Ce dimanche: Sermon sur la montagne. Surpasser la justice des scribes et des pharisiens (Mt 5, 17-37)

17Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais parfaire. 18Car, je vous le dis en vérité, jusqu'à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul trait de la Loi ne passera pas, que tout ne soit accompli. 19Celui donc qui aura violé un de ces moindres commandements, et appris aux hommes à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le royaume des cieux; mais celui qui les aura pratiqués et enseignés, sera tenu pour grand dans le royaume des cieux. 
La Glose
Après avoir exhorté ses disciples à se préparer à tout souffrir pour la justice, et à ne pas tenir cachée la doctrine salutaire qu'ils allaient entendre, mais à la recevoir dans l'intention de la communiquer aux autres, il leur fait connaître ce qu'ils devront enseigner. Il suppose qu'ils lui font cette question : Quelle est donc cette doctrine qui ne doit pas rester cachée et pour laquelle vous nous ordonnez de tout nous offrir ? Et il leur répond : « Ne pensez pas que je sois venu détruire la loi ou les prophètes. »
Saint Rémi
Mais il ne veut pas qu'on s'imagine qu'il n'est venu que pour annoncer la loi, comme les prophètes ; il nie donc d'abord qu'il soit venu pour détruire la loi, et il affirme ensuite qu'il est venu pour l'accomplir : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir. »
Saint Augustin
Cette maxime présente deux sens, car accomplir une loi c'est ou bien ajouter ce qui lui manque, ou faire ce qu'elle prescrit.
Saint Augustin
Enfin, comme il était difficile, même à ceux qui vivent sous l'empire de la grâce, dans cette vie mortelle d'accomplir ce commandement de la loi : « Vous n'aurez pas de désirs coupables (Ex 20, 17 ; Dt 5, 21 ; Rm 7, 8 ; 13, 9), » le Sauveur, devenu notre Pontife par le sacrifice de sa chair, nous obtient miséricorde, et il accomplit encore ici la loi, car notre faiblesse et notre impuissance se trouvent guéries par la vertu de ce divin chef dont nous sommes devenus les membres. Je pense que ces paroles : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir, »peuvent s'entendre aussi de ces additions qui expliquent le sens des anciens préceptes ou la manière de les mettre en pratique. C'est ainsi que le Seigneur nous a fait connaître qu'un simple mouvement de haine qui nous porte à nuire à notre frère doit être rangé parmi les péchés d'homicide. Il nous dit encore plus loin qu'il aime mieux que nous restions dans la vérité suis recourir au serment que de nous exposer à tomber dans le parjure en jurant même selon la vérité. Pourquoi donc, ô Manichéens, rejetez-vous la loi et les prophètes, alors que le Christ affirme qu'il est venu non pour les détruire, mais pour les accomplir ? L'hérétique Fauste répond : Mais qui atteste que Jésus a tenu ce langage ? Matthieu. Et comment donc Matthieu peut-il raconter ce que Jésus a dit sur la montagne, lui qui n'a suivi le Sauveur que lorsqu'il en fut descendu, tandis que Jean, qui était sur la montagne, n'en dit pas un mot ? Saint Augustin répond : S'il n'y a pour dire la vérité sur le Christ que celui qui l'a vu ou entendu, personne aujourd'hui n'est en état de le faire. Pourquoi donc saint Matthieu n'aurait-il pu apprendre de la bouche de saint Jean la vérité sur le Christ, alors que nous, qui sommes nés si longtemps après, nous pouvons enseigner sur Jésus-Christ la vérité que nous puisons dans les écrits de saint Jean ? C'est ce qui fait que non seulement l'évangile de saint Matthieu, mais encore celui de saint Luc et de saint Marc jouissent d'une égale autorité. D'ailleurs, est-ce que le Seigneur n'a pu raconter à saint Matthieu les faits qui avaient précédé sa vocation ? Avouez donc franchement que vous ne croyez pas à l'Évangile, car en ne croyant dans l'Évangile qu'à ce qui vous convient, c'est plutôt à vous-mêmes qu'à l'Évangile que vous croyez.
Saint Augustin
Fauste dit encore : Nous pouvons prouver qu'un autre que saint Matthieu (et je ne sais qui) a écrit cette maxime sous le nom de cet apôtre : « Lorsque Jésus passait, il vit un homme assis au comptoir, Matthieu était son nom. » Et quel est donc l'écrivain qui, pour parler de lui-même, s'exprime de la sorte : « Il vit un homme, » et non pas : « Il me vit ? » »aint Augustin répond, saint Matthieu parle de lui commue d'une personne étrangère, de même que saint Jean l'a fait dans ce passage : « Pierre, se retournant, vit cet autre disciple que Jésus aimait, » ce qui prouve que telle était la manière de s'exprimer des évangélistes dans leurs narrations.
Saint Augustin
Il y a plus, réplique Fauste, cette défense que Jésus-Christ nous fait de croire qu'il soit venu détruire la loi est bien plutôt de nature à nous faire soupçonner qu'il la détruisait réellement, car, puisqu'il ne violait aucun article de la loi, pourquoi les Juifs l'en auraient-ils soupçonné ? C'est là, répond saint Augustin, une bien faible difficulté, car nous ne nions pas qu'aux yeux des Juifs inintelligents, le Christ n'ait passé pour un destructeur de la loi et des prophètes.
Saint Augustin
Fauste ajoute : D'ailleurs, ni la loi ni les prophètes n'ont besoin de cet accomplissement, puisqu'il est écrit : « Vous observerez les commandements que je vous donne, sans y rien ajouter, ni sans rien ôter. » Fauste, répond saint Augustin, ne comprend pas ce que c'est que l'accomplissement de la loi, lorsqu'il l'entend de l'addition de nouveaux préceptes. La plénitude de la loi c'est la charité (Rm 13, 18) que le Seigneur a répandue sur les fidèles en leur envoyant l'Esprit saint. La loi est donc accomplie lorsqu'on obéit à ses préceptes ou lorsque les événements réalisent les prédictions qu'elle a faites.
Saint Augustin
Fauste continue : Reconnaître que Jésus est l'auteur du Nouveau Testament, qu'est-ce autre chose que déclarer qu'il a détruit l'Ancien ? Non, répond saint Augustin, car l'Ancien Testament renferme les figures de l'avenir, qui devaient disparaître devant les réalités apportées par Jésus-Christ, et dans ce fait même les prophètes trouvaient leur accomplissement, puisqu'ils annonçaient que Dieu devait donner aux hommes un nouveau Testament.
Saint Augustin
Fauste poursuit : Si le Christ a prononcé ces paroles, c'est évidemment dans un autre sens ou (ce qu'on ne peut admettre) c'est un mensonge, ou il n'a rien dit de semblable. Or, personne n'osera dire que le Christ a menti ; ces paroles ont donc une autre signification, ou elles n'ont jamais été dites. Quant à moi, la foi des Manichéens me met en garde contre l'admission de ce chapitre, car elle m'a tout d'abord appris qu'il ne faut pas regarder comme venant du Sauveur tout ce que les Évangélistes lui attribuent, et qu'il y a beaucoup d'ivraie que le glaneur qui rôde pendant la nuit a répandue dans presque toutes les Écritures pour corrompre le bon grain. Saint Augustin répond : Le Manichéen t'a enseigné une opinion impie et perverse en vertu de laquelle tu acceptes dans l'Évangile tout ce qui favorise ton hérésie, et tu rejettes tout ce qui la condamne.
Saint Augustin
Pour nous, l'Apôtre nous a enseigné cette divine méthode de regarder comme anathème quiconque annoncerait un Évangile différent de celui que nous avons reçu. Et quant à l'ivraie, le Seigneur lui-même nous a expliqué ce que c'était. Ce ne sont point les erreurs qui seraient mêlées à la vérité des Écritures, comme il vous plaît de le dire, mais ce sont les hommes enfants du démon.
