Ce dimanche: La Samaritaine et le don de l'eau vive (Jn 4, 5-42)

5Il vint donc en une ville de Samarie, nommée Sichar, près du champ que Jacob avait donné à son fils Joseph. 6Or, là était le puits de Jacob. Jésus fatigué de la route, s'assit tout simplement au bord du puits: il était environ la sixième heure. 
Saint Jean Chrysostome
En s'éloignant de la Judée, Nôtre-Seigneur reprenait la suite de ses premiers desseins : « Et il s'en alla de nouveau en Galilée. » Jésus vient chez les Samaritains, pour le même motif que les Apôtres, repoussés par les Juifs, allèrent chez les Gentils ; cependant, pour ôter toute excuse aux Juifs, les Samaritains ne sont point le but principal de son voyage, et il ne vient chez eux qu'en passant, c'est ce que l'Evangéliste exprime en disant : « Or, il lui fallait passer par la Samarie. » Cette contrée fut ainsi appelée, parce que la montagne de Samarie, qui donna son nom à la ville qu'on y bâtit, s'appelait Somer, du nom de son ancien possesseur. Les premiers habitants de cette ville et de cette contrée ne s'appelaient pas autrefois Samaritains, mais Israélites. Dans la suite des temps, ils transgressèrent les lois de Dieu, le roi d'Assyrie ne voulut plus les laisser dans leur pays, il les emmena à Babylone et dans la Médie, et le repeupla de colons tirés de diverses provinces assyriennes. Mais Dieu voulant prouver que ce n'était point par impuissance qu'il avait livré les Juifs aux mains de leurs ennemis, mais pour les punir de leurs crimes, envoya contre ces peuples barbares et idolâtres des lions qui dévastaient le pays. Le roi d'Assyrie, en ayant été instruit, leur envoya un prêtre Israélite pour leur enseigner le culte et les lois du Dieu des Juifs. Toutefois ils ne renoncèrent pas entièrement à leur impiété, et ils revinrent insensiblement au culte des idoles, ils y mêlaient cependant le culte du vrai Dieu. Ils prirent le nom de Samaritains, de la montagne même de Samarie.
Bède le Vénérable
Il lui fallait passer par la Samarie, qui est située entre la Judée et la Galilée. Samarie est une des villes les plus remarquables de la Palestine, et tellement importante par sa population, qu'elle a donné son nom à toute la contrée qui l'entoure. Or, l'Evangéliste nous indique dans quel endroit de cette contrée Nôtre-Seigneur s'arrêta : « Il vint donc dans une ville de Samarie, nommé Sichar. » 
Saint Jean Chrysostome
C'était le lieu où Lévi et Siméon se vengèrent d'une manière sanglante de l'outrage fait à Dina, leur sœur. (Gn 34) Après que les fils de Jacob eurent rendu cette ville déserte par le meurtre des Sichimites, le patriarche la donna par la suite en héritage à son fils Joseph ; c'est à cette donation qu'il faisait allusion lorsqu'il lui dit : « Je te donnerai de plus qu'à tes frères la part de mon héritage que j'ai conquise par mon glaive et par mon arc de la main des Amorrhéens, » (Gn 48) et que l'Evangéliste rappelle en ces termes : « Près de l'héritage que Jacob donna à son fils Joseph. »
Saint Augustin
C'était un puits, or tout puits est une fontaine (ou une source), mais toute fontaine n'est pas un puits. L'eau qui jaillit des entrailles de la terre et satisfait aux besoins de ceux qui viennent y puiser, s'appelle une source ; si elle jaillit à la surface de la terre et qu'elle soit comme sous la main, ce n'est qu'une source, mais si l'eau est à une grande profondeur dans l'intérieur de la terre, c'est à la fois un puits et une source.
Théophylactus
Mais pourquoi l'Evangéliste fait-il mention de cette fontaine et de cet héritage ? Premièrement, pour que tous n'éprouviez aucune surprise lorsque vous entendrez dire à cette femme car c'est leur père Jacob qui leur a donné ce puits ; secondement, pour vous apprendre par le souvenir de ce puits et de cet héritage que les Juifs ont perdu par leur impiété, ce que les patriarches avaient reçu comme récompense de la foi qu'ils avaient en Dieu, et que ces lieux avaient été livrés aux nations idolâtres ; il n'y a donc rien de nouveau ni d'étonnant à ce que le royaume des cieux passe encore des Juifs aux Gentils.
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur Jésus-Christ en se rendant dans la Samarie, ne fait usage d'aucune des commodités de la vie, il choisit ce qu'il y a de plus pénible, il ne se sert point de monture, et entreprend à pied un voyage si difficile qu'il en éprouve une grande fatigue ; ainsi nous apprend-il à renoncer à toutes les superfluités et à nous priver même de beaucoup de choses nécessaires : C'est ce que veut exprimer l'Evangéliste par ces paroles : « Jésus, fatigué de la route, s'assit sur le bord du puits. »
Saint Augustin
Il semble dire : Nous avons trouvé Jésus à la fois plein de force et de faiblesse ; plein de force, parce qu'il est le Verbe qui était au commencement ; plein de faiblesse, parce que le Verbe s'est fait chair. C'est donc Jésus faible parce qu'il l'a voulu, qui, fatigué de la route, s'assied sur les bords du puits.
Saint Jean Chrysostome
Ainsi, ce n'est ni sur un trône, ni sur des coussins qu'il est assis, mais simplement sur la terre, comme cela se rencontrait. Il s'assied et pour attendre ses disciples, et pour reposer et rafraîchir près de cette fontaine son corps fatigué de la route et des ardeurs du soleil : « Or, il était environ la sixième heure. »
Théophylactus
L'Evangéliste prévient le reproche qu'on pourrait faire au Sauveur de venir dans la Samarie après avoir lui-même défendu à ses disciples d'y aller, en faisant remarquer que c'est pour se reposer de la fatigue du chemin que Jésus s'est assis dans cet endroit.
Alcuin d'York
Dans le sens mystique, le Seigneur quitte la Judée, (c'est-à-dire l'incrédulité de ceux qui ont refusé de le recevoir), il s'en va dans lu personne de ses apôtres en Galilée) figure de la rapidité du monde, et nous apprend ainsi à passer nous-mêmes des vices à la pratique des vertus. Ce champ, à mou avis, avait été laissé moins à Joseph qu'à Jésus-Christ dont il était la figure, et qu'adorent véritablement le soleil, la lune et les étoiles. Le Seigneur se rend dans ce champ, afin que les Samaritains qui revendiquaient pour eux l'héritage du patriarche Jacob pussent reconnaître le Christ qui est le légitime héritier du patriarche, et se convertir à lui.
Saint Augustin
Le chemin qu'il fait, c'est la chair qu'il a prise pour notre salut, car pour celui qui est partout, venir à nous, c'est se revêtir d'une chair visible. Il est fatigué de la route, c'est-à-dire fatigué des infirmités naturelles à la chair. Que signifie la sixième heure ? Le sixième âge du monde. Comptez en effet comme la première heure, le premier âge d'Adam jusqu'à Noé ; le second, de Noé à Abraham ; le troisième d'Abraham jusqu'à David : le quatrième, de David jusqu'à la transmigration de Babylone ; le cinquième, de la transmigration de Babylone jusqu'au baptême de Jean où commence le sixième âge.
Saint Augustin
C'est donc à la sixième heure du jour que Nôtre-Seigneur vint s'asseoir sur le bord du puits. Je vois dans ce puits une profondeur ténébreuse, je suis autorisé à y reconnaître les parties inférieures de ce monde, c'est-à-dire la terre sur laquelle le Seigneur Jésus est venu à la sixième heure, c'est-à-dire au sixième âge du genre humain qui représente la vieillesse de l'homme ancien dont nous devons nous dépouiller pour nous revêtir du nouveau. La sixième heure en effet représente la vieillesse ; la première, l'âge le plus tendre ; la seconde, l'enfance ; la troisième, l'adolescence ; la quatrième, la jeunesse ; la cinquième, l'âge mûr. Nôtre-Seigneur vient encore s'asseoir sur le bord de ce puits, vers la sixième heure, c'est-à-dire au milieu du jour, alors que le soleil commence à descendre vers le couchant, parce qu'en effet lorsque Jésus-Christ nous appelle à lui, nous sentons le goût des biens visibles s'affaiblir en nous pour faire place à l'amour des choses invisibles et les yeux de notre âme se tourner vers cette lumière intérieure qui ne se couche jamais. Nôtre-Seigneur est assis, ce qui peut figurer son humilité, ou bien comme les docteurs ont coutume d'être assis, pour nous rappeler qu'il est notre véritable maître.
7Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. 8Jésus lui dit: "Donnez-moi à boire." Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. 9La femme samaritaine lui dit: "Comment vous, qui êtes Juif, me demandez-vous à boire, à moi qui suis Samaritaine? (les Juifs, en effet, n'ont pas de commerce avec les Samaritains). 10Jésus lui répondit: "Si vous connaissiez le don de Dieu, et qui est celui qui vous dit: Donnez-moi à boire, vous même lui en auriez fait la demande, et il vous aurait donné de l'eau vive." 11"Seigneur, lui dit la femme, vous n'avez rien pour puiser, et le puits est profond: d'où auriez-vous donc cette eau vive? 12Etes-vous plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux?" 
Saint Jean Chrysostome
Comme le Sauveur paraissait aller contre le commandement qu'il avait fait en parlant aux Samaritains, l'Evangéliste nous donne plusieurs raisons de la conversation qu'il eut avec cette femme. D'abord il n'était point venu dans le dessein premier de s'entretenir avec des Samaritains. Mais fallait-il pour cela repousser cette femme qui venait à lui, comme le remarque l'Evangéliste : « Or, une femme de Samarie vint puiser de l'eau ? » Vous voyez que cette femme vient puiser de l'eau à cause de la chaleur.
Saint Augustin
Cette femme est la figure de l'Eglise qui n'est pas encore justifiée, mais qui n'est pas loin de la justification. C'est comme symbole de ce qui doit arriver, qu'elle vient du milieu des étrangers. Car les Samaritains étaient des étrangers pour les Juifs quoique habitant une contrée voisine. Or, l'Eglise aussi devait venir du milieu des nations et d'une race étrangère à celle des Juifs.
Théophylactus
La discussion avec cette femme commence très à-propos à l'occasion de la soif qu'éprouvait le Sauveur : « Jésus lui dit : Donnez-moi a boire. » Il avait soif en effet dans sa nature humaine par suite de la fatigue et de la chaleur. — S. AUG. (Quest.83, quest. 64.) Jésus avait soif aussi de la foi de cette femme, car il a soif de la foi de tous les hommes pour lesquels il a répandu son sang.
