Le latin: la langue de l'Église (3/5)
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| Le bon pape Jean XXIII |
La langue latine devrait être perçue comme un trésor. D'abord, parce qu'elle véhicule la « sagesse des anciens » que l'on appelle les humanités gréco-latines. Une éducation de qualité présuppose une connaissance des fondements culturels, philosophiques et historiques de notre civilisation et de notre langue, le français, qui n'est en réalité qu'une forme moderne du latin. L'apprentissage du latin est une activité qui est en soi formatrice pour l'esprit : « Le latin cultive, mûrit, perfectionne les principales facultés intellectuelles et morales ; il aiguise l'intelligence et le jugement; il rend l'esprit de l'enfant plus à même de bien comprendre toutes choses et de les estimer à leur juste valeur; il apprend enfin à penser ou à s'exprimer avec méthode » (Veterum Sapientia, 9)
Au-delà des humanités et de la littérature, la langue latine est unie à la vie de l'Église et intéresse de près la foi catholique. Elle a trois caractéristiques qui la rendent adaptée à l'Église : son universalité, son immuabilité et le fait qu'elle ne soit pas vulgaire (vulgaire au sens latin signifie « commun, ordinaire »). Elle est universelle et donc réellement catholique puisqu'elle ne favorise aucun pays et elle fait partie du patrimoine commun de l'humanité. Mais dans un sens, elle est propre à l'Église et constitue en quelque sorte la langue du peuple de Dieu, l'un des éléments qui l'unissent et qui le rendent réellement « un ». La seconde caractéristique est son immuabilité, qui est indispensable pour exprimer au travers les siècles des vérités immuables susceptibles d'être dénaturées par l'évolution naturelle d'une langue vivante. Une langue morte est un rempart contre l'hétérodoxie puisque la plupart des hérésies prennent pied dans une ambiguïté de langage. La troisième caractéristique est qu'elle n'est pas ordinaire, mais noble et majestueuse, qualités qui conviennent à la dignité de l'Église fondée par le Christ, de la même façon qu'une cathédrale majestueuse convient au culte divin.
Si je devais résumer les raisons pour lesquelles la langue latine est la langue de l'Église, je dirais qu'elle participe à l'identité même de l'Église qui selon le Crédo est « une, sainte, catholique et apostolique » :
« une » parce qu'elle contribue à unifier l'Église ;
« sainte » parce qu'elle est l'une des langues saintes (avec le grec et l'hébreu), mise à part pour les choses saintes ;
« catholique » parce qu'elle est universelle et la seule langue officielle de l'Église ;
« apostolique » parce qu'elle provient des origines mêmes du christianisme, ayant servi à transmettre les enseignements des apôtres et reliant l'Église d'aujourd'hui à celle d'hier.
Après avoir expliqué l'importance du latin, le Saint-Père « décide et ordonne » qu'un certain nombre de choses devront être faites. D'abord, on évitera de parler contre le latin (par. 11, §2). Ensuite, on favorisera l'enseignement du latin dans les écoles catholiques, même au détriment des autres matières, quitte à prolonger les études si nécessaire. Une chose remarquable à la lecture de ce document est que l'on envisage le latin comme ayant des caractéristiques de langue vivante : on enseignera la théologie en latin, on parlera latin et on écrira des manuels en latin (par. 11, §5). Il est clair que Veterum Sapientia entend faire beaucoup plus du latin qu'une simple langue liturgique. À l'époque où ce document a été écrit, cela faisait longtemps qu'on ne dispensait plus les cours en latin dans la plupart des institutions d'enseignement et séminaires. Donc, ce que le pape envisage n'est pas simplement de stopper l'hémorragie, mais d'entreprendre une réforme pour redonner au latin sa juste place.
Inutile de dire que Veterum Sapientia est demeuré lettre morte. En général, on a fait l'opposé de ce qu'ordonnait le pape. Quelques décennies plus tard, partout dans le monde catholique, sauf quelques exceptions isolées, on n'entend pas un mot de latin, ni dans les séminaires, ni dans les écoles, ni à la messe. Ce déclin s'est produit en même temps que le déclin de la catéchèse et ce n'est pas un hasard. Il y a gros à parier que ceux-là mêmes qui sont responsables de l'abandon du latin sont responsables de l'abandon de la foi.
Après un demi-siècle de relativisme, les catholiques commencent peu à peu à retrouver la foi et la tradition qui la nourrit. Il nous appartient de nous réapproprier la tradition, notamment en apprenant notre langue sacrée, en nous en servant et en l'appréciant. Cette tradition de l'Église comporte de nombreux autres trésors pour nourrir notre foi. Dans le prochain billet, nous verrons comment notre pape émérite Benoît XVI a ouvert le coffre à trésor pour permettre à tous les catholiques de redécouvrir leur héritage liturgique.
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