Ce dimanche: Sermon sur la montagne. Confiance en Dieu notre Père (Mt 6, 24-34)

24Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse. 
Saint Jean Chrysostome
Le Seigneur venait de dire que celui dont l'âme est soumise à l'esprit peut facilement conserver tout son corps dans la pureté, tandis que cela est impossible à celui qui n'obéit pas à l'esprit, Il en donne maintenant la raison : « Personne ne peut servir deux maîtres. »
La Glose
Voici une autre manière de rattacher cette pensée à ce qui précède : « Notre-Seigneur a déclaré plus haut qu'une intention terrestre rendait mauvais ce qui était bon. On pouvait en conclure qu'il était permis de faire le bien, en vue des biens de la terre aussi bien qu'en vue des biens du ciel. » Le Sauveur détruit cette erreur en ajoutant : « Personne ne peut servir deux maîtres à la fois. »
Saint Jean Chrysostome
On peut encore donner cette explication : Dans ce qui précède, le Sauveur a combattu la tyrannie de l'avarice par des raisons fortes et nombreuses, il lui en oppose ici de plus pressantes encore. En effet, les richesses nous sont visibles non-seulement en armant contre nous les voleurs et en répandant les ténèbres sur notre intelligence, mais encore en nous arrachant au service de Dieu, ce que Notre-Seigneur prouve par cette maxime si connue : « Personne ne peut servir deux maîtres à la fois. » Il dit deux maîtres qui donnent des ordres contraires, car la bonne intelligence ne fait qu'un seul homme de plusieurs. Aussi Notre-Seigneur ajoute-t-il : « Ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il se soumettra à l'un et méprisera l'autre. » Il met les deux maîtres en présence pour nous apprendre que l'on peut facilement quitter le mauvais pour le bon. Vous dites par exemple : « Je suis l'esclave des richesses par l'affection que j'ai pour elles, » Le Sauveur vous montre qu'il vous est possible de changer de maître, en vous dérobant à cette servitude, et en n'ayant pour elle que du mépris.
La Glose
Ou bien encore Notre-Seigneur paraît ici faire allusion a deux espèces de servitude, l'une qui est noble et naît de l'amour, l'autre qui est servile et qui vient de la crainte. Si donc un chrétien sert par un principe d'amour l'un de ces deux maîtres opposés, il faut nécessairement qu'il ait de la haine pour l'autre ; s'il agit au contraire par un motif de crainte, il ne peut supporter l'un sans mépriser l'autre. Que ce soit un objet terrestre, que ce soit Dieu, si l'un ou l'autre domine dans le coeur de l'homme, il se trouve entraîné dans une direction contraire à l'un des deux, car Dieu attire son serviteur vers les régions élevées, les choses de la terre l'entraînent vers la terre ; et voilà pourquoi il conclut en disant : « Vous ne pouvez pas à la fois servir Dieu et l'argent. »
Saint Jérôme
Mammon est un mot syriaque qui signifie richesse. Que l'avare qui porte le nom de chrétien apprenne ici qu'il ne peut à la fois servir Jésus-Christ et les richesses. Et remarquez que le Sauveur ne dit pas : « Celui qui a des richesses, » mais « celui qui est le serviteur et l'esclave des richesses, » car celui qui en est l'esclave les garde comme fait un esclave ; celui au contraire qui est affranchi de leur servitude, les distribue comme en étant le maître.
La Glose
Par Mammon on peut entendre aussi le démon qui a l'empire sur les richesses, non pas qu'il puisse les distribuer à son gré, sans que Dieu le lui permette, mais parce qu'il les fait servir à tromper les hommes.
Saint Augustin
Celui qui est l'esclave de Mammon ou des richesses devient aussi l'esclave de celui qui par sa perversité a été préposé au gouvernement des choses de la terre, et appelé par le Seigneur le prince de ce monde. Ou bien encore par ces paroles : « Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent, » le Seigneur nous montre quels sont les deux seigneurs, Dieu et le démon. Or il faut nécessairement que l'homme haïsse l'un et qu'il aime l'autre, qu'il se soumette à l'un et méprise l'autre. En effet celui qui est l'esclave de l'argent souffre une dure servitude, car enchaîné par sa cupidité, il subit l'esclavage du démon, mais il ne l'aime pas ; de même que celui que sa passion unit à la servante d'un autre, est soumis à une cruelle servitude, sans qu'il ait aucune affection pour celui dont il aime la servante. Remarquez que le Sauveur dit : « Et il méprisera l'autre, et non pas il le haïra. » Car il n'est peut-être pas un homme qui puisse haïr Dieu dans sa conscience. Mais on peut le mépriser, c'est-à-dire ne pas le craindre lorsque sa bonté nous inspire une confiance présomptueuse.
25C'est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre âme de ce que vous mangerez ou de ce que vous boirez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. L'âme n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement? 
Saint Augustin
Notre-Seigneur nous a enseigné plus haut que celui qui veut aimer Dieu et fuir ce qui l'offense, ne doit pas se flatter de pouvoir servir deux maîtres à la fois, dans la crainte que le coeur ne vienne à se partager par la recherche non du superflu, mais du nécessaire, et que pour se le procurer, l'intention ne soit détournée de sa véritable fin, il ajoute : « C'est pourquoi je vous le dis, ne soyez pas inquiets pour votre vie, de ce que vous mangerez, » etc.
Saint Jean Chrysostome
En parlant ainsi le Sauveur ne suppose pas que l'âme ait besoin de nourriture (car elle est incorporelle), mais il se sert ici d'un langage reçu ; d'ailleurs l'âme ne peut rester dans le corps qu'à la condition pour celui-ci de prendre de la nourriture.