Saint Augustin
Fauste ajoute : Lorsqu'un Juif viendra vous demander pourquoi vous n'observez pas ce que prescrivent la loi et les prophètes, puisque le Christ n'est pas venu les détruire, mus les accomplir, vous serez forcé ou de devenir l'esclave d'une vaine superstition, ou de reconnaître que ce chapitre n'est pas authentique, ou de nier que vous soyiez le disciple du Christ. Les catholiques, répond saint Augustin, ne sont nullement embarrassés par ce chapitre, comme s'il leur reprochait de ne pas garder la loi et les prophètes, car ils ont dans le coeur l'amour de Dieu et l'amour du prochain, deux préceptes qui résument la loi et les prophètes, et ils savent que tout ce qui, dans l'Ancien Testament, a été prophétisé allégoriquement par les événements, par la célébration des fêtes légales, par les expressions figurées se trouve accompli en Jésus-Christ et en son Église. Donc nous ne devenons pas tributaires d'une vaine superstition, nous ne nions pas la véracité de ce chapitre, et nous ne renonçons pas à être les disciples du Christ. Celui donc qui vient dire : Si le Christ n'avait pas détruit la loi et les prophètes, les anciens rites se seraient perpétués dans les cérémonies chrétiennes, peut ajouter : Si le Christ n'avait pas détruit la loi et les prophètes, sa naissance, sa passion, sa résurrection seraient encore l'objet des promesses. Au contraire, une preuve qu'il n'a pas détruit, mais accompli la loi et les prophètes, c'est justement qu'il ne nous est plus prédit comme devant naître, souffrir et ressusciter, ce que proclamaient toutes les figures de l'ancienne loi ; mais qu'on nous annonce sa naissance, sa mort, sa résurrection comme autant de faits accomplis que nous rappellent à l'envi toutes les solennités chrétiennes. Combien donc est grossière l'erreur de ceux qui pensent que le changement des signes et des rites a dû changer la nature des choses signifiées dont le rite prophétique promettait l'existence, et dont le rite évangélique démontre l'accomplissement.
Saint Augustin
Fauste ajoute encore : Si le Christ est l'auteur de ces paroles, examinons pourquoi il les a dites. Est-ce pour adoucir la fureur des Juifs qui en le voyant fouler aux pieds ce qu'ils regardaient comme saint ne croyaient pas devoir l'entendre davantage ? Ou bien est-ce pour nous engager à nous soumettre au joug de la loi, nous qui devions croire parmi les Gentils ? Si ce n'est pas l'une de ces raisons, ce doit être l'autre, et en cela le Christ ne nous a pas induit en erreur. Il y a en effet trois sortes de loi, la première est celle des Hébreux, que saint Paul appelle loi de péché et de mort ; la seconde, la loi des Gentils, qu'il appelle naturelle, en disant :« Les nations font naturellement ce que la loi leur commande ; » la troisième, la loi de vérité appelée par saint Paul : « La loi de l'esprit de vie. » Il en est de même des prophètes : il y a les prophètes des Juifs, qui sont connus ; les prophètes des Gentils, dont saint Paul écrivait : « Un de leurs compatriotes et leur prophète a dit. » Enfin les prophètes de la vérité, dont le Christ a dit : « Je vous envoie des sages et des prophètes. » Or, s'il avait parlé des observances judaïques dans le dessein de nous les faire accomplir, nul doute qu'il ne fût ici question de la loi des prophètes des Juifs. Mais il ne rappelle ici que des préceptes plus anciens : « Vous lie tuerez pas, vous ne commettrez pas d'adultère, » qui furent autrefois promulgués par Enoch, par Seth et par d'autres justes ; il est donc évident qu'il veut parler ici de la loi et des prophètes de la vérité. Paraît-il au contraire vouloir parler des préceptes judaïques ; c'est pour les déraciner complètement, comme celui-ci : « 'il pour 'il, dent pour dent. » »aint Augustin répond : On voit clairement quelle est cette loi, quels sont ces prophètes que Jésus-Christ n'est pas venu détruire, mais accomplir : c'est la loi qui a été donnée par Moïse. C'est une erreur de dire, comme Fauste, que le Seigneur est venu accomplir certains préceptes, ceux qui avaient été transmis par les anciens justes avant la loi, comme celui-ci : « Vous ne tuerez pas ; » tandis qu'il en a détruit certains autres qui étaient propres à la loi mosaïque (comme celui-là : « 'il pour 'il, dent pour dent »), car nous tenons pour vrai que ces derniers préceptes ont été parfaitement conformes au temps où ils furent établis, et que le Christ ne les a pas détruits, mais accomplis, comme nous le prouverons pour chacun d'eux. C'est ce que ne comprenaient pas non plus ces hérétiques appelés Nazaréens, qui, persévérant dans cette croyance perverse, voulaient forcer les Gentils convertis à judaïser.
Saint Rémi
Le mot amen est un mot hébreu qui signifie en latin, vraiment, exactement,ou ainsi soit-il. Le Seigneur emploie cette expression pour deux raisons, ou à cause de la dureté de coeur de ceux qui étaient lents à croire, ou pour avertir ceux qui croyaient de prêter une attention plus profonde à ce qui allait suivre.
Saint Hilaire
En s'exprimant de la sorte : « Jusqu'à ce que le ciel et la terre pussent, »il déclare que le ciel et la terre, qui sont les principaux éléments de la création, seront dissous comme nous le croyons nous-mêmes.
Saint Rémi
Ils demeureront quant à leur substance, mais ils passeront en ce sens qu'ils seront renouvelés.
Saint Augustin
Par ces paroles : « Un seul iota ou un seul point de la loi ne passera » le Sauveur exprime avec énergie la perfection qui est renfermée dans chacune des lettres de la sainte Écriture. Parmi ces lettres la plus petite est l'iota,qui s'écrit d'un seul trait. Le point est un petit signe qui surmonte l'iota à son sommet. En s'exprimant ainsi, le Seigneur nous apprend que dans la loi les petites choses doivent être accomplies avec soin.
Rabanus Maurus
C'est avec un dessein marqué qu'il emploie l'iota grec, et non l'iota des Hébreux, car l'iota exprime le nombre dix et par là même le nombre des préceptes du Décalogue dont l'Évangile est le point extrême et le plus haut degré de perfection.
Saint Augustin
Ou bien, au contraire, ces moindres commandements sont ceux de la loi ancienne, et ce sont les préceptes que le Christ va promulguer qui sont de la plus haute importance. Ces préceptes moindres que les autres sont indiqués ici par l'iota et par le point, celui-là donc qui les viole et qui enseigne aux autres à les violer de même sera appelé le dernier dans le royaume de Dieu. Et peut-être même n'entrera-t-il pas dans ce royaume des cieux, ou Dieu n'admet que ceux qui sont vraiment grands.
La Glose
Violer la loi, c'est ne pas faire ce qu'ordonne la loi bien comprise, ou ne pas comprendre la fausse interprétation qu'on lui donne, ou détruire dans quelqu'une de ses parties l'ensemble des commandements ajoutés par le Christ.
Saint Grégoire le Grand
Ou bien par le Royaume des cieux il faut entendre l'Église où tout docteur qui viole un commandement de la loi est regardé comme le dernier, car celui dont la conduite est méprisable, comment peut-il empêcher que son enseignement ne soit méprisé ?
Saint Hilaire
Ou bien, par ces moindres choses, le Seigneur fait allusion à sa passion et à sa croix ; celui qui par une fausse honte ne les confessera pas hautement, sera le plus petit, c'est-à-dire le dernier, et presque rien. Le Sauveur promet au contraire la gloire magnifique des cieux à celui qui ne rougira pas de les confesser ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Mais celui qui fera et enseignera sera appelé grand dans le royaume des cieux. »
Saint Jérôme
Le Seigneur flétrit ici la conduite des Pharisiens qui, n'ayant que du mépris pour les commandements de Dieu, leur substituaient leurs propres traditions, et il leur apprend que l'enseignement qu'ils donnent au peuple perd tout son prix, s'ils détruisent le plus petit commandement de la loi. Voici encore une autre explication : c'est que la science du maître, ne fût-il esclave que d'une faute légère, le fait descendre de la place élevée qu'il occupait ; c'est qu'il ne sert de rien d'enseigner la justice si on la détruit en même temps par la moindre faute ; c'est qu'on n'est souverainement heureux qu'en traduisant dans sa conduite les enseignements que l'on donne aux autres.
