saints ne peuvent probablement pas connaître nos prières, car sinon, ils répondraient à nos demandes d’intercession afin que nous ne souffrions pas dans nos vies.
Derrière cette objection se cache l’idée qu’une personne charitable assiste toujours son ami et/ou son voisin lorsque ce dernier souffre. Puisque les saints du ciel ont un amour parfait et que nous sommes leurs amis, il s’ensuit que s’ils connaissaient nos demandes concernant ce qui se passe dans notre vie, ils nous aideraient dans nos souffrances.
Cependant, comme l'argument le dit, ils ne doivent pas nous aider avec nos souffrances, car nous souffrons. Par conséquent, ils ne doivent pas connaître les demandes que nous leur faisons.
Cette objection est basée sur une fausse dichotomie. Cela suppose soit que les saints prient pour nous, auquel cas nous ne pourrions pas souffrir, soit qu’ils ne connaissent pas nos prières. Mais il existe une troisième option.
Connaissance et volonté de Dieu
Les saints connaissent peut-être nos prières, mais ce n’est tout simplement peut-être pas la volonté de Dieu que nous soyons délivrés d’une épreuve particulière, du moins pas encore. Comme nous, ils ne connaissent pas tout le plan de Dieu et même leurs requêtes sont soumises à ce que le Seigneur veut (Jacques 4, 15). Alternativement, si, dans un cas particulier, ils savent que Dieu veut permettre une source de souffrance, ils ne voudront certainement pas prier pour qu'elle soit supprimée. Thomas d’Aquin explique :
Les âmes des saints ont leur volonté pleinement conforme à la volonté divine, même en ce qui concerne les choses voulues; et par conséquent, bien qu'ils conservent l'amour de la charité envers leur prochain, ils ne le secourent pas autrement qu'ils ne jugent conforme à la disposition de la justice divine (Suppl. ST, 72: 1, ad 3).
Donc, si nous demandons aux saints de prier pour que nous soyons délivrés d’une difficulté particulière dans nos vies et que cela ne se réalise pas, c’est parce que ce n’était pas la volonté de Dieu. Ce n’est pas parce que les saints ne sont pas au courant de nos prières.
De plus, si Dieu ne veut pas nous délivrer d’une épreuve, les saints peuvent toujours nous aider en priant pour avoir la force de persévérer dans la foi et de ne pas perdre espoir au milieu de nos souffrances. De telles prières seraient aussi des fruits d'un amour parfait.
Même si nous n'entendons plus beaucoup ces arguments aujourd'hui, ils sont intéressants à considérer. Et si, par hasard, un protestant les utilise, nous serons capables de montrer pourquoi ils ne parviennent pas à nier qu’ils entendent nos prières.
Cet article est une traduction personnelle de l’article « Aquinas: The Saints Can Hear Our Prayers » de Karlo Broussard pour Catholic Answers
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