Saint Augustin
Ou bien l'âme est mise ici pour la vie animale. 
Saint Jérôme
Dans quelques exemplaires on lit cette addition : « Ni de ce que vous boirez. » Nous ne sommes donc pas délivrés entièrement de tout soin en ce qui concerne les biens que la nature accorde également à tous les êtres, et qui sont communs aux animaux sauvages et domestiques aussi bien qu'aux hommes. Mais Dieu nous défend d'avoir de l'inquiétude à l'égard de notre nourriture. C'est à la sueur de notre front que nous préparons notre pain ; il faut pour cela du travail, mais point de sollicitude. Ce qui est dit ici doit s'entendre de la nourriture et du vêtement de notre corps. Quant aux vêtements et à la nourriture de l'âme, ils doivent être l'objet constant de notre sollicitude.
Saint Augustin
On appelle Euchites certains hérétiques qui prétendent qu'il n'est pas permis à un moine de travailler pour le soutien de sa vie, et qu'ils n'embrassent eux-mêmes l'état monastique que pour s'affranchir de tout travail.
Saint Augustin
Ils disent donc : ce n'est pas des oeuvres corporelles auxquelles se livrent les laboureurs et les artisans dont l'apôtre a voulu parler lorsqu'il a dit : « Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger, » (2 Th 2), car il ne pouvait se mettre en contradiction avec ces paroles de l'Évangile : « C'est pourquoi je vous dis ne soyez pas inquiets, » etc. Le travail dont veut parler ici l'Apôtre, ce sont donc les oeuvres spirituelles dont il a dit ailleurs : « J'ai planté, Apollon a arrosé. » Ces hérétiques prétendent ainsi obéir à la fois à la recommandation de l'Évangile et à celle de l'Apôtre en soutenant que l'Évangile nous a commandé de ne point nous inquiéter des besoins matériels de cette vie, et que c'est de la nourriture et des oeuvres spirituelles que l'Apôtre a dit : « Que celui qui ne veut pas travailler ne mange point. » Il faut donc leur démontrer tout d'abord que ce sont des oeuvres corporelles que l'Apôtre recommande aux serviteurs de Dieu. Il venait de leur dire précédemment : « Vous savez vous-mêmes ce qu'il faut faire pour nous imiter, puisque nous n'avons point causé de troubles parmi vous, nous n'avons mangé gratuitement le pain de personne, mais nous avons travaillé nuit et jour pour n'être à charge à aucun de vous, non pas que nous n'en eussions le droit, mais nous avons voulu vous donner en nous un modèle à imiter. » C'est pour cela que lorsque nous étions auprès de vous, nous vous déclarions que celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger. Que peut-on répondre à des paroles si claires, lorsque nous voyons l'Apôtre consacrer cette doctrine par son exemple, c'est-à-dire par le travail de ses mains. Ne le voyons-nous pas en effet travailler des mains dans ce passage desActes des Apôtres (Ac 18), où il est dit : « Il resta auprès d'Aquila et de son épouse Priscilla et travailla chez eux, car leur métier était de faire des tentes ? » Et cependant le Seigneur avait établi que ce grand Apôtre, comme prédicateur de l'Évangile, comme soldat du Christ, comme planteur de la vigne et pasteur du troupeau, devait vivre de l'Évangile. Toutefois, il n'exigea pas le salaire auquel il avait droit, pour donner dans sa personne un exemple sans réplique à ceux qui étaient portés à exiger ce qui ne leur était pas dû.
Saint Augustin
Qu'ils prêtent donc l'oreille ceux qui n'ont pas le pouvoir dont l'Apôtre était revêtu, et qui ne pouvant présenter aucune oeuvre spirituelle, voudraient manger un pain qu'ils n'ont gagné par aucun travail corporel. Ils ont ce droit, s'ils sont prédicateurs de l'Évangile, ou ministres de l'autel, ou dispensateurs des sacrements. Si du moins ils possédaient dans le monde des biens qui pouvaient les faire vivre facilement sans travail, et qu'au moment de leur conversion, ils les aient distribués aux pauvres, il faut croire à leur faiblesse, y condescendre, et la supporter, sans faire attention à l'endroit qui a profité de leurs dons, puisque les chrétiens ne forment entre eux qu'une seule société. Mais quant à ceux qui viennent des champs, ou de l'atelier, ou d'une profession vulgaire pour se consacrer à Dieu dans l'état religieux, ils n'ont aucune excuse pour se dispenser du travail des mains. Est-il convenable que les artisans restent oisifs là où les sénateurs se livrent au travail ? Convient-il que des campagnards soient délicats là où les possesseurs de grands domaines ne viennent qu'après avoir quitté toutes les jouissances de la terre ? Ainsi lorsque Notre-Seigneur a dit : « Ne soyez pas inquiets, » son dessein n'est pas qu'on ne puisse chercher à se procurer les biens indispensables à une vie honnête, mais il défend d'avoir l'oeil fixé constamment sur ces biens, et que les prédicateurs de l'Évangile n'en fassent le but de leurs travaux évangéliques, car c'est cette intention qu'il avait appelée plus haut l'oeil du corps.
Saint Jean Chrysostome
On peut encore établir autrement la liaison des paroles du Sauveur. Comme il venait d'enseigner le mépris des richesses, on pouvait donc dire : « Comment pourrons-nous vivre si nous abandonnons tout ce que nous possédons ? » Il répond en ajoutant : « C'est pourquoi je vous dis : Ne vous laissez pas préoccuper, » etc.
