Le document très attendu du pape François sur la famille a maintenant été publié.

Voici 12 choses à savoir et à partager.

1. Qu’est-ce que ce document?

Il est appelé Amoris Laetitia (en latin, « la joie de l'amour ») et il est ce qu'on appelle une «exhortation apostolique post-synodale ».

Une exhortation apostolique est un document pastoral dans lequel le pape exhorte l'Église. Bien qu'il contienne des éléments doctrinaux, son objectif principal est pastoral. Les exhortations apostoliques sont différentes des encycliques, qui elles se concentrent sur la doctrine.

Quand un pape publie une exhortation apostolique en réponse à une réunion du synode des évêques (un rassemblement d'évêques du monde entier), elle est appelée exhortation apostolique post-synodale (qui signifie « après le synode »).

Amoris Laetitia a été écrit en réponse à deux réunions du synode des évêques, une tenue en 2014 et une en 2015, tous les deux ont été consacrés à la question de la famille.

2. Quels sont les sujets couverts par le document?

Il contient 255 pages, de sorte qu'il couvre un large éventail de sujets liés à la famille. Dans le résumé de son contenu, le pape François explique:

Dans le développement du texte, je commencerai par une ouverture inspirée par les Saintes Écritures, qui donne un ton approprié. 
De là, je prendrai en considération la situation actuelle des familles en vue de garder les pieds sur terre. 
Ensuite, je rappellerai certains éléments fondamentaux de l’enseignement de l’Église sur le mariage et la famille, pour élaborer ainsi les deux chapitres centraux, consacrés à l’amour. 
Pour continuer, je mettrai en exergue certains parcours pastoraux qui nous orientent pour la construction de foyers solides et féconds selon le plan de Dieu, et je consacrerai un chapitre à l’éducation des enfants. 
Après, je m’arrêterai sur une invitation à la miséricorde et au discernement pastoral face à des situations qui ne répondent pas pleinement à ce que le Seigneur nous propose, et enfin je tracerai de brèves lignes de spiritualité familiale. (AL 6)

Aux deux synodes des évêques, les deux sujets de discussion étaient le soin pastoral de ceux qui sont divorcés et remariés civilement et des personnes ayant une orientation sexuelle homosexuelle.

Bien qu’Amoris Laetitiae ne focalise pas sur ces sujets (ils ne représentent qu'une petite partie de ses propos), ce sont les sujets que les gens seront plus intéressés à connaître et c’est alors ce que nous allons couvrir ici.

3. Qu'est-ce que le document dit sur l'homosexualité?

Il en dit très peu. Il note que les unions de même sexe « ne peuvent pas être placidement comparées au mariage » (AL 52). Il dit aussi:


Avec les Père synodaux, j’ai pris en considération la situation des familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle, une expérience loin d’être facile tant pour les parents que pour les enfants.  
C’est pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter  ‘‘toute marque de discrimination injuste » et particulièrement toute forme d’agression et de violence.  
Au cours des débats sur la dignité et la mission de la famille, les Pères synodaux ont fait remarquer qu’en ce qui concerne le « projet d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ».  
Il est inacceptable que « les Églises locales subissent des pressions en ce domaine et que les organismes internationaux conditionnent les aides financières aux pays pauvres à l’introduction de lois qui instituent le “mariage” entre des personnes de même sexe » (AL 250-251).

C'est tout. Contrairement aux espoirs de certains, le document n'a pas tenté de reformuler l'enseignement de l'Église sur les activités ou les unions entre des personnes du même sexe.

4. Qu'est-ce que le document dit au sujet de la proposition du cardinal Walter Kasper pour donner la sainte communion à des gens qui sont divorcés et remariés civilement après une «période pénitentielle»?

Rien. Cette proposition n'a pas été soulevée.

5. Est-ce que le document propose une solution concrète spécifique au problème des divorcés et remariés civilement?

Non. Après avoir examiné une variété de situations conjugales déficientes dans lesquels les gens peuvent se trouver, le document indique:

Si l’on tient compte de l’innombrable diversité des situations concrètes, comme celles mentionnées auparavant, on peut comprendre qu’on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas (AL 300).

Au lieu de cela, le document énonce une série de principes à appliquer pour la pastorale de ces personnes.

6. Quels sont ces principes?

Le chapitre qui en discute est long. Nous ne pourrons pas le couvrir entièrement, mais ils comprennent:


  • Ne pas diluer l'enseignement de l'Église sur le mariage
  • Aider les gens à grandir vers la réalisation de l'enseignement de l'Église sur le mariage dans leur propre vie
  • Reconnaitre que les personnes dans les situations déficientes ne sont pas toutes dans la même situation
  • Aider à intégrer ces personnes dans la vie de l'Église, sur la base de ce qui est possible dans leurs cas individuels


7. Que dit le document sur le fait de ne pas diluer l'enseignement de l'Église sur le mariage?

En articulant l'enseignement de base de l'Église, il déclare:

Le mariage chrétien, reflet de l’union entre le Christ et son Église, se réalise pleinement dans l’union entre un homme et une femme, qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclusif et dans une fidélité libre, s’appartiennent jusqu’à la mort et s’ouvrent à la transmission de la vie, consacrés par le sacrement qui leur confère la grâce pour constituer une Église domestique et le ferment d’une vie nouvelle pour la société (AL 292).