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur non-seulement affronte courageusement les difficultés delà route, mais se montre plein d'indifférence pour la nourriture, car ses disciples ne portaient point de vivres avec eux, comme nous le voyons par la suite du récit : « Ses disciples étaient allés dans la ville acheter de quoi manger. » L'Evangéliste nous fait encore ressortir l'humilité de Jésus qui consentait à ce qu'on le laissât seul. Il aurait pu s'il avait voulu, ou en garder quelques-uns près de lui, ou a leur défaut, avoir d'autres serviteurs, il ne le voulut pas, pour apprendre à ses disciples à fouler aux pieds tout orgueil. On me dira, peut-être, quoi d'étonnant que les disciples fussent humbles eux qui n'étaient que de simples pécheurs et des fabricants de tentes ? Mais ne sont-ils pas devenus tout d'un coup plus dignes de vénération que tous les rois, eux les amis et les intimes du Seigneur de l'univers entier ? Ne voit-on pas en effet ceux qui sortent d'une condition obscure et qui sont élevés à quelque dignité, être plus accessibles à l'orgueil, et comme incapables de supporter le poids d'un si grand honneur ? Le Seigneur donc, en maintenant ses disciples dans les mêmes sentiments d'humilité, leur apprenait à se modérer en toutes choses. Or, cette femme trouve dans ces paroles du Sauveur : « Donnez-moi à boire, » une occasion tout naturel de lui faire cette question : « Comment vous qui êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi qui suis Samaritaine ? » Elle présuma qu'il était Juif à sa figure et à son langage. Mais voyez la circonspection de cette femme, car si Jésus devait se garder de tout commerce avec elle, elle n'avait point les mêmes raisons d'éviter tout rapport avec lui. L'Evangéliste en effet ne dit point que les Samaritains n'ont point de commerce avec les Juifs, mais que les Juifs n'ont point de commerce avec les Samaritains. Depuis le retour de la captivité, les Juifs étaient en garde contre les Samaritains et les regardaient comme des étrangers et des ennemis, car ils ne recevaient pas toutes les Ecritures, et n'admettaient que le livre de Moïse, sans tenir beaucoup de compte des prophètes. Ils prétendaient avoir part à la noblesse du peuple juif qui les avait en horreur à l'égal des autres nations infidèles.
Saint Augustin
Les Juifs n'auraient voulu à aucun prix se servir des vases qui étaient à l'usage des Samaritains ; aussi cette femme qui portait un vase pour puiser de l'eau, s'étonnait qu'un Juif lui demandât à boire, ce que ne faisaient jamais les Juifs.
Saint Jean Chrysostome
Mais comment Jésus peut-il lui demander à boire, malgré la défense de la loi ? Dira-t-on qu'il prévoyait bien qu'elle n'accéderait pas à sa demande ? C'était une raison de ne pas la faire. Disons donc qu'il lui demande à boire parce que le temps était venu où l'on pouvait sans se rendre coupable, laisser de côté de telles observances.
Saint Augustin
Celui qui lui demandait à boire avait soif de la foi de cette femme. Aussi « Jésus lui répondit : Si vous connaissiez le don de Dieu, » etc.
Origène
C'est une vérité des mieux établies en effet que les grâces divines ne sont accordées qu'à ceux qui les désirent et les recherchent. Ainsi le Père fait un commandement au Sauveur de lui demander ce qu'il désire obtenir : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps 2) Nôtre-Seigneur lui-même nous en fait un précepte : « Demandez, et vous recevrez ; » (Mt 7, Lc 11) et voilà pourquoi il dit ici : « Peut-être lui en auriez-vous demandé, et il vous aurait donné une eau vive.»
Saint Augustin
Il cherche à lui faire comprendre que l'eau qu'il lui demandait n'était pas celle qu'elle entendait, mais qu'il avait soif de sa foi et qu'elle eût soif elle-même de l'Esprit saint qu'il désirait lui donner. Car cette eau vive, si nous la comprenons bien, c'est le don de Dieu, comme le Sauveur dit expressément : « Si vous connaissiez le don de Dieu. »
Saint Augustin
On donne ordinairement le nom d'eau vive à celle qui jaillit d'une source ; car pour l'eau de pluie qu'on recueille dans des fossés et dans des citernes, ce n'est point de l'eau vive. De même on ne peut appeler de l'eau vive l'eau qui vient d'une source, mais qu'on a recueillie dans un réservoir où ne coule pas la source d'où elle provient, et dont le cours se trouve interrompu de manière à séparer cette eau de la source qui l'a produite.
Saint Jean Chrysostome
L'Ecriture sainte donne à la grâce de l'Esprit saint tantôt le nom d'eau, tantôt le nom de feu, ce qui est une preuve que ces noms ne sont pas l'expression de la nature de cette personne divine, mais de son action. Le feu est l'emblème de l'efficacité et de la ferveur de la grâce pour effacer et détruire le péché, et l'eau est la figure de l'action purifiante de l'Esprit saint, et le rafraîchissement divin qu'il donne aux âmes qui le reçoivent.
Théophylactus
Il appelle la grâce de l'Esprit saint une eau vive, rafraîchissante et active, car la grâce de l'Esprit saint dirige et conduit celui qui fait le bien et dispose dans son cœur les degrés, par lesquels il s'élève jusqu'à Dieu.
Saint Jean Chrysostome
Le Sauveur a déjà modifié l'opinion que cette femme avait d'abord de lui, en le regardant comme un homme ordinaire ; elle le traite avec plus d'égards, et lui donne le nom de Seigneur : « Cette femme lui dit : Seigneur, vous n'avez pas avec quoi puiser, et le puits est profond ; d'où auriez-vous donc de l'eau vive ? »
Saint Augustin
Vous voyez que la Samaritaine n'entendait par eau vive que celle qui était dans le puits, et qu'elle semble dire à Nôtre-Seigneur : Vous voulez me donner de l'eau vive, mais j'ai seule le vase nécessaire pour la puiser, et vous ne l'avez pas; vous ne pouvez donc pas me donner cette eau vive, puisque vous n'avez pas de quoi la puiser. Peut-être me promettez-vous l'eau d'une autre source, mais êtes-vous plus puissant que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? »
Saint Jean Chrysostome
Voici le sens de ces paroles : « Vous ne pouvez pas dire que Jacob nous a donné ce puits, il est vrai, mais qu'il a fait usage d'un autre. Car lui aussi bien que ses enfants ont bu de cette eau, ce qu'ils n'eussent pas fait, s'ils avaient eu une source meilleure et plus pure. Vous ne pouvez donc prétendre avoir une fontaine meilleure que celle-ci, à moins que vous ne vous donniez comme un personnage plus grand que Jacob. Mais d'où ferez-vous venir cette eau que vous me promettez ?
Théophylactus
Elle ajoute : « Et ses troupeaux, » pour montrer combien ces eaux étaient abondants, et comme si elle disait : Cette eau est si bonne, que Jacob en a bu ainsi que ses enfants ; et elle est si abondante, qu'elle a suffi pour abreuver les nombreux troupeaux du patriarche.
Saint Jean Chrysostome
Voyez comme cette femme prétend ouvertement partager l'honneur de la nation juive. Les Samaritains, en effet, regardaient Abraham comme leur ancêtre, parce qu'il était chaldéen d'origine, et ils appelaient Jacob leur père, parce qu'il était le petit-fils d'Abraham. 
Bède le Vénérable
Ou bien, elle appelle Jacob son père, parce qu'elle avait vécu sous la loi de Moïse, et que la nation possédait l'héritage que Jacob avait donné à son fils Joseph. 
Origène
Dans le sens mystique, le puits de Jacob, ce sont les maintes Ecritures, ceux qui sont versés dans la connaissance de ces saintes lettres, boivent comme Jacob et ses enfants ; les esprits simples et ignorants boivent comme les troupeaux du patriarche.
7Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. 8Jésus lui dit: "Donnez-moi à boire." Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. 9La femme samaritaine lui dit: "Comment vous, qui êtes Juif, me demandez-vous à boire, à moi qui suis Samaritaine? (les Juifs, en effet, n'ont pas de commerce avec les Samaritains). 10Jésus lui répondit: "Si vous connaissiez le don de Dieu, et qui est celui qui vous dit: Donnez-moi à boire, vous même lui en auriez fait la demande, et il vous aurait donné de l'eau vive." 11"Seigneur, lui dit la femme, vous n'avez rien pour puiser, et le puits est profond: d'où auriez-vous donc cette eau vive? 12Etes-vous plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux?" 
Saint Jean Chrysostome
Comme le Sauveur paraissait aller contre le commandement qu'il avait fait en parlant aux Samaritains, l'Evangéliste nous donne plusieurs raisons de la conversation qu'il eut avec cette femme. D'abord il n'était point venu dans le dessein premier de s'entretenir avec des Samaritains. Mais fallait-il pour cela repousser cette femme qui venait à lui, comme le remarque l'Evangéliste : « Or, une femme de Samarie vint puiser de l'eau ? » Vous voyez que cette femme vient puiser de l'eau à cause de la chaleur.
Saint Augustin
Cette femme est la figure de l'Eglise qui n'est pas encore justifiée, mais qui n'est pas loin de la justification. C'est comme symbole de ce qui doit arriver, qu'elle vient du milieu des étrangers. Car les Samaritains étaient des étrangers pour les Juifs quoique habitant une contrée voisine. Or, l'Eglise aussi devait venir du milieu des nations et d'une race étrangère à celle des Juifs.
Théophylactus
La discussion avec cette femme commence très à-propos à l'occasion de la soif qu'éprouvait le Sauveur : « Jésus lui dit : Donnez-moi a boire. » Il avait soif en effet dans sa nature humaine par suite de la fatigue et de la chaleur. — S. AUG. (Quest.83, quest. 64.) Jésus avait soif aussi de la foi de cette femme, car il a soif de la foi de tous les hommes pour lesquels il a répandu son sang.
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur non-seulement affronte courageusement les difficultés delà route, mais se montre plein d'indifférence pour la nourriture, car ses disciples ne portaient point de vivres avec eux, comme nous le voyons par la suite du récit : « Ses disciples étaient allés dans la ville acheter de quoi manger. » L'Evangéliste nous fait encore ressortir l'humilité de Jésus qui consentait à ce qu'on le laissât seul. Il aurait pu s'il avait voulu, ou en garder quelques-uns près de lui, ou a leur défaut, avoir d'autres serviteurs, il ne le voulut pas, pour apprendre à ses disciples à fouler aux pieds tout orgueil. On me dira, peut-être, quoi d'étonnant que les disciples fussent humbles eux qui n'étaient que de simples pécheurs et des fabricants de tentes ? Mais ne sont-ils pas devenus tout d'un coup plus dignes de vénération que tous les rois, eux les amis et les intimes du Seigneur de l'univers entier ? Ne voit-on pas en effet ceux qui sortent d'une condition obscure et qui sont élevés à quelque dignité, être plus accessibles à l'orgueil, et comme incapables de supporter le poids d'un si grand honneur ? Le Seigneur donc, en maintenant ses disciples dans les mêmes sentiments d'humilité, leur apprenait à se modérer en toutes choses. Or, cette femme trouve dans ces paroles du Sauveur : « Donnez-moi à boire, » une occasion tout naturel de lui faire cette question : « Comment vous qui êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi qui suis Samaritaine ? » Elle présuma qu'il était Juif à sa figure et à son langage. Mais voyez la circonspection de cette femme, car si Jésus devait se garder de tout commerce avec elle, elle n'avait point les mêmes raisons d'éviter tout rapport avec lui. L'Evangéliste en effet ne dit point que les Samaritains n'ont point de commerce avec les Juifs, mais que les Juifs n'ont point de commerce avec les Samaritains. Depuis le retour de la captivité, les Juifs étaient en garde contre les Samaritains et les regardaient comme des étrangers et des ennemis, car ils ne recevaient pas toutes les Ecritures, et n'admettaient que le livre de Moïse, sans tenir beaucoup de compte des prophètes. Ils prétendaient avoir part à la noblesse du peuple juif qui les avait en horreur à l'égal des autres nations infidèles.
