J'ai entendu dire que le récit de la femme adultère était absent de plusieurs manuscrits anciens. Pourquoi est-il absent? Est-ce qu'on doit alors douter de l'authenticité de ce récit? 

Le récit de la femme adultère est effectivement absent des codex Vaticanus et Sinaiticus. Pourquoi est-il absent? C'est parce que ces manuscrits ont probablement été copiés à partir d'autres manuscrits qui ne contenaient pas non plus cette péricope. Mais, ce n'est probablement pas ce « pourquoi » là qui vous intéresse. Le « pourquoi » est une question très complexe à laquelle je ne crois pas que vous puissiez trouver une réponse définitive. Voici les grandes lignes de ce que je connais de cette problématique.

La science qui s’occupe de ce genre de problèmes dans les manuscrits est la critique textuelle... et comme toutes les sciences, elles ne peuvent que répondre que de façon descriptive aux questions de « pourquoi ». Sinon, elle nage alors à la limite de la science, de la philosophie et de la spéculation, avec un mélange plus ou moins prononcé dans ces domaines.

On a retrouvé ce récit de la femme adultère à des endroits différents dans certains manuscrits. Comme par exemple, certains le placent plus loin dans l'évangile de Jean au chapitre 21. Certains manuscrits l'ont même placé à la fin du chapitre 24 de l'évangile de Luc. Ce dernier choix n'est pas sans raison, puisqu'il est vrai que le style littéraire de ce récit est plus proche de celui de Luc que de celui de Jean. Dans nos Bible actuelles, il est présenté à Jean 7,53 – 8,11.

Le passage de la femme adultère doit néanmoins être considéré comme étant canonique et inspiré au même titre que tous les autres passages de la Bible. Bien qu'il soit absent des codex Vaticanus et Sinaiticus, il est toutefois présent dans le codex Bezae qui date aussi de la même époque que les deux précédents. Cependant, il n'est pas impossible que le scribe qui a copié le codex Vaticanus ait voulu signifier l'existence de ce récit avec une ponctuation spéciale (deux points). L'image suivante explique comment (en anglais)  :



Nous avons aussi le témoignage de Papias (2e siècle) et d'Eusèbe dans son histoire de l'Église (3e siècle) qui font référence à une femme qui a été accusée de nombreux péchés devant le Seigneur et qui pourraient référer à ce passage. Saint Augustin et saint Ambroise ont commenté ce passage, ce qui démontre bien l'existence de ce passage au 4e siècle en occident. Saint Augustin va même jusqu'à dire que certaines personnes ont exclu ce passage de peur que cela donne l'impression que le Seigneur Jésus ne condamnait pas l'adultère. En orient, la seule mention de ce passage avant le 12e siècle, je crois, provient de l'alexandrin Didyme l'Aveugle dans son « commentaire sur l’Ecclésiaste », mais sans mentionner le péché de la femme ni son emplacement dans les évangiles. Saint Jérôme, qui a étudié un temps avec Didyme, nous dit aussi que le récit de cette femme se retrouvait à différents endroits selon les manuscrits.

Comme vous pouvez le constater, le problème n'est pas simple. Cependant, il faut se méfier de certaines sites ou livres qui utilisent d'une façon malveillante ces variantes pour nous faire douter des évangiles. Ma conclusion personnelle : je crois que ce récit a pu circuler pendant un moment sans avoir de « domicile fixe », mais cela n'est pas vraiment une raison d'en contester l'authenticité ou son origine apostolique.