Le pélagianisme et le semi-pélagianisme

Pour poursuivre cette série d’articles sur la grâce, après avoir défini ce qu’est la grâce en général, puis la grâce actuelle, nous allons maintenant identifier les principales erreurs qui ont eu lieu au cours de l’histoire de l’Église au sujet de la grâce actuelle.
Un des défis qui a toujours été présent dans la théologie chrétienne est de bien articuler la relation entre la grâce et la nature humaine, un peu comme c’est le cas pour Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est à la fois pleinement homme et pleinement Dieu. Les hérésies consistent souvent à éliminer la difficulté en choisissant l’une des deux réalités au détriment de l’autre et la question de la grâce n’y fait pas exception.
Deux groupes d’erreur
Nous pouvons distinguer deux groupes d’erreurs dans l’articulation de la relation entre la grâce actuelle et la nature humaine. Le premier groupe d’erreur consiste à exalter la nature humaine au préjudice de la grâce, tandis que le deuxième groupe a exalté la grâce au détriment de la nature humaine. La théologie catholique de la grâce actuelle, que nous avons présentée dans l’article précédent, évite ces deux écueils en adoptant une théologie qui donne sa juste place à la grâce et à la nature humaine. Dans cet article, nous allons traiter du premier groupe d’erreur qui concerne le pélagianisme et le semi-pélagianisme.
Le pélagianisme
Dans le premier groupe d’erreur, consistant à exalter la nature humaine au préjudice de la grâce, nous trouvons les pélagiens qui ont enseigné l’hérésie du pélagianisme. Leur nom vient du nom Pelage, un moine breton qui était venu enseigner à Rome au tout début du 5e siècle. Selon les pélagiens, l’homme peut sans le secours de la grâce actuelle résister à toutes les tentations, suivre tous les commandements et ainsi arriver à la béatitude éternelle. Ils semblaient néanmoins admettre que des grâces puissent exister dans l’ordre de l’intelligence, mais non pas dans le domaine de la volonté, qui nous aide à faire le bien.
La source des erreurs de Pelage se situait dans sa conception erronée de l’état originel de la création d’Adam et Ève. Pour les pélagiens, Adam et Ève n’avaient pas été élevés par la grâce de Dieu à l’état surnaturel et pourvus de dons pour rendre leur nature intègre (absence d’ignorance, de concupiscence, de douleur, de mort, etc.) au moment de leur création. Après le péché d’Adam et Ève, la nature humaine n’aurait donc rien perdu (puisque rien n’avait été préalablement ajouté par Dieu). Il s’en suit conséquemment aussi que le pélagianisme nie le péché originel de l’homme. De là vient leur doctrine qui enseigne que l’homme nait sans péché et qu’il peut demeurer sans péché pendant toute sa vie, uniquement en usant de sa volonté et de sa liberté, sans avoir nécessairement besoin de la grâce de Dieu.
Le pélagianisme fut farouchement combattu par saint Augustin, surnommé « docteur de la grâce », par les papes saint Innocent Ier, saint Zosime et saint Célestin Ier, par plusieurs conciles régionaux à Carthage et à Antioche, puis par le concile œcuménique d’Éphèse en 431.
Le semi-pélagianisme
Les semi-pélagiens sont nommés ainsi, car leurs erreurs sont près de celle du pélagianisme sans être aussi extrêmes. Ils enseignaient que la grâce de Dieu n’est pas nécessaire pour arriver au commencement de la foi ou pour persévérer dans la foi et que la persévérance finale n’était pas un don spécial de Dieu. Dans cette conception, Dieu n’aide par la grâce actuelle que ceux qui auraient déjà fait « quelques pas » par leur volonté propre en sa direction et les abandonne ensuite à leurs propres forces pour y persévérer.
Comme pour les pélagiens, la source de leurs erreurs se situait dans leur conception erronée de l’état de la création d’Adam et Ève. Comme les semi-pélagiens confondaient l’état surnaturel et l’état d’intégrité, le premier étant dans l’ordre de la grâce et le second dans l’ordre naturel, ils croyaient que la liberté humaine avait presque autant de puissance dans le premier état que dans le second. Dans cette conception, la grâce de Dieu ne sert qu’à augmenter la foi de ceux qui y sont déjà parvenus uniquement par leurs propres forces.
Le semi-pélagianisme fut combattu par saint Augustin, par le pape Célestin Ier et par le deuxième concile d’Orange, en 529, dont les conclusions furent approuvées par le pape Boniface II.
Ce que nous pouvons apprendre de la condamnation de ces erreurs
- Qu’à leur création, Adam et Ève ont été élevés par la grâce de Dieu a un état surnaturel de grâce sanctifiante et qu’ils avaient également reçu des dons surnaturels essentiellement distincts qui rendaient leur nature intègre
- Que leur péché les a réduits à un état de nature déchue et blessée par le péché originel. C’est dans cet état que nous naissons tous aujourd’hui.
- Que le péché originel a affaibli et incliné le libre arbitre de l’homme vers le mal, de façon telle que la grâce est nécessaire pour pouvoir se tourner vers Dieu et le bien.
- Que l’homme ne peut sans la grâce ni connaître toutes les vérités de l’ordre naturel, ni observer entièrement la loi naturelle, ni résister à toutes les tentations.
- Que pour chacun de ses actes en matière de salut, pour avoir la foi, autant au commencement que dans la persévérance de la foi, l’homme a besoin de la grâce de Dieu.
- Que l’homme ne peut pas, sauf sans un privilège spécial de Dieu, éviter tous les péchés même véniels.
- Qu’il ne peut sans un recours spécial de Dieu persévérer dans la justice reçue
- Que la grâce est tout à fait gratuite et donc qu’aucune œuvre naturelle ne peut nous la faire mériter.
grâcedieufoisaint
Articles similaires

Les états de la nature humaine
Suite à la publication de l’article précédent sur l’hérésie pélagienne, une lectrice m’a posé quelques questions au sujet de la nature humaine et des dons qui rendaient la nature humaine...

