Jean Baptiste et Jésus (Mt 11, 2-11)

Jean Baptiste et Jésus (Mt 11, 2-11)


2Jean, dans sa prison, ayant entendu parler des œuvres du Christ, lui envoya dire par ses disciples : 3" Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? " 4Jésus leur répondit : " Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : 5les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. 6Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute ! " 
La Glose
L'Évangéliste vient d'exposer comment Notre-Seigneur, par ses miracles et par sa doctrine, avait instruit ses disciples aussi bien que le peuple ; il nous apprend maintenant comment ces enseignements parvinrent jusqu'aux disciples de Jean, qui paraissaient avoir quelque jalousie contre le Christ. " Or Jean ayant appris dans la prison, " etc.
Saint Grégoire le Grand
Il nous faut rechercher pourquoi Jean-Baptiste, prophète et plus que prophète, qui avait fait connaître le Sauveur, lorsqu'il vint se faire baptiser, en lui rendant ce témoignage : " Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde, " envoie de la prison où il est enfermé ses disciples pour demander : " Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? " Il semble ignorer celui qu'il a lui-même manifesté au peuple, et ne pas connaître le Sauveur qu'il a proclamé si hautement dans ses prédictions, lors de son baptême, et quand il le voyait venir à lui.
Saint Ambroise
Il en est qui expliquent cette difficulté en disant que Jean était un grand prophète qui connut le Christ, et annonça la rémission future des péchés ; mais qu'en prédisant sa venue comme un saint prophète, il n'avait pas cru qu'il devait être soumis à la mort. Ce n'est donc pas sa foi qui doute, mais sa piété ; et saint Pierre lui-même partagea ce doute lorsqu'il dit au Sauveur : " Épargnez-vous, Seigneur, cela ne vous arrivera pas. " (Mt 16, 11)
Saint Jean Chrysostome
Mais cette explication n'est pas fondée, car Jean ne pouvait pas ignorer même cette circonstance, puisque c'est la première chose à laquelle il a rendu témoignage par ces paroles : " Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde. " En lui donnant le nom d'Agneau, il dévoile le mystère de la croix, puisque ce n'est que par la croix qu'il a effacé les péchés du monde. Comment d'ailleurs serait-il plus qu'un prophète s'il ignorait ce que les prophètes eux-mêmes ont connu et annoncé ? En effet Isaïe n'a-t-il pas dit (Is 53) : " Il a été conduit à la mort comme une brebis ? "
Saint Grégoire le Grand
On peut donner à cette question une solution différente en réfléchissant sur le temps où ce fait s'est passé. Sur les bords du Jourdain, Jean-Baptiste a déclaré que Jésus était le rédempteur du monde ; mais dans sa prison il envoie demander s'il doit venir. Ce n'est pas qu'il doute que Jésus soit le Rédempteur promis, mais il demande si celui qui est venu sur la terre en se faisant annoncer par lui, suivra le même ordre pour descendre dans les enfers.
Saint Jérôme
C'est pour cela qu'il ne dit pas : " Est-ce vous qui êtes venu ? " mais : " Est-ce vous qui viendrez ? " Et tel est le sens de ces paroles : Faites-moi savoir, à moi qui dois descendre aux enfers, si je dois aussi vous y annoncer, ou si vous devez confier ce ministère à un autre.
Saint Jean Chrysostome
Mais comment cette opinion même peut-elle être soutenue ? Car pourquoi Jean n'a-t-il pas dit : " Est-ce vous qui devez venir dans les enfers ? " mais dit-il simplement : " Qui devez venir ? " D'ailleurs n'est-il pas ridicule qu'il ait demandé s'il devait en allant dans les enfers l'annoncer dans ce lieu ? La vie présente seule est le temps de la grâce, et après la mort il ne reste que le jugement et la peine ; quel besoin donc d'envoyer un précurseur en ce lieu ? Mais encore, si les infidèles pouvaient être sauvés par la foi après leur mort, aucun d'eux ne périrait ; car tous alors se repentiront et adoreront le Fils de Dieu, puisqu'alors tout genou fléchira devant lui, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers.
La Glose
Remarquons que saint Jérôme et saint Grégoire n'ont pas dit que Jean-Baptiste devait annoncer la venue du Christ dans les enfers pour convertir à la foi un certain nombre de ceux qui ne croient pas en lui, mais pour consoler par l'espérance de son avènement prochain les justes qui s'y trouvaient en attendant la venue du Christ.