Ensuite, il déclare:

Afin d’éviter toute interprétation déviante, je rappelle que d’aucune manière l’Église ne doit renoncer à proposer l’idéal complet du mariage, le projet de Dieu dans toute sa grandeur : « Les jeunes baptisés doivent être encouragés à ne pas hésiter devant la richesse que le sacrement du mariage procure à leurs projets d’amour, forts du soutien qu’ils reçoivent de la grâce du Christ et de la possibilité de participer pleinement à la vie de l’Église ». 
La tiédeur, toute forme de relativisme, ou un respect excessif quand il s’agit de le proposer, seraient un manque de fidélité à l’Évangile et également un manque d’amour de l’Église envers ces mêmes jeunes. 
Comprendre les situations exceptionnelles n’implique jamais d’occulter la lumière de l’idéal dans son intégralité ni de proposer moins que ce que Jésus offre à l’être humain (AL 307).

8. Que dit le document au sujet d’aider les gens à grandir vers la réalisation de l'enseignement de l'Église sur le mariage dans leur propre vie?

Il dit:

Les Pères se sont également penchés sur la situation particulière d’un mariage seulement civil ou même, toute proportion gardée, d’une pure cohabitation où « quand l’union atteint une stabilité consistante à travers un lien public, elle est caractérisée par une affection profonde, confère des responsabilités à l’égard des enfants, donne la capacité de surmonter les épreuves et peut être considérée comme une occasion à accompagner dans le développement menant au sacrement du mariage » (AL 293).

Il dit aussi:

Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la « loi de gradualité », conscient que l’être humain « connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d'une croissance ». 
Ce n’est pas une « gradualité de la loi », mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. 
En effet, la loi est aussi un don de Dieu qui indique le chemin, un don pour tous sans exception qu’on peut vivre par la force de la grâce, même si chaque être humain « va peu à peu de l'avant grâce à l'intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l'homme » (AL 295).

9. Que dit le document au sujet des personnes dans des situations défectueuses n’étant pas toutes dans la même situation?

Il dit:

Les divorcés engagés dans une nouvelle union, par exemple, peuvent se retrouver dans des situations très différentes, qui ne doivent pas être cataloguées ou enfermées dans des affirmations trop rigides sans laisser de place à un discernement personnel et pastoral approprié. 
Une chose est une seconde union consolidée dans le temps, avec de nouveaux enfants, avec une fidélité prouvée, un don de soi généreux, un engagement chrétien, la conscience de l’irrégularité de sa propre situation et une grande difficulté à faire marche arrière sans sentir en conscience qu’on commet de nouvelles fautes. 
L’Église reconnaît des situations où « l'homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs - par exemple l'éducation des enfants -, remplir l'obligation de la séparation ». Il y aussi le cas de ceux qui ont consenti d’importants efforts pour sauver le premier mariage et ont subi un abandon injuste, ou celui de « ceux qui ont contracté une seconde union en vue de l'éducation de leurs enfants, et qui ont parfois, en conscience, la certitude subjective que le mariage précédent, irrémédiablement détruit, n'avait jamais été valide ». 
Mais autre chose est une nouvelle union provenant d’un divorce récent, avec toutes les conséquences de souffrance et de confusion qui affectent les enfants et des familles entières, ou la situation d’une personne qui a régulièrement manqué à ses engagements familiaux. 
Il doit être clair que ceci n’est pas l’idéal que l’Évangile propose pour le mariage et la famille (AL 298).

10. Que dit le document au sujet d'aider à intégrer ces personnes dans la vie de l'Église, sur la base de ce qui est possible dans leurs cas individuels?

Il dit:

J’accueille les considérations de beaucoup de Pères synodaux, qui sont voulu signaler que « les baptisés divorcés et remariés civilement doivent être davantage intégrés dans les communautés chrétiennes selon les diverses façons possibles, en évitant toute occasion de scandale [...]
Leur participation peut s’exprimer dans divers services ecclésiaux : il convient donc de discerner quelles sont, parmi les diverses formes d’exclusion actuellement pratiquées dans les domaines liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel, celles qui peuvent être dépassées. 
Non seulement ils ne doivent pas se sentir excommuniés, mais ils peuvent vivre et mûrir comme membres vivants de l’Église, la sentant comme une mère qui les accueille toujours, qui s’occupe d’eux avec beaucoup d’affection et qui les encourage sur le chemin de la vie et de l’Évangile. 
Cette intégration est nécessaire également pour le soin et l’éducation chrétienne de leurs enfants, qui doivent être considérés comme les plus importants » (AL 299).

Il dit aussi:

Bien entendu, si quelqu’un fait ostentation d’un péché objectif comme si ce péché faisait partie de l’idéal chrétien, ou veut imposer une chose différente de ce qu’enseigne l’Église, il ne peut prétendre donner des cours de catéchèse ou prêcher, et dans ce sens il y a quelque chose qui le sépare de la communauté (cf. Mt 18, 17). 
Il faut réécouter l’annonce de l’Évangile et l’invitation à la conversion. 
Cependant même pour celui-là, il peut y avoir une manière de participer à la vie de la communauté, soit à travers des tâches sociales, des réunions de prière ou de la manière que, de sa propre initiative, il suggère, en accord avec le discernement du Pasteur (AL 297).