Saint Augustin
Les Juifs n'auraient voulu à aucun prix se servir des vases qui étaient à l'usage des Samaritains ; aussi cette femme qui portait un vase pour puiser de l'eau, s'étonnait qu'un Juif lui demandât à boire, ce que ne faisaient jamais les Juifs.
Saint Jean Chrysostome
Mais comment Jésus peut-il lui demander à boire, malgré la défense de la loi ? Dira-t-on qu'il prévoyait bien qu'elle n'accéderait pas à sa demande ? C'était une raison de ne pas la faire. Disons donc qu'il lui demande à boire parce que le temps était venu où l'on pouvait sans se rendre coupable, laisser de côté de telles observances.
Saint Augustin
Celui qui lui demandait à boire avait soif de la foi de cette femme. Aussi « Jésus lui répondit : Si vous connaissiez le don de Dieu, » etc.
Origène
C'est une vérité des mieux établies en effet que les grâces divines ne sont accordées qu'à ceux qui les désirent et les recherchent. Ainsi le Père fait un commandement au Sauveur de lui demander ce qu'il désire obtenir : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps 2) Nôtre-Seigneur lui-même nous en fait un précepte : « Demandez, et vous recevrez ; » (Mt 7, Lc 11) et voilà pourquoi il dit ici : « Peut-être lui en auriez-vous demandé, et il vous aurait donné une eau vive.»
Saint Augustin
Il cherche à lui faire comprendre que l'eau qu'il lui demandait n'était pas celle qu'elle entendait, mais qu'il avait soif de sa foi et qu'elle eût soif elle-même de l'Esprit saint qu'il désirait lui donner. Car cette eau vive, si nous la comprenons bien, c'est le don de Dieu, comme le Sauveur dit expressément : « Si vous connaissiez le don de Dieu. »
Saint Augustin
On donne ordinairement le nom d'eau vive à celle qui jaillit d'une source ; car pour l'eau de pluie qu'on recueille dans des fossés et dans des citernes, ce n'est point de l'eau vive. De même on ne peut appeler de l'eau vive l'eau qui vient d'une source, mais qu'on a recueillie dans un réservoir où ne coule pas la source d'où elle provient, et dont le cours se trouve interrompu de manière à séparer cette eau de la source qui l'a produite.
Saint Jean Chrysostome
L'Ecriture sainte donne à la grâce de l'Esprit saint tantôt le nom d'eau, tantôt le nom de feu, ce qui est une preuve que ces noms ne sont pas l'expression de la nature de cette personne divine, mais de son action. Le feu est l'emblème de l'efficacité et de la ferveur de la grâce pour effacer et détruire le péché, et l'eau est la figure de l'action purifiante de l'Esprit saint, et le rafraîchissement divin qu'il donne aux âmes qui le reçoivent.
Théophylactus
Il appelle la grâce de l'Esprit saint une eau vive, rafraîchissante et active, car la grâce de l'Esprit saint dirige et conduit celui qui fait le bien et dispose dans son cœur les degrés, par lesquels il s'élève jusqu'à Dieu.
Saint Jean Chrysostome
Le Sauveur a déjà modifié l'opinion que cette femme avait d'abord de lui, en le regardant comme un homme ordinaire ; elle le traite avec plus d'égards, et lui donne le nom de Seigneur : « Cette femme lui dit : Seigneur, vous n'avez pas avec quoi puiser, et le puits est profond ; d'où auriez-vous donc de l'eau vive ? »
Saint Augustin
Vous voyez que la Samaritaine n'entendait par eau vive que celle qui était dans le puits, et qu'elle semble dire à Nôtre-Seigneur : Vous voulez me donner de l'eau vive, mais j'ai seule le vase nécessaire pour la puiser, et vous ne l'avez pas; vous ne pouvez donc pas me donner cette eau vive, puisque vous n'avez pas de quoi la puiser. Peut-être me promettez-vous l'eau d'une autre source, mais êtes-vous plus puissant que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? »
Saint Jean Chrysostome
Voici le sens de ces paroles : « Vous ne pouvez pas dire que Jacob nous a donné ce puits, il est vrai, mais qu'il a fait usage d'un autre. Car lui aussi bien que ses enfants ont bu de cette eau, ce qu'ils n'eussent pas fait, s'ils avaient eu une source meilleure et plus pure. Vous ne pouvez donc prétendre avoir une fontaine meilleure que celle-ci, à moins que vous ne vous donniez comme un personnage plus grand que Jacob. Mais d'où ferez-vous venir cette eau que vous me promettez ?
Théophylactus
Elle ajoute : « Et ses troupeaux, » pour montrer combien ces eaux étaient abondants, et comme si elle disait : Cette eau est si bonne, que Jacob en a bu ainsi que ses enfants ; et elle est si abondante, qu'elle a suffi pour abreuver les nombreux troupeaux du patriarche.
Saint Jean Chrysostome
Voyez comme cette femme prétend ouvertement partager l'honneur de la nation juive. Les Samaritains, en effet, regardaient Abraham comme leur ancêtre, parce qu'il était chaldéen d'origine, et ils appelaient Jacob leur père, parce qu'il était le petit-fils d'Abraham. 
Bède le Vénérable
Ou bien, elle appelle Jacob son père, parce qu'elle avait vécu sous la loi de Moïse, et que la nation possédait l'héritage que Jacob avait donné à son fils Joseph. 
Origène
Dans le sens mystique, le puits de Jacob, ce sont les maintes Ecritures, ceux qui sont versés dans la connaissance de ces saintes lettres, boivent comme Jacob et ses enfants ; les esprits simples et ignorants boivent comme les troupeaux du patriarche.
13Jésus lui répondit: "Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura plus jamais soif; 14Au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissant jusqu'à la vie éternelle." 15La femme lui dit: "Seigneur, donnez-moi de cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus puiser ici." 16"Allez, lui dit Jésus, appelez votre mari, et venez ici." 17La femme répondit: "Je n'ai point de mari." Jésus lui dit: "Vous avez raison de dire: Je n'ai point de mari; 18Car vous avez eu cinq maris, et celui que vous avez maintenant n'est pas à vous; en cela, vous avez dit vrai." 
Saint Jean Chrysostome
A la question que lui fait cette femme : « Etes-vous plus grand que notre père Jacob ? » Jésus ne répond pas expressément : Oui, je suis plus puissant que lui, pour ne point paraître se glorifier lui-même, mais il le fait entendre en termes équivalents : « Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau, aura encore soif, mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif. L’eau que je lui donnerai, deviendra en lui une fontaine d'eau jaillissante pour la vie éternelle. » C'est-à-dire Jacob vous paraît puissant et admirable, parce qu'il vous a donné l'eau de ce puits, que direz-vous donc si je vous donne une eau bien meilleure. Il ne déprécie pas l'eau de ce puits, il lui en indique simplement une d'une qualité bien supérieure ; il ne dit point que cette eau est vile et méprisable, mais il donne un fait qui est attesté par l'expérience, c'est que celui qui boira de cette eau aura encore soif. 
Saint Augustin
Ce qui est très-vrai et de l'eau naturelle et de l'eau allégorique, dont elle est la figure. L'eau, dans le puits, signifie la volupté charnelle dans les profondeurs ténébreuses du siècle : c'est là que les hommes viennent la puiser avec l'urne de la convoitise, car c'est par la convoitise qu'on est poussé à la volupté. Mais lorsque l'homme s'est désaltéré dans les jouissances charnelles, sa soif sera-t-elle apaisée pour toujours ? Il est donc vrai que celui qui boira de cette eau aura encore soif. Mais s'il boit de l'eau que je donne, il n'aura jamais soif ; car comment ceux qui seront enivrés de l'abondance de la maison de Dieu (Ps 35), pourraient-ils encore éprouver le besoin de la soif ? Ce que le Sauveur promettait donc à cette femme, c'était l'effusion surabondante de l'Esprit saint qui devait rassasier son âme.
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur donne la raison des propriétés merveilleuses de cette eau qui doit étancher la soif à tout jamais : « Mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine d'eau vive qui rejaillira jusque dans la vie éternelle, » paroles qui équivalent à celles-ci : Celui qui aurait une source au dedans de lui-même, n'éprouverait jamais le besoin de la soif ; ainsi en sera-t-il de celui qui boira cette eau que je lui donnerai.
Théophylactus
Car l'eau que je lui donnerai ira toujours en se multipliant ; les saints reçoivent, en effet, de la grâce, le principe et les semences des vertus, mais c'est à eux de les développer et de les faire croître par leurs travaux et par leurs efforts.
Saint Jean Chrysostome
Voyez comme Nôtre-Seigneur élève peu à peu cette femme jusqu'à la hauteur des vérités de la foi chrétienne. Elle a commencé par le regarder comme un juif transgresseur de sa loi. Lorsqu'elle l'entendit parler d'eau vive, elle prit ses paroles dans un sens matériel. Comprenant ensuite leur signification spirituelle, elle crut que cette eau pourrait étancher la soif pour toujours. Cependant elle ne savait pas encore quelle était cette eau, mais elle cherchait à le savoir, persuadée qu'elle était au-dessus des choses sensibles. Aussi écoutez ce qu'elle dit au Sauveur : « Cette femme lui dit : Donnez-moi de cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus ici puiser. » Et elle place ainsi Jésus bien au-dessus du patriarche Jacob, dont elle avait cependant une si haute opinion.
Saint Augustin
On peut dire aussi que la Samaritaine se conduisait encore par les inclinations de la chair, elle fut charmée de pouvoir échapper au besoin de la soif, et elle s'imaginait que c'était nue promesse toute matérielle que Nôtre-Seigneur lui avait faite. Dieu avait préservé pendant quarante jours son serviteur Elie de la faim et de la soif. (R 3, 19.) Puisqu'il pouvait en préserver pour quarante jours, ne pouvait-il pas affranchir pour toujours de la nécessité de boire ? Cette promesse sourit à cette femme, et elle prie le Sauveur de lui donner cette eau vive : « Seigneur, donnez-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus ici puiser, » car son indigence l'obligeait à cette fatigue, que sa faiblesse lui faisait repousser. Plût à Dieu qu'elle eût entendu cette douce invitation : « Venez à moi, vous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai ! » (Mt 11) Jésus adressait ces paroles pour la délivrer de tout travail, mais elle ne les comprenait pas encore. Nôtre-Seigneur voulut enfin lui en donner l'intelligence : « Jésus lui dit : Allez, appelez votre mari et venez ici. » Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que c'est par l'intermédiaire de son mari qu'il voulait lui donner cette eau ? Voulait-il se servir de lui pour lui enseigner ce qu'elle ne comprenait pas suivant la recommandation de l'Apôtre : « Si les femmes veulent s'instruire de quelque chose, qu'elles le demandent à leurs maris dans la maison ? » Mais cela ne doit se faire que lorsqu'on n'a pas le Seigneur lui-même pour maître, car dès lors qu'il était présent, qu'était-il besoin du mari pour enseigner la femme ? Est-ce que le Sauveur employait l'intermédiaire d'un homme pour parler à Marie qui était assise à ses pieds ?