Saint Augustin
On bien encore, celui qui violera les plus petits des commandements de la loi, et qui enseignera à les violer, sera appelé le dernier ; celui au contraire qui accomplira ces moindres commandements, et qui enseignera à les accomplir, ne devra pas être regardé comme grand, mais il sera toutefois au-dessus de celui qui les viole. Celui-là seul sera vraiment grand qui pratiquera et enseignera ce que le Christ enseigne.
20Car je vous dis que si votre justice ne surpasse celle des Scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux. 21Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point; mais qui tuera sera justiciable du tribunal. 22Et moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère [à la légère] sera justiciable du tribunal; et qui dira à son frère : Raca! sera justiciable du Sanhédrin; et qui lui dira : Fou! sera justiciable pour la géhenne du feu. 
Saint Hilaire
Dans ce magnifique début le Sauveur s'élève bien au-dessus de la loi ancienne ; il déclare aux apôtres que l'entrée du ciel leur est fermée, si leur justice n'est supérieure à celle des Pharisiens ; c'est le sens de ces paroles : « Je vous le dis en vérité, à moins que votre justice ne soit plus abondante, etc. »
Saint Augustin
On peut encore donner cette explication : « Si votre justice n'est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens qui n'observent pas ce qu'ils enseignent, et dont il est dit ailleurs : « Ils disent et ne font pas ; » c'est-à-dire si votre justice n'atteint ce degré de perfection non-seulement de ne pas violer, mais de pratiquer ce que vous enseignez, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. Il faut donc entendre dans un sens différent le royaume des cieux, là où nous rencontrons ces deux sortes de personnes, celui qui transgresse ce qu'il enseigne, et celui qui le pratique, l'un appelé le plus petit, et l'autre grand ; ce royaume c'est l'Église actuelle. Au contraire le royaume des cieux dans lequel n'entre que celui qui observe les commandements c'est l'Église telle qu'elle existera dans le siècle à venir.
Saint Augustin
Je ne sais si on pourrait trouver nommé une seule fois dans l'Ancien Testament ce royaume de Dieu dont il est si souvent question dans les discours du Seigneur. C'est une des révélations propres au Nouveau Testament, et cette révélation était réservée aux lèvres de ce roi dont l'Ancien Testament figurait l'empire sur ses serviteurs. Cette fin à laquelle doivent se rapporter les commandements demeurait voilée sous l'ancienne loi, bien que les Saints qui la voyaient révélée dans l'avenir, en faisaient dès lors la règle de toute leur vie.
La Glose
Ou bien encore ces paroles : « Si votre justice n'est plus abondante, » ne se rapportent pas à ce que prescrivait l'ancienne loi, mais à la manière dont les Scribes et les Pharisiens l'interprétaient.
Saint Augustin
Presque tous les préceptes que le Sauveur fait précéder de ces mots : « Mais moi, je vous dis, » se trouvent dans les livres de l'Ancien Testament ; mais comme les Pharisiens ne comprenaient sous la défense de l'homicide que le seul fait de la mort donnée au prochain, le Seigneur leur découvre que tout mouvement de haine qui tend à nuire à notre frère fait partie du péché d'homicide. C'est pourquoi il ajoute : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Vous ne tuerez pas. »
Saint Augustin
De ce qu'il est écrit : Vous ne tuerez pas, nous ne concluons pas que c'est un crime d'arracher un arbrisseau, erreur grossière des Manichéens ; nous n'appliquons pas non plus ce précepte aux animaux sans raison ; car en vertu de l'ordre plein de sagesse établi par le Créateur, leur vie comme leur mort sont soumises à nos besoins. C'est donc de l'homme qu'il faut entendre ces paroles : « Vous ne tuerez pas ; » vous ne tuerez pas un autre, vous ne vous tuerez pas vous-même ; car celui qui se donne la mort, que fait-il d'autre chose que de donner la mort à un homme ? N'allons pas voir non plus une violation de ce précepte dans la conduite de ceux qui ont fait la guerre par l'ordre de Dieu, ou qui dépositaires du pouvoir public ont usé de leur autorité pour prononcer contre des scélérats la juste sentence qui les condamnait à mort. Abraham lui-même qui voulut mettre à mort son fils pour obéir à Dieu, non-seulement n'est pas accusé de cruauté ; mais l'Écriture fait le plus grand éloge de sa foi et de sa religion. Il ne faut donc pas comprendre dans ce précepte ceux que Dieu commande de mettre à mort, ou par une loi générale, ou dans un cas particulier, par un ordre exprès et transitoire. On ne peut non plus considérer comme homicide celui qui prête son concours à l'exécution d'un ordre légitime, pas plus que celui qui donne son appui au magistrat qui porte le glaive ; et on ne peut excuser autrement Samson de s'être enseveli avec ses ennemis sous les ruines de la maison où il se trouvait, qu'en disant qu'il obéit en cela à l'inspiration secrète de l'Esprit qui avait opéré par lui tant de prodiges.
Saint Augustin
Il y a parmi les philosophes deux opinions sur les passions de l'âme. Les Stoïciens ne veulent pas qu'un sage puisse y être accessible ; les Péripatéciens admettent que le sage peut les éprouver, mais modérées toutefois et soumises à la raison, comme lorsque le sentiment de la compassion est tellement tempéré qu'il sauvegarde les droits de la justice.
Saint Augustin
D'après les principes de la doctrine chrétienne, il est moins question de savoir si une âme pieuse peut se livrer au sentiment de la colère ou de la tristesse, que de connaître la source de ces impressions.
Saint Jérôme
Dans quelques exemplaires, on lit ces mots : sans cause, mais dans les plus exacts, la pensée est claire, et la colère est tout à fait défendue, car s'il nous est ordonné de prier pour nos persécuteurs, quelle occasion nous reste-t-il de nous mettre en colère ? Il faut donc supprimer cette addition : « Sans cause, » car « la colère de l'homme n'opère pas la justice de Dieu. »
Saint Augustin
Nous disons encore qu'il faut considérer attentivement ce que c'est que la colère contre son frère, car ce n'est pas se mettre en colère contre son frère que de s'irriter du mal qu'il a commis. Celui-là donc se met en colère sans raison, qui s'emporte contre son frère et non contre le péché dont il s'est rendu coupable.
Saint Augustin
Aucun homme raisonnable ne blâmera qu'on se mette en colère contre son frère pour le ramener au bien. Ces mouvements qui sont produits par l'amour de la vertu et par la sainte charité ne doivent pas être considérés comme des vices, puisqu'ils sont conformes à la droite raison.
Saint Augustin
Dans cette première partie, il n'est question que d'une seule chose, de la colère ; dans la seconde, le Sauveur condamne à la fois la colère et les paroles qui en sont l'expression : « Celui, » continue-t-il, « qui dira à son frère : Raca, méritera d'être condamné par le conseil. » Il en est qui veulent tirer du grec l'étymologie de ce mot raca, et comme racos (''''') en grec signifie haillons, ils en concluent que ce mot veut dire : couvert de haillons. Mais il est plus probable que ce mot n'a aucune signification déterminée, et qu'il exprime simplement le mouvement d'une âme pleine d'indignation. Les grammairiens appellent ces sortes de mots interjections, comme lorsqu'un homme dans la douleur s'écrie : hélas !
Saint Jérôme
Ou bienraca est un mot hébreu qui signifie sans valeur, esprit vide et qui équivaut à cette expression injurieuse : sans cervelle que nous n'oserions employer. C'est avec intention qu'il ajoute : « Celui qui dira à son frère. » Car nul ne peut être notre frère sans avoir le même père que nous.