Saint Hilaire
Il est cependant certain que l'erreur ne s'est point mêlée à cette connaissance parfaite qu'avait saint Jean, lui qui avait annoncé comme précurseur la venue du Messie, qui comme prophète le reconnut au milieu de la foule, et comme confesseur, rendit hommage au Sauveur qui venait à lui. On ne peut admettre que la grâce de l'Esprit saint lui ait fait défaut dans la prison, alors que plus tard l'apôtre devait répandre la lumière de sa puissance sur ceux qui partageaient ses fers.
Saint Jérôme
Ce n'est point par ignorance qu'il interroge, mais de la même manière que le Sauveur demandait en quel endroit le corps de Lazare avait été déposé, afin de préparer ainsi à la foi ceux qui lui indiquaient le lieu de sa sépulture, et de les rendre témoins de la résurrection d'un mort. C'est ainsi que Jean-Baptiste, sur le point d'être mis à mort par Hérode, envoie ses disciples à Jésus-Christ, pour qu'ils aient occasion de voir ses miracles et ses prodiges, et qu'ils puissent croire en lui, et s'instruire eux-mêmes en l'interrogeant au nom de leur maître. Que les disciples de Jean aient nourri quelque sentiment d'envie contre le Christ, la question qu'ils lui ont faite précédemment le démontre suffisamment. " Pourquoi les Pharisiens et nous jeûnons-nous souvent, tandis que vos disciples ne jeûnent pas ? " (Mt 9.) 
Saint Jean Chrysostome
Tant que Jean-Baptiste était avec eux, il leur parlait sans cesse du Christ, c'est-à-dire qu'il leur recommandait de croire en lui ; mais sentant sa mort prochaine, il redouble de zèle, car il craint de laisser dans ses disciples un levain de dangereuse erreur, et il redoute qu'ils ne demeurent éloignés de Jésus-Christ, à l'école duquel il a voulu les renvoyer tous dès le commencement. S'il leur avait dit : Allez à lui, parce qu'il est bien au-dessus de moi, il ne les aurait pas persuadés ; ils auraient cru qu'il parlait ainsi par un profond sentiment d'humilité, et ils lui seraient restés plus attachés qu'auparavant. Que fait-il donc ? Il attend que ses disciples viennent lui rapporter eux-mêmes que le Christ fait des miracles ; et parmi eux tous il n'en envoie que deux qu'il regardait peut-être comme plus faciles à être convaincus. Il les envoie afin que sa demande ne prête à aucun soupçon et qu'ils apprennent par les faits eux-mêmes la distance qui les sépare de Jésus-Christ.
Saint Hilaire
Jean-Baptiste n'agit donc pas ici pour éclairer son ignorance, mais pour dissiper celle de ses disciples ; il les envoie considérer les oeuvres de Jésus afin de leur apprendre qu'il n'en a point annoncé un autre que lui, que ses prodiges donnent une nouvelle autorité à ses paroles, et qu'ils n'attendent pas un autre Christ que celui qui avait pour lui le témoignage des oeuvres.
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui connaissait la pensée de Jean, ne dit pas " C'est moi ; " car cette réponse aurait indisposé ceux qui l'entendaient ; ils auraient pu penser, quand ils ne l'auraient pas dit, ce que les Juifs lui objectèrent plus tard : " Vous vous rendez donc témoignage à vous-même ? " Il veut donc les instruire à l'école de ses miracles, pour donner ainsi à sa doctrine une autorité plus éclatante et plus irrécusable ; car le témoignage des oeuvres est plus digne de foi que le témoignage des paroles. Il guérit donc sous leurs yeux des aveugles, des boiteux, et beaucoup d'autres malades, non pour l'enseignement de Jean-Baptiste, qui n'en avait pas besoin, mais pour l'instruction de ses disciples qui étaient dans le doute. " Et Jésus leur répondit : Allez, rapportez à Jean ce que vous avez entendu, et ce que vous avez vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. "
Saint Jérôme
Ce dernier trait n'est pas inférieur à ceux qui précèdent ; les pauvres évangélisés sont ou les pauvres d'esprit, ou ceux qui sont pauvres des biens de la terre ; ainsi la prédication ne met aucune différence entre la noblesse et l'obscurité de la condition, entre les riches et les pauvres ; et c'est là une preuve de la rigoureuse justice du maître, et de la vérité de ce divin précepteur : tous ceux qui peuvent être sauvés sont égaux à ses yeux.