La Glose
Par les soins temporels qui vous détourneraient des biens de l'éternité.
Saint Jérôme
Il nous est défendu d'avoir de l'inquiétude à l'égard de notre nourriture, car c'est à la sueur de notre front que nous devons assurer notre subsistance. Il faut donc du travail, mais point de sollicitude.
Saint Jean Chrysostome
Ce ne sont pas les préoccupations de l'esprit, mais le travail de nos bras qui doit nous procurer notre pain ; Dieu le donne libéralement au travail comme récompense, mais il le retire à la négligence pour la punir. Le Seigneur affermit notre espérance à cet égard, premièrement, par ce raisonnement du plus au moins, en disant : « Est-ce que la vie n'est pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement ? »
Saint Jérôme
Celui qui vous a donné les choses les plus élevées vous refuserait-il celles qui sont de moindre importance ?
Saint Jean Chrysostome
S'il n'avait pas voulu conserver les êtres qui existent, il ne les aurait pas créés. Or, en leur donnant l'existence, il a établi qu'elles se conserveraient au moyen de la nourriture ; il doit donc leur procurer cette nourriture, tant qu'il veut que se prolonge l'existence qu'il leur a donnée.
Saint Hilaire
Ou bien encore, comme les pensées des infidèles sont perverties à l'égard des choses de l'autre vie et qu'ils demandent avec mauvaise foi quelle sera la forme de nos corps à la résurrection, quelle sera leur nourriture pendant l'éternité, le Seigneur met à néant ces questions aussi sottes qu'inutiles par cette réponse : « Est-ce que l'âme n'est pas plus que la nourriture ? » Il ne veut pas que l'espérance que nous avons de la résurrection s'arrête à ces misérables inquiétudes sur le manger, le boire et le vêtement ; il ne veut pas qu'on lui fasse outrage en le croyant incapable de nous accorder ces choses si minimes, alors qu'il nous rendra et notre corps et notre âme.
26Regardez les oiseaux du ciel, qui ne sèment ni ne moissonnent et n'amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux? 27Qui de vous, à force de soucis, pourrait ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie? 
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur vient d'affermir notre espérance par une raison du plus au moins, il la confirme maintenant par un argument du moins au plus : « Considérez les oiseaux du ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent. »
Saint Augustin
Il en est qui prétendent n'être pas obligés au travail, parce que, disent-ils, les oiseaux du ciel ne sèment ni ne moissonnent. Pourquoi donc ne pas faire attention à ce qui suit : « Et ils n'amassent rien dans les greniers ? » Pourquoi veulent-ils avoir les mains oisives et leurs greniers pleins ? Pourquoi moudre leur blé et cuire leur pain ? Car les oiseaux du ciel ne le font pas. S'ils trouvent des personnes qu'ils détermineront à leur apporter chaque jour leur nourriture toute préparée, encore faudra-t-il qu'ils se procurent eux-mêmes de l'eau en allant la puiser à une fontaine, à une citerne ou à un puits. S'ils ne sont même pas obligés à remplir d'eau leurs vases, ils ont vraiment un degré de perfection de plus que les fidèles de Jérusalem qui, ayant reçu le blé qui leur était envoyé de la Grèce, ont pris soin d'en faire du pain ou au moins d'en faire préparer, ce que ne font pas les oiseaux. On ne peut pas assujettir à ne rien réserver pour le lendemain ceux qui se séparent pour longtemps du commerce des hommes sans aucune relation avec eux, et qui s'enferment pour vivre appliqués tout entiers à la prière. On peut dire même que plus leur perfection est grande, plus leur conduite diffère de celle des oiseaux. Si donc Notre-Seigneur prend les oiseaux pour terme de comparaison, c'est pour ne laisser à personne la pensée que Dieu puisse refuser le nécessaire à ses serviteurs, puisque sa providence s'étend jusque sur les oiseaux. Car il ne faut pas croire que ce n'est pas Dieu lui-même qui nourrit ceux qui travaillent de leurs propres mains. Ainsi, parce que Dieu dit : « Invoquez-moi au jour de la tribulation et je vous en délivrerai, » on ne doit pas en conclure que l'Apôtre ne devait pas recourir à la fuite, mais qu'il devait attendre qu'il fût saisi et que Dieu vînt le délivrer, comme il avait délivré les trois jeunes hommes de la fournaise. Les saints pourraient répondre à ceux qui leur feraient cette difficulté, qu'ils ne doivent pas tenter Dieu, mais que c'est à lui, s'il le veut, de les délivrer, comme il a délivré Daniel des lions et saint Pierre de ses liens, alors qu'ils étaient eux-mêmes dans l'impossibilité de le faire. Que si Dieu, au contraire, leur donne les moyens de fuir et qu'ils échappent ainsi au danger, c'est encore à lui seul qu'ils attribuent leur délivrance. Par la même raison, si des serviteurs de Dieu sont capables de gagner leur vie de leur travail personnel et que l'Évangile en main on vienne leur objecter l'exemple les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent, ils répondront facilement : « Si nous étions réduits à l'impuissance de travailler par suite de quelque maladie ou de quelque occupation, Dieu sans doute nous nourrirait comme les oiseaux du ciel qui ne travaillent pas. Mais puisque nous pouvons travailler, nous ne devons pas tenter Dieu, car cette puissance même que nous avons vient de sa bonté ; tant que nous vivons, notre vie vient de la même source que cette puissance, et nous sommes nourris par celui qui nourrit les oiseaux du ciel, comme Notre-Seigneur le dit : « Et votre Père céleste les nourrit ; n'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux ? » etc.