Saint Augustin
La troisième partie de ce précepte comprend trois choses, la colère, les paroles qui la manifestent, l'outrage qu'elles expriment : « Celui qui dira à son frère vous êtes un fou, sera passible du feu de l'enfer. »
Saint Augustin
Il y a donc divers degrés dans ces péchés que la colère nous fait commettre : le premier est de se mettre en colère, tout en comprimant le mouvement de la colère dans son coeur ; si l'agitation intérieure se trahit par une parole qui ne signifie rien, mais dont l'éclat seul atteste l'irritation de l'âme, il y a un degré de plus que dans la colère dont le mouvement est réprimé par le silence. Mais on est bien plus coupable encore si l'on s'emporte à des paroles évidemment outrageantes.
Saint Augustin
Voici donc trois degrés de culpabilité qui nous rendent passibles du jugement, du conseil, du feu de l'enfer, et par lesquels le Sauveur nous fait monter de ce qui est léger à ce qui est plus grave. Dans le jugement, en effet, on peut encore se défendre ; mais au conseil, il appartient de prononcer la sentence définitive, après que les juges ont conféré entre eux sur le châtiment qu'ils doivent infliger au coupable ; dans la géhenne du feu, la condamnation est certaine aussi bien que le châtiment de celui qui est condamné. On voit donc la différence qui existe entre la justice des pharisiens et celle de Jésus-Christ : d'un côté l'homicide seul rend passible du jugement, de l'autre il suffit d'un simple mouvement de colère qui est le plus faible des trois degrés dont nous avons parlé.
Rabanus Maurus
Par le mot de géhenne, le Sauveur veut exprimer ici les tourments de l'enfer. On croit que ce nom vient d'une vallée consacrée aux idoles, près de Jérusalem, qui était remplie de cadavres, et que Josias livra à la profanation, comme nous le lisons au livre des Rois (4 R 23, 10).
Saint Hilaire
Ou bien celui qui traite d'esprit vide son frère qui est rempli de l'Esprit saint, méritera d'être traduit devant le conseil des saints, qui, devenus ses juges, lui feront expier par une sentence sévère l'outrage qu'il a fait à l'Esprit saint.
Saint Augustin
On me demandera peut-être quel supplice plus grave est réservé à l'homicide, si le simple outrage est puni par le feu de l'enfer ; je répondrai qu'il faut admettre divers degrés dans les supplices de l'enfer.
Saint Augustin
Dans ces trois sentences, il faut faire attention aux mots qui sont sous-entendus. La première est complète et ne laisse rien à désirer : « Celui qui se met en colère » (sans cause selon quelques-uns) ; dans la seconde : « Celui qui dit à son frère : raca. » il faut sous-entendre sans cause ; et dans la troisième : « Celui qui dira : Vous êtes un insensé, » il faut sous-entendre : « à son frère et sans cause ? » C'est ainsi qu'on justifie l'Apôtre d'avoir appelé insensés (Ga 3, 3) les Galates qu'il nomme ses frères, parce qu'il ne l'a pas fait sans raison.
23Si donc tu viens présenter ton offrande à l'autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; et alors viens présenter ton offrande. 
Saint Augustin
S'il n'est pas permis de se mettre en colère contre son frère, ni de lui dire raca ou vous êtes un fou, à plus forte raison est-il défendu de conserver quelque chose contre lui dans son coeur, et de laisser changer en haine le premier mouvement d'indignation. Aussi le Sauveur ajoute : « Si vous présentez votre offrande à l'autel, et que vous vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous. »
Saint Jérôme
Il ne dit pas : « Si vous avez quelque chose contre votre frère, » mais « si votre frère a quelque chose contre vous, » pour vous montrer combien est sévère et pressante la nécessité de la réconciliation.
Saint Augustin
Notre frère a quelque chose contre nous, lorsque nous l'avons offensé ; nous avons quelque chose contre lui, lorsque nous sommes nous-mêmes les offensés. Dans ce dernier cas, nous n'avons pas à provoquer une réconciliation, vous n'irez pas en effet demander pardon à celui qui vous a outragé, il suffit que vous lui pardonniez, comme vous désirez que Dieu vous pardonne les fautes que vous avez commises.
Saint Grégoire le Grand
Dieu ne veut donc pas recevoir le sacrifice des chrétiens divisés entre eux. Jugez de là quel grand mal est la discorde, puisqu'elle force Dieu de rejeter le moyen qu'il nous a donné pour effacer nos péchés.
Saint Hilaire
La paix étant assurée avec le prochain, le Sauveur nous ordonne de reprendre l'oeuvre de la paix avec Dieu ; il veut que nous nous élevions de l'amour de nos frères jusqu'à l'amour de Dieu, et c'est pour cela qu'il ajoute : « Alors vous viendrez offrir votre don. »
Saint Augustin
Si cette recommandation doit être prise au littéral, on est fondé à croire qu'elle n'est possible qu'autant que notre frère est présent, car ce n'est pas une chose qu'on puisse traîner en longueur, puisqu'on vous commande de laisser votre offrande devant l'autel. Or, si cette pensée vous vient lorsque votre frère est absent, et ce qui peut arriver, au delà des mers, il serait absurde de croire qu'il faille laisser le sacrifice devant l'autel pour le continuer après avoir parcouru les terres et les mers. Nous sommes donc obligés de recourir au sens spirituel et caché de ces paroles pour échapper à une pareille absurdité. Ainsi nous pouvons entendre spirituellement l'autel de la foi, car quelque offrande que nous puissions faire à Dieu, science, prière ou toute autre chose, elle ne peut lui être agréable sans avoir la foi pour appui. Si donc vous vous êtes rendus coupables de quelque offense envers votre frère, il vous faut aller au-devant de la réconciliation, non par les pas du corps, mais par l'élan du coeur. C'est là que vous devez vous prosterner aux pieds de votre frère dans un profond sentiment d'humilité, en présence de celui à qui vous devez offrir votre sacrifice. C'est ainsi qu'agissant en toute sincérité, vous pourrez apaiser votre frère et lui demander votre pardon, comme s'il était présent. Vous reviendrez ensuite, c'est-à-dire vous ramènerez votre intention sur l'oeuvre que vous aviez commencée, et vous offrirez votre sacrifice.
25Accorde-toi au plus tôt avec ton adversaire, tant que tu es en chemin avec lui, de peur que l'adversaire ne te livre au juge, que le juge (ne te livre) à l'appariteur, et que tu ne sois jeté en prison.
Saint Hilaire
Le Seigneur ne veut pas qu'il y ait un seul instant de notre vie où ne nous professions un vif amour pour la paix. Il nous commande donc de nous réconcilier au plus tôt avec notre ennemi, tandis que nous sommes dans le chemin de la vie, afin de ne pas arriver au moment de la mort sans avoir fait la paix : « Accordez-vous promptement avec votre adversaire, nous dit-il, pendant que vous êtes en chemin avec lui, de peur que votre adversaire ne vous livre au juge. »
Saint Jérôme
Dans le grec, au lieu du mot consentiens (qui est d'accord), qui se trouve dans les exemplaires latins, ou lit : '''''', bienveillant.
Saint Augustin
Examinons quel est cet adversaire que Dieu nous ordonne de traiter en ami : c'est ou le démon, ou l'homme, ou la chair, ou Dieu, ou son commandement. Quant au démon, je ne vois pas comment nous serions obligés de lui témoigner de la bienveillance ou du bon accord ; car la bienveillance suppose l'amitié, et personne n'oserait dire que nous devions rechercher celle du démon. Nous serait-il plus avantageux de faire la paix avec celui à qui nous avons renoncé et déclaré par là même une guerre éternelle ? Enfin, aucun accord n'est possible avec celui qui ne nous a plongés dans tous nos malheurs que par l'union qui existait entre nous et lui.