Saint Jean Chrysostome
Ce qu'il ajoute : " Et heureux est celui qui ne prendra pas de moi un sujet de scandale, " tombe sur les envoyés qui étaient scandalisés à son sujet ; Notre-Seigneur ne dévoile pas leurs doutes intérieurs, il les abandonne au jugement de leur conscience, et leur adresse ce reproche indirect.
Saint Hilaire
En disant : Bienheureux celui qui ne prendra point de lui un sujet de scandale, il montre l'écueil contre lequel Jean a voulu les prémunir, car il n'a envoyé ses disciples vers le Christ que dans la crainte qu'ils ne fussent scandalisés à son sujet.
Saint Grégoire le Grand
Jésus-Christ a été pour les infidèles un grand sujet de scandale lorsqu'après tant de miracles, ils le virent expirer sur la croix ; c'est ce que saint Paul exprime lorsqu'il dit : " Nous prêchons Jésus-Christ crucifié, qui est un scandale pour les Juifs. " (1 Co 1) Que signifient donc ces paroles : Heureux est celui qui n'aura pas été scandalisé à mon sujet, si elles ne sont une déclaration manifeste de l'ignominie et des humiliations de sa mort ? N'est-ce pas comme s'il disait clairement à Jean-Baptiste : Je fais des choses admirables, mais je ne rougis pas d'en souffrir d'ignominieuses, et puisque ma mort doit suivre la vôtre, il faut que les hommes se gardent de la mépriser, après avoir admiré les prodiges que j'ai opérés ?
Saint Hilaire
Le sens mystique nous offre encore une intelligence plus large de ce fait de la vie de Jean-Baptiste. C'est que comme prophète, et par la nature même de sa mission prophétique, il annonce que la loi est pour ainsi dire ensevelie dans sa personne. La loi, en effet, avait annoncé Jésus-Christ, prêché la rémission des péchés, promis le royaume des cieux, et Jean avait accompli toute cette oeuvre de la loi. Au moment donc où cesse la loi qui, retenue captive par les péchés du peuple, était comme chargée de chaînes, renfermée dans un cachot, et ne pouvait par conséquent reconnaître le Christ, elle envoie considérer le spectacle que présente l'Évangile, afin que l'incrédulité soit forcée de reconnaître la vérité de la doctrine dans la vérité des faits.
Saint Ambroise
On peut voir aussi dans ces deux disciples les cieux peuples, les Juifs fidèles et les Gentils. 
7Comme ils s'en allaient, Jésus se mit à dire aux foules au sujet de Jean : 8" Qu'êtes-vous allés voir au désert? Un roseau agité par le vent? Qu'êtes-vous donc aller voir? Un homme vêtus d'(habits) somptueux? Mais ceux qui portent des (habits) somptueux se trouvent dans les demeures des rois. 9Mais qu'êtes-vous allés (voir)? Voir un prophète? Oui, vous dis-je, et plus qu'un prophète. 10C'est celui dont il est écrit : Voici que j'envoie mon messager en avant de vous, pour vous préparer la voie devant vous. 
Saint Jean Chrysostome
C'en était assez pour les disciples de Jean, et ils se retirèrent convaincus par les miracles opérés sous leurs yeux que Jésus était le Christ ; mais il fallait guérir les esprits de la multitude qui ne connaissait pas l'intention de Jean-Baptiste, et pour qui la question de ses disciples avait soulevé plus d'une difficulté. Car elle pouvait dire : Celui qui a rendu un si glorieux témoignage au Christ a-t-il donc changé de sentiment et doute-t-il aujourd'hui qu'il soit le Messie ? Est-ce par un esprit d'opposition à Jésus qu'il lui fait adresser cette question ? La prison aurait-elle affaibli sa grande âme ? Est-ce que les premiers témoignages n'étaient que de vaines paroles ?