Saint Augustin
C'est-à-dire, vous êtes d'un prix plus élevé, parce que l'homme, animal raisonnable, occupe dans la nature un rang supérieur aux animaux sans raison, comme les oiseaux.
Saint Augustin
Cependant un cheval coûte ordinairement plus cher qu'un esclave, et une pierre précieuse plus cher qu'une servante ; mais ce n'est pas une appréciation raisonnable, c'est la nécessité ou le plaisir qui leur donne cette valeur.
Saint Jean Chrysostome
Tous les animaux ont été faits pour l'homme ; mais l'homme a été fait pour Dieu et Dieu prend d'autant plus soin de l'homme qu'il occupe un rang plus élevé dans la création. Si donc les oiseaux trouvent leur nourriture sans travailler, pourquoi l'homme ne la trouverait-il pas, lui à qui Dieu a donné la science du travail et l'espérance du succès ?
Saint Jérôme
Il en est qui, en voulant dépasser les limites respectées par nos pères et s'élever vers les hauteurs, tombent dans les abîmes. Ils prétendent que les oiseaux du ciel sont les anges et les autres puissances célestes qui exécutent les ordres de Dieu et qui sont nourris par la Providence divine sans aucun souci de leur part. S'il en est ainsi, comment expliquer les paroles suivantes qui s'appliquent nécessairement aux hommes : « Est-ce que vous n'êtes pas plus qu'eux ? » Il faut donc entendre ce passage tout simplement en ce sens que si, sans peine et sans préoccupation de leur part, la Providence de Dieu nourrit les oiseaux qui sont aujourd'hui et demain ne seront plus, elle fera bien plus pour les hommes à qui l'éternité est promise.
Saint Hilaire
On peut dire aussi que dans cette comparaison des oiseaux le Sauveur nous instruit par l'exemple des esprits impurs qui, sans aucun travail pour chercher ou amasser leur nourriture, reçoivent cependant leur subsistance par un effet des conseils éternels de Dieu, et c'est pour confirmer ce rapport aux esprits impurs qu'il ajoute : « N'êtes vous pas plus qu'eux ? »montrant ainsi par une comparaison frappante la différence qui existe entre la malice et la sainteté.
La Glose
Ce n'est pas seulement par l'exemple des oiseaux, c'est encore par notre propre expérience que le Sauveur nous enseigne que pour exister et pour vivre, nos soins personnels ne suffisent pas, mais qu'il faut encore l'action de la divine Providence. « Qui donc d'entre vous peut ajouter par son intelligence une coudée à sa taille ? »
Saint Jean Chrysostome
C'est Dieu qui chaque jour donne l'accroissement à votre corps sans que vous puissiez vous en rendre compte. Si donc la Providence de Dieu travaille tous les jours en vous à l'accroissement de votre corps, comment restera-t-elle inactive devant de véritables nécessités ? Mais comment vous-mêmes, si tous les efforts de votre pensée ne peuvent ajouter la plus petite partie à votre corps, pourrez-vous le sauver tout entier ?
Saint Augustin
Ou bien ces paroles se rapportent à ce qui suit de cette manière : « Une preuve que ce n'est pas votre sollicitude qui a fait parvenir votre corps à sa taille actuelle, c'est que, même quand vous le voudriez, vous ne pourriez lui ajouter une coudée ; laissez donc le soin de couvrir votre corps à celui qui a su lui donner une taille aussi élevée. »
Saint Hilaire
De même qu'il s'est servi de l'exemple des esprits pour appuyer notre foi en la Providence à l'égard des nécessités de la vie, ainsi c'est en invoquant l'opinion commune qu'il nous fait connaître l'état qui nous attend après la résurrection. Puisque Dieu doit un jour ressusciter tous les corps qui ont en vie et en ramener la diversité à l'unité d'un homme parfait, et que seul il peut ajouter à la taille de chacun, une, deux ou trois coudées, n'est-ce pas lui faire outrage que d'être inquiet à l'égard du vêtement, c'est-à-dire de l'extérieur de notre corps, alors qu'il doit ajouter à la taille de tous les corps humains ce qui sera nécessaire pour établir l'égalité entre tous les hommes.
Saint Augustin
Si le Christ est ressuscité avec cette taille qu'il avait au moment de sa mort, on ne peut dire qu'au jour de la résurrection générale il paraîtra avec une taille gigantesque, différente de celle qui était connue des Apôtres. Si, au contraire, nous prétendons que tous les corps d'une taille plus grande ou plus petite seront élevés ou raccourcis à sa taille, un grand nombre de corps perdront de leur volume, contrairement à la promesse qu'il nous a faite que pas un cheveu de notre tête ne périrait. Disons donc que chacun ressuscitera avec la taille qu'il avait dans sa jeunesse, s'il est mort dans un âge avancé, et avec celle qu'il aurait eue s'il est mort auparavant. L'Apôtre n'a pas dit : « Dans la mesure de la taille, » mais : « Dans la mesure de l'âge parfait du Christ (Ep 4, 13 ), » parce que, en effet, les corps ressusciteront dans cet âge de jeunesse et de force auquel nous savons que le Christ est parvenu.
28Et pourquoi vous inquiétez-vous pour le vêtement? Observez les lis des champs, comment ils croissent : il ne peinent ni ne filent. 29Or je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'était pas vêtu comme l'un d'eux. 30Si donc Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui est aujourd'hui et demain sera jetée au four, ne (le fera-t-il) pas bien plus pour vous, gens de peu de foi? 