Saint Jérôme
Il en est cependant qui prétendent que le Sauveur nous ordonne de nous montrer bienveillant pour le démon, en ne l'exposant point aux nouveaux supplices que Dieu lui inflige pour nous, disent-ils, toutes les fois que nous consentons à ses funestes inspirations. Quelques autres avancent avec plus de réserve que chacun de nous, en renonçant au démon dans le baptême, contracte un engagement avec lui. Si nous sommes fidèles à cet engagement, nous sommes, avec notre adversaire, dans les termes voulus de la bienveillance et du bon accord, et nous n'avons pas à craindre d'être jetés dans la prison.
Saint Augustin
Je ne vois pas non plus comment admettre que nous serons livrés à notre juge par un homme, alors que ce juge est le Christ devant le tribunal duquel nous devons tous comparaître. Comment cet homme pourrait-il vous remettre entre les mains de votre juge, lui qui doit comparaître lui-même devant son tribunal ? En supposant même qu'un homme devienne l'adversaire de son frère en lui donnant la mort, il ne lui est plus possible de faire la paix avec lui dans le chemin, c'est-à-dire pendant cette vie, et cependant le repentir pourra guérir son âme. Je comprends beaucoup moins encore qu'on nous ordonne de nous mettre d'accord avec la chair, car ce sont surtout les pécheurs qui vivent en parfait accord avec elle. Ceux, au contraire, qui la réduisent en servitude, ne s'accordent pas avec la chair, mais la forcent de s'accorder avec eux.
Saint Jérôme
Comment d'ailleurs la chair serait-elle condamnée à la prison pour avoir été en désaccord avec l'âme, puisque l'âme et la chair seront punies du même supplice, et que la chair ne fait qu'obéir aux ordres de l'âme.
Saint Augustin
Peut-être est-ce avec Dieu qu'il nous est ordonné de nous mettre d'accord, car le péché nous sépare de lui, et il devient notre adversaire en nous résistant, selon cette parole : Dieu résiste aux superbes (1 P 5 ; Jc 4, 6 ; Pv 3, 34). Tout homme donc qui, pendant cette vie, ne se sera pas réconcilié avec Dieu par la mort de son Fils, sera livré par lui au juge, c'est-à-dire au Fils à qui le Père a donné tout jugement. Mais comment peut-on dire avec quelque raison que l'homme se trouve dans le chemin avec Dieu, si ce n'est parce que Dieu est partout ? Éprouvons-nous quelque difficulté à dire que les impies sont avec Dieu, qui est partout, comme à dire que les aveugles sont avec la lumière qui les environne ? Il ne nous reste plus qu'à voir dans cet adversaire le commandement de Dieu, qui se montre contraire à ceux qui veulent pécher. Ce commandement nous a été donné pour nous diriger dans le chemin de la vie ; il ne faut point tarder à nous accorder avec lui, en le lisant, en l'écoutant avec attention, en lui donnant sur nous une souveraine autorité. Si nous comprenons en partie ce précepte, nous ne devons pas le haïr, parce qu'il est contraire à nos péchés, mais nous devons l'en aimer davantage, parce qu'il nous fait rentrer dans le devoir et prier Dieu de nous révéler ce qui lui reste d'obscur pour nous.
Saint Jérôme
Cependant les antécédents démontrent avec évidence, ce nous semble, que le Seigneur veut nous parler ici de l'union produite par la charité fraternelle, puisqu'il est dit plus haut : « Allez vous réconcilier avec votre frère. »
Saint Hilaire
Ou bien votre adversaire vous livrera au juge, parce que cette haine secrète que vous faites peser continuellement sur lui, sera votre accusateur devant Dieu.
Saint Augustin
Ce juge, à mon avis, c'est le Christ, car le Père a donné tout jugement au Fils. (Jn 5, 23.) Le ministre, c'est l'ange de la justice de Dieu ; « Et les anges, dit l'Évangéliste, le servaient. » (Mt 4.) Nous croyons en effet qu'au jour du jugement les anges formeront son cortège. Voilà pourquoi il ajoute : « Et que le juge ne vous livre au ministre. »
Saint Augustin
La prison, ce sont les peines des ténèbres, et, dans la crainte que vous ne méprisiez ce supplice, il ajoute : Je vous le dis en vérité, vous ne sortirez point de là que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole. »
Saint Jérôme
L'obole est une pièce de monnaie qui vaut environ deux liards, la plus petite espèce de monnaie, et ces paroles du Sauveur veulent dire : « Vous n'en sortirez pas que vous n'ayez expié vos fautes les plus légères. »
Saint Augustin
Ou bien Notre-Seigneur emploie ces expressions pour nous marquer que rien ne reste impuni ; c'est ainsi que nous disons d'une chose exigée jusqu'à la rigueur, qu'on a été jusqu'à la lie. Ou bien cette dernière obole signifie peut-être les péchés de la terre, car la terre est la quatrième et la dernière partie des éléments de ce monde. Ces paroles : « Que vous n'ayez payé » signifient la peine éternelle, et l'expression jusqu'à ce que doit être prise dans le même sens que dans cette autre phrase : « Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied ; » car il est évident que son règne ne cessera pas lorsque ses ennemis lui seront soumis. « Vous n'en sortirez pas que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole, » ce qui n'arrivera jamais, car on y paiera tout, jusqu'à la dernière obole, tant que dureront les peines éternelles dues aux péchés qui ont été commis sur la terre.
Saint Hilaire
La charité couvre la multitude des péchés ; nous paierons donc jusqu'à la dernière obole si, à l'aide de cette divine charité, nous n'acquittons pas les dettes de nos péchés.
26En vérité, je te le dis, tu n'en sortiras pas que tu n'aies payé le dernier sou. 27Vous avez appris qu'il a été dit : Tu ne commettras point d'adultère. 28Et moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle, dans son cœur. 
Saint Augustin
C'est-à-dire vous ne vous approcherez pas d'une autre que de votre épouse. Vous exigez de votre épouse qu'elle observe fidèlement cette loi et vous ne l'observeriez pas à son égard, vous qui devez lui être supérieur en vertus ? Il est honteux pour un homme de dire : Cela m'est impossible. Comment, ce que la femme peut faire, l'homme ne le pourrait pas ? Et ne dites pas : Je n'ai pas d'épouse, je vais trouver une courtisane, et je ne viole pas le précepte qui défend l'adultère ; car vous savez ce que vous valez, vous savez ce que vous mangez et ce que vous buvez, ou plutôt vous savez quel est celui qui devient votre nourriture et votre breuvage. Abstenez-vous donc de toute fornication. Par la fornication et par les débordements du libertinage, vous dégradez l'image de Dieu que vous portez en vous-même. Aussi le Seigneur qui sait ce qui vous est utile, vous commande de ne point laisser écrouler sous les coups dissolvants des voluptés criminelles son temple qu'il a commencé d'élever dans votre âme.
Saint Augustin
Mais comme les Pharisiens pensaient que la seule union charnelle avec la femme d'autrui était défendue sous le nom d'adultère, le Seigneur leur apprend que le désir seul de cette union était un véritable adultère : « Mais moi je vous dis que quiconque aura regardé une femme pour la convoiter a déjà commis l'adultère avec elle dans son coeur. Quant à ce commandement de la loi : « Vous ne désirerez pas la femme de votre prochain, » (Ex 20, 17 ; Dt 5, 21) les Juifs l'entendaient de l'enlèvement de la femme d'autrui, et non de l'union charnelle.
Saint Jérôme
Il y a cette différence entre la véritable passion et le premier mouvement qui la précède, que la passion est regardée comme un vice réel, tandis que ce premier mouvement, sans être entièrement innocent, n'a cependant pas un caractère aussi criminel. Celui donc qui, à la vue d'une femme, sent un mauvais désir effleurer son âme, éprouve les premières atteintes de la passion ; s'il donne son consentement, la passion naissante se change en passion consommée, et ce n'est pas la volonté de pécher qui manque à cet homme, c'est l'occasion. Ainsi, quiconque voit une femme pour la convoiter, c'est-à-dire la regarde dans l'intention de faire naître ce désir criminel et de chercher à l'accomplir a commis en toute vérité l'adultère dans son coeur.
