Les lettres des Pères de l'Église : Le Culte de Justin le martyre

De nos jour, le culte des chrétiens est très varié. Du rituel bien encadré aux homélies improvisées, on peut se demander comment les premiers chrétiens célébraient. Une des descriptions la plus primitive du culte chrétien nous vient de Justin le martyre, un philosophe converti au christianisme qui a écrit dans sa première apologie une défense en faveur des chrétiens. Je voulais donc partager avec vous une description du culte qu'il vivait avec sa communauté. Tout cela autour de l'an 150, il y a plus de 1850 ans.

Extrait de la première apologie de Justin:


65. Revenons à nous. Quand celui qui s'est associé à notre foi et à notre croyance a reçu
l'ablution dont nous avons parlé plus haut, nous le conduisons dans le lieu où sont rassemblés
ceux que nous nommons nos frères. Là commencent les prières ardentes que nous faisons
pour l'illuminé, pour nous-mêmes et pour tous les autres, dans l'espoir d'obtenir, avec la
connaissance que nous avons de la vérité, la grâce de vivre dans la droiture des œuvres et
dans l'observance des préceptes, et de mériter ainsi le salut éternel. Quand la prière est
terminée, nous nous saluons tous d'un baiser de paix; ensuite on apporte à celui qui est le chef
des frères; du pain, de l'eau et du vin. Il les prend et célèbre la gloire et chante les louanges du
Père de l'univers, par le nom du Fils et du Saint-Esprit, et fait une longue action de grâces,
pour tous les biens que nous avons reçus de lui. Les prières et l'action de grâces terminées,
tout le peuple s'écrie: Amen! Amen, en langue hébraïque, signifie, ainsi soit-il. Quand le chef
des frères a fini les prières et l'action de grâces, que tout le peuple y a répondu, ceux que nous
appelons diacres distribuent à chacun des assistants le pain, le vin et l'eau, sur lesquels les
actions de grâces ont été dites, et ils en portent aux absents.


66. Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y prendre part, s'il ne croit la
vérité de notre doctrine, s'il n'a reçu l'ablution pour la rémission de ses péchés et sa
régénération, et s'il ne vit selon les enseignements du Christ. Car nous ne prenons pas cet
aliment comme un pain ordinaire et une boisson commune. Mais de même que, par la parole
de Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, ayant été fait chair, a pris sang et chair pour notre salut;
de même aussi cet aliment, qui par l'assimilation doit nourrir nos chairs et notre sang, est
devenu, par la vertu de l'action de grâces, contenant les paroles de Jésus-Christ lui-même, le
propre sang et la propre chair de Jésus incarné: telle est notre foi. Les apôtres, dans leurs
écrits, que l'on nomme Évangiles, nous ont appris que Jésus-Christ leur avait recommandé
d'en agir de la sorte, lorsque ayant pris du pain, il dit: "Faites ceci en mémoire de moi: ceci est
mon corps; "et semblablement ayant pris le calice, et ayant rendu grâces: "Ceci est mon sang,
"ajouta-t- il; et il le leur distribua à eux seuls. Les démons n'ont pas manqué d'imiter cette
institution dans les mystères de Mithra; car on apporte à l'initié du pain et du vin, sur lesquels
on prononce certaines paroles que vous savez, ou que vous êtes à même de savoir.