Saint Jean Chrysostome
Après nous avoir enseigné à bannir toute sollicitude pour la nourriture, Notre-Seigneur passe à une autre nécessité moins importante, le vêtement ; car le vêtement n'est pas d'une aussi pressante nécessité que la nourriture. « Et pourquoi vous inquiétez-vous pour le vêtement ? » il ne se sert plus ici de la comparaison tirée des oiseaux, bien que quelques-uns, comme le paon et le cygne, eussent pu lui servir d'exemple, mais il choisit les lis en disant : « Considérez les lis des champs. » Il veut faire ressortir l'inépuisable richesse de la Providence divine à l'aide de ces deux choses : la magnificence et l'éclat des lis, et la faiblesse de ces êtres que Dieu revêt d'une si éclatante splendeur.
Saint Augustin
Il ne faut point interpréter trop subtilement ces divins enseignements dans un sens allégorique et rechercher ce que signifient ici les oiseaux du ciel ou les lis des champs. Le Sauveur n'a recours aux comparaisons qu'il emprunte à la nature extérieure que pour nous aider à comprendre des choses d'un ordre plus élevé.
Saint Jean Chrysostome
Au temps marqué par la Providence, les lis déploient leurs feuilles, se revêtent de blancheur, se remplissent de parfums, et ce que la terre n'avait pu donner à la racine, Dieu le lui communique par une opération invisible. Tous reçoivent avec une égale abondance, pour qu'on n'y voie pas un effet du hasard, mais le résultat d'une disposition de la Providence de Dieu. Par ces paroles : « Ils ne labourent pas, »Notre-Seigneur encourage les hommes ; par ces autres : « Ni ils ne filent point, » il ranime la confiance des femmes (cf. Pv 30).
Saint Jean Chrysostome
Cette doctrine du Sauveur ne tend pas à interdire le travail, mais la sollicitude, comme lorsqu'il a dit plus haut : « Les oiseaux ne sèment point. »
Saint Jean Chrysostome
Et pour faire ressortir davantage cette Providence qui surpasse toutes les inventions de l'industrie humaine, il ajoute : « Je vous déclare que Salomon, » etc.
Saint Jérôme
En effet, quelle soierie, quelle pourpre royale, quel riche tissu peut soutenir la comparaison avec les fleurs ? Quel rouge plus vif que celui de la rose et quelle blancheur plus éclatante que celle du lis ? Aucune pourpre ne peut l'emporter sur la violette, c'est une vérité qui n'a pas besoin de démonstration, il suffit d'avoir des yeux pour s'en convaincre.
Saint Jean Chrysostome
Il y a entre la richesse des vêtements et celle des fleurs, la différence qui sépare le mensonge de la réalité. Si donc la magnificence de Salomon, le plus splendide des rois, a été surpassée par celle des fleurs, comment la richesse de vos vêtements pourra-t-elle effacer leur éclat ? Et cet éclat des fleurs a triomphé de la magnificence de Salomon, non pas une ou deux fois, mais pendant toute la durée de son règne ; c'est ce qu'indiquent ces mots : « Dans toute sa gloire, » car pas même un seul jour il ne put atteindre la riche parure des fleurs. »
Saint Jean Chrysostome
Ou bien Notre-Seigneur parle ainsi parce que Salomon, sans travailler pour se procurer des vêtements, donnait cependant des ordres en conséquence. Or, le commandement est presque toujours accompagné de colère dans celui qui le fait, et de froissement clans celui qui l'exécute ; les fleurs, au contraire, reçoivent leur riche parure sans même qu'elles y pensent.
Saint Hilaire
Ou bien, par les lis, on peut entendre les célestes clartés des anges, que Dieu lui-même revêt d'une gloire éblouissante. Ils ne travaillent ni ne filent, car la grâce qui a, dès leur origine, assuré le bonheur des anges, se répand sur tous les moments de leur existence, et comme après la résurrection les hommes seront semblables aux anges, Notre-Seigneur, en faisant briller à nos yeux l'éclat des vertus célestes, a voulu nous faire espérer ce vêtement de gloire éternelle.
Saint Jean Chrysostome
Si Dieu revêt avec tant de magnificence les fleurs qui ne naissent que pour satisfaire un instant les yeux et périr presque aussitôt après, pourra-t-il oublier les hommes, qu'il a créés non pour apparaître un instant, mais pour exister éternellement. C'est cette vérité dont il veut nous convaincre en ajoutant : « Si donc Dieu prend soin de vêtir ainsi l'herbe des champs qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, combien prendra-t-il plus soin de vous, hommes de peu de foi ? »
Saint Jérôme
Le mot demain, dans l'Écriture, signifie le temps qui suit : « Ma justice m'exaucera demain (Gn 30), » dit Jacob.
La Glose
D'autres exemplaires portent : « Dans le feu, ou dans un de ces tas d'herbes enflammées qui ressemblent à un four. »
Saint Jean Chrysostome
Le Sauveur ne leur donne déjà plus le nom de lis, c'est l'herbe des champs, pour montrer leur chétive nature. Il la fait encore ressortir davantage, en ajoutant, non pas : « Qui ne seront plus demain, » mais ce qui exprime bien plus leur peu de valeur. « Qui seront jetés au four. » Ces paroles : « A combien plus forte raison » nous donnent à entendre ce qui fait l'honneur du genre humain, comme si le Sauveur disait : « Vous à qui Dieu a donné une âme, dont il a formé le corps, à qui il a envoyé ses prophètes et livré son Fils unique. » Il dit : « De peu de foi, » car la foi qui ne s'étend pas même à des choses aussi minimes est une foi bien faible.