Saint Hilaire
Afin donc qu'on ne pût appliquer à Jean-Baptiste ce qu'il venait de dire, comme si le saint précurseur eût été scandalisé au sujet de Jésus-Christ, l'Évangéliste ajoute : " Lorsqu'ils s'en furent allés, Jésus commença à parler de Jean aux peuples. "
Saint Jean Chrysostome
Il attend que les disciples de Jean soient partis, pour qu'on ne l'accuse pas de flatterie à son égard ; il redresse les idées de la multitude sans dévoiler leurs soupçons, et en leur donnant simplement la solution de leurs difficultés, et il fait naître des doutes dans leur âme en leur montrant qu'il connaît les secrets de leur coeur. Cependant il ne leur dit pas comme aux Juifs : " Pourquoi pensez-vous le mal dans vos coeurs ? " Car s'ils pensaient le mal, c'était par ignorance, et non par méchanceté. Aussi ne les reprend-il pas avec sévérité, il se contente de justifier Jean, en leur montrant qu'il n'a point perdu ses droits à la haute opinion qu'ils avaient de lui. C'est ce qu'il fait, et par le témoignage qu'il lui rend et par celui de la multitude elle-même, dont il invoque non-seulement le témoignage verbal, mais le témoignage de la conduite ; c'est pour cela qu'il leur dit : " Qu'avez-vous été voir dans le désert ? " c'est-à-dire : " Pourquoi avez vous abandonné vos cités et vous êtes-vous réunis dans le désert ? " Car une multitude si nombreuse ne se serait pas rendue dans le désert avec un si grand empressement, si elle n'avait cru y rencontrer un personnage important, extraordinaire et plus ferme qu'un rocher. 
La Glose
Ce n'est pas qu'ils fussent venus alors dans le désert pour y voir Jean-Baptiste, puisqu'il était en prison ; mais le Sauveur leur rappelle ce qu'ils avaient fait autrefois, lorsqu'ils allaient fréquemment dans le désert pour y voir Jean-Baptiste qui s'y trouvait encore.
Saint Jean Chrysostome
Et voyez comment, sans s'arrêter à justifier Jean-Baptiste de tout autre défaut, il éloigne de lui le reproche de légèreté que le peuple pouvait lui faire intérieurement en leur disant : " Est-ce un roseau agité par le vent ? "
Saint Grégoire le Grand
Ce n'est point ici une affirmation, mais une interrogation ; le roseau, aussitôt qu'il est effleuré par le moindre vent, plie de l'autre côté, image de l'âme charnelle qui plie tour à tour sous le vent de la faveur ou de la contradiction des langues. Jean n'était donc pas un roseau agité par le vent, car aucune vicissitude des choses humaines ne pouvait faire fléchir la droiture de sa conduite. Voici donc le sens de ces paroles du Seigneur
Saint Jérôme
Avez-vous été dans le désert pour voir un homme semblable à un roseau tour à tour agité par tous les vents, et dont l'esprit léger douterait maintenant de celui auquel il a rendu un éclatant témoignage ? Est-ce que peut-être l'aiguillon de l'envie l'exciterait contre moi, est-ce qu'il poursuivrait la vaine gloire dans ses prédications ? Chercherait-il à en tirer profit ? Pourquoi désirerait-il les richesses ? pour s'asseoir à des tables splendidement servies ? Mais il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage ; Est-ce pour se vêtir avec mollesse ? son vêtement est fait avec des poils de chameau ; et c'est pour cela que le Sauveur ajoute : " Mais qu'êtes-vous allés voir ? un homme vêtu mollement ? "
Saint Jean Chrysostome
Ou bien dans un autre sens, en allant dans le désert, vous avez prouvé par votre empressement que Jean n'était pas semblable à un roseau mobile. Et on ne peut dire que Jean, ferme et inébranlable de sa nature, est devenu inconstant en s'abandonnant à une vie de plaisirs ; car de même qu'un homme est naturellement colère, et qu'un autre le devient par suite de longues souffrances, ainsi il en est qui sont inconstants par nature, et d'autres qui le deviennent en se livrant à leurs passions. Or, Jean-Baptiste n'était pas inconstant par nature, et c'est pour cela que le Sauveur leur fait cette question : " Êtes-vous allés voir un roseau agité par le vent ? Ce n'est pas non plus en devenant l'esclave de la volupté qu'il a perdu cette élévation de caractère : le désert qu'il habitait, la prison où il est renfermé prouvent le contraire. S'il avait voulu se vêtir avec mollesse, il n'eût pas choisi pour habitation le désert, mais les palais des rois, car : " Ceux qui sont vêtus mollement, sont dans la maison des rois. "
Saint Jérôme
Apprenons ici que la vie austère et la sévérité de la prédication doivent fuir les cours des rois et éviter les palais des hommes livrés à la mollesse.
