
Difficulté biblique : Qu'est-il arrivé à la conversion de Paul?

Le livre des Actes nous raconte la conversion de saint Paul dans les termes suivants:
Or, comme il était en chemin, alors qu'il approchait de Damas, tout à coup une lumière (venant) du ciel resplendit autour de lui. Il tomba à terre et entendit une voix qui lui disait : " Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? " Il dit : " Qui êtes-vous, Seigneur? " Et lui : " Je suis Jésus que tu persécutes. Mais lève-toi et entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire. " Or les hommes qui faisaient route avec lui étaient demeurés saisis de stupeur, entendant bien la voix, mais ne voyant personne. Saul se releva de terre et, bien que ses yeux fussent ouverts, il ne voyait rien. En le conduisant par la main, on le fit entrer à Damas. (Actes 9, 3-8)
Il y a plusieurs choses intéressantes ici.
Aucun cheval!
L'une d’entre elles est qu'il n'y a aucune mention que saint Paul est monté sur un cheval. Nous entendons souvent des gens qui racontent comment Paul a été renversé de son cheval au moment de sa conversion, mais c'est une image qui vient de l'art, pas la Bible.
Il est en fait peu probable qu’il ait été à cheval, car les chevaux à l’époque ont été plus souvent utilisés pour la guerre, comme pour les charriots de combat. Ils n’étaient pas couramment montés.
Le passage ne mentionne pas que Paul montait un animal. Il a probablement voyagé à pied, comme le suggère le texte, quand il dit simplement qu'il est tombé au sol, lorsque la lumière céleste resplendit autour de lui.
Il est également suggéré par Jésus qui lui dit « lève-toi et entre dans la ville» (aucune mention du fait de remonter sur un animal) et aussi qu’il était « conduit par la main » à Damas par ses compagnons.
S’il avait été monté sur une bête (par exemple, un âne), ils l’auraient sans doute remis sur l'animal puis conduit la bête… sans prendre Paul la main pour le guider.
Une difficulté biblique?
Beaucoup de gens ont commenté une difficulté Bible qui découle de ce passage où il est dit:
Or les hommes qui faisaient route avec lui étaient demeurés saisis de stupeur, entendant bien la voix, mais ne voyant personne (Actes 9, 7).
Ceci est digne de mention parce que, plus tard dans ce même livre, Paul dit en racontant sa conversion:
Ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils n'entendirent pas la voix de celui qui me parlait (Actes 22, 9).
Qu'ont-ils vu? Qu'ont-ils entendu?
La difficulté qui doit être résolue concerne ce que les hommes qui étaient avec Paul ont vu et entendu.
La première n’est pas difficile, puisque les deux passages ne contiennent aucune contradiction apparente.
Le premier dit qu'ils ne voyaient pas personne et le second dit qu'ils ont vu la lumière. Il n'y a aucune contradiction, car on peut facilement voir de la lumière sans voir personne.
Ce que les hommes ont entendu présente plus de difficulté, car que le premier passage dit qu'ils entendirent la voix, tandis que le second dit qu'ils ne l’entendirent pas.
Cela ressemble à une contradiction.
N’est-ce pas?
Leçon de grec
Chaque fois que nous rencontrons quelque chose qui ressemble à une contradiction dans la Bible, il est sage de vérifier le texte dans sa langue originale, qui dans ce cas est le grec.
En examinant les deux passages, nous constatons que les deux utilisent les deux mêmes termes: akouō (entendre) et phóné (voix).
Cela signifie que nous ne pouvons pas résoudre le dilemme en faisant appel au fait que les passages utilisent des termes différents, parce que ce n’est pas le cas. Ils utilisent tous les deux le même verbe pour l’audition et le même nom pour ce qui est entendu.
Mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas résoudre la différence, parce que ces termes ont plus d'une signification en grec.
- Akouō peut signifier entendre, écouter, comprendre, obéir, savoir et autres choses.
- Phóné peut signifier son, ton, voix, pleurs, déclaration solennelle, etc.
Puisque qu'il s'agit du même auteur (Luc) qui a écrit ces deux passages dans le même livre (Actes), une déduction logique serait que Luc voulait probablement signifier que les termes doivent être pris dans des sens différents.
Y a-t-il deux sens différents dans lesquels ces termes peuvent être pris et qui auraient du sens dans ces deux passages?
Hé bien oui!
La solution la plus probable
La solution la plus probable est que dans le premier passage, akouō doit être pris pour signifier « entendre » et phóné doit être pris pour signifier « son », tandis que dans le second passage, akouō doit être pris pour signifier « comprendre » et phóné doit être pris pour signifier « voix ».