Saint Hilaire
Ou bien encore, sous cette figure de l'herbe des champs, on peut voir les Gentils. Si donc l'existence éternelle ne leur est accordée que pour devenir les victimes du feu du jugement, que les saints sont coupables de douter de l'éternité glorieuse, alors que Dieu donne aux méchants, pour leur punition, une existence éternelle ?
Saint Rémi
Dans le sens spirituel, on peut entendre ici par les oiseaux du ciel les saints qui sont régénérés dans les eaux sacrées du baptême, et que la piété porte à mépriser les choses de la terre et à soupirer après celle du ciel. Notre-Seigneur dit que les Apôtres sont plus que les oiseaux du ciel, parce qu'ils sont les chefs de tous les saints. Les lis figurent encore les saints qui, par la foi seule et sans le travail des cérémonies légales, ont su plaire à Dieu, et on peut leur appliquer ces paroles : « Mon bien-aimé qui se nourrit parmi les lis. » Les lis sont encore la figure de l'Église à cause de la blancheur éblouissante de la foi et du parfum de la bonne vie, et c'est d'elle qu'il est dit : « Elle est comme le lis parmi les épines. » L'herbe des champs figure les infidèles dont il est écrit : « L'herbe s'est desséchée et la fleur est tombée ; » et le four, la damnation éternelle en ce sens : « Si Dieu n'a pas refusé aux infidèles les biens du temps, à combien plus forte raison nous accordera-t-il ceux de l'éternité ? »
31Ne vous mettez donc point en peine, disant : Que mangerons-nous ou que boirons-nous, ou de quoi nous vêtirons-nous? 32c'est de tout cela en effet que les païens sont en quête, car votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. 33Cherchez premièrement le royaume [de Dieu] et sa justice, et tout cela vous sera donné en plus. 
La Glose
Après avoir successivement exclu toute sollicitude à l'égard de la nourriture et du vêtement par des raisons empruntées aux créatures inférieures, Notre-Seigneur combat ici cette double sollicitude : « Ne vous inquiétez donc point en disant : Que mangerons-nous ou que boirons-nous, ou de quoi nous vêtirons-nous ? »
Saint Rémi
Le Seigneur renouvelle cette recommandation pour nous faire comprendre sa nécessité et la graver plus profondément dans nos coeurs.
Rabanus Maurus
Remarquez qu'il ne dit pas : « Ne soyez ni inquiet ni soucieux de la nourriture, de la boisson, du vêtement, » mais : « De ce que vous mangerez, de ce que vous boirez, de quoi vous pourrez vous vêtir, » il me paraît condamner ici ceux qui, n'ayant que du mépris pour la manière ordinaire de se nourrir ou de se vêtir de ceux au milieu desquels ils vivent, affectent de rechercher des aliments ou des vêtements plus délicats ou plus austères.
La Glose
Il est encore une autre sollicitude superflue et qui tient à un principe vicieux du coeur humain. Vous voyez des hommes, désespérant pour ainsi dire de la bonté de Dieu, réserver au delà du nécessaire les richesses et les fruits de la terre et sacrifier les intérêts de leur âme à la préoccupation exclusive de ces biens temporels. C'est ce que Notre-Seigneur défend, lorsqu'il ajoute : « Car les païens recherchent toutes ces choses. »
Saint Jean Chrysostome
En effet, dans leur opinion, les choses humaines dépendent de la fortune et non de la Providence ; elles ne sont point gouvernées par les justes décrets de Dieu, mais par le hasard et à l'aventure. Leurs craintes et leurs défiances sont donc fondées, puisqu'ils ne croient à aucune direction supérieure. Mais pour celui qui croit à n'en pouvoir douter que c'est la main de Dieu qui gouverne son existence, il lui abandonne le soin de sa nourriture, c'est pourquoi le Sauveur ajoute : « Car votre Père sait que vous avez besoin de toutes ces choses. »
Saint Jean Chrysostome
Il ne dit pas : « Dieu sait, » mais : « Votre Père sait, » pour accroître ainsi leur confiance, car si c'est un Père, pourra-t-il négliger le soin de ses enfants, alors que les hommes eux-mêmes ne se rendent pas coupables de cet oubli. Il ajoute : « Que vous manquez de toutes ces choses, » car il s'agit du nécessaire. Quel est le père, en effet, qui refuserait le nécessaire à ses enfants ? S'il s'agissait, au contraire, du superflu, la même confiance serait déplacée.
Saint Augustin
Ce n'est pas depuis une époque déterminée que Dieu connaît ces choses ; de toute éternité, il a prévu dans sa prescience toutes les choses futures, le temps aussi bien que la matière de nos prières.
Saint Augustin
Quant à ceux qui soutiennent que la science de Dieu ne peut embrasser toutes ces choses, parce qu'elles sont infinies, il leur reste à dire que Dieu ne connaît point tous les nombres, qui sont très certainement infinis. L'infinité des nombres ne peut être incompréhensible pour celui dont l'intelligence n'est point soumise aux lois des nombres. Si donc tout ce que la science peut embrasser est comme limité par l'intelligence qui comprend, on peut dire que toute infinité trouve des limites ineffables dans la science de Dieu pour laquelle rien n'est incompréhensible.
