jesus-marie-madeleine
Alexandre Ivanov, Apparition de Jésus-Christ à Marie-Madeleine (1835)

Dans le récit de la Résurrection de Jean, il y a une rencontre confuse entre Jésus et Marie-Madeleine. Au début, elle ne le reconnaît pas, le prenant pour le jardinier. Quand elle réalise enfin qui il est, elle est ravie. Cependant, Jésus lui répond en lui disant de ne pas le toucher. Voilà comment cela est présenté dans Jean 20, 11-17 :

Cependant Marie se tenait près du sépulcre, en dehors, versant des larmes; et, en pleurant, elle se pencha vers le sépulcre; Et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été mis le corps de Jésus, l'un à la tête, l'autre aux pieds. Et ceux-ci lui dirent: "Femme, pourquoi pleurez-vous?" Elle leur dit: "parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis." Ayant dit ces mots, elle se retourna et vit Jésus debout; et elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit: "Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui cherchez-vous ?" Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: "Seigneur, si c'est vous qui l'avez emporté, dites-moi où vous l'avez mis, et j'irai le prendre." Jésus lui dit: "Marie!" Elle se retourna et lui dit en hébreu: "Rabboni!" c'est-à-dire "Maître!" Jésus lui dit: "Ne me touchez point, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père. Mais allez à mes frères, et dites-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu, et votre Dieu."

Dans ce passage, Jésus dit-il qu'il y aurait une raison pour laquelle son corps ressuscité ne pourrait pas être touché avant l'Ascension? Cela ne fait pas vraiment de sens. Après tout, Jean poursuit en nous racontant la rencontre de Jésus avec l'Apôtre Thomas, qui doute. Il lui dit (Jean 20, 27), « Mets ici ton doigt, et regarde mes mains; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois plus incrédule, mais croyant. » Pourtant, la rencontre avec Thomas a lieu une semaine après Pâques, bien avant l'Ascension (Jean 20, 26; Actes 1, 3-11). En plus, il ne semble pas plausible que cela soit une contradiction, comme si Jésus (ou Jean l’évangéliste) aurait immédiatement changé de position au sujet de savoir, si oui ou non, il est correct de toucher le corps du Christ.

Une autre théorie, avancée par les athées comme Marshall Brain, est que les apparitions à Marie-Madeleine et à Thomas sont des « preuves » que Jésus est sexiste, « comme si le touché d'une femme serait en quelque sorte malpropre », quand seulement « quelques versets plus loin, Jésus est heureux lorsque Thomas le touche ». Bien sûr, cela n'a pas de sens non plus. L'apparition à Marie est la plus intime des apparitions de la Résurrection qui nous sont racontées. Jésus apparaît à Marie-Madeleine individuellement et il attend doucement qu’elle réalise qui il est. Il l’envoie ensuite annoncer la Résurrection aux Apôtres (Jean 20, 17-18), ce qui explique son surnom Apostolorum Apostola, « Apôtre des Apôtres ».

Et que penser de l'idée que Jésus gronde Marie-Madeleine, comme si elle doutait? C’est peut-être le cas, mais rien dans le texte ne semble suggérer qu'elle est punie de quelque façon.

Nous nous retrouvons donc avec un casse-tête: Jésus, qui a un vrai corps après la résurrection, un corps susceptible d'être touché, prévient Marie-Madelaine de se tenir à l’écart. Saint Thomas d'Aquin (celui qui a amené Apostolorum Apostola comme titre pour Marie-Madeleine) présente la solution la plus claire à cette difficulté dans la partie III, Question 55 de sa Summa Theologiae:

Ou bien encore, écrit S. Jean Chrysostome, " cette femme voulait continuer à vivre avec le Christ comme avant la passion. Dans sa joie, elle ne concevait rien de grand, bien que la chair du Christ, en ressuscitant, fût devenue d’une condition beaucoup plus haut ". Et c’est pourquoi le Christ lui dit : " je ne suis pas encore monté vers mon Père ". Comme s’il disait : " Ne pense pas que je mène encore une vie terrestre. Si tu me vois sur terre, c’est que je ne suis pas encore monté vers mon Père, mais le moment est proche où je vais monter. " Aussi ajoute-t-il : " je monte vers mon Père et votre Père. "

En d'autres mots, Marie ne doutait pas de la résurrection de Jésus. Elle ne comprend tout simplement pas la gravité de celle-ci. Elle était tellement ravie de voir à nouveau son ami qu'elle n'a pas pris conscience de la réalité radicale du fait qu'il est ressuscité d'entre les morts, qu'il a un corps glorifié, qu'il ne mourra jamais à nouveau, qu'il vient de démontrer sa divinité en termes clairs ou qu'il prépare ses disciples à son Ascension au Ciel.

Pour l'aider à en venir à ces vérités plus profondes, Jésus la prive de la facilité de s’accrocher à Lui. Il le fait pour l'appeler à quelque chose de plus grand: la mission évangélique d’être un témoin, même à Ses Apôtres. En d'autres termes, il lui refuse la possibilité de s'accrocher à son corps pour la même raison qu'il demande à Thomas de toucher ses plaies et son côté: pour les conduire plus profondément dans la foi. Comme il l’a dit à Thomas: « ne soyez pas incrédule, mais croyant » (Jean 20, 27).

Parfois, notre croissance dans la foi nous oblige à avoir quelque chose de tangible à nous accrocher; d'autres fois, nous avons besoin de lui pour nous débarrasser de nos roues d'entraînement. « parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru » (Jean 20, 29). Ce n’est pas une contradiction et ce n’est pas sexiste. Il est le divin médecin prescrivant la médecine spirituelle dont chaque patient a le plus besoin.


Cet article est une traduction personnelle de l’article « Why Does Jesus Tell Mary Magdalene Not to Touch Him? » de Joe Heschmeyer.