Saint Grégoire le Grand
Que personne ne s'imagine que la recherche des vêtements riches et précieux puisse être exempte de pêché ; car s'il en était ainsi, Notre-Seigneur n'aurait point loué Jean-Baptiste de porter un vêtement grossier, et saint Pierre n'aurait pas combattu dans les femmes l'amour des vêtements somptueux par ces paroles : " Ne recherchez pas les habits précieux. "
Saint Augustin
Cependant, ce n'est pas dans l'usage qu'on fait de toutes ces choses, mais dans l'excès et l'attachement immodéré de celui qui en use que se trouve le péché. Par conséquent, si l'on se conduit à cet égard avec plus de parcimonie que ne le comportent les usages des personnes au milieu desquelles on vit, c'est retenue excessive ou crainte superstitieuse ; mais si l'on dépasse en cela les limites posées par la coutume des personnes vertueuses, c'est mauvais signe, c'est dérèglement.
Saint Jean Chrysostome
Après avoir donné comme preuve de la vertu du saint précurseur, le lieu qu'il habitait, ses vêtements, et le concours du peuple, il le leur présente comme un prophète : " Qu'êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète.
Saint Grégoire le Grand
Le ministère du prophète c'est de prédire les choses à venir, et non de les montrer ; donc Jean-Baptiste est plus qu'un prophète, car il annonçait comme présent, celui qu'il avait prédit en sa qualité de précurseur.
Saint Jérôme
C'est par là qu'il était plus grand que les autres prophètes, et aussi parce qu'aux privilèges de la dignité de prophète il joignit la gloire de baptiser son Seigneur.
Saint Jean Chrysostome
Jésus fait voir ensuite en quoi il est supérieur aux autres, en ajoutant : " C'est de lui qu'il est écrit : Voici que j'envoie mon ange devant votre face. "
Saint Jérôme
Pour relever le mérite de Jean-Baptiste, il emprunte le témoignage de Malachie qui l'avait annoncé comme un ange. Or, le nom d'ange est donné ici à Jean-Baptiste, non pas qu'il ait eu avec eux une même nature, mais parce qu'il a rempli le même ministère, c'est-à-dire celui de messager, en annonçant le Sauveur qui devait venir.
Saint Grégoire le Grand
En grec, le mot ange correspond au mot latin messager : c'est donc avec raison que celui qui venait apporter à la terre un message des cieux reçoit le nom d'ange et qu'il porte ce titre glorieux que justifient ses oeuvres.
Saint Jean Chrysostome
Il montre donc en quoi Jean-Baptiste est plus grand que les prophètes, c'est parce qu'il a eu l'honneur d'être près du Christ. Ces paroles : " Devant votre face, " signifient auprès de vous. Car de même que ceux qui marchent auprès du char du roi sont les seigneurs les plus distingués de sa cour, ainsi Jean reçut un nouvel éclat de la présence du Christ.
La Glose
Ajoutons enfin que les autres prophètes ont eu pour mission d'annoncer l'avènement du Christ, et Jean-Baptiste de lui préparer les voies, et c'est pour cela qu'il est écrit : " Il vous préparera la voie où vous devez marcher, " c'est-à-dire qu'il vous rendra les coeurs accessibles en leur prêchant la pénitence et en leur donnant le baptême.
Saint Hilaire
Dans le sens mystique, le désert est le lieu qui est privé de la présence de l'Esprit saint, et que Dieu n'habite en aucune façon. Le roseau c'est l'homme tout resplendissant de la gloire du monde, c'est-à-dire par la futilité de sa vie, mais qui ne porte en lui-même aucun fruit de vérité ; ses dehors sont agréables, mais il est nul à l'intérieur ; le moindre vent, c'est-à-dire le moindre souffle des esprits immondes l'agite, il n'a aucune consistance, aucune fermeté, aucune force intérieure. Le vêtement représente le corps dont l'âme est revêtue, que le luxe et la volupté amollissent ; les rois sont l'image des anges prévaricateurs, car ils sont les puissants du Siècle et les maîtres du monde. Ceux donc qui sont vêtus avec mollesse habitent dans la maison des rois, c'est-à-dire que ceux dont le corps est amolli et a perdu sa force au sein des voluptés deviennent l'habitation des démons.