Saint Grégoire de Nysse
C'est par ces signes éclatants que se fait connaître la Providence divine. Comment expliquer, en effet, sans une Providence spéciale, la durée de tous les êtres (de ceux en particulier qui sont soumis aux lois de la génération et de la corruption), la place qu'ils occupent, le rang qui leur est assigné dans la création d'après un plan constamment suivi ? Mais il en est qui prétendent que Dieu ne s'occupe que de l'existence des créatures en général, que sa providence se borne à maintenir cet ordre général, mais que les choses particulières sont abandonnées au hasard. Or, on ne peut donner que trois raisons de cette conduite de la Providence abandonnant au hasard les choses particulières : ou bien Dieu ignore qu'il est bon d'étendre sur elles sa providence, ou bien il ne le veut pas, ou c'est chez lui impuissance. Quant à l'ignorance, elle répugne souverainement à cette divine et bienheureuse nature Et comment voudrait-on que Dieu ignorât ce qui ne peut échapper à l'homme sage : que la ruine des choses particulière entraîne la ruine des choses générales ? Or, comment empêcher cette destruction des êtres individuels sans une puissance toute providentielle ? Dira-t-on que Dieu ne le veut pas ? Ce ne pourrait être que par négligence ou parce qu'il regarde comme indigne de lui cette Providence de détail. La négligence ne peut venir que de deux causes : ou de l'attrait d'un plaisir qui nous captive, ou d'une crainte qui nous détourne d'agir. Or, il n'est pas permis de supposer en Dieu l'une de ces deux causes. S'ils disent qu'il est inconvenant pour Dieu et indigne de cette béatitude infinie de descendre aux petites choses, pourquoi n'est-il pas inconvenant qu'un ouvrier qui s'occupe de l'ensemble de son ouvrage s'applique en même temps aux plus petits détails, parce qu'ils contribuent à la perfection du tout ? Et n'est-ce pas une souveraine inconvenance que de prétendre que le Dieu créateur du monde est inférieur à un simple artisan ? Si Dieu ne le peut pas, il y a chez lui faiblesse, impuissance de faire le bien. Que si cette Providence qui s'étend aux plus petits détails de la création est incompréhensible pour nous, est-ce une raison pour nier son existence ? Pourquoi donc aussi ne pas nier qu'il y ait des hommes sur la terre, parce que nous ignorons le nombre de ceux qui existent.
Saint Jean Chrysostome
Que celui donc qui croit qu'une Providence divine gouverne son existence, lui abandonne le soin de sa nourriture, qu'il tourne toutes ses pensées sur ce qui est bien, sur ce qui est mal ; sans cette pensée sérieuse, il ne pourra ni fuir le mal, ni faire le bien. Aussi Notre-Seigneur ajoute-t-il : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice. » Le royaume de Dieu c'est la récompense des bonnes oeuvres ; sa justice, c'est la voie de la piété qui conduit à ce royaume. Si la gloire des saints devient l'objet de vos méditations, la crainte du supplice vous éloignera nécessairement du mal ou le désir de la gloire vous fera prendre la voie du bien. Et si vous réfléchissez sur la justice de Dieu, c'est-à-dire sur ce qui est l'objet de sa haine ou de son amour, la justice elle-même, qui suit ceux qui l'aiment, vous fera connaître ses voies. Nous n'aurons pas à rendre compte de ce que nous sommes pauvres ou riches, mais de nos bonnes ou de nos mauvaises actions qui dépendent de notre libre arbitre.
La Glose
Ou bien cette expression : « La justice » signifie que c'est par la grâce de Dieu et non par vos efforts que vous êtes justes.
Saint Jean Chrysostome
La terre, à cause des péchés des hommes, a été frappée de malédiction et de stérilité par cette sentence : « La terre sera maudite dans ton travail. » Dieu la bénit, au contraire, lorsque nous faisons le bien. Cherchez donc la justice et le pain ne vous manquera pas ; les paroles suivantes vous en assurent : « Et toutes ces choses vous seront données comme par surcroît. »
Saint Augustin
C'est-à-dire les biens temporels : le Sauveur nous enseigne assez clairement que ce ne sont pas là les véritables biens en vue desquels nous devons pratiquer la vertu, mais que cependant ils nous sont nécessaires. Le royaume de Dieu et sa justice, voilà notre bien véritable dans lequel nous devons placer notre fin. Mais parce que nous avons à combattre en cette vie pour conquérir ce royaume, et que nous ne pouvons la conserver sans le soutien de ces biens temporels, le Seigneur nous dit : « Ils vous seront donnés comme par surcroît. » Ces paroles : « Cherchez d'abord » ne veulent pas dire qu'il faut chercher en second lieu les choses de la terre dans l'ordre du temps, mais selon l'estime que nous devons en faire ; cherchons le royaume de Dieu comme notre bien et les choses de la terre comme une nécessité de la vie. Ainsi, par exemple, nous ne devons pas annoncer l'Évangile pour nous procurer de quoi manger, ce serait faire moins de cas de l'Évangile que de la nourriture ; mais nous devons manger afin de pouvoir annoncer l'Évangile. Or, si nous cherchons d'abord le royaume de Dieu et sa justice, c'est-à-dire si nous les préférons à tout et que nous leur rapportions tous les autres biens, n'ayons aucune crainte que le nécessaire nous manque, car il est dit : « Et toutes ces choses vous seront données par surcroît, » c'est-à-dire sans aucune difficulté pour vous et sans crainte qu'en cherchant ces biens vous ne soyez détournés des premiers ou obligés de vous proposer deux fins à la fois.