Saint Jean Chrysostome
Aux instances que fait la Samaritaine pour recevoir l'eau qui lui a été promise, Jésus répond : « Appelez votre mari, et comme pour lui faire comprendre qu'il voulait faire participer son mari à la même grâce. Mais cette femme désirait recevoir cette eau sans retard ; elle voulait d'ailleurs cacher la honte de sa vie à Jésus, en qui elle ne voyait qu'un homme : « La femme lui répondit : Je n'ai point de mari. » Le Sauveur profite de cet aveu pour lui découvrir le scandale de sa vie. Il lui rappelle tous ceux qu'elle a eus pour mari, et lui fait un reproche de celui qu'elle cherche en ce moment à dissimuler : « Jésus lui dit : Vous avez raison de dire : Je n'ai point de mari. »
Saint Augustin
Cette femme, en effet, n'avait point alors de mari, et vivait avec je ne sais quel homme dans une union illégitime et scandaleuse, Nôtre-Seigneur le lui rappelle avec une intention particulière et secrète en lui disant : « Vous avez eu cinq maris. »
Origène
Examinez s'il ne serait pas possible dans le sens allégorique, de voir dans cette fontaine de Jacob l'ensemble des saintes Ecritures ; l'eau que donne Jésus, ce sont les mystères que contiennent les saintes Ecritures, et qu'il n'est pas donné à tout le monde d'approfondir ; car la lettre de l'Ecriture a été dictée par des hommes, mais ces mystères que l'œil de l'homme n'a point vus, que son oreille n'a point entendus, que le cœur de l'homme n'a point compris, peuvent être reproduits par les Ecritures ; or ils découlent de cette source qui rejaillit jusqu'à la vie éternelle, c'est-à-dire de l'Esprit saint qui est un esprit de sagesse, et sont révélés à ceux qui ne portent plus en eux-mêmes au cœur d'homme, et qui peuvent dire avec l'Apôtre : « Pour nous, nous avons l'esprit de Jésus-Christ. » (1 Co 2, 16.) Celui donc qui n'entre point dans la profondeur des paroles, peut bien goûter quelques instants de repos, mais pour retomber bientôt dans le doute. Celui, au contraire, qui boit de l'eau que Jésus lui donne, voit jaillir en lui la source de toutes les vérités qu'il cherche à connaître, et à mesure que l'eau s'élève, son âme s'envole à la suite de cette eau qui jaillit jusqu'à la vie éternelle. Cette femme voulait, sans recourir à l'eau de Jacob, parvenir à la vérite à la manière des anges, et par une voie supérieure à celle des hommes ; car les anges n'ont point besoin de l'eau de Jacob pour étancher leur soif, mais chacun d'eux a au dedans de lui une fontaine d'eau qui sort du Verbe et qui rejaillit jusqu'à la vie éternelle : « Cette femme lui dit donc : Seigneur, donnez-moi cette eau. » Or. ici-bas, il est impossible de recevoir l'eau qui est donnée par le Verbe. sans puiser à la fontaine de Jacob ; aussi lorsque la Samaritaine loi demande cette eau, Jésus semble lui dire qu'il ne peut lui en donner qu'en puisant à la fontaine de Jacob : or Jésus lui dit : Allez, appelez votre mari, et venez ici. » Si nous avons soif, nous ne devons d'abord chercher à nous rafraîchir qu'avec l'eau de la fontaine de Jacob ; car selon la doctrine de l'Apôtre : la loi est comme le mari de l'âme. (Rm 7)
Saint Augustin
Dans ces cinq maris, il en est qui voient la figure des cinq livres qui ont été écrits par Moïse ; et ce que Notre-Seigneur ajoute : « Celui que vous avez maintenant n'est pas votre mari, » devrait s'entendre de lui-même. Tel serait donc le sens de ces paroles : « Vous avez d'abord été soumise aux cinq livres de Moïse, comme à cinq maris. Mais maintenant celui que vous avez (c'est-à-dire que vous entendez), n'est pas votre mari, parce que vous ne croyez pas encore en lui. Mais puisqu'elle ne croyait point encore en Jésus-Christ, et qu'elle était encore unie et soumise à ces cinq maris, c'est- à-dire à ces cinq livres, pourquoi le Sauveur lui dit-il : « Vous avez eu cinq maris, » comme si elle avait cessé de les avoir ? D'ailleurs, comment peut-on comprendre qu'il faille rompre avec ces cinq livres pour se soumettre à Jésus-Christ, alors que celui qui croit en Jésus-Christ, loin de renoncer à ces cinq livres, recherche et goûte bien plus vivement le sens spirituel de ces livres ? Il faut donc entendre ces paroles autrement.
Saint Augustin
Jésus, voyant que cette femme ne comprenait pas, et voulant l'amener à comprendre les enseignements qu'il lui adressait : « Appelez, lui dit-il, votre mari, » c'est-à-dire, faites que votre intelligence soit présente. Lorsqu'on effet, la vie est bien réglée, c'est la raison qui dirige ses opérations, la raison qui n'est point quelque chose en dehors de l'âme, mais qui est une des facultés de l'âme. Cette faculté de l'âme qu'on appelle la raison ou l'esprit, est éclairée par une lumière supérieure. Cette lumière s'entretenait avec cette femme, mais l'intelligence lui faisait défaut. Aussi le Sauveur semble lui dire : Je voudrais vous éclairer, et le sujet manque ; appelez donc votre mari, c'est-à-dire faites usage de l'intelligence qui doit vous enseigner, vous conduire ; mais tant qu'elle n'a pas appelé son mari, elle ne peut comprendre. Les cinq premiers hommes peuvent signifier les cinq sens du corps. Car avant que l'homme fasse usage de sa raison, il n'est conduit que par les sens du corps ; mais lorsque l'âme est devenue capable de raison, elle se laisse alors diriger ou par la vérité ou par l'erreur. Or, l'erreur est incapable de diriger, et ne peut qu'égarer. Après avoir obéi à ses cinq sens, cette femme était donc encore dans l'égarement ; l'erreur qu'elle suivait n'était pas son légitime mari, mais un adultère. C'est donc avec raison que le Sauveur lui dit : « Rompez avec cet adultère qui ne peut que vous corrompre, et appelez votre mari pour qu'il vous aide à me comprendre. »
Origène
Mais où Jésus pouvait-il mieux convaincre la Samaritaine que l'homme avec qui elle vivait n'était pas son véritable époux, qu'auprès de la fontaine de Jacob ? Si la loi est le mari de l'âme, on peut dire aussi que la Samaritaine, obéissant à une fausse interprétation de la loi, suivait les rites idolâtriques des infidèles. Le Sauveur la rappelle donc au Verbe de vérité, qui devait ressusciter d'entre les morts, pour ne plus mourir.
19La femme dit: "Seigneur, je vois que vous êtes un prophète. 20Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous, vous dites que c'est à Jérusalem qu'est le lieu où il faut adorer." 21Jésus dit: "Femme, croyez-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem, que vous adorerez le Père. 22Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23Mais l'heure approche, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; ce sont de tels adorateurs que le Père demande. 24Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité." 
Saint Jean Chrysostome
Cette femme ne s'offense pas des reproches du Sauveur, elle ne songe pas à le quitter, mais pleine au contraire d'admiration, elle prolonge la conversation pour rester avec lui : « La femme lui dit : Seigneur, je vois que vous êtes un prophète, » c'est-à-dire, les secrets que vous venez de me révéler me prouvent que vous êtes un prophète.
Saint Augustin
Son mari commence à venir, mais il n'est pas encore tout à fait venu. Elle regarde le Seigneur comme un prophète, et il était prophète, en effet, car il a dit de lui-même : « Il n'y a point de prophète sans honneur, si ce n'est dans sa patrie. »
Saint Jean Chrysostome
Dans cette persuasion où elle est, elle ne lui demande aucun des biens de la terre, aucune des chose qui ont rapport à cette vie, elle ne se soucie ni de la santé, ni de l'opulence, ni des richesses, elle ne cherche qu'à s'instruire de la doctrine céleste. Elle, qui ne ressentait d'abord que les atteintes de la soif et n'était occupée que des moyens de la calmer, n'a plus qu'une pensée, celle de connaître la vérité.
Saint Augustin
Elle entame la discussion par le sujet qui la préoccupait le plus : « Nos pères, dit-elle, ont adoré sur cette montagne, et vous vous dites que Jérusalem est le lieu où il faut adorer. » C'était le grand sujet de dispute entre les Samaritains et les juifs. Les Juifs adoraient Dieu dans le temple bâti par Salomon, et se vantaient par là même d'être supérieurs aux Samaritains. Ceux-ci leur répondaient : Pourquoi vous vanter d'être en possession d'un temple que nous, Samaritains, nous n'avons pas ? Est-ce que nos pères qui, certes, ont été agréables à Dieu, l'ont adoré dans ce temple ? Nous sommes donc bien plus en droit de prier Dieu sur cette montagne où nos pères lui ont offert leurs adorations.
Saint Jean Chrysostome
Ces aieux dont elle invoque l'exemple, c'est Abraham et les patriarches. C'est là, en effet, suivant la tradition, qu'Abraham offrit à Dieu son Fils Isaac.
Origène
On peut dire encore que les Samaritains regardant comme sainte la montagne de Garizim, près de laquelle Jacob habita, croyaient devoir y offrir à Dieu leurs adorations. Les Juifs, au contraire, pour qui la montagne de Sion était sacrée, la regardaient comme le lieu exclusivement choisi de Dieu pour y recevoir les prières des hommes. Or, comme les Juifs, de qui vient le salut, sont figure de ceux qui n'admettent que la saine doctrine, tandis que les Samaritains sont l'image de ceux qui se livrent à tous les caprices si divers de l'erreur, le mot Garizim, qui veut dire distinction ou division, représente les Samaritains, comme la montagne de Sion, qui signifie lieu d'observation, représente les Juifs.
Saint Jean Chrysostome
Jésus ne résout pas aussitôt la question qui lui est proposée, mais il élève cette femme à de plus hautes considérations, ce qu'il ne  fait cependant que lorsqu'elle eut reconnu qu'il était prophète, afin qu'elle ajoutât une foi entière à ce qu'il allait lui révéler : « Jésus lui dit : Femme, croyez-moi, » etc. Il lui dit : « Croyez-moi, » parce qu'en toute circonstance la foi nous est nécessaire comme la mère de tous les biens, comme l'unique moyen d'arriver au salut, et sans lequel nous ne pouvons avoir la connaissance des grandes vérités du salut. Ceux qui ne s'appuient que sur leurs propres raisonnements, sont semblables à ceux qui essaieraient de traverser la mer sans navire, ils pourront peut-être nager un instant, mais à peine se seront-ils avancés en pleine mer qu'ils seront submergés dans les flots.