Saint Augustin
Trois choses concourent à la consommation du péché, la suggestion, la délectation, le consentement. La suggestion vient de la mémoire ou des sens. Si l'on trouve du plaisir dans l'idée de la jouissance, il faut réprimer cette délectation criminelle ; si l'on y consent, le péché est complet. Cependant, avant le consentement, la délectation est nulle ou légère, c'est un péché d'y consentir lorsqu'elle est illicite ; si elle va jusqu'à la consommation de l'acte, il semble que la passion soit rassasiée et comme éteinte. Mais que la suggestion revienne de nouveau, la délectation renaît plus vive, bien qu'elle soit moindre que celle qui se change en habitude, et qu'il est très difficile de vaincre.
Saint Grégoire le Grand
Celui dont les yeux s'égarent sans précaution sur les objets extérieurs, tombe presque toujours dans la délectation du péché, et comme enchaîné par ses désirs, il finit par vouloir ce qu'il ne voulait pas. C'est de tout son poids, et il est bien lourd, que la chair nous entraîne vers les choses basses, et une fois que notre coeur est lié à cette image de la beauté que les yeux lui ont transmise, les plus grands efforts suffisent à peine pour l'en arracher. Il nous faut donc veiller sur nous, et songer que nous ne devons pas regarder ce qu'il nous est défendu de désirer. Voulons-nous conserver à notre coeur la pureté de ses pensées, détournons les yeux de toute image voluptueuse et sensuelle, sans quoi ils nous entraîneront infailliblement au crime.
29Si donc ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car mieux vaut pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. 
La Glose
Il ne suffit pas seulement d'éviter le péché, il faut encore en faire disparaître l'occasion ; aussi, après nous avoir enseigné à fuir non-seulement l'adultère consommé, mais encore l'adultère intérieur, le Seigneur nous enseigne à retrancher les occasions de péché, en ajoutant : « Si votre oeil droit vous scandalise. »
Saint Jérôme
Cet oeil droit, cette main droite, signifient donc l'affection que nous avons pour des frères, pour une épouse, pour des parents, pour des proches ; si elle devient pour nous un obstacle à la contemplation de la vraie lumière, nous devons retrancher ces parties si chères de nous-mêmes.
Saint Augustin
De même que l'oeil est la figure de la contemplation, la main est la figure de l'action. L'oeil est encore pour nous l'image d'un de nos amis les plus chers ; aussi ceux qui veulent exprimer vivement leur affection disent-ils : Je l'aime comme l'un de mes yeux. Cet ami dont l'oeil est la figure, est un ami de bon conseil, de même que l'oeil sert à nous indiquer le chemin. C'est l'oeil droit probablement, pour faire ressortir la force de l'amitié, car on craint bien davantage de perdre l'oeil droit. Peut-être aussi par l'oeil droit, faut-il entendre l'ami qui nous conseille dans l'ordre des choses divines, et par l'oeil gauche celui qui donne des conseils sur les choses de la terre. Le sens serait donc : Quel que soit celui que vous aimez à l'égal de votre oeil droit, s'il vous scandalise, c'est-à-dire s'il est pour vous un empêchement au véritable bonheur, arrachez-le et jetez-le loin de vous. Or il n'était pas nécessaire de parler de l'oeil gauche qui scandalise, après avoir dit qu'il ne faut pas épargner l'oeil droit. La main droite représente l'ami qui nous aide dans les oeuvres spirituelles, la main gauche celui qui nous prête son concours dans les choses de la vie présente.
Saint Hilaire
C'est donc ici un degré d'innocence plus parfait ; nous devons non-seulement nous abstenir de tout péché personnel, mais encore nous garantir de ceux qui peuvent se commettre autour de nous.
Saint Jérôme
Ou bien encore, comme le Sauveur parle plus haut du désir coupable que peut exciter la vue d'une femme, il prend ici l'oeil pour la pensée et le sentiment qui s'égarent sur divers objets ; la main droite et les autres parties du corps expriment les premiers mouvements de la volonté et de la passion.
La Glose
On peut dire encore que l'oeil droit c'est la vie contemplative qui peut devenir un objet de scandale soit en nous jetant dans la paresse ou dans l'orgueil, soit parce que notre faiblesse nous empêche de nous élever jusqu'à la pure vérité. La main droite figure les bonnes oeuvres ou la vie active qui peut nous scandaliser en nous faisant tomber dans le piége que nous tendent la fréquentation du monde et l'ennui des occupations. Que celui donc qui ne peut goûter le bienfait de la vie contemplative ne se laisse pas gagner par la langueur au milieu de la vie active, dans la crainte qu'en se livrant aux occupations extérieures, il laisse se dessécher la douceur intérieure de son âme.
Saint Rémi
Mais pourquoi faut-il arracher l'oeil droit ; pourquoi faut-il couper la main droite ? Le Sauveur nous en donne la raison. « Car il vaut mieux pour vous qu'un de vos membres périsse. »
30Et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi : car mieux vaut pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps tout entier n'aille pas dans la géhenne. 31Il a été dit aussi : Si quelqu'un répudie sa femme, qu'il lui donne un acte de répudiation. 
La Glose
Le Sauveur venait d'enseigner que l'on ne devait pas désirer la femme de son prochain ; il défend ici de renvoyer sa propre épouse : « Il a été dit : Quiconque renvoie son épouse doit lui délivrer un acte de répudiation, » etc.
Saint Jérôme
Plus tard le Sauveur expliquera plus à fond ce passage, en faisant voir que si Moïse a commandé aux maris à cause de la dureté de leur coeur de donner un acte de répudiation, ce n'est pas pour légitimer le divorce, mais pour prévenir l'homicide.
Saint Hilaire
Mais le Seigneur voulant assurer à tous les bienfaits de l'équité, veut qu'elle règne surtout dans l'union conjugale pour la paix des époux ; il ajoute donc : « Et moi, je vous dis que quiconque aura renvoyé son épouse, » etc.
Saint Augustin
Le commandement que fait ici le Seigneur de ne pas renvoyer son épouse, n'est pas contraire aux prescriptions de la loi, comme le prétendent les Manichéens, car la loi ne disait pas : Que celui qui le voudra renvoie son épouse (le contraire alors serait de ne pas la renvoyer). Loin de vouloir le renvoi de la femme par le mari, la loi apportait tous les retards possibles à cette mesure afin que les esprits trop prompts à vouloir le divorce fussent arrêtés par la nécessité de l'acte de répudiation, difficulté d'autant plus grande que chez les Juifs, il n'était permis de faire les actes en langue hébraïque, qu'aux seuls Scribes qui faisaient profession d'une sagesse plus parfaite (cf. Esd 7, 6.21). C'est donc aux Scribes que la loi renvoyait celui qui voulait se séparer de sa femme, en leur ordonnant de donner l'écrit de répudiation, dans l'espérance que leur entremise pacifique ramènerait la concorde entre les deux époux, et que l'acte de répudiation serait inutile, à moins que leurs mauvaises dispositions ne rendissent impossible tout moyen de réconciliation. Notre-Seigneur n'accomplit donc pas ici, en y ajoutant, la loi donnée aux premiers hommes ; il ne détruit pas davantage la loi donnée par Moïse, en lui opposant une loi contraire, comme le disent les Manichéens ; mais il confirme toutes les prescriptions de la loi hébraïque, et tout ce qu'il paraît y ajouter personnellement ne tend qu'à en expliquer les obscurités, ou bien à garantir plus sûrement l'observation de ses prescriptions.