Saint Jean Chrysostome
Il ne dit pas : « Elles vous seront données, » mais : « Elles vous seront ajoutées, » pour nous apprendre que les choses présentes ne sont rien en comparaison de la magnificence des biens à venir.
Saint Augustin
Lorsque nous lisons que l'Apôtre eut à souffrir de la faim et de la soif, n'allons pas croire que Dieu ait failli à ses promesses ; ces biens sont des secours, le divin Médecin sait quand il faut nous les donner ou nous les refuser, selon ce qui nous est le plus utile. S'ils viennent à nous manquer, ce que Dieu permet souvent pour notre épreuve, cela ne doit ébranler en aucune manière le plan de vie que nous avons adopté, mais nous confirmer, au contraire, dans le choix réfléchi que nous en avons fait.
34N'ayez donc point de souci du lendemain, car le lendemain aura souci de lui-même : à chaque jour suffit sa peine. 
La Glose
Le Sauveur vient de défendre la sollicitude pour le présent, il nous défend maintenant pour l'avenir, les vaines inquiétudes qui viennent du vice de notre coeur. « Ne soyez pas inquiets pour le lendemain, nous dit-il. »
Saint Jérôme
Demain, dans la sainte Écriture, signifie l'avenir, comme dans ces paroles de Jacob : « Demain mon équité me rendra témoignage, » et la pythonisse, parlant a Saül dans la personne de Samuel qu'elle avait évoqué, lui dit : « Demain tu seras avec moi. » En nous défendant la préoccupation de l'avenir, Dieu nous permet de nous occuper du présent. Cette pensée nous suffit, laissons à Dieu le soin d'un avenir plein d'incertitude ; c'est ce que signifient ces paroles : « Le jour de demain sera inquiet pour lui-même, » c'est-à-dire apportera avec lui sa part de sollicitude. « A chaque jour suffit son mal, » Le mot mal n'exprime pas ici une idée contraire à celle de vertu, mais la peine, l'affliction, les infortunes de la vie présente.
Saint Jean Chrysostome
Rien ne cause, en effet, autant de douleur à l'âme que les inquiétudes et les soucis. « Le lendemain sera inquiet pour lui-même. » Notre-Seigneur veut se rendre plus intelligible, il personnifie donc le temps et adopte un langage reçu pour se faire comprendre d'un peuple sans instruction. Pour les impressionner davantage, ce sont les jours eux-mêmes qu'il met en place des soins superflus. Est-ce que chaque jour n'a pas son fardeau suffisant, c'est-à-dire les préoccupations qui lui sont propres ? Pourquoi donc le surcharger des sollicitudes du lendemain ?
Saint Jean Chrysostome
Ou bien l'expression aujourd'hui signifie le nécessaire de la vie présente, et le mot demain, le superflu. « N'ayez donc aucune sollicitude pour le lendemain, » c'est-à-dire ne cherchez pas à vous procurer au delà de ce qui est nécessaire à votre nourriture de chaque jour ; ce qui est superflu, c'est-à-dire le lendemain, aura souci de lui-même. C'est là le sens de ces paroles : « Le lendemain aura soin de lui-même, » paroles qui veulent dire : « Lorsque vous aurez amassé le superflu, il prendra soin de lui-même, » c'est-à-dire : « Sans que vous en jouissiez, il trouvera des maîtres qui en prendront soin. Pourquoi donc vous tourmenter de ce qui duit devenir la propriété des autres ? A chaque jour suffit son mal ; vous avez assez de vos travaux, de vos préoccupations pour le nécessaire, ne vous inquiétez pas du superflu. »
Saint Augustin
Ou bien encore le mot demain ne s'emploie que dans le temps, là où le passé fait place à l'avenir. Quand donc nous faisons le bien, pensons non pas au temps, mais à l'éternité. « Le lendemain aura soin de lui-même, » en d'autres termes : Lorsqu'il le faudra, que la nécessité s'en fera sentir, prenez la nourriture et autres choses semblables. « A chaque jour suffit son mal, » c'est-à-dire il suffit que vous preniez ce que demande le besoin. Il appelle ce besoin malice, parce qu'il est pour nous une peine, et qu'il fait partie de la mortalité que nous avons méritée par le péché. N'allez pas rendre plus accablante cette peine des nécessités de la vie ; vous la subissez, mais n'en faîtes pas le motif pour lequel vous servez Dieu. Il faut nous garder ici, lorsque nous voyons un serviteur de Dieu qui cherche à se procurer le nécessaire pour lui, ou pour ceux dont le soin lui est confié, de l'accuser de désobéissance au commandement du Seigneur. Est-ce que le Sauveur lui-même, qui était servi par les anges, ne s'est pas soumis, pour notre exemple, à la nécessité d'avoir une bourse ? Et ne lisons-nous pas dans les Actes des Apôtres que pour échapper au danger d'une famine imminente, on fit les provisions nécessaires pour l'avenir ? Ce que le Seigneur condamne, ce n'est donc pas qu'on cherche à se donner le nécessaire par les voies ordinaires, mais qu'on ne s'attache à Dieu que pour se le procurer.
Saint Hilaire
Tout cet enseignement peut aussi se réduire à cette doctrine céleste : Dieu nous défend de nous inquiéter de l'avenir. Et en effet la malice de notre vie, les péchés qui marquent chacun de nos jours n'offrent-ils pas à notre méditation et à tous nos efforts une ample matière d'expiation ? Délivrés alors de tout souci, l'avenir est inquiet pour lui-même, alors que la providence de Dieu nous prépare le fruit des clartés éternelles.

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