Saint Augustin
Le mari de cette femme est présent, le Sauveur peut donc lui dire : « Croyez-moi. » Vous avez on vous celui qui doit croire, vous êtes ici présente par votre intelligence, mais si vous ne croyez point, vous ne comprendrez point.
Alcuin d'York
Ces paroles : « L'heure vient, » signifient le temps de la doctrine évangélique qui était proche, et où toutes les figure ? devaient disparaître pour céder la place à la vérité qui devait répandre ses plus pures lumières dans l'âme de ceux qui devaient embrasser la foi.
Saint Jean Chrysostome
Il était utile que Notre-Seigneur expliquât la raison pour laquelle les patriarches avaient adorer Dieu sur la montagne de Garizim, tandis que les Juifs l'adoraient à Jérusalem ; il n'en dit donc rien, il se contente de lui dire que le culte rendu à Dieu par les Juifs était préférable, non à cause du lieu où ils l'adoraient, mais à cause de l'esprit qui les guidait : « Vous adorez, vous, ce que vous ne connaissez pas, pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. »
Origène
Ce mot « vous, » littéralement, désigne les Samaritains ; dans le sens allégorique, il s'applique à ceux qui interprètent les Ecritures dans un sens contraire à celui de l'Eglise, ou dont la doctrine est tout autre et par-là même erronée. De même le pronom « nous, » dans le sens littéral, désigne les Juifs, et dans le sens allégorique, le Verbe divin, aussi bien que ceux qui ont avec lui une bienheureuse conformité et qui parviennent au salut par les Ecritures qui sont entre les mains des Juifs. 
Saint Jean Chrysostome
Les Samaritains, en effet, adoraient ce qu'ils ne savaient pas, parce qu'ils faisaient de Dieu un être limité par les lieux et comme divisé par parties. Dans leur pensée, il n'était donc point supérieur aux idoles, et c'est pour cela qu'ils mêlaient le culte de la divinité avec celui des démons. Les Juifs, au contraire, étaient affranchis de ces erreurs et connaissaient le seul vrai Dieu de l'univers, comme le déclare Nôtre-Seigneur : « Nous adorons ce que nous savons. » Il se met lui-même au nombre des Juifs pour répondre à l'opinion de cette femme qui le considérait comme un prophète des Juifs, et c'est pour cela qu'il dit : « Nous adorons, » bien qu'il soit évidemment celui qui reçoit les adorations de tous les hommes. Les paroles qui suivent : « Parce que le salut vient des Juifs, » ne signifient autre chose que ce sont les Juifs qui ont conservé dans toute leur pureté toutes les doctrines du salut qui se répandirent ensuite dans tout l'univers comme la connaissance de Dieu, l'horreur pour les idoles et les autres vérités dogmatiques ; notre culte même tire son origine de celui des Juifs. Nôtre-Seigneur appelle sa présence dans le monde le salut, et il dit que ce salut vient des Juifs, selon ces paroles de l'Apôtre : « Eux de qui est sorti selon la chair Jésus-Christ. » (Rm 9) Voyez comme il confirme l'autorité de l'Ancien Testament, qu'il présente comme la source de tous les biens en même temps qu'il démontre qu'il n'est point opposé à la loi.
Saint Augustin
Nôtre-Seigneur accorde beaucoup aux Juifs, en déclarant en leur nom : « Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons. » Ce n'est pas toutefois au nom des Juifs infidèles et réprouvés qu'il parle de la sorte, mais au nom de ceux qui ressemblèrent aux Apôtres, aux prophètes et à tous les saints, qui déposaient le prix de leurs biens aux pieds des Apôtres. (Ac 4)
Saint Jean Chrysostome
Les Juifs vous sont donc supérieurs, ô femme, dans le culte qu'ils rendent à Dieu, mais ce culte lui-même touche à sa fin : « Car vient l'heure, (et elle est déjà venue) où les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité. » Les oracles des prophètes avaient pour objet des événements éloignés, c'est pour cela que Nôtre-Seigneur dit : « Et elle est déjà venue, » pour ne point laisser croire que cette prophétie ne doit s'accomplir que longtemps après. Le fait, dit-il, est proche, et va bientôt se réaliser. Il se sert de cette expression : « Les vrais adorateurs, » pour les distinguer des faux adorateurs, qui ne cherchent dans la prière que les biens terrestres et périssables, ou dont la conduite est en opposition directe avec l'objet de leurs prières.
Saint Augustin
Ou bien par les vrais adorateurs, il veut exclure à la fois les Juifs et les Samaritains, car bien que les Juifs fussent préférables aux Samaritains, cependant ils étaient bien inférieurs à ceux qui devaient leur succéder, et autant que la figure l'est à la vérité : « Les vrais adorateurs sont donc ceux qui ne cherchent point à circonscrire le culte de Dieu dans un seul lieu et qui l'adorent en esprit, à l'exemple de saint Paul, qui disait de lui-même : « Dieu, que je sers en esprit. »
Origène
Nôtre-Seigneur répète deux fois : « L'heure vient. » La première fois, sans ajouter : « La voici, elle est venue ; » la seconde fois, en ajoutant : « Et elle est venue. » Je crois que la première fois, Nôtre-Seigneur veut exprimer l'adoration parfaite de l'âme affranchie du corps dans l'autre vie, et que la seconde fois il veut parler de celle que nous rendons à Dieu dans la vie présente avec toute la perfection possible à la nature humaine. Lors donc que sera venue la première heure prédite par le Sauveur, il nous faudra éviter la montagne des Samaritains et adorer Dieu dans Sion où est Jérusalem, qui est appelée par Jésus-Christ la cité du grand roi. C'est l'Eglise où l'oblation sainte et les victimes spirituelles sont offertes en présence de Dieu par ceux qui ont l'intelligence de la loi spirituelle. Mais lorsque l'ordre des siècles sera révolu, il ne faudra plus songer à rendre le vrai culte à Dieu dans Jérusalem, c'est-à-dire, dans l'Eglise de la terre, car les anges n'adorent pus Dieu dans Jérusalem ; ainsi ceux dont les Juifs n'étaient que la figure, adorent le Père d'une manière bien supérieure à ceux qui habitent Jérusalem. Lorsque cette heure sera venue, chaque fidèle deviendra le fils du Père. C'est pour cela que Nôtre-Seigneur ne dit pas : Vous adorerez Dieu, mais : « Vous adorerez le Père. » Dans la vie présente, les vrais adorateurs adorent Dieu en esprit et en vérité.
Saint Jean Chrysostome
Le Sauveur veut parler ici de l'Eglise, où l'on offre à Dieu l'adoration véritable et la seule digne de lui. C'est pour cela qu'il ajoute : « Car ce sont là les adorateurs que cherche le Père. » Il avait toujours cherché de tels adorateurs, cependant il les laissa s'attacher à leurs anciens rites et à leurs cérémonies figuratives, par condescendance et pour les amener ainsi à la vérité.
Origène
Si le Père cherche de tels adorateurs, c'est par Jésus-Christ qui est venu chercher et sauver ceux qui avaient péri (Lc 19), et c'est par ses divins enseignements qu'il en a fait de véritables adorateurs. Le Sauveur ajoute : « Dieu est esprit d probablement parce qu'il nous conduit à la véritable vie, et que le principe de la vin du corps elle-même vient de l'esprit.
Saint Jean Chrysostome
Ou bien il veut nous apprendre que Dieu est incorporel, et que le culte que nous lui rendons doit l'être également, c'est-à-dire que nous devons lui offrir l'hommage spirituel d'un cœur pur. C'est pour cela qu'il ajoute: « Et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. » Les Samaritains se souciaient peu de leur âme, et au contraire s'occupaient beaucoup du corps pour lequel ils épuisaient tous les modes de purification. Nôtre-Seigneur enseigne donc à cette Samaritaine que en n'est point par les purifications du corps, mais par la pureté de ce qui est incorporel en nous, c'est-à-dire l'esprit, que nous pouvons rendre au Dieu incorporel un culte digne de lui.
Saint Hilaire
Ou bien encore, lorsque Notre-Seigneur enseigne que Dieu qui est esprit doit être adoré en esprit, il nous fait connaître la liberté et la science de ses vrais adorateurs, et l'infinité de leurs adorations, selon ces paroles de l'Apôtre : « Là où est l'esprit de Dieu, là est la liberté. » (2 Co 3, 17.)
Saint Jean Chrysostome
Il faut adorer dans la vérité, parce que les rites et les cérémonies de l'ancienne loi n'étaient que des figures, par exemple, la circoncision, les holocaustes et les ablations de l'encens ; maintenant au contraire tout est vérité. — THEOPHYL. Ou bien encore il ajoute : « Et en vérité » parce qu'il en est beaucoup comme les hérétiques qui s'imaginent adorer Dieu en esprit, tout en se formant de fausses idées de sa divinité. Peut-être même pourrait-on dire que Nôtre-Seigneur a voulu désigner ici les deux parties de la sagesse chrétienne considérées subjectivement ; c'est-à-dire l'action et la contemplation ; l'esprit exprime la vie active selon les paroles de l'Apôtre : « Ceux qui sont poussés par l'esprit de Dieu sont les enfants de Dieu. » (Rm 8, 14.) La vérité est comme l'emblème de la vie contemplative. Ou bien enfin, aux Samaritains qui professaient cette erreur que Dieu était renfermé dans un lieu, et que c'était dans ce lieu qu'il fallait adorer Dieu, Jésus déclare que les vrais adorateurs adoreront en esprit, et non plus en circonscrivant leurs hommages dans un seul lieu ; et aux Juifs pour qui tout était ombre et figure, il enseigne que les vrais adorateurs n'adoreront plus en figure, mais en vérité. Dieu est esprit, il cherche donc des adorateurs spirituels ; il est vérité, il cherche des adorateurs véritables.
Saint Augustin
Vous cherchiez peut-être une montagne pour prier, vous espériez être plus près de Dieu, mais celui qui habite les hauteurs des cieux s'abaisse jusqu'aux humbles ; il vous faut donc descendre pour monter. Ce sont les degrés que le chrétien fidèle dispose dans son cœur dans cette vallée de larmes (Ps 82), qui sont la figure de l'humilité. Vous voulez prier dans un temple, priez en vous-même, mais commencez par devenir le temple de Dieu ?
25La femme lui répondit: "Je sais que le Messie (celui qu'on appelle Christ) va venir; lorsqu'il sera venu, il nous instruira de toutes choses." 26Jésus lui dit: " Je le suis, moi qui vous parle." 
Saint Jean Chrysostome
Cette femme comme fatiguée par la hauteur de ces sublimes enseignements, reste dans la surprise et dans l'étonnement. Elle lui dit donc : « Je sais que le Messie est sur le point de venir, » etc.