Il dit aussi :

Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Église et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. 
Étant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité (cf. Familiaris consortio, n. 34), ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. 
Pour qu’il en soit ainsi, il faut garantir les conditions nécessaires d’humilité, de discrétion, d’amour de l’Église et de son enseignement, dans la recherche sincère de la volonté de Dieu et avec le désir de parvenir à y répondre de façon plus parfaite ». 
Ces attitudes sont fondamentales pour éviter le grave risque de messages erronés, comme l’idée qu’un prêtre peut concéder rapidement des ‘‘exceptions’’, ou qu’il existe des personnes qui peuvent obtenir des privilèges sacramentaux en échange de faveurs (AL 300).

11. Est-ce que le document entrevoit la possibilité d’absoudre sacramentellement et de donner la communion aux personnes qui se sont remariées civilement si elles ne vivent pas comme frère et sœur?

Oui il le fait. Dans le texte principal du document, il commence par noter certains principes à prendre en compte, en précisant:

Pour comprendre de manière appropriée pourquoi un discernement spécial est possible et nécessaire dans certaines situations dites ‘‘irrégulières’’, il y a une question qui doit toujours être prise en compte, de manière qu’on ne pense jamais qu’on veut diminuer les exigences de l’Évangile. 
L’Église a une solide réflexion sur les conditionnements et les circonstances atténuantes. 
Par conséquent, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. 
Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les « valeurs comprises dans la norme » ou peut se trouver dans des conditions concrètes qui ne lui permettent pas d’agir différemment et de prendre d’autres décisions sans une nouvelle faute […] 
En ce qui concerne ces conditionnements, le Catéchisme de l’Église catholique s’exprime clairement : « L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées, voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux ». 
Dans un autre paragraphe, il se réfère de nouveau aux circonstances qui  atténuent la responsabilité morale, et mentionne, dans une gamme variée, « l’immaturité affective, […] la force des habitudes contractées, […] l’état d’angoisse ou [d’]autres facteurs psychiques ou sociaux ». 
C’est pourquoi, un jugement négatif sur une situation objective n’implique pas un jugement sur l’imputabilité ou la culpabilité de la personne impliquée (AL 301-302).

Le document prévoit ainsi le cas où une personne qui peut vivre dans une situation objective de péché, mais qui n’est pas mortellement coupable à cause d'une variété de facteurs de nature cognitive ou psychologique.

Cet enseignement n’est en fait rien de nouveau. L'Église a reconnu depuis longtemps que des personnes peuvent vivent objectivement dans un état de péché grave et ne pas être en état de péché mortel. Par conséquent, le document poursuit en indiquant:

À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. (AL 305).

Sur ce point, le texte contient une note qui indique:

Dans certains cas, il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements. 
Voilà pourquoi, « aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture, mais un lieu de la miséricorde du Seigneur » : Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 44 : AAS 105 (2013), p. 1038. 
Je souligne également que l’Eucharistie «  n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles »  (Ibid., n. 47 : p. 1039). (AL, note 351).

Le document envisage donc d'administrer l'absolution sacramentelle et la sainte communion à ceux qui vivent dans des situations objectivement pécheresses, mais qui ne sont pas mortellement coupables de leurs actes en raison de diverses conditions cognitives ou psychologiques.

Comme ils ne sont pas mortellement coupables, ils pourraient être valablement absous en confession et, étant dans l'état de grâce, ils pourraient ensuite recevoir, en principe, la communion.

12. Est-ce que le document dit comment communes sont de telles situations?

Non, mais le fait que cette application des principes énoncés figure seulement dans une note suggère que de telles situations ne sont pas communes et qu'elles ne doivent pas être présumées.

La même chose est indiquée par le grand nombre de mises en garde contenues dans le texte, concernant des choses telles que:


  • L'obligation de proclamer la vision complète de Dieu du mariage, pas de nivellement par le bas avec  « la tiédeur, toute forme de relativisme, ou un respect excessif quand il s’agit de le proposer » (AL 307).
  • Que les gens dans de telles situations devraient devenir soit sacramentellement mariés (AL 293) ou séparés (AL 298) ou vivre comme frère et sœur (cf. note AL 329).
  • Les gens qui ne respectent pas l'enseignement de l’Église sur le mariage doivent écouter le message de l'Évangile et se convertir (AL 297).
  • Ce malentendu, comme un « prêtre peut rapidement accorder 'exceptions' » doit être évité (AL 300).
  • Que les conditions cognitives ou psychologiques qui empêchent le péché grave objectif d'une personne de devenir mortel doivent exister (AL 301-302, 307).
  • La nécessité d'éviter le scandale (AL 299).



Cet article est une traduction personnelle de l’article « Pope Francis's New Document on Marriage: 12 Things to Know and Share » de Jimmy Akin.