
Réponse à « 5 raisons pour lesquelles je ne crois pas à la présence réelle dans l’Eucharistie » : Les fondements bibliques de l’Eucharistie

Cet article est une réponse à l’article « 5 raisons pour lesquelles je ne crois pas à la présence réelle dans l’Eucharistie » de Guillaume Bourin, publié sur son blogue intitulé « Le Bon Combat ». Avant de lire mon article-réponse, je vous conseille de prendre le temps de lire tout d’abord son article pour bien comprendre sa position et ses objections. Le présent article ne répondra qu’à la quatrième raison de l’article mentionné ci-haut, qui affirme l’absence de fondement biblique pour la doctrine de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Si cette expérience se déroule bien, je suis ouvert à traiter aussi les autres raisons évoquées dans des articles ultérieurs. Ses objections seront ici décrites de façon très sommaire par souci d’économie d’espace et c’est pourquoi il est important de lire l’article de Mr Bourin avant de lire celui-ci.
Raison #4 : La présence réelle n’a aucun fondement biblique
Dans l’article de Mr Bourin, huit objections viennent appuyer son affirmation ci-haut. Je proposerai donc une réponse à chacune de ses objections.
Objection 1 : Si les 6 autres occurrences de « Je Suis » sont métaphoriques, pourquoi la première seule (Je suis le pain de vie) ferait-elle exception ?
Je crois que si on veut bien interpréter un texte biblique, il vaut mieux éviter généralement de traiter plusieurs passages en bloc. Si je devais répondre à cette objection en elle-même, je dirais que l’affirmation « Je suis le pain de vie » est différente de par exemple « Je suis la porte » ou « Je suis la vigne ». Les images de la porte et de la vigne ont par nature un sens symbolique. Jésus est la porte, car il est celui par lequel nous devons passer pour parvenir au Ciel et Jésus est la vigne, car la sève de notre vie spirituelle nous vient de lui. De par sa nature, je vois mal comment un morceau de pain pourrait symboliser la chair du Christ, car un morceau de pain n’est en rien comme sa chair.
Aussi, je ne suis pas certain qu’on puisse dire que « Je suis la résurrection et la vie » n’est qu’une métaphore, puisque le Christ est vraiment ressuscité et qu’il est vraiment vivant. Il y aurait donc au moins déjà une exception « réaliste » (ou littérale) aux 7 « Je suis » de Jésus. S’il y en a déjà une, alors pourquoi pas deux ?
Dans tous les autres cas où les « Je suis » sont utilisés comme métaphores, personne ne le comprend autrement qu’au sens métaphorique et cela ne suscite aucune réaction spéciale de son auditoire comme celle en Jean 6. Cependant, je reconnais ce n’est pas là l’argument le plus convainquant pour démontrer que l’affirmation « Je suis le pain de vie » n’est pas une métaphore, il sera plutôt développé dans l’objection suivante.
Objection 2 : Lorsque le langage devient plus pleinement métaphorique à partir du verset 49, le sens de la métaphore a déjà été solidement établi auparavant
Je crois qu’en fait, c’est plutôt l’inverse qui se produit dans le texte. Le langage de Jésus devient de moins en moins métaphorique et se veut de plus en plus réaliste au fur et à mesure que Jésus s’explique. Au départ il leur dit « Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n'aura jamais faim » (verset 39), puis il répète « Je suis le pain de vie » (verset 48), puis encore « Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour le salut du monde » (verset 51). Mais davatange vers la fin de ce discours, il devient encore plus explicite : « Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage » (verset 55). Selon moi, l’ajout de l’adjectif « vraiment » dans ce dernier verset ne rend pas une chose plus métaphorique, au contraire, cela la rend plus réaliste.
Il n’y a pas que ce « vraiment » qui marque cette précision, mais aussi un autre élément. Le terme « manger » qui est rendu généralement de façon identique dans nos traductions françaises est en fait deux termes différents en grec. À partir du verset 53, au lieu d’utiliser le mot grec qui signifie manger (esthio, strong #5315), il commence à utiliser plutôt le mot grec qui signifie mâcher, ronger ou même croquer (trogo, strong #5176). Cela contribue aussi à réduire l’aspect métaphorique du passage. Sinon, pourquoi Jésus aurait-il utilisé un mot évoquant alors davantage l’aspect « mécanique » de l’action de manger s’il voulait mieux préciser sa métaphore?
On y voit donc une progression dans le discours en ce sens : insistance de Jésus sur le fait qu’il est le pain de vie -> insistance sur le fait de le manger ->insistante encore plus forte sur l’action de le manger/mastiquer/croquer -> insistance sur le fait que son corps est vraiment une nourriture. Selon moi, cela ne fait pas de sens s’il voulait simplement expliquer sa métaphore du pain de vie. Avec une telle trajectoire de discours, on pourrait alors croire qu’il aurait tout fait pour tromper ses auditeurs, s’il avait vraiment voulu signifier que toute cette histoire de pain de vie n’était en fait qu’une métaphore pour signifier l’action de croire en lui.
Objection 3 : En Jean 6, Jean utilise le terme « chair » et non le terme « corps » comme dans les autres endroits où on parle du repas du Seigneur
Je ne vois pas en quoi cette objection est quelque chose d’important, puisque le pas à franchir entre la réalité de la chair du Christ et celle du corps du Christ ne semble pas si grand. Le corps de Jésus est fait de chair. Nous offrir sa chair, c’est donc aussi nous offrir son corps. À moins de parvenir à prouver que saint Jean a délibérément utilisé le mot « chair » pour éviter l’association avec le « corps » du Christ (et je ne vois pas comment on pourrait y arriver), je ne crois pas que cela soit significatif au point d’invalider l’idée de la présence réelle.
