Cette image est tirée de la bande dessinée La lumière fatiguée, Tome 4, page 18 de la série : Les Indices pensables |
Comme nous l’avons vu la semaine dernière, certains philosophes n’ont pas apprécié que telle découverte scientifique vienne démontrer que leur conception du monde était fausse. Nietzsche affirmait que notre Univers est cyclique, censé se régénérer lui-même, dans un mouvement perpétuel (l’éternel retour) inspiré dans l’Antiquité d’Héraclite, lui-même ayant puisé dans des mythes encore plus anciens. Mais pendant des siècles, il était impossible de savoir si cette représentation du monde était vraie ou fausse. On pouvait juste constater qu’elle était radicalement contradictoire avec celle des Hébreux qui pensaient un commencement et une fin de toutes choses, y compris du soleil et de l’Univers lui-même.
Les six étapes de la Genèse parlent d’une série de commencements. Pour faire « Ciel et Terre », c’est-à-dire l’Univers entier, Dieu procède par étapes.
Commencement de la lumière, commencement des « lampadaires » (pour éclairer le jour et la nuit), commencement de la vie, commencement des animaux puis des êtres humains… Parce que le temps mesure la Création, il est irréversible : chaque chose créée connait un commencement, une croissance, une usure puis une fin, depuis le commencement de l’Univers, il y a 13,81 milliards d’années, (estimation actuelle).
Pendant que Nietzsche préférait les cycles où tout est répétitif, des scientifiques comme Haeckel affirmaient que l’Univers est absolument fixe, éternel dans le passé et dans le futur, selon la philosophie de Spinoza pour qui l’Univers est l’unique Substance, qui est divine. « La Nature est dieu »[1]…
Il est évident que cette Nature divinisée ne peut donc connaître ni commencement, ni croissance, ni usure, ni fin. Or, voici qu’une loi de la nature (le Principe de Carnot-Clausius) venait nous apprendre exactement le contraire : tout s’use dans notre Univers.
Les Hébreux le disaient depuis longtemps, ils l’ont écrit depuis plus de 2000 ans : « Ciel et Terre [l’Univers entier] s’use comme un vieux vêtement. » (Psaume 102).
Mais on sait que Spinoza, Nietzsche et Haeckel n’appréciaient guère les textes et la pensée des Hébreux, au point de proclamer que ce n’était même pas de la pensée, mais de la vulgaire « croyance ».
Donc, le plus scientifique des trois : Haeckel, a déclaré qu’il fallait « sacrifier » ce principe de Carnot Clausius qui ne convenait pas du tout à ses idées. Car, non seulement cette loi de la nature parlait d’une fin possible de l’Univers entier, mais aussi, de quelque chose encore bien pire à ses yeux… Un commencement ! Un commencement de l’Univers, comme dans la Bible !... Beurk !
Pourquoi une fin implique-t-elle qu’il y ait eu nécessairement un commencement ?
Nous allons le comprendre. Si l’Univers est éternel dans le passé, sans commencement, comme le croient Spinoza et Haeckel, alors cet Univers ne peut pas avoir de fin. Car s’il devait avoir une fin, elle aurait déjà dû avoir lieu, depuis l’éternité.
C’est aussi pour sauver à tout prix son idée de l’Univers-éternel-dans-le-passé, que Haeckel refuse absolument d’admettre le Principe de Carnot-Clausius, qui démontre combien l’Univers est provisoire, limité dans le futur, mais aussi dans le passé. C’est à cause de ce refus qu’il veut sacrifier cette loi de la nature contradictoire avec sa philosophie. C’est une méthode que nous retrouvons tout au long de l’Histoire de la philosophie et des sciences. Lorsque telle philosophie se trouve être confrontée à l’expérience et en opposition avec elle, la tendance de ses partisans est de tout faire pour sacrifier l’expérience. Même les plus grands comme Descartes et Einstein sont tombés dans ce piège pour l’intelligence (nous en parlerons une prochaine fois…)
Grâce à cette découverte du Second Principe de la thermodynamique, que malgré ses efforts, Haeckel n’a pas pu sacrifier, nous avons la certitude que cet Univers aura une fin. D’ailleurs, au siècle suivant, les astrophysiciens confirmeront cela puisqu’ils savent que toutes les étoiles auront une fin comme notre étoile que nous appelons « Soleil ». Etant donné que tous les soleils-étoiles (c’est la même chose) fonctionnent comme le nôtre, en brûlant leur carburant, l’hydrogène, pour le transformer en hélium, selon un procédé identique à celui des bombes à hydrogène. Comme toute machine, quand notre Soleil aura épuisé son carburant, il cessera de fonctionner.
Nos scientifiques estiment qu’il reste encore assez d’hydrogène pour que le Soleil puisse continuer de nous envoyer son énergie, sous forme de chaleur et de lumière, durant encore environ 4,5 milliards d’années. D’après nos astrophysiciens, les autres soleils-étoiles fonctionnent exactement de la même façon, et l’usure de leur carburant–hydrogène est également, tout à fait irréversible.
En sorte qu’un jour, tous les soleils -étoiles seront éteints, et l’Univers connaîtra ce que Clausius appelait « la mort thermique de l’Univers. » Et ce, malgré l’apparition constatée de nouvelles étoiles jeunes. Si les choses se poursuivent comme on peut désormais les observer depuis les débuts (13,81 milliards d’années), ces nouvelles générations ne suffiront pas à entretenir un Univers éternel. C’est une question bien connue de démographie. Les hébreux bibliques enseignaient que ce monde est provisoire, il aura une fin. Selon les calculs de nos astrophysiciens, cette fin devrait avoir lieu dans environ 40 milliards d’années [2]. Car même si on ne l’aime pas, on ne peut pas sacrifier le Second Principe de la Thermodynamique, qui nous apprend aussi que la présence d’êtres vivants, qui sont ce qu’on nomme « des structures hautement improbables », a de quoi nous intriguer au plus haut point.[3]
À suivre…
[1] Spinoza, Préface de l’Ethique.
[2] La thèse d’un big Crunch était en compétition avec celle de la mort thermique, il semble qu’à ce jour les spécialistes optent plutôt pour cette seconde hypothèse, celle de Clausius.
[3] Ce ne sont que des indices, restons prudents, car nous avons encore beaucoup de choses à apprendre de l’Univers
Cette chronique est écrite par Mr Bruno Brunor, auteur des bandes dessinées « Les indices pensables ». Les images que vous voyez sont tirées des bandes dessinées.
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