Les indices pensables : 26 - Matière à penser…

Cette image est tirée de la bande dessinée Un os dans évolution, Tome 2, page 35 de la série : Les Indices pensables
Résumé : L’idée de Parménide est partagée par tous les philosophes du monde : Un Être Absolu a toujours existé, car il n’a pas pu sortir du néant. C’est juste après cette affirmation que les désaccords commencent, dès que se pose la question : QUI est cet Être Absolu ?

A partir de cette question, nous voyons se positionner les grands courants de pensée de l’humanité qui ne sont pas en nombre indéfini. Et nous constatons qu’il est possible de les ranger par famille, pour tenter d’y voir clair. (Avant le Bac, ça peut servir !)*

Ecoutons d’abord Parménide puisqu’il est à l’origine de cette réflexion. Il nous dit : L’Être Absolu n’est pas quelqu’un, (pas un dieu) mais quelque chose : c’est l’Univers.

  • Premièrement, ces montagnes et ces océans que je vois aujourd’hui n’ont été créés par personne (car j’ai choisi l’athéisme).
  • Deuxièmement, ils n’ont pas pu sortir du néant, donc ils ont toujours existé.
Parménide est ainsi le père du grand courant matérialiste athée. Pour lui, l’univers est seul, il a toujours existé, la matière est éternelle. C’est une réflexion très intéressante, qui accorde à la matière un statut considérable sur lequel est fondé l’athéisme. Nous verrons par la suite que ce courant connait des subdivisions avec les atomistes et les stoïciens dont nous parlerons ultérieurement. Nous allons poursuivre notre enquête en regardant comment chacun des grands courants de pensée va se positionner par rapport à cette question précise concernant la matière.

En face de ce premier courant « matérialiste »,  un autre grand courant affirme exactement le contraire : non, la matière n’est pas ce que vous croyez,  loin de là, car l’Être Absolu n’est pas quelque chose, il est quelqu’un, c’est le Brahman, le divin, il est seul, tout le reste est illusion (maya), selon ce courant qui  puise ses sources dans l’Antique tradition Hindouiste.

Ce grand fleuve va connaitre de nombreuses ramifications. Citons entre autres les antiques religions babyloniennes, l’orphisme, le platonisme, le néoplatonisme, les gnoses manichéennes sous différentes formes comme le catharisme, puis l’idéalisme allemand… Une des caractéristiques de ce fleuve aux multiples affluents, est la dépréciation de la matière, considérée d’abord comme une pure illusion, puis  comme le principe du mal, enfin  comme l’émanation d’un dieu mauvais. Nous sommes exactement à l’opposé des différentes formes de matérialisme pour qui la matière n’est autre que l’Être Absolu, avec ses prédicats : immuable, sans genèse ni corruption, ni fin : éternelle.

Mais entre ces deux fleuves géants du matérialisme et de l’idéalisme, quelques penseurs ouvrent une troisième voie, comme un chemin de crête. Par exemple Aristote ose dire : vous parlez de  matière comme si c’était une réalité absolutisée ou dépréciée, alors que la matière est en réalité une fonction.
Il n’existe pas de MATIERE ne tant que telle.

Ce qu’on appelle matière est la matière DE quelque chose. Ainsi, la matière de cette table, c’est le bois. La matière de ce discours, ce sont les mots qui le composent, la matière de cette armée, ce sont les soldats. Mais ce ne sont pas les soldats qui décident de la stratégie, ni les mots qui rédigent le discours, ni le bois qui fabrique la table. C’est l’artisan, l’auteur, le général. Dans chaque cas, il faut un principe organisateur.

En effet. Cette remarque semble judicieuse.

 Mais… pour les organismes vivants ? Aristote répond : Ils sont tous composés d’atomes qui sont la « matière » des êtres vivants. Les atomes entrent dans la composition mais ils ne peuvent rien faire par eux-mêmes, pas plus que les mots ne peuvent prétendre rédiger seuls un livre… les atomes reçoivent l’information, l’organisation, d’un principe invisible que j’appelle psyché, qui est une pensée, des instructions.

Tout ce qui est vivant est une psyché qui anime la matière multiple qu’elle a construit en organisme. Psyché est traduit anima, puis âme.

D’une certaine façon et sans concertation avec Aristote, les penseurs hébreux appelés néviyims** pensent la même chose. Tout être vivant est une « âme vivante ». Les êtres humains reçoivent en plus, le souffle (ruah, pneuma, spiritus, esprit) que le créateur ne donne qu’à eux seuls.

 C’est habituellement cela que nous appelons l’âme. Alors que pour la pensée biblique et pour Aristote, l’âme n’a pas de connotation religieuse, l’âme c’est ce qui fait que le vivant, plante, animal, homme, est animé. Nous y reviendrons.

En attendant, notons que pour les hébreux bibliques, la « matière » n’est pas l’Être Absolu, comme chez les matérialistes athées, puisqu’elle est créée par Dieu.

Elle n’est pas non plus illusion ni principe du mal, ni prison de l’âme,  ni l’émanation d’un dieu mauvais comme pour les idéalistes. Elle n’est pas du tout « mauvaise », au contraire, elle est dite « bonne », dès le livre de la Genèse, car elle est créée intentionnellement par le Dieu unique qui est bon.

Nous allons désormais pouvoir poursuivre notre enquête en observant comment ces trois grands fleuves de pensée vont se comporter dans leur confrontation au réel que nous commençons à mieux connaître, depuis quelques années…

A suivre…

* Sans perdre de vue la dimension schématique de cette présentation.
** prophètes 

Cette chronique est écrite par Mr Bruno Brunor, auteur des bandes dessinées « Les indices pensables ». Les images que vous voyez sont tirées des bandes dessinées.

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