Dans cette seconde partie du résumé du sermon du Cardinal Newman sur
l'agonie de Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers, nous verrons comment
s'appliquent les principes que nous avons survolés dans la première partie du résumé.
Au moment d'être crucifié, on offrit à Notre-Seigneur du vin mêlé
de myrrhe. Il refusa d'en prendre. La raison est que ceci aurait
apaisé sa douleur en engourdissant son esprit. Il voulut souffrir
jusqu'au bout et sans aucune forme d'adoucissement de la souffrance. Il
fit face à la souffrance et l'affronta jusqu'au bout pour en imprimer
dans son âme chacun des instants. Contrairement à nous qui sommes
pécheurs, l'âme de Notre-Seigneur était parfaitement en son pouvoir et
était libre de toute distraction qui aurait pu diminuer l'intensité de
sa souffrance. Il s'est attaché à la douleur et s'est livré et soumis
entièrement à la souffrance.
Notre-Seigneur était différent de nous en ceci qu'il y avait une
puissance plus grande que son âme qui gouvernait celle-ci. Cette
puissance vient de sa nature divine que nous n'avons pas. L'âme des
hommes pécheurs est soumise aux désirs, aux sentiments, aux impulsions
et aux passions qui lui sont propres. L'âme de Notre-Seigneur n'est
soumise qu'à sa Divine Personne Éternelle. Rien ne lui arrivait par
hasard. Il ne fut jamais pris par surprise. Pour notre part, quand
nous souffrons, c'est qu'il y a des circonstances et des agents
extérieurs qui exercent sur nous des contraintes, ce qui fait que nous
subissons involontairement les souffrances. De plus, nous ne
connaissons pas l'intensité de la souffrance que nous vivrons demain ou
dans 10 ans. Et quand elle survient, nous faisons de notre mieux pour la
diminuer et alors notre patience est rudement mise à l'épreuve. Quand
la souffrance est passée, on se demande pourquoi nous n'avons pas été
plus patient pour la supporter. Il en était autrement pour
Notre-Seigneur. Lorsqu'il choisissait de craindre, il craignait.
Lorsqu'il choisissait de s'affliger, il s'affligeait. Lorsqu'il
choisissait de s'irriter, il s'irritait. Il n'était pas dirigé par ses
émotions. Donc lorsqu'il a décidé de souffrir sa Passion, il le fit
jusqu'au bout et jamais partiellement. En aucun instant il n'a cherché,
comme nous le faisons, à détourner son esprit de la souffrance pour
qu'elle l'atteigne moins. Il se fit homme dans le but de souffrir comme
les hommes. Il s'est offert tout entier en total holocauste. C'est
tout son esprit, toute sa sensibilité et toute sa lucidité qu'il
présenta à ses bourreaux. Quand il mourut, ce fut un acte de sa volonté.
"Mon père, entre Vos mains, Je remets Mon Esprit".
Si Notre-Seigneur n'avait souffert que dans son corps, il aurait
quand même souffert infiniment plus que nous du fait que la douleur doit
être mesurée par la prise de conscience de celle-ci par l'âme.
Notre-Seigneur, étant Dieu, avait pleinement conscience de ce qu'il
vivait et ressentait, et il l'assumait totalement par un acte libre de
sa volonté.
Au début de son agonie au Jardin des Oliviers, Notre-Seigneur
dit : "Mon âme est triste jusqu'à la mort". Nous pourrions penser qu'à
ce moment Notre-Seigneur avait des consolations particulières du fait de
sa nature divine. Il avait la connaissance de son innocence tout comme
ses persécuteurs. Judas a dit : "J'ai condamné le sang innocent".
Pilate a dit : "Je suis pur du sang de ce juste". Le centurion a dit :
"Cet homme était juste". Donc si les pécheurs attestaient de son
innocence, combien plus son propre coeur pouvait l'attester ! Lorsque
nous sommes accablés par des accusations graves, il est plus ou moins
facile - ou difficile - de les supporter selon que nous en sommes plus
ou moins innocents - ou coupables -. Même en étant que peu coupable, la
situation d'accusation sera malgré tout très pénible. De plus, nous
pourrions penser que Notre-Seigneur, étant omniscient, était consolé en
sachant que ses souffrances seraient brèves et couronnées de gloire à sa
résurrection. L'avenir incertain - et inconnu - est en effet la plus
cruelle des détresses pour l'homme. Puisqu'il n'y avait pas
d'incertitude pour Notre-Seigneur, il ne pouvait en effet connaître
l'anxiété ou le désespoir. Effectivement, il fit preuve d'un calme et
d'un sang froid impressionnants durant toute sa Passion.
Tout ceci est bien vrai et s'accorde parfaitement avec ce que
l'on a vu précédemment. Toute la souffrance à laquelle s'est exposée
Notre-Seigneur, il la souffrit délibérément, calmement et complètement
par un acte libre de sa volonté. De la même façon qu'il avait dit au
lépreux : "Je le veux, sois sain", au paralytique : "Que tes péchés te
soient remis", au centurion "Je vais aller le guérir", et à Lazare : "Je
vais l'éveiller de son sommeil", de même il dit "À présent, je vais
commencer à souffrir", et il commença à souffrir. Il avait une entière
maîtrise sur son âme dont nous avons la preuve notamment par sa
tranquillité. Au moment opportun, il laissa libre cours aux forces du
mal et des ténèbres pour laisser son coeur être envahi et submergé
totalement par la souffrance. Voici ce que saint Marc écrit à ce
sujet : "Ils vinrent au lieu qui est appelé Gethsémani : et Il dit à ses
disciples : Asseyez-vous ici pendant que je prie. Il emmena Pierre,
Jacques et Jean, et il commença à être envahi par l'effroi et
l'abattement". On voit ici que Notre-Seigneur a agit délibérément. Il
s'est rendu à un tel endroit, ensuite donnant un ordre, il enleva le
soutien de la Divinité à son âme. Aussitôt se rua la détresse, la
terreur et l'angoisse. Il entra dans son agonie par un acte libre de sa
volonté.
Vous voyez donc qu'il n'est pas approprié de dire que
Notre-Seigneur avait des consolations qui amoindrissait la souffrance de
sa Passion. Notre-Seigneur aurait pu être consolé par l'anticipation
de son triomphe et de sa victoire sur le mal et la mort, mais son agonie
et sa Passion consistait justement au retrait de toute consolation pour
se livrer entièrement à la souffrance, et une souffrance d'une telle intensité que cela dépasse notre capacité de compréhension.
Dans la troisième et dernière partie du résumé, nous verrons
quelle était la nature profonde de la souffrance morale vécue par
Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers. Je vous invite aussi à lire directement le sermon du bienheureux cardinal Newman car il dit s'exprime beaucoup mieux que moi sur ce sujet.
"Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces" (1 Pierre 2.21)
RépondreEffacerPour apprendre comment souffrir, nous avons l'exemple parfait.