Selon cette lecture, Actes 9, 7 dit que les hommes avaient entendu un bruit, mais qu’ils ne voyaient pas personne, tandis qu’Actes 22, 9 dit qu'ils ont vu la lumière, mais qu’ils ne comprenaient pas la voix.
Cela serait semblable au passage de Jean 12, 28-29, où le Père parle à Jésus du ciel et que certains dans la foule perçoivent cela comme étant le tonnerre: Ils ont entendu un bruit, mais ils ne le perçoivent pas comme étant une voix. La perception intelligible étant réservée pour ceux que Dieu a voulu qu’ils l’aient.
Cela semble être la solution la plus probable. Ainsi, certaines traductions rendent les deux passages comme celui-ci:
Les hommes voyageant avec Saül se tenaient là sans voix; ils entendirent le son, mais ne virent personne (Actes 9, 7).
Mes compagnons ont vu la lumière, mais ils ne comprenaient pas la voix de celui qui me parlait (Actes 22: 9).
Ces traductions sont parfaitement acceptables, car « entendre » et « comprendre » sont des significations communes pour akouō, alors que « son » et « voix » sont des significations communes pour phóné.
Soyez prudent au-delà de ce point
Maintenant que nous avons identifié la solution la plus probable, nous devons être prudents de ne pas pousser cela trop loin.
Certains ont proposé qu’il y a une caractéristique dans le grec qui rend cette solution encore plus certaine. Selon certaines grammaires et des commentaires plus anciens, la signification du verbe akouō change, d'une façon qui est pertinente dans ce cas-ci, en fonction de la forme grammaticale du nom qui le suit.
En grec, les noms prennent des formes différentes, connues sous le nom de « cas », en fonction du rôle qu'ils jouent dans une phrase (la même chose est vraie des noms en latin, en allemand, en russe et en de nombreuses autres langues).
Deux de ces cas dans l’usage grec sont connus sous le nom du génitif et de l’accusatif.
Selon certains, quand akouō est suivie par un nom au génitif, cela souligne l'audition du son, mais pas la compréhension de celui-ci.
En contraste, ces personnes affirment que si akouō est suivie par un nom à l'accusatif, cela met alors en évidence la compréhension du son.
Il se trouve que dans Actes 9: 7, phóné est au génitif, et en Actes 22, 9, il est à l'accusatif.
Ceci est alors considéré comme une preuve confirmant la solution proposée ci-dessus: dans le premier passage, on dit que les compagnons entendent le son tandis que dans le second, on dit qu’ils ne le comprennent pas.
Le problème est que ces revendications ne sont pas du tout évidentes selon la façon dont le verbe est utilisé dans le grec du Nouveau Testament.
Daniel Wallace, l'un des plus grands savants contemporains du grec du Nouveau Testament, écrit:
Est-il douteux que ce soit là où se situe la différence entre les deux cas utilisés avec akouō? En grec hellénistique: le Nouveau Testament (y compris les écrivains les plus littéraires) est rempli d'exemples où akouō + le génitif indique la compréhension (Matthieu 2, 9; Jean 5, 25; 18, 37; Actes 3, 23; 11, 7; Apocalypse 3, 20; 6, 3.5; 8,13; 11, 12; 14,13; 16, 1.5.7; 21, 3) ainsi que des cas où akouō + accusatif où il y a peu ou pas de compréhension (explicitement Matthieu 13,19; Marc 13, 7 / Matthieu 24, 6 / Luc 21, 9; Actes 5, 24; 1 Corinthiens 11,18; Éphésiens 3, 2; Colossiens 1, 4; Philémon 5; Jacques 5,11; Apocalypse 14, 2). Les exceptions, en fait, sont apparemment plus nombreuses que la règle!
Ainsi, indépendamment de la façon dont on travaille les textes de la conversion de Paul, un appel aux différents cas ne devrait pas être de la solution (traduction de Greek Grammar Beyond the Basics, 133-134).
Nous devrions donc être prudents avec les arguments fondés sur des cas comme solution à cette difficulté.
Cependant, cela ne signifie pas que nous n’ayons pas identifié la bonne solution. La solution la plus probable reste que les termes sont simplement utilisés dans des sens différents dans les deux passages.
Cet article est une traduction personnelle de l’article «Resolving a Bible Difficulty: What Happened at Paul’s Conversion? » de Jimmy Akin. Vous pouvez consulter l’article original en anglais ici.
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