Saint Augustin
Le mot grec Christ qui veut dire en latin oint signifie en hébreu Messie. La Samaritaine savait donc déjà que c'était au Messie de l'instruire, mais elle ne connaissait pas encore que le Messie était précisément celui qui dans ce moment l'instruisait sur ce grave sujet. Voilà pourquoi elle ajouta : « Lors donc qu'il sera venu, il nous instruira de toutes choses. » Elle semble dire : Les Juifs disputent dans l'intérêt de leur temple, et nous en faveur de cette montagne, lorsque le Messie viendra, il rejettera cette montagne, il renversera le temple et nous enseignera comment il faut adorer Dieu en esprit et en vérité.
Saint Jean Chrysostome
Mais comment les Samaritains pouvaient-ils attendre l'avènement du Christ ? Ils admettaient la loi de Moïse, et c'était dans les écrits de Moïse qu'ils avaient puisé cette espérance. Jacob en effet avait prophétisé l'avènement du Christ en ces termes : Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité jusqu'à ce que celui qui doit être envoyé soit venu. » (Gn 49, 10.) Moïse lui-même n'avait-il pas dit : « Dieu vous suscitera un prophète du milieu de vos frères ? » (Dt 18)
Origène
Il ne faut pas oublier que de même que Jésus a paru au milieu des Juifs, non-seulement en déclarant mais en prouvant qu'il était le Christ, ainsi on vit aussi paraître parmi les Samaritains un certain Dosithée qui prétendait être le Christ prédit par les prophètes.
Saint Augustin
Peut-être est-ce pour confirmer l'explication allégorique qui fait voir les cinq sens du corps dans les cinq maris de cette femme, qu'après les cinq premières réponses qui sont encore charnelles dans leur objet, elle nomme le Christ à la sixième.
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur ne tarde pas davantage à se révéler à cette femme : « Jésus lui dit : Je le suis, moi qui vous parle. » S'il s'était fait connaître dès le commencement, il eût paru céder à un sentiment de vanité, au contraire, après qu'il a réveillé insensiblement dans l'esprit de cette femme le souvenir du Christ, cette révélation est on ne peut plus opportune. Les Juifs demandèrent un jour au Sauveur : « Si vous êtes le Christ, dites-le nous franchement. » (Jn 10) Mais il ne leur répondit que d'une manière obscure et mystérieuse, parce qu'ils lui faisaient cette demande, non dans le désir de s'instruire et pour croire en lui, mais pour le calomnier, tandis que cette femme parlait dans toute la simplicité de son cœur.
27Et à ce moment arrivèrent ses disciples, et ils s'étonnèrent de ce qu'il parlait avec une femme; néanmoins, aucun ne dit: "Que demandez-vous?" ou: "Pourquoi parlez-vous avec elle?" 28La femme, alors, laissant là sa cruche, s'en alla dans la ville, et dit aux habitants: 29"Venez voir un homme qui m'a dit ce que j'ai fait; ne serait-ce point le Christ?" 30Ils sortirent de la ville, et vinrent à lui. 
Saint Jean Chrysostome
Les disciples de Jésus arrivèrent justement fort à propos, lorsque cet entretien venait de se terminer : « En même temps, ses disciples arrivèrent, et ils s'étonnaient, » etc. Ils admiraient la douceur et l'excessive bonté du Sauveur, qui si grand qu'il était, daignait s'abaisser jusqu'à s'entretenir si familièrement avec une pauvre femme et une Samaritaine.
Saint Augustin
Ils admiraient la bonté du Sauveur, et se gardaient bien de soupçonner le moindre mal.
Saint Jean Chrysostome
Cependant, malgré leur étonnement, ils ne lui demandent point la raison de cet entretien. « Néanmoins aucun ne dit : Que lui demandez-vous ? ou : Pourquoi parlez-vous avec elle ? » Ils étaient habitués à garder la sage réserve qui convient à des disciples pleins d'une crainte respectueuse pour leur maître. Dans d'autres circonstances, ils l'interrogent avec liberté sur des choses qu'il leur importait de savoir, tandis qu'il n'y avait rien pour eux de personnel dans cet entretien.
Origène
Nôtre-Seigneur se sert de cette femme comme d'un apôtre pour évangéliser ses concitoyens, il l'a tellement enflammée par ses paroles du feu sacré du zèle, qu'elle laisse là son urne pour retourner à la ville et raconter tout à ses concitoyens : « La femme alors, laissant là sa cruche, s'en alla dans la ville. » Elle oublie et les soins du corps, et la bassesse apparente de l'office qu'elle remplissait, elle ne voit que l'utilité du plus grand nombre. Ainsi devons-nous oublier et sacrifier nos intérêts corporels, pour nous efforcer de communiquer aux autres les biens que nous avons reçus.
Saint Augustin
Le mot grec ?d??? vient de ?d??, qui veut dire eau, et signifie un vase destiné à porter de l'eau.
Saint Jean Chrysostome
A l'exemple des apôtres qui avaient quitté leurs filets, cette femme laisse là son urne et remplit l'office d'un évangéliste, et ce n'est pas une seule personne, mais une ville tout entière qu'elle appelle à la connaissance de la vérité : « Elle alla dans la ville, et dit aux habitants : Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'avais fait. »
Origène
Elle les rappelle à venir voir un homme dont la parole était supérieure à la parole de l'homme. Ce qu'elle avait fait, c'était d'abord d'avoir eu cinq maris, et de vivre ensuite avec un sixième dans un commerce illégitime ; mais elle se sépare de cet homme pour s'attacher à un septième, et au moment où elle laisse son urne, elle a déjà recouvré la pudeur.
Saint Jean Chrysostome
Elle n'a point de honte de révéler les désordres de sa vie, car lorsque l'âme est enflammée de l'amour divin, aucune des choses de la terre ne l'arrête plus, elle n'est sensible ni à la gloire, ni à la honte, elle obéit uniquement à la flamme qui la dévore. Cette femme ne prétend pas qu'on la croie sur parole, et elle demande à ses concitoyens de venir se convaincre de leurs yeux et de leurs oreilles de la vérité de la doctrine du Christ. Aussi ne leur dit-elle pas : Venez et croyez, mais : « Venez et voyez, » ce qui était moins décisif ; car elle était persuadée que s'ils approchaient seulement leurs lèvres de cette source divine, ils éprouveraient aussitôt ce qu'elle avait éprouvé elle-même.
Alcuin d'York
Remarquez qu'elle n'en vient que par degrés à leur annoncer le Christ ; elle ne leur en parle d'abord que comme d'un homme dans la crainte que le nom de Christ ne vînt à les irriter et à les empêcher de venir.
Saint Jean Chrysostome
Voilà pourquoi elle ne dit point d'un ton affirmatif : Cet homme ne peut-être que le Christ ; elle ne s'en tait pas non plus absolument, mais elle dit d'un ton dubitatif  « Cet homme ne serait-il pas le Christ ? » Aussi se rendent-ils à son témoignage : « Ils sortirent donc de la ville et vinrent à lui. »
Saint Augustin
Il ne faut point passer légèrement sur cette circonstance que la Samaritaine abandonne sa cruche. Cette cruche signifie la convoitise avec laquelle l'homme puise la volupté charnelle des profondeurs ténébreuses du cœur, comme d'un puits obscur, c'est-à-dire de la vie de la terre et des sens. Mais dès lors qu'elle croit en Jésus-Christ, elle doit renoncer au monde, et en laissant son urne, montrer qu'elle renonce à la convoitise du monde.
Saint Augustin
Elle s'est dépouillée de sa convoitise pour être plus libre d'annoncer et de prêcher la vérité, et apprend ainsi à tous ceux qui veulent annoncer l'Evangile à laisser d'abord près du puits l'urne de la convoitise.
Origène
Aussitôt qu'elle a ouvert son cœur à la véritable sagesse, elle fait peu de cas de tout ce qu'elle aimait auparavant et se hâte de s'en dépouiller.
31Pendant l'intervalle, ses disciples le pressaient, en disant: "Maître, mangez." 32Mais il leur dit: "J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas." 33Et les disciples se disaient les uns aux autres: "quelqu'un lui aurait-il apporté à manger?" 34Jésus leur dit: "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre. 
Saint Augustin
Les disciples avaient été acheter des provisions, et ils étaient revenus. Cependant ses disciples le pressaient en disant : « Maître, mangez, »
Saint Jean Chrysostome
Ils le voyaient fatigué tout à la fois de la route et de la chaleur, et ils le pressent simplement et familièrement de manger, ce n'était point témérité de leur part, mais une preuve de leur affection pour leur maître.
Origène
Ils désirent qu'il profite pour manger du temps qui devait s'écouler entre le départ de cette femme et l'arrivée des Samaritains, car ils n'avaient pas l'habitude de lui servir sa nourriture devant des étrangers, c'est pour cela que l'Evangéliste dit expressément : « Pendant ce temps-là. »
Théophylactus
Le Seigneur qui savait que la Samaritaine allait lui amener tous les habitants de la ville, voulut l'apprendre à ses disciples : « Mais il leur dit : J'ai une nourriture à manger que vous ne connaissez pas. »
Saint Jean Chrysostome
Il parle ici du salut des hommes comme d'une nourriture pour nous faire comprendre le grand désir qu'il a de notre salut. Il le désire aussi vivement qu'il nous est naturel de désirer la nourriture. Mais remarquez qu'il ne révèle pas aussitôt cette vérité, il fait naître le doute dans l'esprit de ses auditeurs, pour qu'ils embrassent avec plus d'ardeur la vérité qui a été de leur part l'objet de sérieuses recherches.
Théophylactus
Il dit : « Que vous ne connaissez pas, » c'est-à-dire vous ne savez pas que le salut des hommes est pour moi une véritable nourriture, ou vous ne savez pas que les Samaritains doivent embrasser la foi et être sauvés. Les disciples étaient encore dans le doute sur le véritable sens de ces paroles : « Et les disciples se disaient l'un à l'autre : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? »
Saint Augustin
Quoi d'étonnant que cette femme n'ait pas compris la nature de l'eau que Jésus voulait lui donner, alors que ses disciples eux-mêmes ne comprennent pas quelle est cette nourriture dont il leur veut parler ?
Saint Jean Chrysostome
Ils donnent ici une preuve de leur respect habituel pour leur maître, ils se font cette demande entre eux, mais ils n'osent l'interroger lui-même.
Théophylactus
De ces paroles : « Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? » nous concluons légitimement que Nôtre-Seigneur avait coutume de recevoir les aliments qu'on lui offrait, non sans doute qu'il eût besoin du secours d'autrui, lui qui donne la nourriture à toute chair (Ps 146), mais pour donner à ceux qui lui faisaient cette offrande l'occasion d'une action méritoire. Il nous apprenait en même temps à ne point rougir de la pauvreté, comme aussi à ne point regarder comme une humiliation d'être nourri par les autres, car c'est une nécessité inhérente à la condition des docteurs de se décharger sur les autres du soin de pourvoir à leur nourriture pour s'occuper exclusivement du ministère de la parole.