67. Après l'assemblée, nous nous entretenons les uns les autres dans le souvenir de ce qui s'y
est passé. Si nous avons du bien, nous soulageons les pauvres et nous nous aidons toujours; et
dans toutes nos offrandes, nous louons le Créateur de l'univers par Jésus-Christ son Fils et par
le Saint-Esprit. Le jour du soleil, comme on l'appelle, tous ceux qui habitent les villes ou les
campagnes se réunissent dans un même lieu, et on lit les récits des apôtres ou les écrits des
prophètes, selon le temps dont on peut disposer. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait
un discours pour exhorter à l'imitation de ces sublimes enseignements. Ensuite nous nous
levons tous et nous prions; et, comme nous l'avons dit, la prière terminée, on apporte du pain,
du vin et de l'eau, et celui qui préside fait les prières et les actions de grâces avec la plus
grande ferveur. Le peuple répond: Amen, et la distribution et la communion générale des
choses consacrées se fait à toute l'assistance; la part des absents leur est portée par les diacres.
Ceux qui sont dans l'abondance et veulent donner, font leurs largesses, et ce qui est recueilli
est remis à celui qui préside, et il assiste les veuves, les orphelins, les malades, les indigents,
les prisonniers et les étrangers: en un mot, il prend soin de soulager tous les besoins. Si nous
nous rassemblons le jour du soleil, c'est parce que ce jour est celui où Dieu, tirant la matière
des ténèbres, commença à créer le monde, et aussi celui où Jésus-Christ notre Sauveur
ressuscita d'entre les morts; car les Juifs le crucifièrent la veille du jour de Saturne, et le
lendemain de ce jour, c'est-à-dire le jour du soleil, il apparut à ses disciples, et leur enseigna
ce que nous avons livré à vos méditations.

Si on regarde attentivement ce témoignage, il ne fait aucun doute que Justin allait à une culte qui ressemble de très près à la Messe catholique. Les prière d'action de grâce, le rôle des ministres, le pain et le vin qui deviennent Corps et du Sang du Christ, les paroles de la consécration, les chants de gloire et de louange à la Trinité, se réunir le jour du soleil (dimanche), la communion. Cet homme allait vraiment à la même Messe que celle que je suis allé dimanche dernier.

Commentaires

  1. Bonjour Miguel,

    "Cet homme allait vraiment à la même Messe que celle que je suis allé dimanche dernier." N'est-ce pas aller un peu vite et considérer comme rien la croissance de l'Eglise en particuliers à travers les conciles ?

    Bien cordialement,

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  2. Bonjour Ludovic,

    J'ai toujours été fasciné de voir à quelle point la tradition de l'Église a été bien conservée malgré les siècles qui ont passé. Personnellement, je ne trouve pas que cela enlève quoi que ce soit au concile ni ne nie les développements de la Messe. Au contraire, cela est une preuve que les conciles, guidé par l'Esprit-Saint, ont su bien discerner l'essentiel de la liturgie tout en lui laissant une souplesse d'adaptation à différentes situations.

    Merci pour votre commentaire

    Miguel

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  3. C'est impressionnant de voir à quel point la messe "moderne" et la messe du tout début de la chrétienté se ressemblent! Je trouve fascinant la partie sur l'Eucharistie, qui confirme bien que le "repas du Seigneur" n'était pas qu'un simple repas fraternel "en mémoire" de Jésus, mais bien un sacrifice avec le pain et le vin devenus le corps et le sang de Jésus. Je me demande réellement ce qu'en diraient les Protestants...

    Merci pour cet article!

    Rachel A

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  4. Bonjour Rachel et merci beaucoup pour vos recents commentaires

    Dans mes expériences de discussions avec des protestants, j’ai été à prime abord un peu surpris de savoir que certains d’entre eux (mais surement pas la majorité) lisaient régulièrement les textes des Pères de l’Église. Cependant, je crois que lorsqu’ils tombent sur ces passages, ils les interprètent comme ils interprètent certains passages de la Bible qui démontre clairement les enseignements de l’Église catholique. Ils leur donnent une signification différente ou ils réduisent une réalité sacrementelle à une réalité symbolique. Cela est évident lorsqu’on voit leur interprétation de passages comme Jean 6 (Eucharistie), Mathieu 16 (Papauté) et Jean 20 (Pardon).

    Malgré cela, je crois qu’exposé les textes des premiers chrétiens est une bonne façon de leur démontrer qu’au minimum, ils doivent admettre qu’au moins certains chrétiens interprétaient ces textes sur l’Eucharistie comme étant un sacrifice avec le pain et le vin devenant le corps et le sang de Jésus. Pour le reste, je les confient à l’Esprit-Saint qui veut que tous demeurent dans la vérité.

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