La confession: pourquoi et comment?
Noël approche à grands pas, avez-vous mis à profit cette période de l'Avent pour vous préparer à accueillir le Sauveur?
L'article publié par Miguel il y a quelques semaines expose quelques...

Vrai Dieu et vrai homme : Le cœur du mystère du Christ
Introduction : Le paradoxe divin au centre de notre foiAu cœur de la foi catholique, et plus largement de tout le christianisme, se trouve une affirmation qui défie la simple...

Les lettres des Pères de l'Église : Ignace d'Antioche aux Smyrniotes
Cette lettre date autour de l'an 110 et a été écrite lorsque Saint Ignace était sous escorte romaine jusqu'à Rome pour y subir son martyr.
Lettre d'Ignace d'Antioche aux Smyrniotes
Ignace, dit...

Passages de la Bible : L'Eucharistie
L'Eucharistie est le sommet de la vie chrétienne. Pour les Catholiques, l'Eucharistie est la transformation (plus exactement transsubstantiation) du pain et du vin en le Corps et le Sang de...

La grâce actuelle
Dans le précédent article sur la grâce, nous avons regardé ce qu’est la grâce de façon générale. Parmi les
grâces du Christ, la fin de cet article mentionne deux types de...

Saint Augustin: 28 aout
Le 28 août, l'Église catholique célèbre la fête de Saint Augustin, l'un des plus grands Pères de l'Église et Docteurs de la foi chrétienne. Converti après une vie tumultueuse, Saint...

12 juillet 2015 : 15e dimanche du Temps Ordinaire
Cliquez ici pour lire les lectures de la liturgie
La mission de l'Église
Dans l’envoi en mission des apôtres dans l'Évangile d'aujourd'hui, Jésus leur donne, et à nous aussi, un aperçu de...

L'argument moral : comment le bien nous mène à Dieu
Introduction : L'écho de la loi morale dans le cœur humainAu cœur de l'expérience humaine se trouve un phénomène aussi universel qu'énigmatique : le jugement moral. Nous ne nous contentons...

La Tradition apostolique par Saint Irénée de Lyon
Le texte suivant est un extrait de l'audience générale du pape Benoît XVI du 28 mars 2007. Il illustre très bien le concept authentique de ce que les Catholiques appellent...

Passage de la Bible : La hiérarchie dans l'Église
Cet article propose des passages où l'on peut voir que, déjà au temps de la rédaction des textes du Nouveau Testament, une hiérarchie sacerdotale dans l'Église était présente. C'est de...

Réflexions bibliques du dimanche 29 juin 2014: L'Église des Apôtres
Lectures de la liturgie
L'Église des Apôtres
La célébration de ce dimanche avec les apôtres Pierre et Paul est une célébration de l'Église. La délivrance de Pierre de sa prison est comparée...

Les Alliances : Noé et sa famille
Genèse: 9:8-17
On rencontre pour la première fois dans la Bible le terme d'Alliance.
Médiateur: Noé
Promesse: Ils seront féconds et se multiplieront sur toute la terre. Le monde ne sera plus jamais...

Qu’est-ce que la grâce?
Un lecteur me demandait récemment par courriel :
J’aimerais savoir ce qu’est plus précisément ce que vous appelez la grâce et que vous souhaitez presque toujours à la fin de vos...

Justice divine et punition inévitable
J'ai lu ce texte du philosophe Guillaume Bignon avec grand intérêt. D'une part, la compréhension calviniste de la prédestination est une doctrine qui me paraît aberrante, et pourtant cet argumentaire m'a...

Un guide pour naviguer les grandes questions de la foi
Introduction : Une quête partagée - accueillir le doute et la questionSi vous lisez ces lignes, c'est peut-être que votre cœur et votre esprit sont habités par des questions profondes,...

Protestantisme, baïanisme et jansénisme
Dans cette série d’articles sur la grâce actuelle, nous avons mentionné deux groupes d’erreurs dans l’articulation de la relation entre la grâce actuelle et la nature humaine. Le premier groupe...

Je vous salue, kecharitōmĕnē
«Je vous salue, pleine de grâce». Cette salutation a été faite à Marie lors de l’Annonciation par l’ange Gabriel (Luc 1, 28). Pour ceux qui prient souvent le « je...

Saint-Augustin et les Sacrements
Les sacrements sont des signes visibles du don gratuit (la grâce) de Dieu, institués par le Christ et confiés à l'Église. Cela est la définition des sacrements que nous donne...

La relation entre la foi et la raison
Pour mieux comprendre la relation entre foi et raison, je vous propose d’explorer les différentes possibilités logiques de leur relation. Comme toutes relations entre deux classes d’objets, il y a...