Saint Augustin
Le Seigneur entendit pour ainsi dire les pensée de ses disciples, et il les instruit en maître directement et ouvertement sans prendre de circuits comme il l'avait fait avec la Samaritaine : « Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » 
Origène
La nourriture qui convient au Fils de Dieu c'est d'accomplir la volonté de son Père, en se proposant pour règle de ses actions les décrets de cette volonté divine. Or, le Fils de Dieu peut seul accomplir dans sa perfection la volonté du Père. Les autres saints conforment toutes leurs actions à cette volonté, mais celui-là seul l'accomplit dans toute sa perfection qui a dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » C'est la nourriture qui lui est exclusivement propre. Mais quelle est la volonté du Père ? C'est, ajoute Nôtre-Seigneur, d'accomplir son œuvre. En effet, pour parler simplement, dans un ouvrage quelconque, l'œuvre qui est commandée est lu fait de celui qui commande, c'est ainsi que nous disons de ceux qui construisent une maison ou creusent la terre, qu'ils exécutent l'œuvre de celui qui les a pris à son service. Mais si l'œuvre de Dieu est parfaitement accomplie par Jésus-Christ, elle était donc imparfaite auparavant, et comment admettre l'imperfection dans l'œuvre de Dieu ? L'accomplissement parfait de cette œuvre, c'était le perfectionnement de la créature raisonnable, et c'est pour donner toute sa perfection à cette oeuvre imparfaite que le Verbe s'est fait chair et qu'il a habité parmi nous. Nous disons donc que l'homme avait été créé dans un certain état de perfection, il en est déchu par sa faute, et le Seigneur a été envoyé d'abord pour accomplir la volonté de celui qui l'avait envoyé, et en second lieu, pour consommer l'œuvre de Dieu, afin que tout chrétien puisse parvenir à la perfection nécessaire pour participer à une nourriture plus solide.
Théophylactus
Le Fils de Dieu donne encore à l’oeuvre de Dieu, c'est-à-dire à l'homme, toute sa perfection en montrant en lui-même notre nature pure de tout péché, parfaite dans toutes ses actions et affranchie de la corruption. Il accomplit aussi dans sa perfection l'œuvre de Dieu, c'est-à-dire la loi, parce que Jésus-Christ est la fin de la loi (Rm 10) ; il fait cesser le règne de la loi, en accomplissant toutes les figures qu'elle contenait, et en substituant aux cérémonies extérieures de la loi un culte vraiment spirituel.
Origène
Dans le sens mystique, après l'entretien que le Sauveur venait d'avoir sur la boisson de l'âme, et ses divins enseignements sur l'eau toute spirituelle qu'il devait lui donner, il était naturel de parler de la nourriture. La Samaritaine à qui Nôtre-Seigneur demandait à boire, ne pouvait lui offrir une boisson digne de lui ; les disciples qui n'avaient trouvé chez ces étrangers que des aliments bien ordinaires, les présentent à Jésus en le pressant de manger. Ne pourrait-on pas dire que les disciples craignent que le Verbe de Dieu n'étant point suffisamment soutenu par la nourriture qui lui est propre ne vienne à tomber en défaillance. Ils proposent donc au Verbe de se nourrir de tous les aliments qu'ils trouvent et qu'ils lui présentent, espérant ainsi le conserver au milieu d'eux en lui donnant la nourriture qui doit il soutenir et le fortifier. Mais les corps qui ne peuvent se soutenir que par la nourriture n'ont pas tous besoin des mêmes aliments, ni de la même quantité d'aliments, il en est de même dans les choses spirituelles. Parmi les âmes, il en est qui demandent une nourriture plus abondante, d'autres ont besoin d'une quantité beaucoup moins considérable, parce que leur capacité est différente, et qu'elles n'ont, pour ainsi parler, ni les mêmes proportions, ni la même mesure. Il faut dire la même chose des discours et des pensées de haute perfection qui ne peuvent convenir indifféremment à toutes les âmes ; les enfants nouvellement nés désirent le lait spirituel et pur qui doit les faire croître pour le salut. (1 P 2) Mais ceux qui sont parfaits demandent une nourriture plus solide. (He 5) Nôtre-Seigneur exprime donc une vérité certaine en disant : « J'ai une nourriture à manger, que vous ne connaissez pas, » et tout homme qui se trouve placé au-dessus des infirmes et qui ne peuvent se nourrir des mêmes considérations que les âmes fortes, peut s'appliquer ces mêmes paroles.
35Ne dites-vous pas vous-mêmes: Encore quatre mois, et ce sera la moisson? Moi, je vous dis: Levez les yeux, et voyez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. 36Le moissonneur reçoit son salaire et recueille du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. 37Car ici s'applique l'adage: Autre est le semeur et autre le moissonneur. 38Je vous ai envoyés moissonner ce que vous n'avez pas travaillé; d'autres ont travaillé et vous, vous êtes entrés dans leur travail." 
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur explique à ses disciples quelle est cette volonté du Père dont il vient de parler : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson sera venue. »
Théophylactus
C'est-à-dire la moisson matérielle. Mais moi, je vous dis que le temps de la moisson spirituelle est venu. Il parlait ainsi à la vue des Samaritains qui venaient à lui ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Levez les yeux et voyez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. »
Saint Jean Chrysostome
Il se sert des choses les plus ordinaires pour les élever à la considération des vérités les plus sublimes ; les champs et la moisson sont ici la figure des âmes qui sont prêtes à recevoir la parole de la prédication. Les yeux sont ici tout à la fois les yeux du corps et de l'âme, car les disciples voyaient en effet les Samaritains qui accouraient en foule. La comparaison qu'il fait des dispositions de ces hommes avec les champs qui blanchissent, est des plus justes, car de même que les épis blanchis n'attendent plus que la faux du moissonneur, ainsi ces hommes sont prêts à recevoir le salut. Mais pourquoi Jésus ne dit-il pas clairement et sans figure qu'ils sont disposés à recevoir la prédication de l'Evangile ? Pour deux raisons : premièrement, pour rendre cette vérité plus saillante en la plaçant pour ainsi dire sous les yeux ; secondement, pour donner plus de charme à son récit et en rendre le souvenir plus durable.
Saint Augustin
Le Sauveur brûlait du désir d'accomplir son œuvre ; et avait hâte d'envoyer des ouvriers recueillir cette moisson. C'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qui moissonne, reçoit sa récompense, et recueille le fruit pour la vie éternelle, et ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui moissonne. »
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur établit ici clairement la distinction qui sépare les choses de la terre des biens du ciel ; il avait dit précédemment de l'eau qu'il voulait donner : « Celui qui boit cette eau, n'aura plus soif, » et ici : « Celui qui moissonne reçoit sa récompense et recueille le fruit pour la vie éternelle, » et encore : « Et ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui moissonne. » Les prophètes ont répandu la semence, mais ce sont les apôtres qui ont moissonné, comme il va bientôt le dire : « L'un sème et l'autre moissonne. » Il ne faut pas croire cependant que les prophètes qui ont semé n'aient point de part à la récompense ; c'est pour éloigner cette idée que Nôtre-Seigneur donne une raison qui n'a point son application dans les choses sensibles. Dans le cours ordinaire de la vie, s'il arrive que l'un sème et que l'autre moissonne, la joie n'est pas égale pour tous deux. Ceux qui ont semé s'attristent d'avoir travaillé pour les autres, et ceux qui moissonnent sont les seuls à se réjouir. Il n'en est pas de même ici, ceux qui ont semé ne moissonnent pas, et cependant ils partagent la joie de ceux qui moissonnent, et reçoivent la même récompense.
Saint Augustin
Les Apôtres et les prophètes ont travaillé à des époques bien différentes, mais ils auront part à la même joie, et recevront tous pour récompense la vie éternelle.
Saint Jean Chrysostome
Pour appuyer ce qu'il vient de dire, Nôtre-Seigneur rappelle le proverbe suivant : « Ici ce que l'on dit d'ordinaire est vrai, l'un sème et l'autre moissonne, » C'était un proverbe que l'on citait, lorsqu'on voyait les uns supporter toutes les fatigues, et d'autres venir moissonner tous les fruits. Mais ce proverbe a surtout ici son application, parce que les prophètes ont travaillé et que vous moissonnez les fruits de leurs travaux, comme le Sauveur l'ajoute : « Je vous ai envoyés moissonner où vous n'avez pas travaillé. »
Saint Augustin
Quoi donc ? Nôtre-Seigneur envoie des moissonneurs et non pas des semeurs. Et où envoie-t-il des moissonneurs ? Là où les prophètes avaient déjà répandu la semence. Lisez leurs travaux, et dans tous ces travaux vous trouverez une prophétie du Christ. La moisson était donc prête à recueillir, lorsque tant de milliers d'hommes offraient le prix de leurs biens (Ac 4), et le déposaient aux pieds des Apôtres, heureux de se décharger du fardeau des biens de la terre pour suivre plus librement Nôtre-Seigneur Jésus-Christ. Quelques grains de cette moisson ont été jetés dans la terre, et ont ensemencé l'univers tout entier ; il en est sorti une antre moisson qui ne doit point être recueillie par les Apôtres, mais par les anges : « Les moissonneurs, dit-il ailleurs, sont les anges. » (Mt 13)
Saint Jean Chrysostome
Il dit donc à ses disciples : « Je vous ai envoyés moissonner où vous n'avez pas travaillé, » c'est-à-dire, je vous ai réservé le travail où la fatigue est beaucoup moindre que la joie et le plaisir, et j'ai chargé les prophètes de ce qu'il y avait de plus pénible, c'est-à-dire de répandre la semence , et n'est ainsi que « d'autres ont travaillé et que vous êtes entrés dans leurs travaux. » Il veut ainsi nous prouver que la volonté des prophètes et le but que se proposait la loi étaient que tous les hommes vinssent se ranger autour de lui, et ils ont semé dans l'intention de préparer cette moisson. Il prouve en même temps que c'est lui qui a envoyé les prophètes, et l'étroite union qui existe entre l'Ancien et le Nouveau Testament.
