
Protestantisme, baïanisme et jansénisme

Dans cette série d’articles sur la grâce actuelle, nous avons mentionné deux groupes d’erreurs dans l’articulation de la relation entre la grâce actuelle et la nature humaine. Le premier groupe d’erreur a consisté à exalter la nature humaine au préjudice de la grâce, tandis que le deuxième groupe a exalté la grâce au détriment de la nature humaine. Nous avons déjà présenté le premier groupe dans cet article sur le pélagianisme et le présent article va présenter le deuxième groupe d’erreur qui consiste à exalter la grâce au détriment de la nature humaine.
Les fondateurs du protestantisme
Parmi ceux qui ont exalté la grâce au détriment de la nature humaine, on retrouve deux importants fondateurs du protestantisme : Martin Luther et Jean Calvin. Selon eux, l’homme par ses propres forces ne peut accomplir aucune bonne œuvre, de sorte que toutes ses actions, faites sans le secours de la grâce et même sans la foi justifiante sont autant de péchés. Aussi, l’homme est forcé d’agir par la grâce, de sorte qu’il ne peut y résister. Ces erreurs furent condamnées par le concile de Trente (1545-1563).
Comme pour le pélagianisme, la source des erreurs de Luther et de Calvin se situait dans leur conception erronée de l’état de la création d’Adam et Ève. Pour eux, la justice originelle et les dons qui accompagnaient la nature humaine n’étaient pas ajoutés à la nature humaine, mais faisaient essentiellement partie de cette nature. De là, ils concluaient que le péché originel a vicié fondamentalement la nature humaine, au point de lui enlever le libre arbitre et à rendre l’homme radicalement impuissant à connaître ou à vouloir les réalités spirituelles ou divines.
Baïanisme et jansénisme
Les erreurs de Luther et de Calvin se sont aussi retrouvées dans le monde catholique, sous des formes légèrement différentes, dans le baïanisme et le jansénisme. Le baïanisme vient du nom de son fondateur Michel Baïus (ou Michel de Bay) et le jansénisme vient du nom de son fondateur Cornelius Jansen (Jansenius). Voici les cinq propositions condamnées du jansénisme qui exprime bien les idées de ces courants :
- Quelques commandements de Dieu sont impossibles aux justes qui veulent et s'efforcent selon les forces qu'ils ont présentes : et la grâce, par laquelle ils leur soient possibles, leur manque aussi.
- Dans l'état de la nature déchue, on ne résiste jamais à la grâce intérieure.
- Pour mériter et démériter dans l'état de la nature déchue, il n'est pas nécessaire qu'il y ait dans l'homme une liberté qui soit exempte de contrainte.
- Les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure prévenante, pour chaque action, même pour le commencement de la foi : et ils étaient hérétiques en ce qu'ils voulaient que cette grâce fût telle, que la volonté des hommes lui pût résister ou obéir.
- C'est un sentiment semi-pélagien de dire que Jésus-Christ soit mort ou qu'il ait répandu son sang pour tous les hommes sans en exempter un seul.
Ce que nous pouvons apprendre de la condamnation de ces erreurs
- Que l’élévation à l’état surnaturel et l’intégrité de nature n’étaient pas dues à nos premiers parents et ne faisaient pas partie intégrante de leur nature. Il y a ainsi une distinction radicale entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, entre la grâce et la nature.
- Que le péché originel n’a pas détruit le libre arbitre, mais l’a seulement affaibli et incliné.
- Que l’homme déchu, n’étant pas totalement vicié dans son entendement et sa volonté, peut, sans le secours de la grâce, connaître quelques vérités de l’ordre naturel, accomplir des œuvres faciles du même ordre et surmonter les tentations légères.
- Que l’homme peut, avant d’avoir obtenu la grâce de la foi, faire des actions moralement bonnes et donc que les œuvres des non-croyants ne sont pas tous des vices ou des péchés.
- Que l’homme, aidé de la grâce actuelle, peut, avant d’avoir obtenu la justification, accomplir des actes bons et surnaturels et donc que les œuvres des pécheurs ne sont pas tous des péchés.
- Que la grâce efficace n’impose pas à l’homme la nécessité d’agir, mais lui laisse toute sa liberté.
- Que Jésus-Christ est mort et a répandu son sang pour que tous les hommes soient sauvés.
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