Saint Augustin
En cherchant à entraver le renvoi de la femme, Notre-Seigneur a fait comprendre autant qu'il a pu aux hommes les plus durs, qu'il réprouvait le divorce. Pour confirmer ce principe que le renvoi lui-même ne doit pas avoir lieu facilement, il ne lui reconnaît qu'un seul motif, la seule cause de fornication : « Si ce n'est pour cause de fornication. » Quant aux autres peines du mariage, quelque multipliées qu'elles soient, il veut qu'on les supporte avec courage dans l'intérêt de la foi conjugale.
Saint Augustin
Plus loin Notre-Seigneur déclare également adultère l'homme qui prend la femme renvoyée par son mari, eût-elle un écrit de répudiation ; « celui : ajoute-t-il, qui prend la femme qui aura été renvoyée, devient adultère. »
Saint Augustin
L'Apôtre a déterminé les limites de ce précepte en déclarant qu'il a force de loi pendant toute la vie du mari (1 Co 7, 39) ; mais après sa mort, la femme recouvre le droit de se marier. S'il n'est pas permis à une femme de s'unir à un autre du vivant du mari qu'elle a quitté, combien plus lui est-il défendu d'entretenir avec n'importe qui un commerce criminel ? Ce n'est pas d'ailleurs enfreindre le précepte qui défend de renvoyer son épouse que de la garder chez soi en n'ayant avec elle que des relations toutes spirituelles ; car les mariages où la continence est gardée d'un mutuel accord sont les plus heureux. (chap. 16 ou 26.) Ici se présente une question : le Seigneur permet au mari de renvoyer son épouse pour cause de fornication ; que faut-il entendre par là ? Est-ce simplement la fornication dont on se rend coupable en se livrant à un commerce infâme ? Ou bien est-ce cette fornication plus générale que les Écritures appliquent à toute corruption criminelle de l'âme, comme l'avarice, l'idolâtrie, et toute transgression de la loi produite par la concupiscence qu'elle condamne ? Or si l'apôtre permet de renvoyer l'épouse infidèle, quoiqu'il soit mieux de ne pas le faire (1 Co 7), et que d'un autre côté le Seigneur n'admette d'autre cause de renvoi que la fornication, l'infidélité est donc une véritable fornication. Mais puisque l'infidélité est une fornication, l'idolâtrie une infidélité, et l'avarice une idolâtrie, nul doute que l'avarice elle-même ne soit une véritable fornication. Et si l'avarice est une fornication, qui pourra ôter à une concupiscence coupable, quelle qu'elle soit, le caractère de fornication ?
Saint Augustin
Je ne veux pas cependant que, dans une matière aussi difficile, le lecteur croie que l'examen que nous venons de faire de cette question doive lui suffire. En effet, tout péché n'est pas une fornication spirituelle, et Dieu ne perd pas tout homme qui l'offense, lui qui exauce tous les jours cette prière de ses Saints : « Pardonnez-nous nos offenses, » tandis qu'il perd celui qui se rend coupable de fornication à son égard (Ps 62, 27). Or est-il permis de renvoyer son épouse pour une fornication de ce genre ? C'est une question fort obscure : Quant à la fornication qui déshonore le corps il ne peut y avoir de difficulté.
Saint Augustin
Si l'on soutient que le Seigneur n'admet d'autre cause de répudiation que la fornication qui consiste dans l'union coupable des corps, on peut dire que cette défense s'applique aux deux époux, de sorte qu'il n'est permis à aucun des deux de se séparer de l'autre, si ce n'est pour cause d'adultère.
Saint Augustin
La permission que donne ici le Seigneur de renvoyer une épouse coupable d'adultère s'étend encore au renvoi qu'un mari fait de son épouse, au moment où il va être forcé de commettre un adultère : car alors il la renvoie pour cause de double fornication ; pour cause de fornication du côté de son épouse, parce qu'elle s'y est livrée ; pour cause de fornication de son côté, afin de s'en préserver lui-même.
Saint Augustin
Un mari peut renvoyer aussi légitimement une femme qui lui dirait : Je ne serai votre épouse qu'à la condition que vous m'enrichirez par le vol, ou qui exigerait des jouissances qui feraient le crime et le déshonneur de son mari. L'homme à qui sa femme tiendra un pareil langage n'hésitera pas, s'il est vraiment chrétien, à retrancher ce membre qui le scandalise.
Saint Augustin
Mais c'est une souveraine injustice pour un mari que de renvoyer sa femme pour cause de fornication s'il peut-être convaincu d'être lui-même un fornicateur ; car alors il est sous le coup de ces paroles : « En condamnant les autres, vous vous condamnez vous-même. » Quant à ces autres paroles du Sauveur : « Et celui qui épouse celle que son mari aura quittée commet un adultère, » on peut demander si cette femme est coupable d'adultère au même degré que celui qui l'épouse ; car l'Apôtre lui ordonne de rester sans se marier, ou de se réconcilier avec son mari ; si elle en reste séparée, elle doit demeurer libre de nouveaux liens. Or, il importe beaucoup de savoir si elle a quitté d'elle-même son mari, ou si elle en a été renvoyée. Si c'est elle-même qui s'est séparée de son mari et qu'elle en ait épousé un autre, elle paraît n'avoir agi que par le désir de contracter un second mariage, désir qui est un véritable adultère. Au contraire, a-t-elle été renvoyée par son mari, l'homme et la femme s'unissant d'un commun consentement, on ne voit pas même dans ce cas pourquoi l'un serait adultère, à l'exclusion de l'autre. Ajoutez que s'il y a péché d'adultère pour celui qui s'unit à la femme renvoyée par son mari, c'est elle-même qui le rend adultère, ce qui est formellement défendu par le Seigneur.
32Et moi, je vous dis : Quiconque répudie sa femme, hors le cas d'impudicité, fait qu'on sera adultère avec elle; et celui qui épouse une répudiée commet l'adultère. 33Vous avez encore appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments. 34Et moi, je vous dis de ne faire aucune sorte de serments : ni par le ciel, parce qu'il est le trône de Dieu; 35ni par la terre, parce qu'elle est l'escabeau de ses pieds; ni par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand Roi. 36Ne jure pas non plus par ta tête, parce que tu ne peux rendre blanc ou noir un seul de tes cheveux. 37Mais que votre parole soit : Oui, oui; non, non. Ce qui est en plus de cela vient du Malin. 
La Glose
Le Seigneur avait défendu précédemment toute injustice contre le prochain, la colère aussi bien que l'homicide, le désir en même temps que l'adultère, et le renvoi de l'épouse avec un acte de répudiation. Il défend maintenant toute injustice contre Dieu, en interdisant non-seulement le parjure comme un mal, mais encore le serment comme pouvant être occasion de péché : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : « Vous ne ferez pas de parjure. » On lit en effet dans le Lévitique (Lv 19, 12) : « Vous ne commettrez pas de parjure en mon nom, afin que les hommes ne fussent pas exposés à regarder les créatures comme des dieux. Dieu avait ordonné de faire tous les serments en son nom, et défendu de jurer par les créatures. C'est le sens de ces paroles : « Vous vous acquitterez envers le Seigneur des serments que vous avez faits ; » c'est-à-dire, s'il vous arrive de faire un serment, vous le ferez au nom du Créateur, et non pas au nom des créatures. C'est ce qui est écrit au Deutéronome (Dt 6, 13) : « Vous craindrez le Seigneur votre Dieu, et vous ne jurerez qu'en son nom. »
Saint Jérôme
La loi leur fit cette concession comme à un peuple encore dans l'enfance ; elle leur permit de jurer au nom de Dieu, par la même raison qu'ils devaient lui offrir des victimes pour éviter de les immoler aux idoles. Elle ne regardait pas ces serments comme une chose bonne par elle-même, mais elle aimait mieux qu'on les fit au nom de Dieu qu'au nom des idoles.