Objection 4 : Manger sa chair n’est qu’une manière métaphorique de faire référence à croire en Jésus
Je crois que si tel était le cas, alors la controverse de ce discours et la façon dont Jésus s’est expliqué ne font pas de sens, comme je l’ai mentionné un peu plus haut. Ces gens qui suivaient Jésus depuis la multiplication des pains étaient déjà des gens qui avaient reconnu Jésus comme étant le Prophète et qui étaient prêts à en faire leur roi (Jean 6, 14-15.24). Ils croyaient déjà en lui et pourtant, beaucoup de ceux qui croyaient en lui l’ont quitté pour ce discours (Jean 6, 66). Jésus n’avait donc aucune raison d’insister à ce point (en accentuant même son discours dans la direction opposée, selon ma réponse à l’objection 3) sur le fait de manger sa chair si cela ne signifiait simplement le fait de croire en lui.
Objection 5 : L’interprétation dans une perspective défendant la présence réelle des versets 54-55 nous nous amènerait (b) à contredire l’ensemble du discours qui a précédé, en particulier le v.40, et (a) à conclure que la seule chose nécessaire à la vie éternelle est la participation à la table du Seigneur
Je ne suis pas d’accord avec cela. Je ne crois pas comme Mr Bourin que l’« approche respectueuse de ce texte dans l’ensemble de son contexte sera de le comprendre comme une répétition des vérités déjà exprimées ». Je crois que l’approche respectueuse de ce texte dans l’ensemble de son contexte est celui d’un cheminement dans la foi. Jésus voulait expliquer à des gens qui croyaient déjà en lui (du moins assez pour le suivre, le reconnaître comme étant le Prophète et en faire leur roi), les nouvelles réalités à venir sous la Nouvelle Alliance. Il voulait préparer ses disciples à ces réalités et l’Eucharistie en est l’une des plus importantes.
Au sujet de conclure que « la seule chose nécessaire à la vie éternelle est la participation à la table du Seigneur », je ne vois pas en quoi cela a été démontré dans l’objection 5. Je ne vois pas en quoi il devrait n’y avoir qu’une seule chose de nécessaire à la vie éternelle qui ferait que celle-ci invaliderait les autres. C’est à mon avis un faux dilemme.
Objection 6 : Le caractère « cannibalistique » de la métaphore
L’idée de boire du sang (idem pour manger de la chair humaine) était une chose particulièrement dérangeante pour eux. Pourtant, c’est ce que Jésus leur demande et c’est pourquoi « cette parole est dure » (Jean 6, 60). C’est aussi la raison pour laquelle plusieurs de ses disciples ont cessé de le suivre après cela (Jean 6, 66). Mais, c’est pourtant ce que Jésus leur demande aussi à la Cène : « Il prit ensuite une coupe et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : " Buvez-en tous, car ceci est mon sang, (le sang) de l'alliance, répandu pour beaucoup en rémission des péchés. " » (Matthieu 26, 27-28). C’était donc une préparation nécessaire pour atteindre ce niveau d’intimité avec Jésus. À la Cène, aucun des apôtres présents ne s’offusque… car ils sont prêts à vivre cet enseignement. Je crois que c’est là que Jésus voulait amener les auditeurs de Jean 6 s’ils ne l’avaient pas quitté, car la Nouvelle Alliance, c’est celle de son sang comme il le dit pendant la Cène.
Objection 7 : Quand toute l’attention des auditeurs ou des lecteurs se focalise sur la chair, ils passent alors complètement à côté du sens du discours de Christ
Je crois qu’à la lumière de ce qui a été énoncé pour les objections précédentes, cette objection s’écroule d’elle-même. Si je suis parvenu à démontrer que Jésus voulait vraiment focaliser sur sa chair, alors tout le monde a bien compris ce que Jésus voulait dire et tout le monde a fait un choix délibéré dans cette histoire. Vous avez aussi, chers lecteurs, à répondre à ce discours de Jésus. Allez-vous tourner les talons sur ces « paroles dures » ou allez-vous avoir assez de foi pour vous nourrir de sa chair dans l’Eucharistie?`
Objection 8 : Personne ne peut prétendre se nourrir de Christ s’il ne se nourrit pas des Paroles de Christ
Je suis d’accord avec la majeure partie de ce qui est dit dans cette objection, mais je ne vois pas en quoi cela nous empêche de voir aussi la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. On peut très bien croire les Paroles du Christ et s’en nourrir sans avoir nécessairement à nier la présence réelle dans l’Eucharistie. C’est d’ailleurs ce que doivent faire tous ceux qui croient en la présence réelle.
Conclusion et suite
En plus de répondre aux objections, j’aurai aimé apporter d’autres fondements bibliques à l’Eucharistie, car il y aurait bien plus que le passage de Jean 6. Mais, étant donné que l’article est déjà assez long, je vais m’arrêter ici. Pour ma part, je crois être déjà parvenu à démontrer qu’il y a réellement un fondement biblique à l’Eucharistie en répondant à ces objections. Vous pouvez aussi consulter cet article pour savoir ce que saint Paul enseignait sur l’Eucharistie.
N’hésitez pas aussi à commenter si vous désirez partager une réponse aux objections de Mr Bourin à laquelle je n’aurais pas pensé.
Vous pouvez consulter la suite de cette discussion ici
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