Origène
On peut encore donner de tout ce passage, l'explication suivante. Si rien ne s'oppose à ce qu'on entende dans un sens allégorique ces paroles : « Levez les yeux, » etc., n'est-il pas permis d'entendre dans le même sens les paroles qui précèdent immédiatement : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois, et la moisson sera venue ? » Or, voici l'explication qu'on pourrait donner de ces paroles des disciples : « Encore quatre mois, et la moisson sera venue. » Un grand nombre des disciples du Verbe, c'est-à-dire du Fils de Dieu, qui considèrent que la vérité est incompréhensible à la nature humaine, n'ont pas plus tôt découvert qu'il y avait une vie différente de la vie présente qui est soumise à la corruption des quatre éléments, qui sont comme autant de mois, qu'ils croient ne parvenir qu'après cette vie seulement à la connaissance de la vérité. Les disciples disent donc de la moisson, qui est le terme de tous les efforts qui tendent à la vérité, qu'elle se fera après qu'aura cessé la domination des quatre éléments. Le Verbe incarné redresse dans leur esprit cette pensée qui n'est pas conforme à la vérité, en leur disant : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson vient. Et moi je vous dis : « Levez les yeux. » Dans plusieurs endroits de l'Ecriture, le Verbe divin nous fait cette recommandation d'élever nos pensées qui se traînent ordinairement sur les choses de la terre, et qui ne peuvent s'en affranchir sans le secours de Jésus. Nul, en effet, ne peut obéir à ce commandement, s'il reste l'esclave de ses passions et d'une vie sensuelle, il ne verra point les champs blanchis pour la moisson. Or, les champs blanchissent, lorsque le Verbe de Dieu répand sa lumière sur toutes les parties de l'Ecriture, auxquelles l'avènement de Jésus donne tonte leur fécondité. Toutes les choses sensibles elles-mêmes sont comme des champs blanchis pour la moisson, pour ceux qui élèvent les yeux, lorsque la raison nous montre dans chaque objet créé l'éclat de la vérité qui se trouve répandue sur toutes choses. (Traité 16.) Celui qui recueille ces moissons spirituelles a un double avantage, le premier, lorsqu'il reçoit sa récompense : « Et celui qui moissonne, reçoit une récompense, » c'est-à-dire la récompense future : « Et il recueille le fruit pour la vie éternelle, » ce qui exprime une disposition précieuse dé l'intelligence, qui est le fruit de la contemplation elle-même. Dans toute doctrine, je pense, celui qui pose les principes est celui qui sème ; d'autres à leur tour prennent ces principes, les méditent, les fécondent par de nouvelles considérations, et procurent ainsi à leurs descendants l'avantage de moissonner et de recueillir des fruits qui sont parvenus à leur maturité. C'est surtout dans l'art des arts que nous pouvons voir l'application de cette vérité. Ceux qui ont semé, c'est Moïse et les prophètes qui ont prédit l'avènement du Christ ; les moissonneurs sont les Apôtres qui ont reçu Jésus-Christ et contemplé sa gloire. La semence, c'est la connaissance que nous donne la révélation du mystère qui a été caché et comme enseveli dans le silence des siècles passés ; les champs sont les livres de la loi et des prophètes qui n'avaient point leur clarté, pour ceux qui n'étaient point capables de comprendre l'avènement du Verbe. Celui qui sème et celui qui moissonne partageront la même joie, lorsque dans la vie future le chagrin et la tristesse auront complètement disparu. C'est ce qui a commencé à se réaliser, lorsque Jésus fut transfiguré dans la gloire, et que les moissonneurs Pierre, Jacques et Jean, et les semeurs, Moïse et Elie se livraient à une joie commune en voyant la gloire du Fils de Dieu. Examinez cependant si ces mêmes paroles : « Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne, » ne peuvent pas s'entendre des temps différents dans lesquels les hommes ont été justifiés, lorsqu'ils étaient les uns disciples de l'Evangile, les autres simples observateurs de la loi. Les uns et les autres ont part cependant à la même joie, car c'est la même fin que se propose un seul et même Dieu, par le même Jésus-Christ et dans un même Esprit. Les Apôtres sont entrés dans les travaux des prophètes et de Moïse, ils les ont moissonnés d'après les instructions de Jésus, en recueillant dans leurs greniers, c'est-à-dire dans leur intelligence, les vérités cachées dans les écrits de Moïse et des prophètes. Ceux qui recueillent les fruits d'une doctrine déjà semée, ont un partage plus éclatant, mais sont loin de travailler autant que ceux qui ont répandu la semence.
39Or, beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus sur la parole de la femme qui avait rendu ce témoignage: "Il m'a dit tout ce que j'ai fait." 40Les Samaritains étant donc venus vers lui, le prièrent de rester chez eux, et il y demeura deux jours. 41Et un plus grand nombre crurent en lui pour l'avoir entendu lui-même. 42Et ils disaient à la femme: "Maintenant ce n'est plus à cause de ce que vous avez dit que nous croyons; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde." 
Origène
Après avoir rapporté les paroles de Jésus à ses disciples, l'Evangéliste continue son récit, en racontant la conversion des habitants de cette ville qui vinrent trouver Jésus, et crurent en lui par le témoignage de cette femme.
Saint Jean Chrysostome
Tout se fait ici avec autant de facilité qu'au temps de la moisson, les gerbes sont promptement recueillies, et en un instant l'aire de la grange en est remplie : « Or, beaucoup de samaritains de cette ville entrent en lui, » etc. Ils voyaient bien que ce n'était point par un sentiment naturel que cette femme était pleine d'admiration pour celui qui lui avait reproché ses désordres et qu'elle avait reconnu en lui les caractères d'une grandeur et d'une supériorité incontestables.
Saint Jean Chrysostome
Ce fut donc sur le seul témoignage de cette femme, et sans avoir vu aucun miracle, qu'ils sortirent de la ville, et prièrent Jésus de rester au milieu d'eux. Les Juifs, au contraire, témoins de tant de miracles, non-seulement ne cherchèrent point à le retenir au milieu d'eux, mais mirent tout en œuvre pour le chasser de leur pays. Rien de plus mauvais, en effet, que l'envie et la jalousie, rien de plus pernicieux que la vaine gloire qui corrompt et détruit tous les biens qu'elle touche. Les Samaritains voulaient le retenir toujours auprès d'eux, mais il ne se rendit pas à leurs désirs, il demeura seulement deux jours avec eux : « Et il y demeura deux jours. »
Origène
On pourrait demander avec assez de raison comment le Sauveur a pu rester deux jours avec les Samaritains, qui l'en avaient prié, lui qui avait défendu à ses disciples d'entrer dans les villes des Samaritains. (Mt 10) Et il est évident que les disciples y entrèrent avec lui. Nous répondons que marcher dans la voie des nations, c'est se laisser gagner par les croyances des nations, et en faire la règle de sa conduite, et qu'entrer dans les villes des Samaritains, c'est adhérer à la fausse doctrine de ceux qui admettent la loi, les prophètes, les évangiles et les écrits des Apôtres ; mais lorsqu'ils abandonnent leur doctrine personnelle pour venir trouver Jésus, il est alors permis de demeurer avec eux.
Saint Jean Chrysostome
Les Juifs, malgré tous les miracles dont ils furent témoins, demeurèrent dans leur incrédulité, tandis que les Samaritains, sans avoir vu aucun miracle, et après avoir entendu seulement Jésus, manifestèrent en lui une foi vraiment extraordinaire : « Et un plus grand nombre crurent en lui pour avoir entendu ses discours. » Pourquoi donc les Evangélistes ne nous ont-ils pas rapporté ces discours ? Pour vous apprendre qu'ils ont passé sous silence bien des choses importantes ; ils vous font toutefois comprendre la puissance de ces discours, puisqu'ils ont persuadé tous les habitants de cette ville. Là, au contraire, où les auditeurs ne se laissent point persuader, les Evangélistes sont comme obligés de reproduire les discours du Sauveur, pour montrer que ce défaut de persuasion ne doit pas être imputé à l'insuffisance de la parole, mais aux mauvaises dispositions dès auditeurs. Or, les Samaritains, devenus les disciples de Jésus-Christ, ne veulent plus de cette femme pour les instruire : « Et ils disaient à la femme : Maintenant ce n'est plus sur ce que vous avez dit que nous croyons ; car nous-mêmes nous l'avons entendu, et nous croyons qu'il est vraiment le Sauveur du monde. » Voyez comme ils comprennent aussitôt qu'il était venu délivrer l'univers, et que voulant opérer le salut de tous les hommes, il ne devait pas renfermer son action dans la Judée, mais répandre partout la semence de sa parole. En le proclamant le Sauveur du monde, ils prouvent encore que le monde était perdu, et plongé dans un abîme de maux. Les prophètes et les anges étaient venus aussi en qualité de sauveurs, mais le seul vrai Sauveur est celui qui donne le salut, non-seulement pour le temps, mais pour l'éternité. Voyez encore comme malgré la question de cette femme qui semble renfermer quelque doute : « Ne serait-il point le Christ ? » ils ne disent point : Nous soupçonnons, mais : « Nous savons. » Ils vont plus loin, et reconnaissent qu'il est vraiment le Sauveur du monde, c'est-à-dire qu'il n'est pas un sauveur ordinaire comme l'ont été tant d'autres. Ils s'expriment de la sorte pour l'avoir entendu seulement parler, que n'auraient-ils pas dit à la rue des miracles si nombreux et si extraordinaires qu'il opérait ?
Origène
Si nous nous rappelons ce qui précède, nous n'aurons point de peine à comprendre qu'après avoir trouvé la parole de vérité, ces Samaritains abandonnent toute autre doctrine, et sortent de la ville de leurs anciennes croyances pour embrasser la foi qui conduit au salut. Aussi est-ce avec intention, je pense, que l'Evangéliste ne dit pas : Les Samaritains le prièrent d'entrer dans la Samarie ou dans leur ville, mais : « Ils le prièrent de demeurer dans leur pays. » Jésus demeure toujours avec ceux qui l'en prient, et surtout lorsqu'ils sortent de leur ville et viennent le trouver.
Saint Augustin
Il demeure deux jours avec eux, c'est-à-dire qu'il leur donne les deux préceptes de la charité.
Origène
Ils n'étaient pas encore dignes de voir son troisième jour, car ils ne désiraient point voir de choses extraordinaires, comme les disciples qui se trouvèrent avec Jésus aux noces de Cana, en Galilée, trois jours après que Jésus les eut appelés à sa suite. (Jn 2) Plusieurs d'entre eux durent le commencement de leur foi à la parole de cette femme qui leur' attestait que Jésus lui avait dit tout ce qu'elle avait fait, mais le progrès de cette foi et le nombre beaucoup plus considérable de ceux qui crurent ensuite furent l'œuvre des enseignements du Sauveur lui-même ; car la connaissance du Verbe ou Fils de Dieu, qui est due à un témoignage extérieur, n'est jamais aussi parfaite que celle qu'il répand avec toutes ses clartés dans l'âme de celui qu'il daigne instruire lui-même.
Saint Augustin
Les Samaritains connurent donc Jésus-Christ, d'abord par ce qu'ils entendirent raconter de lui, et ensuite par ce qu'ils virent de leurs yeux. Il tient encore aujourd'hui la même conduite à l'égard de ceux qui sont en dehors de l'Eglise et ne sont pas encore chrétiens. Ce sont les amis de Jésus-Christ, déjà chrétiens eux-mêmes, qui commencent à le faire connaître, et c'est sur le témoignage de cette femme, c'est-à-dire, de l'Eglise, qu'ils viennent le trouver. Ils croient donc d'abord par l'intermédiaire de cette femme, mais sur le témoignage même du Sauveur, un bien plus grand nombre croit et d'une foi plus parfaite qu'il est vraiment le Sauveur du monde.
Origène
Il est impossible que l'effet produit sur l'intelligence, par ce que l'on voit soi-même, ne sont pas supérieur à l'impression produite par le témoignage d'un témoin oculaire, et il vaut beaucoup mieux avoir l'espérance que la foi pour guide, c'est pour cela que les habitants de cette ville croient non-seulement sur un témoignage humain, mais sur le témoignage de la vérité elle-même.

Commentaires

Formulaire de contact

Nom

Courriel *

Message *