Saint Augustin
Comme le parjure est un péché grave, et qu'on y est beaucoup moins exposé en ne jurant pas du tout, qu'en ayant l'habitude d'affirmer la vérité sous serment, le Seigneur a mieux aimé que nous restions dans la vérité sans recourir au serment, que de nous exposer au parjure en jurant même selon la vérité. Aussi ajoute-t-il : « Pour moi je vous dis : Ne jurez pas du tout. » 
Saint Augustin
En cela il confirme la justice des Pharisiens qui condamnaient le parjure, car on ne se parjure pas quand on ne fait aucun serment. Mais comme jurer c'est prendre Dieu à témoin, il nous faut expliquer comment l'Apôtre n'a point enfreint ce précepte, lui que nous voyons souvent recourir à cette espèce de serment, par exemple : « Je prends Dieu à témoin que je ne vous mens point en tout ce que je vous écris ; » et encore : « Dieu m'en est témoin, lui que je sers en esprit. » Dira-t-on que le serment qui est défendu consiste à jurer directement par un être quelconque et que l'Apôtre ne jure ici en aucune façon, puisqu'il ne dit point : « Par Dieu, » mais simplement : « Dieu m'est témoin ? » Ce serait là une explication ridicule. D'ailleurs, on doit se rappeler que saint Paul a fait des serments même de cette sorte lorsqu'il a dit : « Je meurs tous les jours par votre gloire, mes frères. » (1 Co 15.) Et on ne peut interpréter ces paroles en ce sens : Votre gloire me fait tous les jours mourir, car les textes grecs prouvent à l'évidence que c'est là une véritable formule de serment.
Saint Augustin
Il y a dans les paroles de l'Écriture bien des choses que nous ne pouvons comprendre ; la vie des saints nous apprend alors comment nous devons entendre ces passages dont on pourrait facilement détourner le sens, si leurs exemples ne nous en donnaient la véritable signification. Ainsi l'Apôtre, en employant le serment dans ses Epîtres, nous apprend comment nous devons expliquer ces paroles : « Pour moi, je vous dis de ne pas jurer du tout, » dans la crainte qu'en employant le serment on n'y recoure avec trop de facilité, que cette facilité n'entraîne l'habitude, et que l'habitude ne fasse tomber dans le parjure. Aussi ne fait-il usage du serment qu'en écrivant, alors qu'une réflexion plus attentive met en garde contre la précipitation de la langue. Et cependant le Seigneur nous dit de ne point jurer du tout, et il n'a pas fait d'exception en faveur de ceux qui écrivent. Mais comme on ne peut sans crime accuser saint Paul de la violation d'un précepte divin, surtout dans des lettres écrites pour l'édification des peuples, il faut entendre cette expression « pas du tout » dans ce sens : « Autant qu'il vous sera possible. » Vous ne devez ni affecter ni désirer avec un certain plaisir de recourir au serment, comme s'il s'agissait d'une bonne action.
Saint Augustin
L'Apôtre fait usage du serment dans des épîtres où l'attention est plus scrupuleuse ; il ne faut donc pas croire que l'on pèche en jurant pour la vérité, mais comprendre qu'en nous abstenant du serment nous préservons plus sûrement notre fragilité du parjure.
Saint Jérôme
Remarquez enfin que le Sauveur n'a pas défendu de faire des serments au nom de Dieu, mais de jurer par le ciel, par la terre, par Jérusalem et par votre tête. On sait que les Juifs ont toujours eu cette détestable habitude de jurer par les éléments. Or, celui qui jure aime celui au nom duquel il fait serment, et les Juifs qui juraient par les anges, par la ville de Jérusalem, par le temple et par les éléments, rendaient à ces créatures l'honneur qui n'est dû qu'à Dieu, alors que dans la loi il est ordonné de ne jurer que par le nom du Seigneur notre Dieu.
Saint Augustin
Notre-Seigneur ajoute peut-être ces mots : « Ni par le ciel, » etc., parce que les Juifs ne regardaient pas comme obligatoires les serments qu'ils faisaient par les choses inanimées ; il leur dit donc : lorsque vous jurez par le ciel et par la terre, n'allez pas croire que vous n'êtes pas redevables à Dieu de vos serments, car vous avez évidemment juré par celui qui a le ciel pour trône et la terre pour marchepied. Ces expressions ne signifient pas évidemment que Dieu repose ses membres dans le ciel et sur la terre, comme lorsque nous nous asseyons nous-mêmes ; le trône de Dieu signifie le jugement de Dieu. Le ciel est sans contredit la plus grande partie de l'univers créé ; on dit donc que Dieu est assis dans les cieux comme s'il y manifestait sa présence par une plus grande magnificence, et qu'il foule la terre aux pieds parce qu'il l'a placée au dernier rang, comme la partie la moins brillante de la création. Dans le sens spirituel, le ciel signifie les âmes saintes, et la terre les pécheurs, parce que l'homme spirituel juge toutes choses (1 Co 2, 15) et que Dieu a dit au pécheur : « Tu es terre et tu retourneras en terre. » D'ailleurs, celui qui veut demeurer dans la loi est nécessairement soumis à la loi, et c'est avec raison qu'il est appelé : « L'escabeau de ses pieds. » Notre-Seigneur ajoute : « Ni par Jérusalem, parce qu'elle est la ville du grand Roi, » expression plus convenable que s'il avait dit : « La ville qui est à moi, » bien qu'il le dise en termes équivalents. Or, comme il est en même temps le Seigneur, c'est donc à lui qu'on est redevable des serments que l'on fait par Jérusalem. Il ajoute enfin : « Vous ne jurerez pas non plus par votre tête. » Que peut-on imaginer qui nous appartienne davantage que notre tête ? Mais comment serait-elle à nous, puisque nous n'avons pas le pouvoir d'en rendre un seul cheveu blanc ou noir ? C'est la raison que donne le Sauveur : « Parce que vous n'en pouvez faire un seul cheveu blanc ou noir. » Celui donc qui veut jurer par sa tête est redevable à Dieu de son serment et ainsi des autres serments de même nature.
Rabanus Maurus
Après avoir prohibé le serment, il nous enseigne comment nous devons nous exprimer : « Que votre discours soit : Cela est, cela est, cela n'est pas, cela n'est pas ; » c'est-à-dire, il suffit de dire d'une chose qui est, cela est ; et cela n'est pas, d'une chose qui n'est pas. Peut-être l'affirmation et la négation sont-elles répétées ici deux fois pour nous apprendre à prouver par nos oeuvres la vérité de ce que notre bouche affirme, et à ne point confirmer par nos actes ce que nos paroles auraient nié.
Saint Hilaire
Ou bien encore, il n'est nul besoin de serment pour ceux qui vivent dans la simplicité de la foi, car avec eux, ce qui est est toujours vrai et ce qui ne l'est pas ne l'est pas, et ainsi tout en eux, parole et action est dans la vérité.
Saint Jérôme
La vérité évangélique n'admet donc pas de serment, puisque toute parole d'un chrétien équivaut à un serment.
Saint Augustin
Aussi celui qui comprend que la vérité seule ne suffit pas pour légitimer l'usage du serment, s'il n'est d'ailleurs nécessaire, doit s'imposer un frein pour n'y recourir que dans le cas de nécessité, lorsqu'il voit par exemple des hommes peu disposés à croire des choses qui leur sont utiles, si on ne les affirme sous le serment. Ce qui est bien, ce qui est désirable est exprimé par ces mots : « Contentez-vous de dire : Cela est, cela est, ou cela n'est pas, cela n'est pas, ce qui est de plus vient du mal ; » c'est-à-dire que la nécessité où vous êtes de jurer vient de la faiblesse de ceux que vous voulez persuader, faiblesse qui est un mal. Aussi le Sauveur ne dit pas : « Ce qui est au delà est mal, » car vous ne faites point mal en faisant usage du serment pour persuader à un autre ce qu'il lui importe de savoir, mais « cela vient du mal, » c'est-à-dire de la mauvaise disposition de cet homme dont la faiblesse vous force de recourir au serment. 

Commentaires

Formulaire de contact

Nom

Courriel *

Message *