Saint Grégoire le Grand
On peut dire encore que Jean ne fut pas vêtu avec mollesse, parce qu'il n'a point encouragé par un langage flatteur les vices des pécheurs, mais qu'il les a pressés de ses réprimandes énergiques et de ses reproches les plus sévères, jusqu'à les appeler : " Race de vipères. " (Mt 3) 
11En vérité, je vous le dis, parmi les fils de la femme, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste; mais le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. 
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur ne se contente pas de faire l'éloge de Jean-Baptiste, en rappelant le témoignage que lui rend le prophète, il fait connaître la haute opinion qu'il a personnellement de lui en disant : " Je vous le dis en vérité, il n'y en a point eu de plus grand, " etc.
Rabanus Maurus
Pourquoi semble-t-il dire, faire un éloge détaillé de Jean-Baptiste : " Je vous le dis en vérité, entre ceux qui sont nés des femmes, " etc. Il dit : Entre les enfants des femmes, et non des vierges. Le mot femmes exprime dans le sens propre celles qui n'ont plus leur virginité. Si Marie est quelquefois appelée femme dans l'Évangile, il faut se rappeler que cette expression n'est employée que pour désigner son sexe, comme dans ce passage : " Femme, voici votre fils. "
Saint Jérôme
Notre-Seigneur élève donc Jean-Baptiste au-dessus des hommes qui sont nés des femmes et de leur union avec l'homme ; mais non pas au-dessus de celui qui est né de la Vierge et de l'Esprit saint. D'ailleurs, en disant : " Nul d'entre les enfants des femmes n'a été plus grand que Jean-Baptiste, " il ne le place pas précisément au-dessus des patriarches, des prophètes, et des autres hommes, mais il les met simplement sur le même rang ; car de ce que les autres ne sont pas plus grands que lui, il ne s'ensuit pas qu'il soit plus grand qu'eux.
Saint Jean Chrysostome
Mais comme la justice est si élevée, qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse en atteindre la perfection, je pense que les saints, aux yeux si pénétrants du souverain juge, sont dans un degré plus ou moins élevé les uns que les autres, et nous devons en conclure que celui au-dessus duquel il n'y en a point de plus grand est lui-même plus grand que tous les autres.
Saint Jean Chrysostome
Mais de peur que cette surabondance de louanges n'entraînât quelque inconvénient pour les Juifs, qui avaient de Jean-Baptiste une plus haute estime que de Jésus-Christ, le Sauveur prévient toute impression fâcheuse en ajoutant : " Mais celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. "
Saint Augustin
Les hérétiques, en raisonnant sur ce texte, veulent en conclure que Jean-Baptiste n'appartient pas au royaume des cieux, et encore moins les prophètes de ce peuple, auxquels Jean-Baptiste est supérieur. Or, ces paroles de Notre-Seigneur peuvent s'entendre de deux manières : ou bien ce royaume des cieux, c'est celui dont nous ne sommes pas encore en possession, et dont Notre-Seigneur doit dire à la fin du monde : " Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume, " etc., et comme les anges sont les habitants de ce royaume, le moindre d'entre eux est plus grand que le juste, qui, sur cette terre, porte un corps sujet à la corruption. Ou bien, si par le royaume des cieux il a voulu signifier 1'Église, dont tous les justes qui ont existé depuis la naissance du genre humain sont les enfants, c'est de lui-même qu'il a voulu parler, car il était au-dessous de Jean par son âge, et il lui était supérieur par son éternité divine et par sa puissance souveraine. Dans le premier sens, il faut donc diviser ainsi la phrase : " Celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux, " et ensuite : " Est plus grand que lui ; " et dans le second sens : " Celui qui est le plus petit, " et puis : " Est plus grand que lui dans le royaume des cieux. "
Saint Jean Chrysostome
Dans le royaume des cieux, " c'est-à-dire dans toutes les choses spirituelles et célestes. Il en est qui pensent que Jésus-Christ a voulu parler ici de ses Apôtres.
Saint Jérôme
Pour nous, nous entendons tout simplement ces paroles, en ce sens, que tout homme juste qui est déjà réuni au Seigneur, est plus grand que celui qui se trouve encore au milieu des combats ; car il y a une grande différence entre celui qui a déjà reçu la couronne de la victoire, et celui qui soutient encore sur le champ de bataille tous les efforts de ses ennemis. 

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